• Dans une décision rendue vendredi 22 octobre, le Conseil d’Etat a rejeté le recours des organisations de salariés qui demandaient la suspension d’un décret durcissant les conditions d’indemnisation des travailleurs précaires.

      Cette fois-ci, ce sont les syndicats qui ont perdu. Vendredi 22 octobre, leur recours contre une des mesures emblématiques de la réforme de l’assurance-chômage a été rejeté par le Conseil d’Etat. Saisie en référé, la haute juridiction n’a pas suspendu le décret permettant d’appliquer depuis le 1er octobre le nouveau mode de calcul de l’allocation. Dans un communiqué, elle a expliqué que « la tendance générale du marché de l’emploi », qui est à l’amélioration, ne constituait plus « un obstacle » à ce changement de réglementation. En juin, elle avait tenu le raisonnement inverse, donnant satisfaction aux organisations de salariés.

      Le différend porte sur la disposition la plus décriée de la réforme. Le gouvernement a modifié les termes de l’équation aboutissant au salaire journalier de référence, qui sert de base pour déterminer le niveau de l’indemnisation. L’objectif est de mettre fin à des situations où les salariés ayant multiplié des contrats courts seraient mieux couverts par l’assurance-chômage que ceux ayant travaillé de façon continue. Ainsi, l’exécutif entend encourager l’emploi durable. Cette démarche est dénoncée par l’ensemble des centrales syndicales, car elle entraîne une baisse du montant mensuel de la prestation pour les chômeurs alternant petits boulots et périodes d’inactivité.

      Lire aussi Des écarts de 1 à 47 selon les bénéficiaires : la réforme de l’assurance-chômage en six questions
      https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/05/18/des-ecarts-de-1-a-47-selon-les-beneficiaires-la-reforme-de-l-assurance-choma

      Un décret en date du 30 mars avait été pris afin que la nouvelle formule du salaire journalier de référence entre en vigueur le 1er juillet. Les organisations de salariés avaient riposté en déposant plusieurs requêtes devant le Conseil d’Etat.

      Sans remettre en cause le principe de la réforme, la juge des référés, Anne Egerszegi, avait ordonné, le 22 juin, la suspension du mode de calcul de l’allocation, en retenant un seul motif et en écartant méthodiquement les autres moyens soulevés par les requérants : à ses yeux, les incertitudes économiques étaient alors si fortes qu’elles empêchaient la mise en place, au tout début de l’été, d’un mécanisme destiné à favoriser la stabilité de la main-d’œuvre.

      Effets encore plus ravageurs

      Le gouvernement est reparti à l’assaut en publiant un autre décret, daté du 29 septembre, pour que les règles incriminées jouent à compter du 1er octobre. Huit syndicats et quatre organisations de guides-conférenciers ont alors, à leur tour, contre-attaqué devant le Conseil d’Etat. Durant l’audience de référé qui s’est tenue le 14 octobre, ils ont beaucoup insisté, par le biais de leurs avocats, sur les inconnues qui, selon eux, continuent de prévaloir en matière d’emploi. Les représentants du ministère du travail, de leur côté, ont, au contraire, mis en exergue la vitalité de la conjoncture, leur but étant de montrer au juge, Olivier Yeznikian, qu’il n’y avait plus aucune raison d’interrompre le cours de la réforme.

      Les arguments développés par l’administration ont fait mouche. « Une forte reprise de l’activité économique se confirme », écrit le magistrat dans son ordonnance, en évoquant les dernières enquêtes de l’Insee et de la Banque de France. Plusieurs indicateurs prouvent que le climat est au beau fixe : créations de postes dans le secteur privé qui dépassent leur « niveau d’avant crise », stabilisation du taux de chômage à 8 % de la population active – soit un chiffre « proche de celui de la fin de l’année 2019 » –, « dynamique à la baisse du nombre des demandeurs d’emploi » sans aucune activité…

      Lire aussi l’éditorial : Assurance-chômage, une réforme punitive
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/31/assurance-chomage-une-reforme-punitive_6017573_3232.html

      Olivier Yeznikian mentionne aussi les actions annoncées récemment par le gouvernement pour « remobiliser » des chômeurs éloignés du monde du travail et pour aider ceux qui cherchent un métier depuis plus d’un an. Dès lors, il n’y a pas d’élément « de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret », considère le juge. La demande de suspension du texte est donc repoussée.

      Les syndicats sont déçus, bien évidemment. Au nom de la CGT, Denis Gravouil dénonce le feu vert donné à une mesure qui va commencer à avoir une incidence préjudiciable sur certaines indemnisations « à partir du mois de novembre ». Il souligne également que la réforme produira des effets encore plus ravageurs que ceux qui étaient redoutés au départ : les économies liées aux « moindres dépenses » d’allocation devraient atteindre, à terme, 2,3 milliards d’euros par an, alors que le gouvernement tablait initialement sur 1 milliard ou 1,3 milliard d’euros.

      Pour la CFDT, le combat « n’est pas terminé »

      Me Jean-Jacques Gatineau, le conseil de la CFE-CGC, trouve que le retour à meilleure fortune n’est pas aussi probant que ce qu’affirme le Conseil d’Etat dans sa décision : il y a, dit l’avocat, des signaux préoccupants, par exemple « le niveau élevé du nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite », ce qui témoigne d’une précarité persistante.

      FO, dans un communiqué, observe qu’« une large majorité des emplois créés aujourd’hui sont des contrats de moins d’un mois » : or, les personnes « qui subissent les successions » de ce type de contrat à durée déterminée vont être particulièrement pénalisées par le nouveau salaire journalier de référence.

      Surtout, le combat « n’est pas terminé », déclare Marylise Léon, la numéro deux de la CFDT, en faisant référence à l’autre recours – sur le fond, cette fois-ci – que les syndicats ont engagé devant le Conseil d’Etat. Les requérants espèrent que, à cette occasion, la haute juridiction examinera de façon plus poussée qu’en référé leurs arguments – notamment celui de « l’inégalité de traitement » infligée aux plus précaires.
      Mais un spécialiste de la justice administrative soutient que le juge du fond ne remet pas en cause les appréciations du juge du référé, depuis une réforme entrée en vigueur il y a une vingtaine d’années. (?) Les protagonistes seront, quoi qu’il en soit, assez vite fixés : l’audience devrait avoir lieu avant la fin de l’automne.

      #droitauchômage #inégalités_de_traitement #travail #chômeurs_en_activité_à_temps_réduit #précarité #guerre_aux_pauvres #bosse_ou_crève #trime_et_tais_toi #économie #société_punitive

  • Assurance-chômage, une #réforme_punitive
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/31/assurance-chomage-une-reforme-punitive_6017573_3232.html

    Editorial. Les premières dispositions de la réforme, qui entrent en vigueur vendredi 1er novembre, ouvrent certes des droits mais durcissent les conditions d’éligibilité. Avec le risque d’étendre la précarité qu’une telle mesure prétend combattre.

    Editorial du « Monde ». Depuis quelques jours, Muriel Pénicaud fait la promotion de la réforme de l’assurance-chômage, concoctée à l’abri des partenaires sociaux, qui n’avaient pas réussi à s’entendre, par le seul gouvernement. La ministre du travail est dans son rôle quand elle valorise deux innovations qui étaient des promesses d’Emmanuel Macron. La première concerne les salariés démissionnaires, qui pourront bénéficier d’une indemnisation s’ils ont un « projet professionnel ». Mais les conditions sont tellement strictes qu’il ne devrait y avoir qu’entre 17 000 et 30 000 élus chaque année. La seconde vise les travailleurs indépendants, qui auront désormais droit à une allocation de 800 euros par mois pendant un semestre. Là aussi, l’effet sera limité, avec 30 000 bénéficiaires par an.

    Ces deux mesures sont des mini-pansements qui n’atténuent en rien le caractère punitif de la réforme. Justifiée par la nécessité de faire 3,4 milliards d’euros d’économies sur deux ans et accompagnée d’une petite musique sur l’amélioration de l’emploi, elle tourne le dos à la justice sociale et risque d’étendre la précarité qu’on prétend combattre, voire de fabriquer de nouveaux pauvres au moment où une stratégie audacieuse contre la pauvreté se met en place. Pire encore, elle nourrit une suspicion à l’égard des 6 millions d’individus inscrits à Pôle emploi sans aucun travail ou avec une activité réduite, comme s’ils cherchaient à s’installer dans le chômage sans tenter de retrouver un emploi.

    Indemnisation dégressive à partir du septième mois
    Laurent Berger a raison de dire que « c’est une des réformes les plus dures socialement qui s’est opérée ces vingt-cinq dernières années ». Le secrétaire général de la CFDT estime – même si ce n’est pour l’heure qu’un pronostic qui demandera à être vérifié – que « plus de 1,4 million de demandeurs d’emploi vont être impactés négativement ». Déjà en 1982, quand Pierre Bérégovoy, ministre (socialiste) des affaires sociales, s’était substitué aux partenaires sociaux, son décret avait accentué les inégalités de traitement entre les chômeurs, donnant naissance à ce qu’on avait appelé « les nouveaux pauvres ».

