Segalen. Sous l’empire du Milieu - Une semaine avec Segalen - LeTelegramme.fr
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Victor Segalen dans son bureau à Pékin, 1910.
Photo Collection de l’École des filles d’Huelgoat
Victor Segalen (1878-1919), dont on célèbre le centenaire de la mort, fera trois voyages en Chine. Médecin de Marine, il est d’abord élève-interprète, se transforme en archéologue, et enfin en recruteur de coolies. Mais c’est surtout sa vocation de poète qui s’affirme et s’exprime, avec une force lapidaire, encore intacte aujourd’hui.
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« Stèles » le livre incompris
De retour dans la Cité violette où la dernière dynastie impériale se délite, Segalen s’installe en famille, et commence la rédaction de « Stèles ». Dès son arrivée, il avait rendu visite à Paul Claudel, consul à Tientsin (Tianjin), près de Pékin. Il admire en effet le lyrisme de l’auteur de « Connaissance de l’Est » publié en 1900. Mais il moquera plus tard le « pittoresque confit », et la « gélatine Loti » de l’écrivain-diplomate qui d’emblée le déçoit : « il ne sait pas un mot de chinois ». Il lui dédie toutefois « Stèles », imprimé à Pékin en 1912, sur papier de Corée à 81 exemplaires, richement reliés entre deux morceaux de camphrier, pour « chasser les mauvais lecteurs ».
Le bilbiophile touche juste, mais l’écrivain manque sa cible. Le livre est pris pour une traduction des stèles déchiffrées au bord du chemin. La présence d’épigrammes en chinois, calligraphiées au pinceau par le poète lui-même, accentue cette fausse impression. Avec ces pierres dressées qui « incrustent dans le ciel de Chine leurs fronts plats », Segalen entend créer « un genre littéraire nouveau », et non pas écrire les sonnets d’un sinologue inspiré. « Stèles » marque en outre le « passage de l’exotisme à un certain ésotérisme », signale Henry Bouillier, son premier biographe, et elles ont gardé un siècle plus tard la force d’un chef-d’œuvre absolu.
100% d’accord !