micropolitiques des groupes - pour une écologie des pratiques collectives

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  • Introduction - micropolitiques des groupes
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    Tant que l’histoire des pratiques collectives
    ne sera pas racontée par celles
    et ceux qui la vivent et la construisent,
    ce sont les historiens qui s’en chargeront.

    (Proverbe du pays des deux lacs)

    Jadis, dans les groupes, habitait un personnage dont le nom variait selon les territoires. Ici il se faisait appeler « l’ancêtre » ; là-bas, « celui qui se souvient » ; plus loin encore, « l’appeleur de mémoire »… Souvent installé à la périphérie du groupe, il contait inlassablement de petites et de grandes histoires. Elles relataient tantôt des situations, des « pentes », des dangers dans lesquels le groupe avait été embarqué, comme bien d’autres avant lui et autour de lui, tantôt des réussites et des inventions qui avaient permis d’accroître les forces collectives. L’ancêtre transmettait également des manières pragmatiques de construire un devenir commun.
    Une culture des précédents

    Bien sûr, nous ignorons si de tels personnages ont jamais existé [1]. Peu importe finalement car le pouvoir de cette courte fiction a ceci d’intéressant qu’il nous invite d’abord à une question : qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que, dans nos collectivités, les savoirs qui auraient pu constituer une culture des précédents soient aussi peu présents ? Notre histoire nous entraîne ensuite dans une perspective indéterminée : que pourrait-il se passer si une attention était désormais portée à ces savoirs que fabriquent les réussites, les inventions et les échecs des groupes ? Et si l’ancêtre ou l’appeleur de mémoire se mettaient à exister ! ?
    Ce livre se situe donc là, à la frontière de ces deux questions où aujourd’hui nous nous tenons, en proie au désir et à la nécessité. Nécessité, car nous avons besoin d’une culture des précédents non seulement pour les savoirs qui pourraient la composer mais aussi pour la respiration, pour le dehors qu’elle serait susceptible de nous offrir : nous ne serions plus seuls au monde. De l’élan nous entrerait alors dans les plumes : on se sentirait précédé, inscrit dans une histoire qui pourrait nous rendre plus fort. Et puis de l’inspiration nous gagnerait : « Tiens, cette limite que l’on rencontre, d’autres l’ont dépassée de telle ou telle manière » ou « À entendre ce récit qui nous est rapporté, nous aurions tout intérêt à aiguiser notre vigilance sur tel ou tel point. [2] »

    Désir ensuite. Désir d’agencer le groupe au-delà des formes acquises, de le pousser sur le chemin d’une expérimentation qui épouserait conjointement les signes et les forces rencontrées. Autrement dit, désir de fabriquer un territoire où se déploieraient et se cultiveraient à la fois une sensibilité aux mutations qui le parcourent, une agilité dans les capacités à « nous penser » et un art du bricolage dans nos manières de faire.

    Nécessité donc d’un peu d’air frais, d’un pas de côté dans nos groupes. Nous nous retrouvons souvent enfermés dans des histoires qui tissent au fil du temps des nœuds, des goulets d’étranglement. À force, ceux-ci pèsent, alourdissent les gestes et les idées, ou bien nous sommes tout simplement pris dans des routines dont on ne sait même plus qui les a inventées. Et désir de s’alléger un peu la vie de toutes ces morales et théories qui viennent prescrire notre quotidien tout en nous rendant impuissants à le comprendre. Comme le suggère Michel Foucault : « N’utilisez pas la pensée pour donner à une pratique une valeur de vérité ; ni l’action politique pour discréditer une pensée, comme si elle n’était que pure spéculation. Utilisez la pratique politique comme intensificateur de la pensée, et l’analyse comme un multiplicateur des formes et domaines d’intervention de l’action politique. […] N’exigez pas de la politique qu’elle rétablisse les « droits » de l’individu tels que la philosophie les a définis. L’individu est le produit du pouvoir. Ce qu’il faut, c’est « désindividualiser » par la multiplication et le déplacement les divers agencements. Le groupe ne doit pas être le lien organique qui unit les individus hiérarchisés mais un constant générateur de « désindividualisation » [3].

    Désindividualiser, dépsychologiser, sortir des disjonctions exclusives (« ou bien, ou bien »), apprendre à ralentir et à se protéger (artifices), résister à l’urgence et à ce qu’elle implique comme manière d’être ensemble… autant de petits bouts de savoir glanés par-ci par-là. Chacune [*] d’entre nous, par son expérience, a éprouvé les effets de ces logiques, de ces agencements quand ils s’imposent à soi. Tantôt en les subissant, tantôt en jouant avec. Il y a là comme une intuition qui reste en rade, qui demande à s’exprimer, à se déployer, à forcer le hasard contre la répétition du déjà vu, du déjà connu. Insistance cent fois énoncée, mille fois rencontrée : on n’est pas groupe, on le devient. La possibilité de ce devenir est donc à construire.