    Avec les deux décrets publiés fin juillet au Journal officiel qui vont s’appliquer à compter du 1er novembre, le durcissement des règles va devenir une réalité. Il faudra désormais avoir travaillé six mois sur une période de vingt-quatre mois – et non plus quatre mois sur vingt-huit – pour toucher une allocation. Mis en place en 2014, sous le quinquennat précédent, le dispositif des droits rechargeables, ouvert aux allocataires en fin d’indemnisation, va être sérieusement écorné. Il ne jouera qu’à partir du moment où le demandeur d’emploi aura été en activité au moins 910 heures, soit un seuil six fois plus élevé qu’aujourd’hui.

    Par ailleurs, et alors même que l’efficacité d’une telle mesure n’a jamais été démontrée, l’indemnisation sera dégressive à partir du septième mois pour ceux qui touchaient plus de 4 500 euros brut par mois. Les cadres sont dans le collimateur.

    Une autre disposition punitive, qui entrera en vigueur en avril 2020, a trait au calcul du salaire journalier de référence, avec une baisse moyenne de 22 % de l’allocation, qui passera de 905 à 708 euros. Cela touchera, d’après l’Unedic, environ 850 000 personnes. En juin, M. Macron avait souligné que « l’ajustement économique et financier » ne devait pas prévaloir « sur les droits sociaux ». C’est pourtant le mauvais coup qu’il vient de commettre.

    #droit_au_chômage

  • Ce texte stupéfiant d’un très haut fonctionnaire français en charge de l’immigration semble avoir été écrit pour un administrateur colonial libéral dans l’Algérie du début du XXe siècle.

    « Nulle part le port du voile n’accompagne une vitalité démocratique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/29/didier-leschi-nulle-part-le-port-du-voile-n-accompagne-une-vitalite-democrat

    La défiance à l’égard des femmes voilées exprime moins une montée de l’islamophobie en France que la crainte de voir régresser le droit des femmes, estime, dans une tribune au « Monde », le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

  • Reconnaissance faciale : pourquoi la France veut-elle l’expérimenter ?
    https://information.tv5monde.com/info/reconnaissance-faciale-pourquoi-la-france-veut-elle-l-experime

    Des voix au gouvernement et parmi les parlementaires s’élèvent pour demander une réflexion sur l’encadrement juridique de la reconnaissance faciale. Des « caméras intelligentes d’identification » pourraient-elles s’implanter dans les rues des villes françaises, dans les administrations ? Avec quels objectifs et quelles limites ? Entretien avec Laurent Mucchielli, directeur de recherche en sociologie au CNRS.

    Cédric O, le secrétaire d’Etat au Numérique l’a affirmé le 14 octobre dernier, dans un entretien donné au quotidien « Le Monde » : « Expérimenter la reconnaissance faciale est nécessaire pour que nos industriels progressent ». Cette technologie — déjà utilisée pour dévérouiller les smartphones de dernière génération ou reconnaître le propriétaire d’un assistant Google, — commence à être utilisée au sein d’entreprises, dans des aéroports, et massivement dans les rues des villes Chinoises. Les responsables politiques français annoncent depuis 2018 tester la reconnaissance faciale dans le domaine de la sécurité publique, mais jusque là, sans débat ni loi pour la mettre en œuvre.

    Ces « caméras intelligentes » — pilotées par des intelligences artificielles et capables d’identifier ou authentifier des visages humains — posent de nombreux problèmes en terme d’atteinte aux libertés, de liberté de circulation, de droit à l’anonymat et à l’image, de consentement à l’utilisation des données biométriques.

    La reconnaissance faciale pourrait aussi mener à une « policiarisation » de la société, selon les organisations de défense des droits de l’Homme ou des libertés. Ces dernières dénoncent le risque d’un « panoptisme global », grâce aux caméras intelligentes : une surveillance policière permanente et invisible… menant à un contrôle social généralisé.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/24/la-reconnaissance-faciale-s-avere-inefficace-pour-enrayer-la-violence_601669

    La question majeure et préalable est : la reconnaissance faciale, pour quoi faire ? dans quel but ? pour répondre à quel besoin ? Pour améliorer quelle dimension de la vie quotidienne des citoyens ? C’est tout le problème de cette fascination et de cette crédulité actuelles pour les nouvelles technologies, qui amènent nombre d’élus à s’enthousiasmer pour des technologies, sans avoir préalablement procédé ni à un diagnostic des besoins de la population, ni à une évaluation des innovations technologiques précédentes du même genre. Cela donne un côté « hors sol » à leurs propos, qui doit nous interroger.

    TV5Monde : « La France pourrait se positionner en exemple pour développer une reconnaissance faciale éthique bénéficiant à tous sans créer de nouvelles inégalités, sans empiéter sur nos libertés publiques, sans poser de nouveaux risques sur notre sécurité individuelle et collective », selon les deux députés. Cela est-il possible, souhaitable, selon vous, et si oui, par quels biais ?

    L.M : Ces propos relèvent de la pétition de principe de type philosophique et ne sont pas du tout réalistes. Là encore, on est simplement dans du déclaratif, on se paye de mots.

    Il faut absolument sortir de la naïveté ambiante vis-à-vis des nouvelles technologies — puisque face au marketing des industriels de la sécurité, trop de gens se comportent comme des spectateurs crédules d’un film de science-fiction — et se demander préalablement si nous en avons réellement besoin. Il faudrait aller regarder de près les expériences étrangères pour voir dans quelle mesure la technologie répond ou non aux besoins identifiés. Le droit ne doit venir qu’après. Et si on décide de faire une loi pour encadrer le développement de cette technologie, alors je répète que la question de la surveillance de l’application du droit sera majeure. Car le potentiel d’intrusion dans la vie privée et de réduction des libertés publiques est majeur avec cette technologie.

    #surveillance #biométrie #reconnaissance_faciale #libertés

  • Mireille Delmas-Marty : « La “société de vigilance” risque de faire oublier la devise républicaine »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/24/mireille-delmas-marty-la-societe-de-vigilance-risque-de-faire-oublier-la-dev

    La « vigilance » prônée par le président Macron au motif de combattre le terrorisme risque d’entraîner un glissement vers un Etat de « suspicion », s’inquiète la juriste, pour qui se dessine un « culte de la sécurité ». Le monde est dangereux, et nous en sommes de plus en plus conscients, qu’il s’agisse de dangers concernant l’ensemble de la planète comme le changement climatique ou le risque nucléaire, ou menaçant plus particulièrement les êtres humains, comme les crises sociales, le désastre humanitaire (...)

    #algorithme #justice #vidéo-surveillance #reconnaissance #émotions #délation #surveillance (...)

    ##prédiction

  • Europe : « La précarité énergétique n’est pas une légende urbaine »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/16/europe-la-precarite-energetique-n-est-pas-une-legende-urbaine_6015661_3232.h

    <b>Tribune</b> Le XXIe siècle a débuté il y a près de deux décennies, pourtant la politique énergétique européenne reste imprégnée de concepts désuets …

  • « Jusqu’où laisserons-nous passer la haine des musulmans ? »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/15/jusqu-ou-laisserons-nous-passer-la-haine-des-musulmans_6015557_3232.html

    Ne nous y trompons donc pas. L’extrême droite a fait de la haine contre les musulmans un outil majeur de sa propagande, mais elle n’en a pas le monopole. Des membres de la droite et de la gauche dites républicaines n’hésitent pas à stigmatiser les musulmans, et en premier lieu les femmes portant le voile, souvent « au nom de la laïcité ». Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, voit ainsi dans le port du foulard par des mères d’élèves accompagnant bénévolement des sorties scolaires, en soutien des équipes enseignantes, du « prosélytisme » et du « communautarisme ». Interrogé par BFM-TV sur l’agression de la mère d’élève à Dijon par l’élu RN Julien Odoul, le ministre a certes condamné son comportement, mais a tout de même affirmé : « Le voile n’est pas souhaitable dans notre société. » N’est-ce pas ici l’illustration même d’une stigmatisation assumée jusqu’au plus haut niveau de l’Etat ?
    Lire aussi Voile à l’école : Jean-Michel Blanquer demande des sanctions contre le député LRM Aurélien Taché

    La laïcité, consacrée par la loi de 1905, c’est certes la séparation de l’Etat et du religieux, mais c’est aussi la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté d’exercer sa foi ou de ne pas l’exercer, la liberté de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public. Malgré les nombreuses alertes des associations et des militants, malgré le travail de déconstruction des universitaires, nous avons trop longtemps laissé la voie libre aux interprétations dévoyées du principe de laïcité, semant la division et la haine. Cette femme et son fils en payent le prix aujourd’hui, comme d’autres avant eux, mais qu’en sera-t-il demain ?
    Instrumentalisation de la laïcité

    Jusqu’où laisserons-nous passer ces haines ? Des plateaux télé dans leur course au buzz et à l’audience permanente, de nos rangs d’élus et de décideurs avides de gains électoraux, sans parler de nos sphères privées elles aussi imprégnées d’intolérances, jusqu’à quand allons-nous accepter que des citoyennes, des citoyens soient insultés, agressés, attaqués, stigmatisés en raison de leur religion ? Jusqu’à quand allons-nous accepter que la laïcité, socle de notre République, soit instrumentalisée pour le compte d’une vision ségrégationniste, raciste, xénophobe, mortifère de notre société ? Acceptons-nous de nous laisser sombrer collectivement ou disons-nous stop maintenant, tant qu’il est encore temps ?

