La mobilisation fut faible en comparaison des sommets historiques de Gênes ou Evian, mais quelque 15 000 personnes ont manifesté samedi à Hendaye.
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Ce devait être la dernière initiative des anti-G7 rassemblés non loin de Biarritz, où se tient le sommet officiel, mais celle-ci a finalement été annulée dimanche 25 août en milieu de journée. Une jolie carte avait même été distribuée, les jours précédents, aux milliers de participants au contre-sommet organisé par deux coordinations (basque, G7 EZ [non au G7], et française, Alternatives G7), pointant sept « cibles » autour de Biarritz. Ainsi, les mairies de Bayonne et d’Anglet et différents ronds-points dessinaient une « zone arc-en-ciel, symbole des différentes luttes et revendications », expliquaient les organisateurs.
Las, tout a été annulé. Faute de combattants, beaucoup étant repartis dès la veille après la manifestation qui a réuni 15 000 personnes, selon les organisateurs, et a clos officiellement le contre-sommet qui s’est tenu à Hendaye et Irun, du 21 au 23 août. Sur la longue plage qui porte le joli nom de Chambre d’amour, à l’annonce dimanche midi de l’annulation de la manifestation, trois militants ne cachaient pas leur déception. « Nous sommes venus exprès de Saint-Etienne, on a dormi au ball-trap d’Urrugne et il n’y a personne ! » L’un est un ancien militant de la CGT, tous ont participé aux manifestations des « gilets jaunes » et s’affirment anticapitalistes. En arrivant vendredi sur la côte basque, pour la fin du contre-sommet, ils espéraient retrouver la chaleur des défilés. Rien. Cette longue plage d’où l’on voit le phare de Biarritz, où a eu lieu samedi soir le premier dîner de sept dirigeants des pays industrialisés, est vide de manifestants.
Sur les planches, devant l’océan où glissent inlassablement les surfeurs, la porte-parole d’Attac et d’Alternative G7, Aurélie Trouvé, répond presque seule aux journalistes. La nuit même, annonce-t-elle, Joseba Alvarez, une figure de l’indépendantisme basque, membre de la coordination G7 EZ et de la gauche abertzale, a été arrêté. Il faisait l’objet d’une interdiction de territoire jusqu’au 29 août. « Avec son arrestation et la vingtaine de blessés légers que nous avons eue, nous avons décidé de faire preuve de responsabilité et d’assurer avant toute chose l’intégrité des manifestants », explique-t-elle. La veille, quelques affrontements ont eu lieu dans le Petit Bayonne. Les nombreux gendarmes mobiles et policiers, présents sur les ponts sur l’Adour et la Nive, deux rivières qui enserrent ce quartier, ont fait usage de grenades lacrymogènes et d’un canon à eau pour disperser quelque 200 à 300 manifestants.
Les anti-G7, que l’on annonçait nombreux et souvent radicaux, n’ont pas rejoint en masse le Pays basque. « Nous aurions pu réunir 200 ou 300 manifestants, assure pourtant la porte-parole d’Attac, mais nous avons préféré suspendre la manifestation pour faire baisser la tension. » En réalité, le ministère de l’intérieur et la préfecture ont œuvré pendant des mois pour saper la mobilisation des “anti”. D’abord en faisant traîner durant des semaines le choix d’un lieu pour le contre-G7. Orthez, Dax… les lieux les plus éloignés de Biarritz ont été proposés, avant de finalement concéder Hendaye, à 32 kilomètres de la cité balnéaire.
Le déploiement massif des forces de police et la perspective d’être débordés par des “black blocks” ont aussi dissuadé bon nombre de militants, comme la date choisie pour le G7, en fin de vacances scolaires. Enfin, la proximité des élections municipales a joué un rôle non négligeable. Dans ce bout de territoire, les militants les plus organisés appartiennent souvent aux mouvements indépendantistes basques. Or, de commune en commune, les élus locaux ont pesé – souvent à la demande du préfet – pour dissuader les indépendantistes, dont beaucoup concourent aux majorités municipales des villes de la côte, de mener un mouvement d’ampleur qui aurait pu nuire à l’image de la région.
De fait, après huit mois de contestation des « gilets jaunes », une cote de popularité autour de 30 % pour Emmanuel Macron et l’intérêt dans une partie de l’Europe pour les thèmes alternatifs et environnementaux, les anti-G7 n’ont pas rassemblé les foules contestatrices qui s’étaient exprimées durant l’année. La mobilisation à Hendaye aura été bien faible aussi en en comparaison du rassemblement historique de Gênes, en 2001, où 300 000 personnes s’étaient réunies et où un manifestant, Carlo Giulani, a été tué par la police. Deux ans plus tard, en juin 2003, contre le G8 à Evian, 100 000 manifestants s’affrontèrent durement avec la police dans la ville voisine de Genève.
Pour les responsables d’associations telles Attac, il s’agissait d’une autre période de l’altermondialisme, les rassemblements anti-G7 ou G8 drainant dorénavant des foules souvent moins importantes. Lors du dernier G7 tenu en France, en mai 2011 à Deauville (Seine-Maritime), les « anti » n’avaient été que 7 000 à défiler au Havre voisin. Cette même année, ils étaient moins de 10 000 à défiler à Nice contre le G20 de Cannes (Alpes-Maritimes).
« Toutes les salles étaient trop petites »
Alors pour les organisateurs, réunir 15 000 personnes sur le port d’Hendaye reste un vif succès, d’autant que la concurrence fût rude avec les fêtes incontournables du Pays basque comme celle de Bilbao, qui se tenait en même temps. « Dans un contexte d’occupation policière qui faisait craindre aux gens de ne pouvoir passer la frontière, dans ces conditions spéciales de psychose totale, rassembler autant de monde est un succès. Toutes les salles du Ficoba [salle d’Irun où se tenait le contre-sommet] étaient trop petites pour accueillir les participants. Et réussir la « marche des portraits » [les photos officielles dérobées dans les mairies] à Bayonne, où toute initiative était interdite, montre nos capacités à mobiliser », conclut Txetx Etcheverry, porte-parole de Bizi et cofondateur d’Alternatiba.
Dimanche matin, 14 des 128 portraits officiels du président Macron, réquisitionnés lors des derniers mois dans les mairies de la France entière, ont été brandis lors d’une déambulation de plusieurs centaines de personnes dans les rues du Petit Bayonne. Tous portaient des cadres emballés, de façon à perturber d’éventuelles saisies par la police des portraits officiels. Mais les gendarmes mobiles se sont contentés de laisser passer les manifestants et les organisateurs ont pu tenir une conférence de presse devant des dizaines de journalistes de la presse internationale, en présence de Susan George, figure de l’altermondialisme et présidente d’honneur d’Attac, de Jean-François Julliard (Greenpeace France), d’Esther Bernard (Youth For Climate), de Pauline Boyer (Alternatiba) et de Cécile Marchand (ANV-COP21), toutes deux poursuivies pour avoir décroché des portraits.
A cette occasion, le directeur de Greenpeace a rappelé son intention d’aller jusqu’au bout de la démarche judiciaire, avec la plainte déposée par l’Affaire du siècle, et « d’obtenir une condamnation de l’Etat français pour carence fautive contre le dérèglement climatique ».
Ultime pied de nez aux quelque 13 000 gendarmes et policiers déployés pour le G7, ces organisations ont réussi à déployer une banderole dénonçant l’inaction du président Macron lors de la visite dimanche des « premières dames » dans un village typique du pays basque intérieur, Espelette.