• Exterminez toutes ces brutes (1/4). La troublante conviction de l’ignorance

    Dans une puissante méditation en images, Raoul Peck montre comment, du génocide des Indiens d’Amérique à la Shoah, l’impérialisme, le colonialisme et le suprémacisme blanc constituent un impensé toujours agissant dans l’histoire de l’Occident.

    « Civilisation, colonisation, extermination » : trois mots qui, selon Raoul Peck, « résument toute l’histoire de l’humanité ». Celui-ci revient sur l’origine coloniale des États-Unis d’Amérique pour montrer comment la notion inventée de race s’est institutionnalisée, puis incarnée dans la volonté nazie d’exterminer les Juifs d’Europe. Le même esprit prédateur et meurtrier a présidé au pillage de ce que l’on nommera un temps « tiers-monde ».

    Déshumanisation
    Avec ce voyage non chronologique dans le temps, raconté par sa propre voix, à laquelle il mêle celles des trois auteurs amis qui l’ont inspiré (l’Américaine Roxanne Dunbar-Ortiz, le Suédois Sven Lindqvist et Michel-Rolph Trouillot, haïtien comme lui), Raoul Peck revisite de manière radicale l’histoire de l’Occident à l’aune du suprémacisme blanc. Tissant avec une grande liberté de bouleversantes archives photo et vidéo avec ses propres images familiales, des extraits de sa filmographie mais aussi des séquences de fiction (incarnées notamment par l’acteur américain Josh Hartnett) ou encore d’animation, il fait apparaître un fil rouge occulté de prédation, de massacre et de racisme dont il analyse la récurrence, l’opposant aux valeurs humanistes et démocratiques dont l’Europe et les États-Unis se réclament. « Exterminez toutes ces brutes », phrase prononcée par un personnage du récit de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres, et que Sven Lindqvist a choisie comme titre d’un essai, résume selon Raoul Peck ce qui relie dans un même mouvement historique l’esclavage, le génocide des Indiens d’Amérique, le colonialisme et la Shoah : déshumaniser l’autre pour le déposséder et l’anéantir. De l’Europe à l’Amérique, de l’Asie à l’Afrique, du XVIe siècle aux tribuns xénophobes de notre présent, il déconstruit ainsi la fabrication et les silences d’une histoire écrite par les vainqueurs pour confronter chacun de nous aux impensés de sa propre vision du passé.

    https://www.arte.tv/fr/videos/095727-001-A/exterminez-toutes-ces-brutes-1-4

    #film #documentaire #film_documentaire #peuples_autochtones #récit #contre-récit #récit_historique #histoire #Séminoles #extrême_droite #suprémacisme_blanc #racisme #Grand_Remplacement #invasion #colonialisme #puissance_coloniale #extermination #Tsenacommacah #confédération_Powhatan #Eglise #inquisition #pureté_du_sang #sang #esclavage #génocide #colonialisme_de_peuplement #violence #terre #caoutchouc #pillage

    –-> déjà signalé plusieurs fois sur seenthis (notamment ici : https://seenthis.net/messages/945988), je remets ici avec des mots-clé en plus

  • Contre le technomonde végan et décarboné (par Philippe Oberlé)
    https://www.partage-le.com/2021/06/13/contre-technomonde-vegan-decarbone-par-philippe-oberle

    Ce n’est pas « l’humanité » qui est res­pon­sable, comme on peut le lire un peu par­tout, mais une seule et unique forme d’organisation sociale, une seule et unique culture humaine, un seul et unique mode de vie par­mi les mil­liers d’autres qui ont exis­té – et existent encore – en ce monde. Cette culture mépri­sant la vie, qui octroie plus de valeur au télé­phone ou à l’ordinateur qu’à la vie d’un enfant congo­lais ou gha­néen ; cette culture dont l’éthique place la bagnole et l’autoroute avant le cerf élaphe et sa forêt, c’est la civi­li­sa­tion indus­trielle née en Europe, pro­duit du bien mal nom­mé siècle des Lumières. Cette civi­li­sa­tion euro­péenne s’est répan­due comme une lèpre à l’ensemble du globe, colo­ni­sant des pay­sages vivants – prai­ries, forêts, maré­cages, man­groves, mon­tagnes, plaines allu­viales, rivières – d’une beau­té qui dépas­sait autre­fois l’entendement, y exter­mi­nant par la même occa­sion leurs habi­tants humains et non-humains. Pour enlai­dir et asser­vir le monde libre, la civi­li­sa­tion dis­sé­mine par­tout les ver­rues de son pro­grès – mines d’extraction, puits de pétrole et de gaz, oléo­ducs et gazo­ducs, méga­lo­poles et centres com­mer­ciaux, zones urbaines et péri­ur­baines, écrans et pan­neaux publi­ci­taires, zones indus­trielles et entre­pôts, mono­cul­tures et éle­vages indus­triels, auto­mo­biles et auto­routes, routes et par­kings, bar­rages et canaux, via­ducs et tun­nels, remon­tées méca­niques et télé­phé­riques, cen­trales éner­gé­tiques et lignes à haute ten­sion, trans­for­ma­teurs et câbles sous-marins, décharges à ciel ouvert et sites d’enfouissement de déchets toxiques/nucléaires, usines d’incinération et décharges sau­vages, plan­ta­tions indus­trielles et scie­ries, sta­tions d’épuration et centres de sto­ckage, etc.