    Hier, Latifa Ibn Ziaten, mère du militaire Imad Ibn Ziaten, victime des attentats de Mohamed Merah, huée lors d’un colloque à l’Assemblée nationale en raison de son foulard ; hier encore, une femme de 24 ans, portant elle aussi un foulard, poignardée devant son conjoint et leurs enfants à Sury-le-Comtal (Loire). Aujourd’hui, cette femme humiliée dans une assemblée de la République française. Aujourd’hui encore, l’université de Cergy-Pontoise qui demande à son personnel de lui faire remonter les « signaux faibles » de détection de radicalisation d’étudiants ou de collègues, ciblant uniquement les personnes de confession musulmane.

    #Racisme #Extrême_droite #Islamophobie

  • « Pour les spécialistes, la notion de “réfugié climatique” est tout simplement une mauvaise notion », Jean-Baptiste Fressoz
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/02/jean-baptiste-fressoz-pour-les-specialistes-la-notion-de-refugie-climatique-

    Il est très difficile d’isoler le facteur climatique dans les causes des migrations. Dès lors, craindre des vagues migratoires dues au réchauffement tient plus du fantasme que de la science, détaille l’historien dans sa chronique.

    Chronique. Le 18 septembre, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, déclarait « savoir que, dans le futur, l’évolution du monde, (…) le réchauffement climatique conduiront à ce que de nouvelles vagues migratoires aient lieu ». Conclusion, face à ce futur menaçant : « Nous devons armer notre pays. »

    La prescience de Mme Ndiaye est assez extraordinaire. Car les démographes ont, quant à eux, beaucoup de mal à estimer les conséquences d’un monde à + 3 ou + 4 °C sur les migrations internationales. Tout d’abord, il est très difficile d’isoler le facteur climatique dans les causes des migrations. Ensuite, l’essentiel des déplacements est interne aux pays, et donc difficile à recenser. Enfin, migrer coûtant cher, l’appauvrissement consécutif au réchauffement pourrait tout aussi bien réduire les flux migratoires internationaux. Comme l’a montré le démographe François Héran, les flux migratoires importants concernent des pays moyennement riches, alors que les pays les plus pauvres ont à l’inverse très peu de migrants dans les pays développés (« L’Europe et le spectre des migrations subsahariennes », Population et sociétés n° 558, 2018).

    Le spécialiste des migrations François Gemenne a aussi montré combien les chiffres discordants sur les « réfugiés climatiques » n’ont guère de fondements scientifiques et ont surtout servi à appeler l’attention médiatique sur le sujet (« Why the numbers don’t add up : a review of estimates and predictions of people displaced by environmental changes », Global Environmental Change n° 21/1, 2011). Pour les spécialistes, la notion de « réfugié climatique » est tout simplement une mauvaise notion, qui naturalise les causes sociopolitiques des migrations. Par exemple, en cas de catastrophe, les personnes migrent ou non en fonction de leurs conditions socio-économiques, de leur vulnérabilité et des réponses institutionnelles à la catastrophe.

    Influence anglo-saxonne

    Comment alors expliquer son extraordinaire succès ? Le personnage clé de cette affaire s’appelle Norman Myers. Au milieu des années 1990, c’est sous sa plume et avec ses chiffrages fantasques (50 millions de réfugiés climatiques en 2010, 250 millions en 2050) que la hantise des migrants climatiques commence à infuser dans l’espace médiatique et politique. Ancien administrateur colonial britannique au Kenya, devenu écologue sur le tard, M. Myers est consultant indépendant auprès d’institutions allant de l’armée américaine à la Banque mondiale en passant par le pétrolier Shell. Et il murmure à l’oreille de Bill Clinton, d’Al Gore ou de Tony Blair. En 1991, il dirige un think tank néomalthusien, Optimum Population Trust (rebaptisé depuis « Population Matters »), selon lequel, pour freiner la croissance démographique des pays riches, il faut promouvoir « l’immigration zéro », ce qui incitera les pays pauvres privés d’exutoire à restreindre leur propre fertilité…

    Parmi les patrons du think tank figure aussi James Lovelock. Célèbre pour avoir inventé la « théorie Gaïa » – la Terre comme être vivant –, il est aussi le promoteur de l’idée, nettement moins sympathique, d’« oasis climatiques », qu’il faudrait protéger à tout prix, et même militairement, du chaos climatique à venir et de ses migrants (The Vanishing Face of Gaia, Allen Lane, 2009). Evidemment, la Grande-Bretagne serait une de ces oasis. Ce genre de réflexions a aussi cours aux Etats-Unis où, depuis les années 1990, tout un écosystème de think tanks financé par le Pentagone prospère autour du changement climatique, de la surpopulation, des migrations et des enjeux de sécurité nationale (« Rethinking climate refugees and climate conflict : rhetoric, reality and the politics of policy discourse », Betsy Hartmann, Journal of International Development, n° 22/2, 2010).

    Si la déclaration de Sibeth Ndiaye reflète l’influence de ces néomalthusiens anglo-saxons, elle est aussi un prétexte bien commode pour braconner sur les terres du Rassemblement national, tout en donnant l’impression d’une certaine hauteur de vue.

  • Fiscalité des multinationales : taxer enfin le numérique
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/10/fiscalite-des-multinationales-taxer-enfin-le-numerique_6014946_3232.html

    L’OCDE a formulé, mercredi 9 octobre, une série de propositions pour taxer les grands groupes qui opèrent dans le monde entier et échappent actuellement à l’impôt grâce à des techniques d’optimisation. Il était temps ! Utopique il y a quelques mois encore, la réforme de la fiscalité des grands groupes s’accélère enfin avec une série de propositions formulées, mercredi 9 octobre, par l’Organisation de coopé­ration et de développement économiques (OCDE). Il était temps ! La façon de taxer les multinationales (...)

    #taxation #GAFAM

  • L’accueil de réfugiés « réinstallés » dans les communes rurales de #Dordogne

    La campagne serait-elle le meilleur endroit pour accueillir les réfugiés les plus vulnérables ? Dans le cadre des « réinstallations » en France — par le #HCR — de réfugiés venus de pays moins sûrs, des communes rurales se sont portées volontaires pour les accueillir. Récit en Dordogne où la volonté des bénévoles et des élus tente de compenser les manquements de l’État dans l’accompagnement de ces personnes fragilisées par les violences de la guerre ou de leur histoire migratoire.

    Quand, à l’automne 2015, Pascal Bourdeau, maire d’une petite commune de Dordogne, entend l’appel de Bernard Cazeneuve aux édiles de France pour accueillir des réfugiés (« votre mobilisation est déterminante », leur écrit-il), il n’hésite pas une seconde. La France vient de s’engager à recevoir 22 000 réfugiés « relocalisés » depuis les hotspots de Grèce et d’Italie (dont elle n’accueillera finalement que 5 030 personnes). La photo d’Alan Kurdî, enfant syrien trouvé mort sur une plage, plane encore dans les esprits. La ville de Nontron, 3 500 habitants, ouvre donc ses portes à deux familles syriennes. Deux familles soudanaises et une autre centre-africaine les rejoindront deux ans plus tard. Elles sont arrivées dans le cadre d’un programme d’évacuation d’urgence de Libye vers le Niger sous mandat du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, le HCR (voir notre article à ce sujet).

    « Je considère que c’est un devoir d’accueillir ces gens, déclare le maire devenu également vice-président du conseil départemental. Je suis issu d’une famille de résistants et #Nontron a accueilli des Lorrains et des Alsaciens juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale. La Dordogne est une terre d’asile : accueillir ces cinq familles allait de soi ». En 2015, Pascal Bourdeau contacte donc le préfet et prépare l’arrivée de la première famille syrienne avec son conseil municipal. Les conditions sont réunies : les écoles sont mobilisées, des navettes mises en place vers Périgueux et Angoulême (pas Limoges, l’autre grande ville de la zone). Plusieurs associations se disent prêtes à accompagner ces nouveaux venus que la guerre et la vie dans les camps a « un peu cabossés physiquement et mentalement », constate le maire de Nontron.

