Coupe du monde 2022 : des « esclaves » népalais morts au Qatar sur les chantiers
D’après l’ambassadeur du Népal à Doha, le Qatar est une « prison à ciel ouvert ». Une trentaine d’ouvriers ont trouvé refuge dans la représentation diplomatique.
Publié le 26 septembre 2013 à 11h09 - Mis à jour le 03 octobre 2013 à 12h34
Dans un rapport publié jeudi, Amnesty international accuse le pays de ne pas mener les réformes qui pourraient améliorer la situation.
D’après des documents confiés par l’ambassade du Népal à Doha au journal britannique The Guardian, au moins 44 ouvriers népalais employés sur des chantiers de construction des sites de la #Coupe_du_monde 2022 au #Qatar sont morts entre le 4 juin et le 8 août. Jeunes pour la plupart, ils ont été victimes d’attaques et insuffisances cardiaques ainsi que d’#accidents sur leur lieu de travail. Tous exerçaient dans des conditions d’exploitation qui s’apparentent à de l’#esclavage moderne.
L’émirat affiche la part de travailleurs #migrants rapportée à sa population la plus importante au monde. Plus de 90 % de la main-d’œuvre est composée d’immigrés et, d’après The Guardian, « 1,5 million d’ouvriers supplémentaires doivent être recrutés pour construire les stades, les routes, les ports et les hôtels nécessaires au bon déroulement du tournoi » de #football. Les Népalais comptent pour 40 % d’entre eux, et plus de 100 000 se sont rendus au Qatar l’an passé. Ils constituent la main-d’œuvre principalement employée pour l’organisation du #Mondial.
Au rythme actuel des décès sur les chantiers au Qatar, au moins 4 000 ouvriers pourraient mourir dans l’Emirat avant même le coup d’envoi du Mondial 2022, a accusé la Confédération internationale des syndicats dans les colonnes du Guardian jeudi
UNE « PRISON À CIEL OUVERT »
L’enquête du Guardian évoque des éléments qui démontrent une vaste exploitation des ouvriers étrangers, du #travail_forcé – parfois par 50 °C –, un refus d’accès à l’eau potable – pourtant gratuite – et des violations multiples des normes internationales en matière de droit des travailleurs. Dans des conditions sanitaires alarmantes, certains de ces ouvriers étrangers dorment à douze dans une chambre d’hôtel insalubre, en proie aux maladies.
Le voyage depuis le plateau himalayen jusqu’aux déserts de la péninsule arabique coûte une fortune aux migrants, obligés de s’endetter pour payer les agences qui prennent en charge leur transfert. Les taux d’intérêt de leurs emprunts sont exorbitants – le journal parle de 36 %. Sur place, ils sont souvent payés avec plusieurs mois de retard, et leurs salaires retenus pour les empêcher de fuir. Certains ont vu leurs passeport ou pièces d’identité confisqués.
Un jeune ouvrier de 27 ans, Ram Kumar Mahara, raconte au quotidien britannique qu’il a gardé le ventre vide pendant vingt-quatre heures, après douze heures de travail et une nuit entière : « Quand je me suis plaint, mon chef m’a chassé du camp de travail. J’ai dû mendier la nourriture des autres travailleurs parce qu’il refusait de me payer. »
Le corps d’un garçon de 16 ans a été renvoyé à sa famille seulement six semaines après que le jeune homme fut arrivé dans l’émirat pour travailler. D’après l’ambassadeur népalais à Doha, le Qatar est une « prison à ciel ouvert ». Une trentaine d’ouvriers ont trouvé refuge dans la représentation diplomatique.
Selon Aidan McQuaid, directeur de « Anti-Slavery International », les documents publiés par The Guardian jeudi « laissent indiquer du travail forcé, et ça a même l’air d’aller au-delà ». « Ce n’est pas vraiment un secret, mais il n’y a pas d’effort concerté de la part des autorités qatariennes pour y mettre fin », a expliqué M. McQuaid à l’AFP.
« AUCUNE EXCUSE »
Le Comité suprême Qatar 2022, structure chargée de préparer la Coupe du monde, s’est dit « profondément préoccupé par ces allégations visant certains prestataires et sous-traitants du site de construction de Lusail City et considère la question avec le plus grand sérieux ».
« Comme tous ceux qui ont vu les photos et lu l’article (du Guardian), nous sommes choqués », a ajouté le Comité organisateur de la compétition. « Il n’y a aucune excuse pour que les ouvriers soient traités ainsi au Qatar ou ailleurs... La santé, la sécurité et le bien-être de tous ceux qui travaillent à la préparation de la Coupe du monde 2022 sont de la plus haute importance pour le Comité d’organisation. Le tournoi doit aider à l’amélioration de la vie des travailleurs au Qatar ».
Selon un des ses porte-parole, la FIFA va « entrer en contact avec les autorités du Qatar, et la question sera également discutée lors de la réunion du comité exécutif sur le point Coupe du monde 2022 au Qatar les 3 et 4 octobre 2013 à Zurich. » Les autorités, assure-t-on, ont lancé une enquête.
►https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/09/26/des-esclaves-nepalais-morts-au-qatar-sur-les-chantiers-de-la-coupe-du-monde_