• Immanuel Wallerstein, un intellectuel global, Romain Huret
    https://www.liberation.fr/debats/2019/09/05/immanuel-wallerstein-un-intellectuel-global_1749494

    Tribune. On doit souvent tout à ses années de formation. L’université Columbia de New York changea à jamais la vie du jeune Immanuel Wallerstein. Dans les années 50, en pleine folie maccarthyste, le campus connaît une effervescence intellectuelle exceptionnelle. Vous y croisez dans les travées ombragées du lieu Robert Merton, Paul Lazarsfeld, Daniel Bell, Richard Hofstadter, Martin Lipset ou encore C. Wright Mills. Hantée par le désastre de l’Holocauste et les dérives totalitaires de l’Europe dans l’entre-deux-guerres, cette génération d’intellectuels a l’ambition d’offrir des modèles globaux d’interprétation du monde et de les diffuser dans l’espace public. Elle croit également à l’unité des sciences sociales et au potentiel heuristique de l’interdisciplinarité. Le sociologue C. Wright Mills se félicitait alors que celles-ci « soient devenues le dénominateur commun à notre période ». Wallerstein retint les leçons de ses maîtres de Columbia, notamment Mills, tout au long de sa carrière universitaire, même s’il sut très vite marquer sa singularité.

    Sa fidélité au marxisme fut la première. Alors que nombre de ses collègues états-uniens s’éloignèrent des canons du marxisme dès l’après-guerre en raison de la chasse aux sorcières et du triomphe du consensus centriste, alors que d’autres préférèrent un marxisme d’inspiration gramscienne - « ce marxisme que l’on peut présenter à sa belle-mère », selon la formule mordante de T. Jackson Lears -, Wallerstein ne changea pas de famille pour une autre tout en gardant un œil critique sur l’orthodoxie familiale. Il se distingua également en s’intéressant à l’Afrique pour son doctorat et remit en question le nationalisme méthodologique de nombreux travaux sur les mouvements sociaux. Comme Mills et d’autres militants aux Etats-Unis, très inquiets de la guerre froide et de la course à l’arme nucléaire, le jeune doctorant chercha à comprendre les indépendances en Asie et en Afrique et la profonde transformation du monde qu’elles provoquent. Ce déplacement de focale lui permit de faire un pas de côté salutaire par rapport à la domination de la théorie de la modernisation, alors très prégnante sur les campus états-uniens. Ce concept de guerre froide, porté par les économistes, appliquait de manière grossière un schéma identique de développement à l’ensemble des nations, et trouva très vite un terrain d’application dans les nations indépendantes par le biais des financements américains et internationaux. Pour s’en démarquer, Wallerstein amorça une réflexion plus systémique sur l’économie mondiale et les relations de dépendance entre les nations. Ce chantier le conduisit à intégrer dans ses questionnements une perspective historienne.

    Immanuel Wallerstein, une figure de l’altermondialisme
    Par Christophe AGUITON, sociologue et militant syndical
    https://www.liberation.fr/debats/2019/09/05/immanuel-wallerstein-une-figure-de-l-altermondialisme_1749498

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