    Ces réfugiés ont bénéficié du programme de réinstallation du HCR, qui existe depuis longtemps et indépendamment de l’épisode des hotspots de la crise de l’accueil en Europe. La France n’avait jusqu’alors pas participé à ce programme qui permet de réinstaller dans des pays sûrs des réfugiés présents dans les camps de l’organisation humanitaire. C’est le cas au Liban, en Turquie, en Guinée, au Tchad ou encore au Niger. Cette réinstallation s’exerce selon le critère humanitaire de la plus grande vulnérabilité.

    En France, l’accueil des réfugiés passe par les territoires

    L’État français, qui pour la première fois a accepté de participer à un programme de réinstallation, délègue l’accueil de ces familles et personnes réfugiées à des associations nationales ou locales. En octobre 2017, la France annonçait l’accueil de 10 000 réfugiés d’ici octobre 2019, dont 3 000 venant du Tchad et du Niger, dans le cadre des programmes de réinstallation de migrants. Ce chiffre n’est pas encore atteint 1, mais la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (#Dihal) a mandaté pas moins de 24 opérateurs pour accompagner ces réfugiés particulièrement vulnérables sur l’ensemble du territoire.

    À Périgueux, en Dordogne, l’association Aurore s’est occupée des Syriens, tandis que France terre d’asile (FTdA) a pris en charge les Subsahariens évacués de #Libye via le #Niger. Accueillis dans un premier temps dans la #Cité_de_Clairvivre, un important établissement public médico-social à #Salagnac, ils ont été relogés ensuite dans les communes du département qui se portaient volontaires.

    Pour Claire Courtecuisse, historienne du droit à l’Université Grenoble-Alpes, la volonté politique d’installer les migrants à la campagne remonte à la fin du XIXe siècle, quand se consolide l’idée d’une communauté nationale soucieuse d’identifier les étrangers sans les mêler au reste de la population. « On pense alors que le migrant étranger s’installera de façon durable dans des campagnes, vidées par les Français, grâce aux valeurs attachées à la terre, gage de stabilité et d’ancrage ». Les forts besoins en main-d’œuvre, notamment saisonnière, permettent au secteur agricole de déroger aux lois qui protègent la main-d’œuvre nationale, comme celle du 10 août 1932 qui ne s’appliquera pas au secteur primaire.

    Sur les naturalisations, là encore, les zones rurales font exception. À la Libération, instruction est donnée par le général de Gaulle à son ministre de la Justice de « limiter strictement les naturalisations dans les villes, notamment à Paris, Marseille, Lyon, où l’afflux des étrangers n’est pas désirable », quitte à les favoriser en milieu rural. L’idée d’une répartition équitable des étrangers accueillis sur le territoire français a ressurgi avec la loi Asile et Immigration du 10 septembre 2018, qui confie à chaque préfet de région un #schéma_régional_d'accueil_des_demandeurs_d’asile_et_des_réfugiés (#SRADAR) en lien avec le schéma national.

    « Avec la politique de #répartition_territoriale, la question de l’accueil par les petites villes et les villages se pose de plus en plus », affirmait Matthieu Tardis, chercheur à l’Ifri, devant les maires de France invités à l’atelier de la Dihal sur le « Relogement des réfugiés : un enjeu pour la cohésion des territoires ». Selon le chercheur, les #territoires_ruraux sont une « terre d’asile (...), le citoyen [étant] l’accélérateur de l’intégration des réfugiés. À la fois parce qu’il les aide à s’approprier la langue, et parce qu’il peut être facteur d’insertion professionnelle ».

    Avec sa « Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des personnes réfugiées », lancée en juin 2018, l’État en appelle — à nouveau — aux maires pour reloger durablement les réinstallés, réfugiés ou demandeurs d’asile présents dans les #Cada (Centres d’Accueil des demandeurs d’asile) ou #CAO (Centres d’accueil et d’orientation).

    Les premiers CAO, ouverts à la hâte à l’automne 2015 pour « mettre à l’abri » les occupants de la lande de Calais (appelée « la jungle ») et de la place Stalingrad à Paris, n’ont pas toujours été bien accueillis par les populations, se souvient Olivier Clochard, directeur de Migrinter. Installé à Poitiers, ce laboratoire héberge le programme de recherche « Campagnes françaises dans la dynamique des migrations internationales ». Camigri réunit une dizaine de géographes sur trois terrains en Aquitaine (Périgord vert, Vienne et Pyrénées ariégeoises) et s’intéresse à l’installation de nouveaux habitants dans les campagnes, qu’ils soient réfugiés, demandeurs d’asile, néo-ruraux ou agriculteurs. Pendant 5 ans (2016-2021), les chercheurs observeront les changements que ces arrivées provoquent en termes démographiques, économiques et politiques dans ces lieux peu peuplés.

    « La mise en place de dispositifs établis sans concertation inquiète les acteurs, explique Olivier Clochard, on doit entendre ces mécontentements, voire comprendre les raisons qui conduisent les personnes à ces réticences. » Le chercheur retient aussi l’expérience positive des tables rondes menées dans les communes rurales des #Deux-Sèvres : « Ces rencontres permettent de saisir une multitude d’initiatives. Écoutant les protagonistes, effectuant des enquêtes (...), j’observe que les politiques migratoires ne se font plus uniquement dans les ministères ou les préfectures aujourd’hui ; elles se construisent également dans les campagnes avec ces diverses mobilisations. »

    Le rôle important des #bénévoles

    Les bénévoles jouent un rôle central dans l’accueil des réfugiés en zone rurale. À Nontron, Brigitte, l’ancienne directrice d’école, était à la retraite l’année de l’arrivée de la première famille syrienne. « Je suis entrée en lien avec l’association prestataire. On devait rencontrer la famille ensemble, mais la personne de l’association m’a fait faux bond ; alors, je me suis débrouillée, et c’est ce que je fais depuis ! » Brigitte met en place un accompagnement scolaire. Avec les nouvelles arrivées, elle mobilise son frère, Christophe, également à la retraite, puis la femme de Christophe, Marie-Noëlle, retraitée du conseil départemental, qui garde les petits quand les parents suivent des cours de français deux fois par semaine.

    Ces réfugiés particulièrement vulnérables ont besoin de soins médicaux. Les rendez-vous se multiplient, particulièrement pour la famille soudanaise arrivée avec une petite fille handicapée qui demande beaucoup de soins et de déplacements. « J’ai fini par lancer un appel par le Collectif de transition citoyenne en Périgord vert (Gco) qui fonctionne par email, raconte Brigitte. Nous sommes aujourd’hui une trentaine de bénévoles, dont quinze très actifs, et ça marche plutôt pas mal. »

    L’installation de ces familles nombreuses bénéficie aussi aux communes. « Nos cinq familles de réfugiés nous ont apporté 20 enfants et ont sauvé nos écoles », se réjouit Erwan Carabin, l’adjoint au maire de Nontron. « Les plus jeunes ont appris le français en un temps éclair. Pour les adultes, c’est plus compliqué. » Pour raconter son histoire, Issam 2 et sa femme, des Syriens arrivés en 2018 d’un camp du HCR au Liban, demandent à leur fils Mansour, 16 ans, de traduire leurs propos.

    Issam a reçu un éclat d’obus au pied et attend la reconnaissance de son handicap par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour pouvoir trouver un travail adapté. Il ne peut pas se déplacer à Périgueux pour suivre les cours de français langue étrangère proposés par le Greta. L’association mandatée localement par l’État pour la prise en charge des « réinstallés » a achevé son mandat après un an pour des raisons budgétaires (c’est la norme). Les cours, et tout le reste, se sont arrêtés du jour au lendemain. « Ils devaient aller deux fois par semaine à Périgueux, explique Brigitte, c’était impossible pour lui, alors nous avons mis en place un cours localement, d’abord financé par une association périgourdine puis, quand ça s’est arrêté, grâce à une bénévole... jusqu’à ce qu’elle trouve du travail ! » Aujourd’hui, il n’y a plus d’enseignement du français pour les réfugiés à Nontron.

    La maîtrise du français est pourtant une des priorités des dispositifs mis en place par les associations prestataires de l’État. France terre d’asile finance également 200 heures de cours de français pendant sa prise en charge. Lorsque le mandat prend fin pour des raisons budgétaires, les communes doivent prendre le relais. Ce n’est pas toujours possible dans une petite ville comme Nontron.

