Je ne me réduis pas à une paire de seins, je suis tout aussi femme

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  • Je ne me réduis pas à une paire de seins, je suis tout aussi femme
    Marie-Claude Belzile, Journal des Alternatives, le 4 septembre 2019
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    JDA : D’après toi, quelles sont les raisons qui peuvent pousser une femme à ne pas subir de mammoplastie ?

    MCB : Il y a plusieurs raisons. D’abord, je suis féministe, je considère que les seins ne sont pas la seule manière de se sentir femme et féminine. Je savais que les seins sont hypersexualisés dans notre société, et je ne me réduisais donc pas à une paire de seins. Par contre, plusieurs femmes ne se sentent plus « femmes » après l’ablation. Personnellement, je n’ai jamais eu l’impression de perdre ma féminité. Elle n’a jamais passé par les seins. Peut-être parce qu’ils étaient petits, je ne saurais dire. L’autre raison, c’est que toutes les photos de reconstruction que j’ai vues ne me plaisaient pas, ça ne ressemble pas à des seins, c’est une forme qui fait penser à des seins, mais c’est beaucoup trop loin de la forme naturelle. J’avais aussi un besoin d’authenticité avec mon histoire, j’ai subi une double mastectomie et voilà, c’est mon corps maintenant. On change tous avec le temps, penser que l’on gardera toujours le même corps, qu’il sera toujours jeune et beau, c’est impossible. On nous vend toutes sortes de choses pour essayer de rester jeune et « beau » à tout prix, mais je ne peux me laisser emporter par cette culture. Un corps n’est pas fixe, il évolue et change continuellement. Alors, j’accepte ainsi ce qu’il vit, et je tente de m’y adapter. Finalement, je dirais que c’était aussi pour des raisons plus pratiques, ne pas se faire reconstruire comporte des avantages. L’opération est la moins invasive. Il y a aussi moins de chances de complications possibles. Il s’agit d’une courte opération en ambulatoire et la convalescence et la guérison sont plus rapides. J’avais envie qu’on laisse mon corps tranquille, qu’il guérisse au plus vite.

    JDA : Est-ce qu’il y a beaucoup de femmes qui font ce choix ?

    MCB : Oui, près de 70 % à 80 % des femmes ne se font pas reconstruire. Cependant, on ne les voit pas parce qu’elles portent des prothèses mammaires externes. Celles qui décident de vivre poitrine plate sans prothèses sont très rares par contre. Sur les groupes Facebook pour femmes plates, nous sommes des milliers, mais de partout en Amérique du Nord, alors c’est difficile à dire quel est le nombre de femmes qui vivent réellement poitrine plate. Je sais seulement qu’on n’en voit que très rarement.

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    JDA : Pourquoi cette pression des médecins d’après toi ? Quand et comment est-ce qu’elle se manifeste ?

    MCB : Selon moi, cette pression part du « male gaze », de l’hypersexualisation du corps des femmes et d’une norme culturelle qui demande de régir le corps des femmes. La plupart des hommes et des femmes pensent en termes de « beauté conventionnelle » quand on parle du corps des femmes. Une femme se doit d’être belle, et si non, elle doit au moins tenter par plusieurs moyens d’y aspirer. Les chirurgien·nes veulent redonner aux femmes ce qu’ils et elles leur enlèvent lors de la mastectomie. Ils ont besoin que leur idée de ce qu’est une femme soit cohérent avec ce désir culturel et social de la femme idéale. Cette pression se fait malgré eux et malgré elles. Je dirais que les médecins projettent leur peur sur la patiente et se disent qu’il faut reconstruire, puisque le service existe et que c’est gratuit.

    Tout Aussi Femme :
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