    Cette folie doit ces­ser.

    Et plus loin :

    La citation célèbre d’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, est également mentionnée :

    « Pendant trop longtemps, nous avons mené une guerre insensée et suicidaire contre la nature. »

    Pourquoi « NOUS » ?!

    VOUS – les Nations Unies, le Forum Économique Mondial, la Banque Mondiale, le FMI, l’Union Européenne, les États, les think tanks et autres groupes de lobbying pro-industrie, toute la mafia bureaucratique locale, nationale et globale, sans oublier les ultrariches, les grandes firmes, leurs PDG et actionnaires –, VOUS menez une guerre contre la nature au nom du « progrès » de l’humanité ! VOUS avez fait usage de la force par le passé, VOUS l’usez encore, et VOUS l’userez toujours pour imposer cette culture mortifère et son mode de vie débilitant presque partout sur Terre. VOUS êtes les uniques responsables du désastre socio-écologique planétaire. Ajoutons en prime qu’Amina J. Mohammed, vice-présidente générale de l’ONU, a été accusée en 2017 par l’ONG Environmental Investigation Agency d’avoir collaboré activement à l’une des plus grandes opérations de blanchiment de bois coupé illégalement de l’histoire lorsqu’elle était ministre de l’environnement du Nigéria[34]. La mafia chinoise du bois de rose aurait versé plus d’un million de dollars de pots-de-vin à des hauts responsables et officiels du gouvernement nigérian pour autoriser l’entrée en Chine de plus de 10 000 containers de bois dit « kosso » d’une valeur totale estimée à au moins 300 millions de dollars. L’affaire a semble-t-il rapidement été étouffée. Aujourd’hui, cette dame est toujours en poste et préside, tenez-vous bien, le « Groupe des Nations Unies pour le développement durable[35] ».

    Cette technique discursive façonne l’inconscient collectif de la masse et suggère insidieusement que « nous » serions tous dans le même bateau, avec une responsabilité partagée équitablement entre tous les humains. Si les effets de telles pratiques paraissent indiscernables au premier abord, ils n’en sont pas moins dévastateurs. Les innombrables cultures rurales traditionnelles et les peuples autochtones de par le monde sont rendus invisibles par ce discours essentialiste. Les inégalités béantes inhérentes au capitalisme et, dans une plus grande mesure, à toute civilisation[36], disparaissent elles-aussi. Insultant la plupart des habitants du Sud global qui ne portent aucune responsabilité dans ce meurtre prémédité de la planète, ces propos sont symptomatiques de la violence quotidienne de la culture dominante. Voilà comment, grâce à la manipulation des mécanismes psychologiques du cerveau humain (ou marketing), à la puissance technologique offerte par Internet et les réseaux sociaux, l’on fabrique de toutes pièces une identité et une culture uniques pour l’humanité tout entière. L’emploi du nous a un effet rassembleur sur le bétail humain, chose essentielle pour guider le troupeau et « engager » les prospects dans la voie du progrès, pour réemployer un anglicisme à la mode chez les techno-ahuris de la startup nation. Nous serions tous responsables du désastre global mais, fort heureusement, nous pouvons faire des choix différents. Nous pouvons changer notre façon de consommer ! Diantre, mais pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt !? Outre le peu de considération pour la vie humaine réduite à l’achat – ou non – d’une marchandise ou d’une expérience sur un marché, ce discours laisse croire aux gens qu’ils ont le choix, donc qu’ils sont libres. Et dans le même temps, il limite drastiquement leurs moyens d’action en fixant le cadre, en limitant l’individu à son statut de consommateur. C’est une insulte à la dignité humaine. Êtes-vous un consommateur décérébré, un portefeuille sur pattes, un distributeur de billets ambulant ? Ou êtes-vous un être humain ?

