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  • Les souffrances de la femme-quota | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2013-2-page-33.htm

    Comment expliquer cette importante féminisation des instances et du personnel dans un syndicat pourtant héritier d’une tradition ouvriériste dans laquelle les images du militant et du permanent s’incarnent dans la figure virile du syndicaliste musclé parlant fort et sachant taper du poing [Buscatto, 2009] ? Nous montrerons d’abord, à partir de données objectives, comment une politique volontariste de quotas, adossée à la nécessité de développer le secteur très féminisé du tertiaire, se combine avec la professionnalisation du métier de syndicaliste pour rendre compte de ce paradoxe. Une analyse nourrie d’observations de terrain et d’entretiens approfondis invite cependant à nuancer cette indéniable réussite. En changeant d’échelle pour passer du niveau de l’organisation au niveau des individus qui la font vivre, nous verrons comment cette féminisation venue d’en haut est vécue dans les bureaux de deux des sièges cantonaux enquêtés. Nous montrerons que la féminisation, parce qu’elle se fait « à marche forcée » et parce qu’elle ne s’accompagne pas d’une remise en cause d’une culture organisationnelle andro-centrée, génère aussi des effets pervers, des déséquilibres et in fine des formes spécifiques de souffrance au travail.

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    Ce qui suit s’inscrit dans le cadre d’une recherche collective consacrée aux avancées et aux obstacles en matière d’égalité des sexes dans les syndicats suisses (voir encadré 2). Les syndicats sont ici entendus comme des co-acteurs des avancées en matière d’égalité, par les pratiques, les stratégies et les politiques élaborées mais aussi les résistances à leur mise en œuvre. D’où la nécessité d’appréhender les obstacles et les ambiguïtés de « ces espaces […] constitués autour de la mise à distance des femmes » [Le Quentrec, Rieu et Lapeyre, 2002, p. 60]. Nous avons choisi de traiter ici du seul cas d’Unia, car il s’agit du syndicat le plus masculin en termes d’effectifs militants et de culture organisationnelle, mais aussi, grâce à sa politique exigeante de quotas, du plus volontariste en termes de féminisation des postes. Ce « grand écart » nous permet de mettre à nu des logiques et contradictions accompagnant la féminisation du syndicat.

    #femmes #parité #quota #misogynie #discrimination #travail