« Il faudra bien réfléchir avant d’adjoindre au CSA un haut conseil agissant “au nom de la science” »

/il-faudra-bien-reflechir-avant-d-adjoin

  • « Il faudra bien réfléchir avant d’adjoindre au CSA un haut conseil agissant “au nom de la science” »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/06/il-faudra-bien-reflechir-avant-d-adjoindre-au-csa-un-haut-conseil-agissant-a

    Chronique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rendu, le 1er juillet, son avis sur le dossier glyphosate d’« Envoyé spécial », diffusé par France 2 le 17 janvier 2019. Il n’a rien à reprocher au magazine, malgré la virulence des critiques formulées à son endroit – souvent sur la foi de faits imaginaires. Insatisfaits, certains ont aussitôt dénoncé un manque de jugement du CSA et réactivent cette vieille idée des académies : attacher au gendarme de l’audiovisuel un haut conseil à la science, une sorte de « ministère de la vérité scientifique ». Il faudra, dans ce cas, bien choisir les « ministres ».

    Au cours des derniers mois, L’Actualité chimique (la revue de la société savante des chimistes français) a, par exemple, publié plusieurs chroniques climatosceptiques – l’une allant jusqu’à mettre sur un pied de quasi-égalité le mouvement antivaccinal et la mobilisation contre le réchauffement. En mai, sous les protestations, la publication a retiré l’un des textes litigieux.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le glyphosate et deux insecticides accusés d’augmenter les risques de lymphomes

    Ce genre de situation n’a rien d’exceptionnel. Un regard rétrospectif sur la manière dont s’est propagée la vulgate climatosceptique ces dernières années suggère que ce sont des scientifiques, bien plus que des journalistes, qui en ont été les principaux moteurs. Sur le réchauffement, les tribunes ou les ouvrages les plus trompeurs ont été publiés sous d’éminentes signatures issues des sciences économiques, de la géologie, de la géographie, de la microbiologie, de la physique des semi-conducteurs, des mathématiques, de la chimie… Forts de leurs titres académiques, des scientifiques s’exprimant hors de leur champ de compétence ont largement contribué à tromper le public et les décideurs sur l’une des plus graves questions de notre temps.

    De fait, en France, le principal bastion climatosceptique n’était ni une sombre église obscurantiste ni un mouvement d’homéopathes radicalisés : c’était l’Académie des sciences.

    Il est incontestable que, de manière générale, la presse est sujette à un biais d’exagération et de spectacularisation des faits. Mais il est tout aussi incontestable que l’establishment scientifique souffre du biais inverse de conservatisme, et il n’est pas certain que l’un soit toujours préférable à l’autre. Il n’est pas non plus certain que les travers dont est souvent accusée la première soient toujours étrangers au second.

    #Science #Médias #Climat