    Dans son HLM, bercé par le chant des canaris en cage, Issam sort son téléphone pour lancer l’application qui lui permet de communiquer en français grâce à une traduction immédiate à l’écrit et à l’oral. Le résultat est plutôt satisfaisant, mais ne convient pas à toutes les situations. Pendant les rendez-vous médicaux, les réfugiés de Nontron peuvent appeler une association d’interprètes à Paris, à laquelle la mairie souscrit par tranches de 15 minutes. « On a bien un habitant qui parle arabe et accepte de venir quand on l’appelle, explique Erwan Carabin, mais on ne peut pas le solliciter tout le temps. Il faut aussi savoir ménager nos bénévoles ! »

    « On ne peut pas s’habituer
    à une souffrance, physique
    ou mentale comme ça,
    surtout quand on ne peut rien faire
    pour la soulager. »

    Marie-Noëlle, bénévole

    Entre les cours de soutien scolaire, deux fois par semaine, et l’accompagnement aux rendez-vous médicaux ou administratifs dans les grandes villes avoisinantes, Brigitte trouve le temps de monter le dossier MDPH de la petite Soudanaise de 8 ans, lourdement handicapée, afin qu’elle soit scolarisée avec des horaires aménagés. Elle a aussi repris le dossier d’Issam, ouvert par l’association prestataire qui a dû renoncer à accompagner cette famille depuis que sa salariée est en congé de longue durée. Les bénévoles ne reçoivent aucune formation et apprennent « sur le tas ». En mai dernier, Brigitte craque ; elle doit s’arrêter quelque temps. « L’histoire de ces gens est douloureuse, explique Marie-Noëlle, sa belle-sœur. Lorsque nous les accompagnons aux rendez-vous médicaux, nous entrons dans leur intimité. On ne peut pas s’habituer à une souffrance, physique ou mentale comme ça, surtout quand on ne peut rien faire pour la soulager. »

    La décision de l’État de placer ces réfugiés particulièrement vulnérables dans des zones qui souffrent de désertification médicale surprend. « Nous avons eu un problème à propos d’une famille qui avait une urgence, se souvient Pascal Bourdeau. Un médecin de Nontron a refusé de les prendre, même entre deux rendez-vous, alors qu’ils ne pouvaient pas se déplacer. Nous avons réglé le problème grâce aux bénévoles et je n’ai pas voulu polémiquer avec lui. La précarité de la médecine en milieu rural est une réalité et sa présence est une aubaine pour l’ensemble de notre communauté. »

    « On a des gens en difficulté dans notre propre population, ajoute Erwan Carabin, on ne peut pas créer de fossé entre les migrants et les autres. Il faut que l’action de la mairie soit pareille pour tous. »
    Les limites de l’installation en milieu rural

    La Dihal a évalué les relogements pour la première fois en avril 2018 à l’échelle des villes et villages de moins de 5 000 habitants. Ils sont opérés depuis 2015 pour « soulager l’effort de certains territoires par la mobilisation de logements vacants dans des territoires moins tendus ». 6 % des relogements de familles ou d’individus réfugiés ont eu lieu dans ces communes.

    Dans son évaluation, le Pôle Migrants de la Dihal fait plusieurs recommandations : ne pas envoyer à la campagne « les personnes nécessitant un suivi médical régulier ou présentant des fragilités psychologiques » ; s’assurer du consentement des réfugiés pour une installation en milieu rural ; vérifier qu’ils ont les moyens de communiquer et se déplacer par eux-mêmes pour prendre rapidement un emploi dans les filières qui recrutent. Et la Dihal de conclure à la nécessité d’un suivi régulier pour « assurer les besoins à court terme des réfugiés relogés dans les territoires ruraux ». Cependant, une fois relogés, les réfugiés ont d’autres besoins, notamment l’aide à l’emploi qui n’est pas prévue dans la mission des associations prestataires.

    L’assistante sociale du département, qui prend le relais quand l’accompagnement spécifique d’un an arrive à son terme, peut intervenir comme elle le fait pour tout autre public « fragile ». En Dordogne, il y a besoin de main-d’œuvre, notamment dans l’agriculture. Les deux pères soudanais de Nontron qui souhaitaient travailler se sont vus proposer un travail à 40 kilomètres. Faute de voiture, ils ont dû décliner.

    « Que faire sans capacité à être mobile
    et tant que les gens ne maîtrisent pas la langue ? »

    Pascal Bourdeau, maire de Nontron en Dordogne

    « On a besoin de gens pour ramasser les pommes, confirme Pascal Bourdeau, et l’économie de Nontron est florissante, notamment dans le luxe avec l’usine Hermès et le sellier CWD de l’équipe de France d’équitation. Certaines entreprises me disent qu’elles manquent de bras, mais que faire sans capacité à être mobile et tant que les gens ne maîtrisent pas la langue ? » Les réfugiés vivent pour l’instant du RSA, des aides de la Caf et de la solidarité du voisinage. « On ne peut pas dire que rien n’a été fait par l’État, reconnaît le maire de Nontron. Un comité de pilotage a été mis en place pendant un an et demi par la préfecture avec les associations prestataires et les assistantes sociales du département, mais le dispositif spécifique s’éteint parfois trop tôt. Il faudrait pouvoir le prolonger pour des cas difficiles. »

    L’intervenante sociale qui suit Aman, un jeune Érythréen désormais installé dans la banlieue de Périgueux (après plusieurs mois à la Cité de Clairvivre), sait qu’il aurait besoin d’être accompagné plus longtemps. Il attend toujours le début d’une formation d’électricien mais, comme les autres réfugiés suivis par les associations prestataires, sa maîtrise du français est très faible, insuffisante pour qu’il soit autonome après un an de prise en charge.

    « Tout cet accompagnement n’est pas assez structuré pour permettre aux réfugiés de s’intégrer », s’emporte Liliane Gonthier, maire de Boulazac, dont la commune a aussi dû accueillir des demandeurs d’asile dans un hôtel proche de la mairie. « Si on veut être une terre d’accueil, il faut une volonté politique. Quand on voit les demandeurs d’asile entassés dans le Formule 1, sans cuisine ou même frigo, ce n’est pas un accueil digne. On sait que, dans certaines communes, les migrants sont repartis vers les grandes villes, peut-être vers la jungle de Calais. Ce n’est pas une politique aboutie et ça manque d’humanité ! » « J’aurais pu continuer à accueillir des personnes », se désole Pascal Bourdeau qui ne souhaite pas recevoir plus de 5 familles dans sa commune, pourtant convaincu que « l’intégration est plus facile dans les campagnes et que les mélanges sont une richesse ». Mais il n’y a aucune coordination entre les différents acteurs institutionnels et peu ou pas de suivi. « Quand on arrive au bout du dispositif prévu par les associations prestataires, on nous laisse tomber ! »

    Certaines familles désirent déjà rejoindre les grandes villes où elles ont des proches. Si Issam, enfant de paysans en Syrie, a choisi la campagne quand le HCR au Liban lui a demandé de choisir, Aman, évacué de Libye via un camp du HCR au Niger, ne savait pas où il arriverait en France quand l’intervenante sociale de FTdA l’a accueilli à Bordeaux.

    « Les territoires ruraux peuvent être des laboratoires de dispositifs innovants en matière d’accueil. »

    Olivier Clochard, directeur de Migrinter

    Comment relever les défis d’une installation dans des petites communes, volontaires mais impuissantes à retenir ces familles et surtout ces hommes en âge de travailler ?

    « Si les lois sont faites principalement par des sédentaires, et des sédentaires qui ne connaissent pas toujours les spécificités de ces territoires ruraux, regrette Olivier Clochard, il me semble important de s’intéresser aux questions politiques relatives à la circulation, voire à l’accueil des personnes dans ces communes rurales — quel que soit le niveau : institutionnel, associatif voire informel — car dans certains cas, elles peuvent être vues à bien des égards comme des laboratoires de dispositifs innovants, rompant avec cette petite musique lancinante des discours présentant généralement l’immigration comme un problème... »

    http://icmigrations.fr/2019/08/30/defacto-11
    #réinstallation #asile #migrations #réfugiés #France #rural #vulnérabilité #campagne
    ping @karine4

  • Vendue au groupe Auchan pour les J.O, , la plus grande gare d’Europe va tripler de surface et se transformer en centre commercial et culturel
    Paris : vous n’allez pas reconnaître la gare du Nord - Le Parisien
    http://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/vous-n-allez-pas-reconnaitre-la-gare-du-nord-09-07-2018-7813650.php

    Des jardins et une piste d’athlétisme sur les toits. La nouvelle gare du Nord va voir devenir plus verte, avec 7 000m² d’espaces verts et 3 200m² de panneaux solaires. Ce futur jardin public, situé sur les toits de la gare du Nord, côtoiera également des espaces dédiés au sport, au coworking et enfin, une piste de « trail » longue de 1 km, qui vous permettra de faire votre jogging sur le toit de la gare, offrant une vue imprenable sur la capitale.
    Une salle de concert et des espaces culturels. En 2023, la surface dédiée aux commerces, aux restaurants et aux services, aura été multipliée par cinq, pour atteindre 50 000 m². Ainsi, trois autres restaurants, plutôt chics, doivent ouvrir dans la gare. Mais aussi de nouveaux espaces culturels, avec notamment une salle de concerts de 2 000 spectateurs qui sera gérée par Live Nation, ainsi qu’une zone d’exposition, tournée essentiellement sur les arts numériques.
    Un parking vélo géant et trois fois plus d’escalators. Et les usagers du quotidien dans tout ça ? Le projet de la SNCF vise également à améliorer sensiblement les flux de circulation dans cette gare, qui verra passer chaque jour 800 000 passagers en 2024, et 900 000 en 2030. D’abord en leur accordant plus de place, puisque les espaces de circulation vont plus que doubler de surface, passant de 15 000 à 37 000 m².
    Et parce que la gare du Nord est avant tout une gare « verticale », il y aura beaucoup plus d’ascenseurs (55 contre 20 actuellement) et d’escalators (105 contre 45). Il est également prévu de construire un immense garage à vélos de 1 200 places à l’entrée de la gare, sur la rue de Dunkerque. Enfin, la gare routière, va être également agrandie et complètement réaménagée.
    La SNCF ne sera plus « chez elle » à gare du Nord. Pour la première fois dans l’histoire de la SNCF, quand la rénovation de la gare du Nord sera achevée, elle n’y sera plus vraiment chez elle. D’abord engagée avec le promoteur Ceetrus (ex Immochan) dans le cadre d’une société d’économie mixte, la SNCF sera à terme actionnaire minoritaire (à 34%) au sein d’une société anonyme aux côtés de Ceetrus, qui pour les 46 prochaines années, sera le véritable « taulier » de la gare du Nord.