    Pourtant nous cultivons peu cette micropolitique, cette construction d’une écologie des pratiques. Comme si une force nous retenait, nous maintenait sur un sol infecté de poisons. Poisons dont le pouvoir est peut-être de briser cette insistance et de la vider de sa puissance [4]. Du moins, il y a là un signe qui doit nous faire penser : comment se fait-il que, dans les groupes, la question de la micropolitique nous soit si étrangère, que nous soyons plus ou moins incapables d’appréhender sur un mode non psychologisant des problèmes comme le pouvoir, les relations, la déprime ? Quelle est cette force qui nous rend insensibles au devenir même de nos groupes, impuissants à comprendre les bifurcations, les changements, les brisures qui s’opèrent dans nos corps et dans les processus que nous mettons en place ?

    • en fait j’étais tellement persuadé qu’il était dispo en PDF librement … je n’avais pas vérifié !

    • En fait, ils ont indiqué que les textes restaient sous licence CC suite à une intervention de Lionel Maurel (c’est visiblement une erreur de leur part de ne pas l’avoir indiqué directement sur le livre).
      Après, licence CC ne veut pas dire que c’est à eux de mettre le source en ligne... ça veut dire qu’ils ne s’opposeront pas à ce que quelqu’un le fasse.
      Sinon, cela voudrait dire qu’ils ne font plus de commerce... donc plus d’argent, plus de traduction, et au final pas de diffusion. L’équilibre économique de l’édition est quelque chose d’assez difficile à obtenir.

    • @hlc Il me semble que les éditions de l’éclat et d’autres, font les deux c’est à dire du commerce et des lybers, je crois que c’est la filiale de la découvertes Zones qui fait ça aussi. Les livres sortent en librairie et sont disponibles en ligne. Je pense aussi à ce bouquin, qui a eu déjà plusieurs éditions et est à nouveau épuisé :
      http://micropolitiques.collectifs.net

      @suske c’est parce que tu manques de boulets sauce lapin !

    • @supergeante Oui, il y a toujours plusieurs modèles économiques avec les Creative Commons... mais il ne sont pas obligatoires (à la différence de la GPL pour les logiciels qui contraint à ouvrir et partager le code modifié... mais l’économie du logiciel + service est totalement différente de l’économie du livre).
      C’est pas facile de trouver un bon modèle qui partage et qui permette une économie. On a essayé de le formuler avec notre Licence édition équitable (http://edition-equitable.org)... mais c’est pas facile.
      Et puis pour moi, le « partage », c’est entre gens qui se connaissent (des « communautés »), et le « gratuit » c’est souvent un prix d’appel, un arbre qui cache une forêt de captation des traces ou bien le dumping de ceux qui ont les moyens pour couvrir le monde de leur vision des informations (cf les journaux « gratuits » de propagande distribués dans nos villes).

    • @hlc il est tout à fait logique que tu ramènes cette question à ta propre expérience d’éditeur, et tout le monde convient que cette équation économique n’est pas facile. Même si, comme le dit Peg, l’expérience lyber montre que la question n’est pas si tranchée que tu sembles vouloir le dire (internet => pas d’argent => pas de traduction).

      Mais là on ne fait pas des généralités : dans ce cas précis, pour cet auteur précis, sur ce sujet précis, le fait de ne pas distribuer le livre librement et volontairement paraît (pour le dire gentiment) un contre-sens.

      Et suggérer que quelqu’un prenne le risque de « pirater » le livre (comment, d’ailleurs ?) en disant « il est probable que l’éditeur ne va pas poursuivre en justice », c’est incompréhensible quand on met ça en rapport avec l’histoire d’Aaron.

    • En fait l’expérience a souvent montré que les livres disponibles en Lyber étaient aussi ceux qui se vendaient le mieux en librairie, ou en tout cas que leur disponibilité n’entravait pas les ventes (ceux qui les lisent en ligne ne les auraient de toute façon pas achetés).

      Cf. le texte de Michel Valensi « Petit traité plié en dix sur le Lyber »
      http://www.lyber-eclat.net/lyber/lybertxt.html

  • De quoi le pouvoir d’agir est-il le nom ? - Millenaire3
    http://www.millenaire3.com/De-quoi-le-pouvoir-d-agir-est-il-le-nom.122+M505d54f7d01.0.html

    Depuis quelques années, les initiatives sociales se réclamant du « pouvoir d’agir » ou #empowerment se multiplient estime Manu Bodinier, président de l’Alliance citoyenne de Grenoble - http://www.alliancecitoyenne-ag.org - et d’Azquitaz - http://www.aequitaz.org - une association qui initie des mouvements et des formations pour que les citoyens s’emparent de la justice sociale. Le récent rapport de Marie-Hélène Bacqué (citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires : http://www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport-participation-habitants_ok.pdf) et leur constitution en collectif national - http://pouvoirdagir.fr - montre que les initiatives s’organisent. Mais peut-on pour autant regrouper sous une même dénomination des collectifs aux motivations très différentes, certaines prônant (...)

    #politiquespubliques #politique