Droits des peuples autochtones : le déni français - Page 1

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  • Droits des #peuples_autochtones : le #déni français

    En dépit de son volontarisme face aux incendies qui ravagent l’Amazonie, Emmanuel Macron a éludé la question décisive de la protection des #terres ancestrales indiennes. Pour garder les mains libres en #Guyane, la France refuse toujours de signer la convention 169 de l’Organisation internationale du travail qui consacre les droits des peuples indigènes.
    « Nous demandons une nouvelle fois au gouvernement français de ratifier la convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT) afin de reconnaître véritablement le droit des peuples autochtones. » Le Grand Conseil coutumier des peuples amérindiens et bushinengé de Guyane n’a pas manqué l’occasion. Le 25 août, profitant du fait qu’Emmanuel Macron dénonçait « l’écocide » de l’Amazonie, les représentants des indigènes guyanais ont rappelé à l’opinion qu’un traité international consacre, depuis 1989, les droits des peuples indigènes et tribaux sur les terres qu’ils occupent, et que la France refuse obstinément de le signer. Vingt-trois pays en sont signataires, parmi lesquels quinze pays d’Amérique latine.

    Dans un texte, le Grand Conseil coutumier a souligné que les incendies en cours n’étaient « pas le seul danger qui menace ou qui détruit l’Amazonie », et que « l’extractivisme » avait une « grande part de responsabilité ». Il a aussi déploré la position du président français qui d’un côté dénonce « la destruction de l’Amazonie brésilienne ou bolivienne » et de l’autre « attribue 360 000 hectares de forêt aux multinationales minières, en Guyane, en Amazonie française ».

    En sus de ses « propositions » en faveur du reboisement et de la prévention des incendies, le président français avait déclaré souhaiter « une forme de bonne gouvernance » : « Il faut associer les ONG, les peuples autochtones beaucoup plus qu’on ne le fait. Et il faut stopper le processus de déforestation industrialisée. »

    Hélas, l’idée « d’associer » beaucoup plus les peuples autochtones reste très loin des critères posés par la convention 169 de l’OIT, qui prévoit de « consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement » (article 6). Les « consultations » doivent en outre « être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances », « en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées ».

    La « consultation préalable » des peuples autochtones fait partie des points clés de la convention, et elle a fait son entrée dans le droit interne de plusieurs pays latino-américains, en particulier au Pérou, dans une loi spécifique votée en septembre 2011. Cette loi est désormais au cœur de nombreuses batailles juridiques engagées par les communautés indiennes visant à faire annuler des permis miniers ou pétroliers mis en œuvre sans consultation. Le 14 août dernier, la Cour supérieure de Lima a ainsi annulé sur ce fondement le permis pétrolier d’une société française, Maurel et Prom, et de la canadienne Pacific Stratus Energy à la demande des communautés Awajún et Wampis – Mediapart avait signalé ici le début de cette procédure.

    La convention 169 prévoit en effet que « les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement » et ainsi « participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement » (article 7).

    Enfin, il est précisé que « les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés » (article 14) et que « les gouvernements doivent prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession ».

    Le refus français de signer cette convention a été justifié en 2013 par « le respect du principe constitutionnel d’égalité des citoyens » par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius – en réponse à une question du sénateur DVG de Guyane Jean-Etienne Antoinette. Ce principe « et celui de l’indivisibilité de la République interdisent la mise en place d’un régime juridique distinct entre les citoyens qui créerait des catégories de population avec des droits différents », avait soutenu le ministre. « Aucune disposition juridique affectant spécifiquement les populations autochtones ne peut être prise », avait-il conclu.

    Cet argument est pourtant mis à mal par l’approbation d’un autre traité par la France : la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones – approuvée en septembre 2007 par 144 États, 4 voix contre (l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis) et 11 abstentions (dont la Fédération de Russie). Cette déclaration reconnaît aux autochtones de nombreux droits spécifiques : « D’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales », « de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur appartiennent ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement »…

    En août 2010, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a recommandé à l’État français de prendre toutes les mesures législatives nécessaires à la ratification de la convention de l’OIT. Sans succès.

    En décembre dernier, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a alerté la France sur « le manque de consultation des peuples autochtones de Guyane française » et l’absence de « consentement préalable » des communautés Kali’na and Wayana, susceptibles d’être affectées par le projet minier « Montagne d’Or » – finalement abandonné en mai dernier –, lui demandant « d’envisager de suspendre le projet » dans l’attente de la mise en œuvre de l’obligation de les consulter.