    • Pour mon père, un garçon qui parlait avec une fille avait forcément une idée derrière la tête. Tous sont des violeurs, toutes sont des putains, sauf sa mère bien sûr. Cette insulte revenait toujours quand le maître du foyer, l’homme de la maison, celui qui possède les bijoux de famille, se mettait en colère. D’ailleurs, pour être sûr que je n’étais pas une putain, du moins pas encore, il lui fallut bien le vérifier par lui-même. C’est à ce moment-là que la guerre entre lui et moi a commencé. Quand il a voulu poser sa bouche sur la mienne et ses mains sur mon sexe. Je l’ai mordu, griffé, frappé. J’ai utilisé les poings. Ma réputation était faite, j’étais une folle, une hystérique. Harceler ma mère ne lui suffisait pas. Il voulait posséder toutes les femmes, toutes les femelles. Pour m’éduquer, il m’obligea un jour, sous prétexte de s’assurer que je sortais le chien, à le retrouver dans un parking où stationnaient une dizaine de camping-cars. Quand les portes s’ouvraient, je voyais la femme, le lit et le mâle qui sortait ou entrait. Sans discontinuer, les mâles entraient et sortaient, entraient et sortaient, entraient et sortaient… Des hommes en voiture s’arrêtaient à ma hauteur pour me demander : « C’est combien la pipe ? » Ni le chien ni mes douze ans ne les inquiétaient. Puis mon père, son affaire une fois conclue, arriva en voiture et klaxonna. Je suis alors montée dans la voiture avec le chien, une colère noire dans le cœur.

      Aucune intimité n’était possible sous le toit du mâle paranoïaque qui devait régir son foyer. J’écrivais déjà et, bien sûr, il trouva mes écrits, en rit et les partagea avec toute la famille. Ma mère et mon frère ne voulurent jamais me croire, mon frère affirmait : « Ma sœur est folle ». Je ne pouvais donc compter que sur moi-même pour me défendre. Tant de rage contenue quand des étrangers affirmaient que mon père était un homme si drôle, si intelligent, si serviable, si sympathique.

  • L’invention du #capitalisme : comment des paysans autosuffisants ont été changés en esclaves salariés pour l’industrie (par Yasha Levine) – Le Partage
    https://www.partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-cha

    La doctrine économique de notre culture stipule que le capitalisme est synonyme de liberté individuelle et de sociétés libres, n’est-ce pas  ? Eh bien, si vous vous êtes déjà dit que cette logique était une belle connerie, je vous recommande la lecture d’un livre intitulé The Invention of Capitalism (L’invention du capitalisme, non traduit), écrit par un historien de l’économie du nom de Michael Perelman, contraint de s’exiler à Chico State, une université perdue dans la Californie rurale, pour son manque de sympathie envers l’économie de marché. Perelman a utilisé son temps d’exil d’une des meilleures manières possibles, explorant et fouillant les travaux et la correspondance d’Adam Smith et de ses contemporains afin d’écrire une histoire de la création du capitalisme allant au-delà du conte de fées superficiel qu’est La Richesse des nations  ; il nous propose ainsi de lire les premiers capitalistes, économistes, philosophes, prêtres et politiciens dans leurs propres mots. Et ce n’est pas beau à voir.

  • L’invention du #capitalisme : comment des #paysans autosuffisants ont été changés en #esclaves #salariés pour l’#industrie (par Yasha Levine) – Le Partage
    https://www.partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-cha

    Patrick Colquhoun, un marchand qui monta la première « police de prévention » privée d’Angleterre pour empêcher les travailleurs des docks d’arrondir leurs maigres salaires avec de la marchandise volée, fournit ce qui est peut-être l’explication la plus lucide sur la manière dont la #faim et la #pauvreté sont corrélés à la productivité et la création de #richesse :
    « La pauvreté est l’état et la condition sociale de l’individu qui n’a pas de force de travail en réserve ou, en d’autres termes, pas de biens ou de moyens de subsistance autres que ceux procurés par l’exercice constant du travail dans les différentes occupations de la vie. La pauvreté est donc l’ingrédient le plus nécessaire et indispensable de la société, sans lequel les nations et les communautés ne pourraient exister dans l’état de civilisation. C’est le destin de l’homme. C’est la source de la richesse, car sans pauvreté, il ne pourrait y avoir de travail  ; et il ne pourrait donc y avoir de biens, de raffinements, de conforts, et de bénéfices pour les riches. »

    La formule de Colquhoun est si juste qu’elle mérite d’être répétée. Car ce qui était vrai à l’époque l’est encore aujourd’hui :
    « _La pauvreté est donc l’ingrédient le plus nécessaire et indispensable de la société […], c’est la source de la richesse, car sans pauvreté, il n’y aurait pas de #travail  ; et il ne pourrait donc y avoir de biens, de raffinements, de conforts, et de bénéfices pour les #riches_ . »