    On se souvient des « engagements » gouvernementaux à ne pas privatiser la SNCF....

    Je redoute le moment où ils finiront le déglinguage en zones marchandes vitrifiées par le fric et la surveillance des gares parisiennes, à la gare d’Austerlitz.

    Mulliez, 26 milliards d’euros en 2016, troisième fortune de France, https://fr.wikipedia.org/wiki/Association_familiale_Mulliez

    #J.O #Auchan #Sncf #privatisation #Paris

    • La Ville de Paris s’oppose au chantier de transformation de la gare du Nord
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/01/la-ville-de-paris-durcit-le-ton-sur-la-transformation-de-la-gare-du-nord_601

      Les élus parisiens veulent un projet plus simple, centré sur les transports, réduisant « substantiellement » la part des surfaces commerciales. « Le coût pourrait être divisé par quatre », estime l’adjoint à l’urbanisme.


      Le projet d’entrée du nouveau bâtiment sur le côté est de la gare du Nord, à Paris. VALODE & PISTRE ARCHITECTES

      Le débat sur la transformation de la gare du Nord s’envenime. Après le tir de barrage d’un aréopage d’architectes et d’urbanistes, qui avaient jugé, le 3 septembre, dans une tribune au Monde, le projet « indécent », « absurde » et « inacceptable », ce sont désormais l’adjoint à la maire de Paris chargé de l’urbanisme, Jean-Louis Missika, et la maire socialiste du 10e arrondissement, Alexandra Cordebard, qui dressent un réquisitoire sévère contre les plans portés par la SNCF et la filiale d’immobilier commercial du groupe Auchan, Ceetrus, pour rénover la première gare d’Europe.
      Dans une lettre publiée par Le Monde, les élus parisiens appellent à « revoir le projet » de fond en comble, remettant en cause son programme comme son montage financier.

      Une petite bombe, alors que les promoteurs de l’opération ne cessent de louer le « travail partenarial réalisé avec les élus de la Ville ». Cette tribune est « une décision mûrement réfléchie, dont j’ai longuement discuté avec la maire de Paris », assume l’adjoint d’Anne Hidalgo. Une manière, aussi, de mettre en scène l’opposition de la majorité à ce projet, alors que l’affaire promet de se politiser dans le contexte de précampagne des élections municipales de 2020.

      Le 10 juillet, M. Missika avait fait voter par le conseil de Paris, après de vifs débats, un avis favorable à cette rénovation. L’adjoint à l’urbanisme pensait alors que c’était la seule façon de maintenir ouvert le dialogue avec la SNCF et Ceetrus pour faire évoluer le projet, sachant que c’est l’Etat qui délivre le permis de construire et que la Ville n’a qu’un rôle consultatif.

      Moins de trois mois plus tard, le ton a changé. « Ce que nous obtenons n’est pas satisfaisant, estime M. Missika. Il faut d’abord réfléchir à la question des transports, de l’intermodalité avec les bus et les vélos, aux espaces mis à la disposition des voyageurs, et construire le reste autour de cela ; eux ont fait exactement le contraire. »

      Saturée, inconfortable, à bout de souffle
      « Le reste », c’est un programme de près de 20 000 mètres carrés (m2) de commerces (contre moins de 5 000 m2 aujourd’hui), presque 14 000 m2 de bureaux et 12 000 m2 d’équipements culturels et sportifs, logés dans un aérien et flambant neuf bâtiment de cinq niveaux, dont le rez-de-chaussée doit servir de nouveau terminal de départ pour les voyageurs et les toitures être coiffées d’un « parc urbain » de plus d’un hectare.

      « Ce projet ajoute presque 90 000 m2 de bâtiments dans un espace restreint et sur une parcelle très contrainte, c’est beaucoup trop », juge l’adjoint à l’urbanisme.
      Le diagnostic est consensuel. Conçue pour 500 000 voyageurs par jour au XIXe siècle, la gare du Nord en accueille aujourd’hui 700 000 et en prévoit 900 000 à l’horizon 2030. Mêlant trains de banlieue, liaisons régionales, grandes lignes et destinations internationales par l’Eurostar et le Thalys, elle est saturée, inconfortable, à bout de souffle. Mettant à profit la dynamique des Jeux olympiques (JO) de 2024, la SNCF a lancé, en 2017, un appel d’offres pour la rénovation de la gare avant les JO, remporté par Ceetrus.

      Le principe : l’opération immobilière finance l’intégralité des travaux de rénovation et de transformation de la gare, chiffrés à 600 millions d’euros, sans qu’il en coûte un centime à la SNCF, qui recevra, de surcroît, une redevance pour l’exploitation des espaces commerciaux sans rapport avec le transport. « La SNCF a pris l’offre financière la plus intéressante, ce n’est ni un choix urbain ni un choix architectural », regrette M. Missika.

      « Améliorer les temps de parcours des usagers »
      « Le modèle permet de ne pas peser sur le prix du billet de train, mais c’est d’abord une opération d’amélioration de la gare : nous allons doubler les espaces d’accueil et de circulation des voyageurs, qui passeront de 30 000 à 60 000 m2, doubler le nombre d’escaliers mécaniques, améliorer les temps de parcours pour la plupart des usagers », défend Benoît Brunot, le directeur du développement et des projets de Gares & Connexions (branche de la SNCF chargée de la gestion des gares), devenu président du conseil de surveillance de la société commune créée avec Ceetrus pour mener à bien la rénovation.

      Mais la multiplication des boutiques, combinée à un parcours d’accès aux trains rendu plus compliqué par la volonté de séparer le flux des départs de celui des arrivées, a nourri la crainte de voir les voyageurs, comme dans un duty free d’aéroport, contraints de serpenter dans un centre commercial avant de pouvoir embarquer.
      Des inquiétudes balayées par les promoteurs. « Il n’y aura pas un grand centre commercial, mais des espaces de boutiques répartis dans les différents niveaux de la gare, adaptés aux différents types de trajets », précise M. Brunot, qui assure que « l’installation de commerces répond d’abord à une attente de nos usagers » et souligne que la surface commerciale rapportée au nombre de voyageurs sera inférieure à celle des gares de Saint-Lazare ou d’Austerlitz.

      « Le coût pourrait être divisé par quatre »
      Il reste un programme d’autant plus complexe et un projet d’autant plus massif qu’il va bien au-delà de la construction d’une gare. Le modèle commercial mis en œuvre par la SNCF dans toutes ses rénovations de gares, de Montparnasse à Lyon Part-Dieu, touche-t-il ici ses limites ? « Ils occupent, pour des commerces et des bureaux, tellement d’espace qui devrait être dévolu aux transports et à l’intermodalité que cela oblige à mettre en œuvre des solutions très compliquées », regrette M. Missika.

      La proposition de la Ville de Paris : élaborer un projet plus simple, centré sur les transports, réduisant « substantiellement » la part des surfaces commerciales. « Le coût pourrait être divisé par quatre et le chantier aurait plus de chances d’être achevé pour 2024 », estime l’adjoint à l’urbanisme, qui plaide pour un financement public de cette rénovation, auquel la municipalité pourrait prendre part.

      La tribune des élus est aussi un message adressé aux membres de la Commission nationale d’aménagement commercial. Elle doit se réunir le 10 octobre pour se prononcer sur le projet d’extension de la gare du Nord, après l’avis défavorable émis, le 27 juin, par la commission départementale de Paris. Celle-ci avait dénoncé une hausse des surfaces « surdimensionnée », qui pourrait « porter atteinte au tissu commercial environnant », et donc à « la vie urbaine du quartier ». Un nouveau rejet bloquerait la délivrance du permis de construire par l’Etat, obligeant la SNCF à revoir le projet.

