• Au #Maroc, l’#arrestation d’une journaliste pour « avortement illégal » relance des débats

    L’arrestation d’une jeune journaliste pour « #avortement_illégal » et « #débauche » (sexe hors mariage) a alimenté cette semaine un débat virulent sur l’état des libertés au Maroc englobant tout à la fois : le #droit_des_femmes, la vie privée, les moeurs et la presse.

    Le sort de #Hajar_Raissouni, 28 ans, a suscité les protestations des défenseurs des droits humains, mais aussi des flots de réactions indignées dans les médias et sur les réseaux sociaux.

    Les plus critiques parlent de « réalité moyenâgeuse », de « lois liberticides », de « violence institutionnelle envers les femmes », d’"intrusion de l’Etat dans la vie privée" des citoyens, de « machination politique » ou de « harcèlement » des journalistes.

    Cette reporter du quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum a été arrêtée samedi dernier au sortir d’un cabinet médical de Rabat. La jeune femme qui assure avoir été traitée pour une hémorragie interne a été placée en détention dans l’attente de son procès prévu lundi.

    Son fiancé qu’elle devait épouser mi-septembre a été arrêté avec elle, tout comme le médecin traitant, un infirmier et une secrétaire médicale.

    Le code pénal marocain sanctionne de peines de prison les relations sexuelles hors-mariage et l’avortement quand la vie de la mère n’est pas menacée.

    Assurant que l’arrestation d’Hajar Raissouni « n’a rien à voir avec sa profession de journaliste », le parquet de Rabat a détaillé mercredi dans un communiqué les éléments médicaux confirmant des « signes de grossesse » et son « avortement ».

    La journaliste dénonce des « accusations fabriquées » et une « affaire politique » liée à de récents articles sur les détenus du mouvement social du « Hirak », selon ses proches.

    – Contradictions -

    Elle assure dans une lettre publiée par son journal avoir été interrogée en garde à vue sur ses oncles, un idéologue islamiste aux positions ultra-conservatrices et un éditorialiste d’Akhbar Al-Yaoum connu pour sa plume acerbe.

    Des journalistes connus pour leurs positions critiques ont déjà été condamnés pour des faits allant de « complicité d’adultère » à « non dénonciation d’une atteinte à la sécurité de l’Etat ».

    « En lieu et place de poursuites immédiates pour leurs écrits, les journalistes se voient attaqués bien plus tard à travers des articles du Code pénal », s’insurge un éditorial du site d’information Yabiladi.

    Des personnalités islamistes ont par ailleurs aussi été ciblées ces dernières années par des articles dénonçant les contradictions entre leurs discours et leurs actes sur la base de faits privés —comme le sexe hors-mariage.

    Poursuivi pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » et pour de présumées irrégularités financières, l’historien et militant de gauche Maâti Monjib a lui recensé en 2018 « 380 articles diffamatoires » à son sujet « en deux ans et demi » dans des médias « opérant pour le compte du pouvoir ».

    Dans ce contexte, l’affaire d’Hajar Raissouni « renseigne avant tout sur le couple infernal composé d’une part par l’hypocrisie sociale sur les questions de libertés individuelles (...) et d’autre part la répression aveugle et la justice d’abattage qui se sert des lois coercitives en la matière à des desseins de vengeance politique », estime le site d’information Le Desk.

    L’Association marocaine pour les droits humains (AMDH) qui, comme Amnesty International et Human Rights Watch, a appelé à la libération immédiate de la journaliste, y voit une « régression des libertés individuelles ».

    Quelque 150 journalistes ont signé une pétition de solidarité dénonçant les « campagnes diffamatoires » visant à détruire leur consoeur. Sa photo a été placée sur des sièges vides pendant la très officielle conférence de presse hebdomadaire du porte-parole du gouvernement.

    Interpellé sur le sujet, le porte-parole a souligné l’existence d’un « cadre juridique relatif à la diffamation » et rappelé que la réforme du code pénal —y compris les articles sur l’avortement— figurait à l’ordre du jour des débats parlementaires.

    – « Verrou politique » -

    Le ministre de la Justice, Mohammed Aujjar (PJD, islamiste) avait déclaré fin juillet dans la presse que le gouvernement mené par le PJD était « engagé dans une dynamique de réformes » tout en imputant la lenteur du changement à une « société très conservatrice ».

    « La société marocaine est profondément acquise à la modernité (...), le verrou est politique », conteste l’historien Mohammed Ennaji sur sa page Facebook.

    « Les questions de l’égalité homme-femme, des libertés individuelles —et notamment le droit des femmes de disposer librement de leur corps— ne sont plus le combat d’une partie des Marocains, c’est notre combat à tous quelles que soient nos appartenances idéologiques », est-il affirmé dans une pétition soutenue par des féministes et militantes des droits humains.

    En 2018, la justice marocaine a poursuivi 14.503 personnes pour débauche, 3.048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortements, selon les chiffres officiels.

    Entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, selon des estimations d’associations.

    https://www.courrierinternational.com/depeche/au-maroc-larrestation-dune-journaliste-pour-avortement-illega

    #IVG #avortement #criminalisation #droits_des_femmes