Le lanceur d’alerte Louis Robert retrouve son emploi au ministère de l’Agriculture | JEAN-THOMAS LÉVEILLÉ

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  • Bébés sans mains. L’hypothèse explosive d’un ingénieur breton - Bébés sans mains : notre dossier - LeTelegramme.fr
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    Ancien fonctionnaire du ministère de l’Agriculture, Hervé Gillet a travaillé pendant plusieurs mois pour montrer le possible lien entre l’usage de pesticides sur les champs de Guidel et la naissance des enfants atteints d’une agénésie du membre supérieur à proximité.
    Le Télégramme/Sophie Prévost

    Il fait partie des contributeurs citoyens, associé au rapport du Comité scientifique, remis le 11 juillet aux familles des enfants atteints d’une agénésie du membre supérieur (bébés sans mains). Ancien ingénieur, le Breton Hervé Gillet a méthodiquement travaillé pendant six mois, pour éclairer le lien possible entre l’usage de certains pesticides et les cas de Guidel (56). Le retraité livre une hypothèse explosive, « à creuser d’urgence », insiste-t-il.

    Son profil. Domicilié entre Pacé (35) et Lesconil (29), Hervé Gillet, 69 ans, est un ancien fonctionnaire du ministère de l’Agriculture. Il s’est « longuement penché » sur les pesticides, notamment lors de son passage à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) de Rennes. Ensuite responsable de la reconquête de la qualité des eaux sur les bassins-versants bretons, l’ingénieur a travaillé, en Pays-de-la-Loire, sur la mortalité des abeilles. Son dernier poste l’a amené dans la récente brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire (BNEVP), à Paris, avant sa retraite, en 2014.

    Sa place dans le dossier. Lorsque « l’affaire des bébés sans mains » a éclaté, en octobre 2018, Hervé Gillet a tendu l’oreille. « Les premières conclusions, excluant l’hypothèse des pesticides, ne collaient pas », explique le retraité. Le cluster avéré dans le Morbihan, regroupant quatre cas d’agénésie transverse du membre supérieur (ATMS) chez des bébés nés à Guidel et alentours, entre 2011 et 2013, l’a aussi interpellé. « C’est le magazine Envoyé Spécial qui m’a contacté. J’ai commencé des recherches. Elles m’ont valu d’être auditionné par le comité d’experts. Et j’ai été convoqué par Santé publique France le 10 mai, à Paris, pour présenter la synthèse de mon travail ».

    Son hypothèse. « J’ai cherché à démontrer que l’implication des pesticides dans les malformations de Guidel était plausible. La diffusion d’une partie des produits phytosanitaires par les sols, dans les airs puis dans les eaux, ainsi que leur toxicité pour l’homme, sont aujourd’hui démontrées. La proximité de champs autour des quatre habitations d’enfants nés sans mains à Guidel pose question », annonce Hervé Gillet, qui se défend d’un quelconque « agribashing ». « Je respecte beaucoup les agriculteurs, j’ai travaillé avec eux pendant de longues années. J’apporte aujourd’hui une contribution technique, pour le bien commun et en restant neutre. Il faut que les choses soient dites et acceptées par tous, si l’on veut aller plus loin ».

    Sa méthodologie. De décembre 2018 à avril 2019, Hervé Gillet a croisé le maximum de données disponibles (sur Géoportail et Agritox), concernant le type de cultures, les produits phytosanitaires, la météo et les données topographiques, autour des lieux d’habitation des bébés concernés à Guidel. Son travail de fourmi donne des pistes édifiantes. « Les parcelles isolées, entourées de haies, offrent des conditions favorables aux nuisibles. Les profils climatiques des années 2011 (très sèche) et 2012 (pluvieuse) ont nécessité des traitements importants et sans doute répétés, pile à la période de sensibilité (les trois premiers mois de grossesse) des mamans concernées ». 

    En se procurant des tableaux de vente des pesticides et de dangerosité des différents produits sur ces années cible, Hervé Gillet a modélisé des facteurs de risque. « Un produit arrive en première ligne, constate-t-il. Cela reste une hypothèse. Mais pour la démontrer, il faudrait maintenant mener une enquête auprès des exploitations agricoles concernées. Il y a urgence ! »

    Son souhait. Le rapport scientifique rendu public par les autorités sanitaires, en juillet, conforte Hervé Gillet : « En tous, seize cas sont confirmés en Bretagne jusqu’en 2016. Ce problème n’existe donc pas qu’à Guidel. Il y a là matière à continuer les recherches ». L’ancien ingénieur milite aujourd’hui pour que les recoupements de terrain soient délégués à la BNEVP, où il a travaillé. « C’est le seul moyen de ne pas lancer une machine à perdre ».