      « Il faut revoir le projet de la gare du Nord » , Alexandra Cordebard, Maire du 10e arrondissement de Paris, Jean-Louis Missika, Adjoint à la mairie de Paris chargé de l’urbanisme, de l’architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité.
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/01/alexandra-cordebard-et-jean-louis-missika-il-faut-revoir-le-projet-de-la-gar

      Les édiles parisiens annoncent, dans une tribune au « Monde », qu’ils ne soutiennent plus le plan de rénovation de la SNCF, qui prévoit, pour le financer, une extension de la gare faisant la part belle aux commerces au détriment du confort des voyageurs.

      Tribune. La gare du Nord est un lieu essentiel du quotidien des Parisiens et des Franciliens. Première gare d’Europe, elle est une vitrine pour les visiteurs de l’Europe du Nord qui arrivent à Paris. La situation actuelle de la gare n’est pas satisfaisante, tant en termes de sécurité, d’accueil des voyageurs que d’espaces d’attente. C’est pourquoi sa transformation est essentielle pour nos territoires et pour la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

      Les questions soulevées par un collectif d’architectes, d’urbanistes et d’historiens de l’art au sujet du projet de rénovation porté par la SNCF rejoignent les interrogations que les collectivités expriment depuis le début de ce projet. La Ville de Paris en a demandé des évolutions significatives, qu’il s’agisse de protection patrimoniale, d’intermodalité, de hauteur du bâtiment, tandis qu’Ile-de-France Mobilités et la RATP ont réclamé que le stationnement et la circulation des bus soient très nettement améliorés.

      Augmentation considérable des surfaces
      Pour équilibrer financièrement le projet, la SNCF et Ceetrus (filiale immobilière et foncière d’Auchan) ont recours à une augmentation considérable des surfaces de la gare : 88 000 m2 supplémentaires sont prévus, dont une grande partie dévolue aux commerces, bureaux et autres activités, tandis qu’une part minoritaire de cette extension est consacrée à l’amélioration du confort et de la circulation des voyageurs. Pour donner un ordre de comparaison, la nouvelle gare ferait 125 000 m², on ne serait pas loin de la surface de la tour Montparnasse.
      Or, la gare du Nord se trouve dans un espace très contraint. Le parvis est petit et les rues adjacentes sont proches, contrairement aux autres gares parisiennes. L’insertion urbaine d’un bâtiment aussi considérable dans un espace aussi restreint est une mission impossible, quel que soit le talent des architectes, qui n’est pas ici en cause. L’ampleur des travaux (de fondation notamment) et les risques de contentieux qui les retarderont obligatoirement rendent difficile, voire impossible, l’achèvement du projet pour les Jeux olympiques. Cette échéance est pourtant un argument fréquemment mis en avant par ceux qui refusent que ce projet soit révisé.

      Construire sans détruire
      La Ville de Paris avait décidé d’adopter une démarche constructive vis-à-vis de ce projet, en négociant avec la SNCF une meilleure préservation du patrimoine (qu’il s’agisse de la halle d’Hittorff ou de celle de Duthilleul), une diminution des surfaces commerciales, une dédensification qui passait par une diminution de la hauteur, un accès à la gare par le nord, et une intermodalité renforcée (taille de la vélo-station et espace sécurisé pour la dépose taxis et VTC). Malgré quelques avancées et la bonne volonté de nos interlocuteurs, les résultats obtenus ne nous paraissent pas suffisants pour rendre ce projet satisfaisant et nous avons le sentiment d’être allés au bout de l’exercice.

      La vérité est que la gare du Nord n’a pas besoin de davantage de bâti mais, au contraire, de davantage de vide pour améliorer le confort des voyageurs. Davantage d’espace pour les transports en commun, un parvis entièrement piétonnisé, des accès multiples, un stockage et une prise en charge des taxis en sous-sol, une vélo-station à la hauteur du plan vélo parisien, un désencombrement des halles de tous les kiosques, mezzanines et structures qui gênent les circulations et les espaces d’attente des voyageurs et défigurent la halle d’Hittorff. Il faut « fabriquer » ce vide et construire sans détruire.

      Edifier un bâtiment de 88 000 m2 avec des commerces, des bureaux, une salle de spectacle, une salle de sport, est le contraire de ce qui est nécessaire, parce que cela aggrave la situation contrainte dans laquelle se trouve la gare. Empiéter sur une partie de la gare routière actuelle pour construire des commerces est inapproprié, quand on sait à quel point le garage et la circulation des bus sont difficiles dans une rue du Faubourg-Saint-Denis déjà saturée.

      Le projet doit être revu
      Le seul argument de la SNCF pour justifier la taille de ce projet et la surface considérable des commerces est le financement de la rénovation de la gare par un investisseur privé, faute de disposer des moyens nécessaires pour le faire. Si le problème est celui-là, nous proposons que tous les pouvoirs publics concernés assurent un financement public de cette rénovation. La Ville de Paris est prête à assumer sa part aux côtés de l’Etat et de la région Ile-de-France (dans le cadre du contrat de plan Etat-région) et – il faut le souhaiter – de la métropole du Grand Paris, du Comité d’organisation des Jeux olympiques, de la SNCF et de quelques mécènes.

      Ce lieu emblématique du Grand Paris doit conserver son caractère d’intérêt général, la rénovation de la gare doit être entièrement consacrée à l’accueil et au confort des voyageurs, et la dimension commerciale ne doit pas prendre le dessus sur les services rendus aux usagers. C’est pourquoi la Ville de Paris ne sera pas aux côtés de la SNCF pour défendre le projet commercial devant la Commission nationale d’aménagement commercial qui doit statuer en recours après le rejet du projet par la commission départementale.

      Le projet porté par la SNCF doit être revu, et les surfaces commerciales substantiellement diminuées. Le préfet de la région Ile-de-France pourrait prendre rapidement l’initiative d’une table ronde réunissant toutes les parties prenantes afin d’amender le projet et d’étudier la piste d’un financement public de la rénovation, qui allégerait les contraintes et la taille du projet actuel. La Ville de Paris est prête à s’engager dans un tel processus. Un projet moins complexe, moins dense, respectueux du patrimoine ancien et moderne, entièrement consacré au confort des voyageurs et à une intermodalité efficace, sera moins contestable et donc moins contesté que le projet actuel. Il aura donc plus de chances de respecter l’échéance de 2024.

      Gare du Nord, une rénovation façon Auchan
      Pour transformer le premier hub ferroviaire d’Europe, Ceetrus, filiale immobilière de la société nordiste, y exploitera 60 000 m2 de « lieux de vie ». Isabelle Regnier, 23 juin 2019


      Vue d’artiste montrant le projet d’extension de la gare du Nord. VALODE & PISTRE

      2024, horizon de tous les fantasmes. Pour les Jeux olympiques, Paris veut présenter au monde le visage neuf d’une métropole du XXIe siècle. Que la ville ait fondé sa candidature sur des principes de durabilité et d’économie n’empêche pas l’échéance d’opérer comme un accélérateur de chantiers qui fait sauter les verrous législatifs et administratifs dans le secteur de la construction. La loi d’exception élaborée pour Notre-Dame n’aura pas été la première du genre.

      En 2017, année de l’obtention par Paris de l’organisation des JO, un article a été ajouté à la loi sur l’aménagement de Paris et de sa métropole pour permettre une transformation express de la gare du Nord. Saturé depuis des années, le hub ferroviaire le plus important d’Europe, où se croisent 700 000 personnes par jour, ne peut pas répondre à l’augmentation du trafic que promettent l’extension de la ligne E du RER, le développement du Grand Paris Express, sans compter le transfert du trafic aérien vers le train que devrait induire l’objectif d’une société zéro carbone. Un projet de reconfiguration était à l’étude depuis 2014 pour y faire face.

      En tant que point nodal du dispositif des JO, la transformation de la gare du Nord est devenue une priorité. Comme l’explique Stéphane Cougnon, directeur de ce programme chez Gares et Connexions, filiale de la SNCF chargée de l’aménagement des gares :
      « C’est la porte d’entrée dans Paris depuis l’Europe du Nord… Avec l’Eurostar, on part de la très belle gare de Saint-Pancras, dans un environnement urbain complètement repensé en 2007… Il y a un enjeu d’image fort ».

      La loi de 2017 a exceptionnellement offert à Gares et Connexions la possibilité de créer une Semop (Société d’économie mixte à ouvrage unique), pour faciliter le financement du projet et accélérer le processus d’attribution des marchés. Destiné en principe aux collectivités territoriales, ce type de structure permet de faire appel à des investisseurs privés pour des projets d’infrastructure et d’aménagement urbain, et de conserver, en tant qu’actionnaires, une forme de contrôle sur les opérations.

