Explosion dans le Grand Nord : la Russie dévoile la nature de la pollution radioactive
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La base militaire de #Nionoksa, dans la région d’Arkhangelsk, le 9 novembre 2011, où s’est produit l’accident du 8 août.
AFP
L’accident, dû selon les autorités aux tests de « nouveaux armements », a causé la mort le 8 août de cinq employés de l’agence nucléaire russe Rosatom.
Des isotopes radioactifs de strontium, de baryum et de lanthane. Voilà ce que contenaient les échantillons prélevés dans la ville de Severodvinsk, dans le Grand Nord de la Russie, quelques jours après une explosion dans une base militaire voisine, a dévoilé, lundi 26 août, l’agence de surveillance environnementale russe Rosguidromet. Selon un spécialiste cité par l’agence de presse russe Ria Novosti, ces isotopes sont le produit d’une fission nucléaire.
L’accident, dû selon les autorités aux tests de « nouveaux armements », a causé la mort le 8 août de cinq employés de l’agence nucléaire russe Rosatom. Ces spécialistes fournissaient de l’ingénierie et du support technique pour « la source d’énergie isotopique » du moteur du missile à l’origine de l’explosion. Au moins trois autres personnes ont été blessées, victimes de brûlures.
Immédiatement après l’accident, le ministère de la défense avait seulement déclaré que les faits s’étaient produits au cours de l’essai d’un « moteur-fusée à ergols liquides », mais n’avait pas décrit l’accident comme impliquant du combustible nucléaire. Il avait alors assuré qu’il « n’y a pas eu de contamination radioactive », mais la mairie de Severodvinsk avait dit avoir « enregistré une brève hausse de la radioactivité », avant de retirer sa publication.
Les isotopes radioactifs cités lundi par Rosguidromet ont une période de demi-vie, lors de laquelle la moitié de leurs noyaux se désintègrent, allant de plusieurs heures à près de treize jours. Ils se transforment alors en gaz radioactif inerte. « Ces gaz radioactifs sont la cause de la brève hausse » de la radioactivité enregistrée après l’explosion, selon Rosguidromet.
L’agence avait auparavant affirmé avoir mesuré des niveaux de radioactivité jusqu’à seize fois supérieurs au rayonnement naturel après l’explosion, avant un retour à la normale deux heures et demie plus tard. L’organisation environnementale Greenpeace estime, pour sa part, que les radiations mesurées dans le secteur ont été vingt fois supérieures à la normale. Les autorités russes avaient également reconnu qu’un médecin ayant participé au traitement des blessés après l’explosion a été contaminé à l’isotrope radioactif césium 137, niant toutefois que son cas soit lié à l’accident.
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Pour plusieurs observateurs, cet épisode confirme que la Russie travaille de manière active sur des missiles à propulsion nucléaire. Appelé « #Bourevestnik » (oiseau de tempête, en russe), et surnommé « #Skyfall » par l’OTAN, ce projet russe aurait l’ambition d’embarquer un réacteur nucléaire miniaturisé sur un missile. Le but : obtenir un missile capable d’avoir une autonomie de vol telle qu’elle lui permettrait de faire de larges détours pour contourner la défense antiaérienne et les radars américains.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a refusé de confirmer que les chercheurs travaillent effectivement sur le « Bourevestnik ». Mais il a assuré que la compétence atteinte par la Russie en matière de missiles à propulsion nucléaire « dépass[ait] significativement le niveau atteint par d’autres pays et [était] assez unique ».