Levothyrox : pourquoi Merck a fait du zèle dans l’évaluation de la nouvelle formule
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Le laboratoire Merck savait-il pertinemment que sa nouvelle version du Levothyrox n’était pas substituable à l’ancienne ? C’est la question, troublante, posée par une brève étude publiée mercredi 21 août par la revue Clinical Pharmacokinetics.
Ses auteurs ont réanalysé l’essai conduit par le laboratoire à l’appui du changement de formule du médicament : ils suggèrent que le seul moyen de conclure à la bioéquivalence des deux versions a été pour Merck de conduire un test de très grande taille – sur 204 individus – au lieu d’un test classique, généralement mené sur une vingtaine à une trentaine de volontaires. Un tel test aurait pourtant été beaucoup moins coûteux. Mais il aurait très probablement échoué à montrer la bioéquivalence recherchée. Le choix d’un échantillon plus large a en réalité conduit à masquer la variabilité de la réponse des patients aux deux versions du médicament.
Destiné à traiter les malades de la thyroïde, le Levothyrox, utilisé par plus de 2,5 millions de personnes, principalement des femmes, est un médicament dit « à marge thérapeutique étroite » : de très faibles variations de la quantité de principe actif (la lévothyroxine) peuvent avoir des répercussions importantes sur les patients. Conformément à la réglementation, Merck devait produire un essai dit « de bioéquivalence moyenne » pour assurer les autorités sanitaires que le passage à la nouvelle formule, intervenu en mars 2017, n’entraînerait pas d’effets indésirables.
Les choses se sont révélées plus compliquées, comme le suggère la nouvelle étude conduite par l’équipe franco-britannique. Celle-ci avait déjà montré, en avril, que l’ancienne et la nouvelle formule du Levothyrox ne sont pas substituables pour tous les individus. A partir des données produites par Merck à l’appui du changement de formule, les chercheurs avaient constaté que la réponse de plus de 60 % des individus enrôlés dans l’essai se situaient hors de la « bande de bioéquivalence ». Cette dispersion des résultats n’apparaissait pas explicitement dans ceux du test, celui-ci n’établissant l’équivalence qu’en moyenne, sur l’ensemble de l’échantillon testé et non au niveau de chaque individu.
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