    Mais pas de quoi infléchir la frénésie minière française dénoncée par le Grand Conseil coutumier. 360 000 hectares de forêt sont concernés : en décembre 2015, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Guyane recensait 39 titres miniers (concessions, permis d‘exploitation et permis exclusifs de recherches), dont 20 % destinés à l’exploration, et dénombrait une soixantaine d’autorisations d’exploitation délivrées par le préfet. Une quinzaine de permis d’exploration ont été accordés depuis 2016.

    La « consultation préalable » n’est pas à l’ordre du jour non plus dans le Brésil de Jair Bolsonaro. Le pays a ratifié la convention 169 de l’OIT en 2002. Mais sa Constitution de 1988 comptait déjà différents articles reconnaissant les droits des peuples indigènes – le Brésil en compte 305, dont 82 tribus non contactées, c’est-à-dire sans relations avec quiconque.

    Dans les années 1990, des décrets ont ainsi institué des modalités de délimitation des terres indigènes, puis, depuis 2012, une politique de gestion territoriale et environnementale. C’est la Fundação Nacional do Índio – FUNAI, créée en 1967 sous le nom de Serviço de Proteção ao Índio (SPI) – qui a reçu pour mission d’identifier, de délimiter, de régulariser et d’enregistrer les terres occupées par les peuples autochtones.

    Mais dès son entrée en fonction, en janvier dernier, le président d’extrême droite a annoncé vouloir transférer ce pouvoir de délimitation des terres au ministère de l’agriculture. Puis à lui même…, affirmant qu’il assumerait, seul, la responsabilité du processus de délimitation des terres autochtones dans le pays.

    Jair Bolsonaro prétend vouloir « réintégrer les Indiens dans la société » et donc les priver des droits spécifiques. « Quelqu’un pense-t-il qu’une région plus grande que le Sud-Est ne leur suffit plus ? a-t-il déclaré en juin. Voulons-nous garder les Indiens pris au piège dans ces réserves comme des hommes préhistoriques ? »

    À ce jour, 400 territoires indigènes ont été enregistrés en tant que tels, sur un total de 1 024 territoires – certains sans titre ou en cours d’enregistrement – sur 13 % du territoire national, une superficie totale de 1 105 258 kilomètres carrés. Fin 2018, 112 territoires autochtones étaient en cours d’examen aux fins de délimitation et 42 avaient déjà été identifiés et délimités, dans l’attente de la décision du gouvernement.

    Le 15 août, dans une longue interview à BBC News Brasil, le ministre de l’environnement Ricardo Salles a expliqué que l’Amazonie ne pourra être préservée qu’avec « des solutions capitalistes » qui « dynamisent la forêt sur le plan économique ». Il a ouvertement critiqué la stratégie de création de réserves et des territoires autochtones en Amazonie. Pour le ministre, la création de ces zones a intensifié les conflits fonciers et bloqué l’accès des Brésiliens à une grande partie du territoire national.

    « Il ne me semble pas que cette politique soit propice à la lutte contre la déforestation, a-t-il soutenu. C’est possible dans certains cas spécifiques […]. Mais lorsque 13 % du territoire national est ainsi délimité pour seulement 1 % de la population brésilienne, et que ces 13 % exactement sont ceux où se trouve la plus grande richesse minière du pays, il ne me semble pas que le choix public adéquat soit d’augmenter encore la délimitation. »

    L’objectif est clair : il est d’ouvrir les territoires protégés à l’exploitation minière et pétrolière.

    Selon le bilan publié en octobre 2018 par la Fundación para el debido proceso (FDLP) et l’ONG Oxfam Mexico, l’approbation de la convention 169 de l’OIT en Amérique Latine a eu des répercussions inégales : un premier groupe de pays a créé un cadre légal pour mettre en place la consultation préalable, ou commencer à l’intégrer – outre le Pérou, la Bolivie, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur et le Panama – ; un second groupe s’est contenté d’élaborer un guide ou un projet – c’est le cas du Guatemala et du Honduras – ; reste un troisième groupe de pays dont l’avancée réglementaire en faveur de la consultation a été « nulle ou peu significative » – le Brésil, l’Argentine, le Salvador, le Mexique, le Nicaragua et le Venezuela.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/290819/droits-des-peuples-autochtones-le-deni-francais
    #France #colonialisme #hypocrisie

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  • Droits des peuples autochtones : le déni français
    https://www.mediapart.fr/journal/international/290819/droits-des-peuples-autochtones-le-deni-francais

    En dépit de son volontarisme face aux incendies qui ravagent l’Amazonie, Emmanuel Macron a éludé la question décisive de la protection des terres ancestrales indiennes. Pour garder les mains libres en Guyane, la France refuse toujours de signer la convention 169 de l’Organisation internationale du travail qui consacre les droits des peuples indigènes.

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