• Crachats, insultes, coups de poing… les pompiers épuisés par la hausse des violences
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/23/crachats-insultes-coups-de-poing-les-pompiers-sont-epuises-par-la-hausse-des

    A cause du manque d’effectifs policiers, les sapeurs-pompiers se retrouvent régulièrement à devoir gérer des cas d’ivresse sur la voie publique, de rixe, de patient psychologiquement instable ou encore de violences conjugales. Des situations explosives et difficiles à appréhender, surtout qu’en cas de déplacement en ambulance, leurs tenues – polo et pantalon – ne les protègent pas des violences. André Goretti se souvient d’une intervention où ils étaient venus secourir une femme battue : « Le mari n’a pas apprécié et un de mes collègues s’est pris une châtaigne. » Une situation similaire avait été médiatisée en 2017 quand quatre frères ont attaqué avec des barres en fer et des marteaux une équipe qui tentait de secourir une jeune femme, étranglée par son ex-compagnon. Les pompiers ne sont pas toujours correctement formés à ces missions, qui ne sont, originellement, pas dans leurs prérogatives.
    Manque de respect quotidien

    Pour tenter d’éviter des accidents dramatiques, les casernes s’organisent. Dans le Val-d’Oise, neuf d’entre elles vont doter leurs équipes de caméras piétons pour une expérimentation dès septembre et, dans d’autres départements, les soldats du feu prennent des cours de self-défense. Des mesures qui ne font pas l’unanimité. « Chacun son métier, je suis pompier, pas policier ou judoka. Pendant qu’on doit se battre avec des gens, on ne remplit pas notre mission principale », s’agace Quentin De Delveyre, qui préconise plus de moyens pour sa profession mais aussi pour le milieu médical.

    « Avec la désertification médicale, quand quelqu’un appelle le 15, le SAMU ne trouve pas de médecin de nuit. Alors au bout d’une heure, une heure trente, le SAMU nous sollicite. Le temps qu’on arrive, les gens sont épuisés par le délai. Souvent, les violences verbales viennent de là », explique André Goretti. Arrivés aux urgences – autre service public en grève –, le problème continue à cause du manque de lits, éreintant des patients déjà à bout de nerfs.

    85 % des 40 500 pompiers professionnels de France étaient signataires du préavis de grève envoyé le 25 juin au ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. Ils demandent notamment un « recrutement massif » pour combler les besoins et « une revalorisation de la prime de feu à 28 % », comme la prime de risque des gardiens de la paix. Aujourd’hui, la prime de feu, qui n’a pas été revalorisée depuis 1990, représente 19 % de leur rémunération brute, hors indemnités. Epuisés, ils voudraient aussi que leurs gardes soient de douze heures au lieu de vingt-quatre heures (payées dix-sept).

    Cette grève est passée relativement inaperçue au cœur de l’été car, comme le personnel hospitalier, les pompiers sont tenus à une obligation de service minimum. Comme aux urgences, les grévistes ont dû se contenter de brassards « En grève » et d’actions surtout symboliques comme des inscriptions sur les camions et les murs des casernes.

    Interrogé à ce sujet à l’occasion du G7, le ministre de l’intérieur s’est défaussé sur les collectivités locales. Ce sont les services départementaux d’incendie et de secours « qui les payent, ce sont les départements et les communes qui les payent, donc il n’est pas question pour moi de décider pour le compte d’autres qui sont parfaitement légitimes », a tranché le ministre. Les syndicats dénoncent cette rhétorique et accusent les départements et le ministère de se renvoyer la balle depuis des années.