      « Grâce à la Semop, nous avons mis sur pied la transformation de la gare en un seul appel d’offres, poursuit Stéphane Cougnon. Nous avons trouvé un partenaire financier, Ceetrus, qui est venu avec son architecte, son bureau d’études, ses partenaires commerciaux. La consultation a été lancée en juin 2017. En février 2019, c’était finalisé. »

      Nouvelle structure en verre
      Filiale immobilière du groupe Auchan, Ceetrus s’appelait Immochan au moment de l’appel d’offres. Comme l’explique Aude Landy-Berkowitz, ancienne directrice du développement et de la diversification d’Immochan et actuelle présidente de la Semop, le changement de nom traduit le changement de stratégie consécutif à la crise du modèle des hypermarchés. Après avoir tout misé sur la périphérie, saccageant au passage les entrées de villes, le groupe Auchan crée aujourd’hui des « lieux de vie » en centre-ville et fait de l’aménagement urbain.

      Ce revirement, dont le projet controversé de centre de loisirs Europa City, à Gonesse, fut un temps l’emblème, a conduit Ceetrus à participer à des concours type Réinventer Paris, puis à remporter avec l’agence d’architecture Valode et Pistre, chez qui Mme Landy-Berkowitz a travaillé, celui de la gare du Nord. La présidente de la Semop veut faire ce projet « le flagship de Ceetrus », « l’incarnation de notre ambition en plein Paris ».

      Les architectes ont à charge d’intégrer les grands principes de circulation établis par l’Arep, l’atelier d’architecture de la SNCF, dans la perspective d’un accroissement de la fréquentation de 100 000 personnes par jour, avec le programme de commerces et services établi par Ceetrus. La partie « service public » – tout ce qui concerne le transport – est gérée par Gares et Connexions qui détient 34 % de la Semop sur 40 000 m2, soit 40 % de la surface totale.

      Actionnaire à 66 % de la structure, Ceetrus exploitera sur les 60 000 m2 restants des restaurants (du fast-food, à côté des quais, au très haut de gamme), de nombreux commerces, un centre médical, un atelier de réparation de vélo, des bureaux et des espaces de coworking, une programmation artistique prise en charge par le studio national des arts contemporains, le Fresnoy, des ateliers d’artistes, une salle de spectacle de 3 000 m2 gérée par Live Nation (où Mme Landy-Berkowitz rêve déjà de concerts intimistes de Beyoncé), une salle de sport gérée par Ken Sport (dont l’antenne du XVIe arrondissement facture 290 euros la journée découverte)…

      Tel que le présente l’architecte Denis Valode, le projet répond à quelques grands principes : réorganiser les flux de voyageurs autour d’une entrée et d’une sortie unique, comme dans les aéroports ; multiplier les surfaces d’attente en faisant accéder aux grandes lignes par des passerelles inspirées de celle de l’Eurostar ; ouvrir la gare souterraine (le RER et le métro) sur la gare aérienne ; favoriser les connexions avec les mobilités douces et réaménager les abords de la gare en conséquence…
      La verrière conçue en 2001 sur le flanc est de la gare va être remplacée par une nouvelle structure, en verre également, veinée d’une arborescence métallique « vert Prada » : un vert pâle censé dialoguer avec celui des verrières de Jacques Ignace Hittorff, l’architecte de la gare historique, et rappeler le métro parisien. Une rue de 300 mètres ouverte sur la ville traversera la gare, rendant les commerces et services accessibles à tous tandis que le toit, végétalisé, structuré en terrasses, accueillera des restaurants ainsi qu’un trek urbain d’un kilomètre.

      La plus grande surface de plancher
      Selon Stéphane Cougnon, c’est moins pour ses qualités esthétiques supposées que le projet l’a emporté sur ceux de Wilmotte et Dietmar Feichtinger, les deux autres finalistes, que parce qu’il proposait la plus grande surface de plancher. Si la mission de service public l’exige, assure-t-il, Gares et Connexions peuvent contractuellement récupérer de la surface (contre dédommagement).

      L’hypothèse n’est pas à prendre à la légère si l’on en croit Nils Le Bot, architecte et chercheur en géographie urbaine : « Les moyens de transports supplémentaires qu’on met à disposition des voyageurs ne désaturent qu’un temps l’offre existante. Dans les métropoles, l’offre crée des effets d’aubaine. Résultat, toute nouvelle ligne est saturée au bout de cinq ans. » On peut toutefois parier que Ceetrus s’accrochera à ses mètres carrés. Comme l’a montré Françoise Fromonot dans La Comédie des Halles (La Fabrique, 2018), les géants de l’immobilier commercial qui accroissent jour après jour leur emprise sur les villes du monde mettent tout en œuvre pour protéger et accroître leur périmètre d’intervention.

      Parmi les détracteurs du projet, Jean-Marie Duthilleul et Etienne Tricaud, fondateurs et anciens dirigeants d’Arep, doutent fort qu’il soit livré en 2024. Ils sont par ailleurs sceptiques sur l’organisation de la circulation des voyageurs, et estiment le programme de commerce « beaucoup trop dense ».

      « Le plus grand centre commercial de France »
      L’idée de la présence des commerces en gare remonte aux années 1960, explique Jean-Marie Duthilleul. « Le zonage des villes par activité a alors fait évoluer la notion de proximité. Elle ne se concevait plus par rapport à chez soi, mais par rapport au lieu où l’on se rend tous les jours. Ce n’était pas idiot, dès lors, d’offrir aux gens ce dont ils avaient besoin sur leur trajet ». Pensé comme un service aux voyageurs, le commerce est insensiblement devenu une fin en soi. La gare du Nord pousse la logique à son comble, en la redoublant d’une vision sécuritaire.
      « Avec toutes les activités que propose la gare, il y aura en permanence des gens qui viennent pour des choses “normales”, soutient Denis Valode. Ceux qui viennent pour des choses “anormales” seront un peu repoussés. Les terrasses des restaurants ouvrent en outre sur les zones d’ombre… Cela crée une forme d’#autocontrôle_social. C’est mieux que des rondes de #police ! »

      Lors des réunions de concertation avec les associations de quartier et des riverains échaudés par la perspective de ce chantier monstre (il devrait démarrer en 2020 et se poursuivre, à partir de 2022, en même temps que celui de l’hôpital voisin de Lariboisière), des voix se sont élevées pour dénoncer une certaine confusion entre voyageurs et consommateurs. Des demandes ont été entendues, comme celle de ménager les vues du voisinage sur le Sacré-Cœur ou de construire un bâtiment à l’extérieur de la gare pour accueillir des SDF. Rien qui puisse freiner la dynamique de gentrification dont sont porteuses les enseignes haut de gamme destinées aux voyageurs internationaux, aux futurs occupants des bureaux et des espaces de coworking et aux Parisiens fortunés.

      Ancien directeur de cabinet du maire EELV du 2e arrondissement, Laurent Bussière Saint-André souligne la contradiction qu’il perçoit entre le discours écologiste porté par la mairie et ce projet dont la logique est tendue vers le profit. « Les gens ne se rendent pas compte de ce que va générer cette chose qui, avec près de 700 000 visiteurs par jour, va devenir le plus grand centre commercial de France. » Pour les mêmes raisons, Danielle Simonnet, conseillère LFI pour le 20e arrondissement, s’est opposée à la mise en œuvre du projet en l’état.

      « Notre première ambition pour la gare du Nord est d’être au service des usagers » , Denis Valode et Jean Pistre sont architectes. Fondateurs en 1980, du cabinet Valode & Pistre, ils ont été récompensés notamment de l’Equerre d’argent, de la grande médaille d’argent et de la médaille de la restauration de l’Académie d’architecture. Parmi leurs réalisations, on compte l’usine L’Oréal d’Aulnay, le Technocentre Renault à Guyancourt, ou les Entrepôts Lainé à Bordeaux ou encore les centres commerciaux Beaugrenelle et Bercy Village.
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/16/notre-premiere-ambition-pour-la-gare-du-nord-est-d-etre-au-service-des-usage

      Denis Valode et Jean Pistre, les architectes chargés du réaménagement de la gare du Nord, à Paris, répondent, dans une tribune au « Monde », à ceux de leurs confrères qui jugeaient leur projet « inacceptable » dans ces mêmes colonnes. 16 septembre 2019.


      Le hall de la gare du Nord, à Paris, le 11 janvier. ERIC PIERMONT / AFP

      Tribune. Il nous parait nécessaire de répondre à la tribune de quelques-uns de nos éminents confrères (Le Monde du 4 septembre), car si le débat est indispensable sur de tels enjeux, il se doit d’être basé sur des informations exactes.
      Notre première ambition pour la gare du Nord, comme pour tous nos projets, est d’être au service des usagers. Si ce programme constituait une « grave offense à ses usagers », comme on le lit dans cette tribune, nous aurions été, bien sûr, les premiers signataires de ce manifeste.
      Rappelons l’historique du projet. La SNCF a lancé une consultation en juin 2017, afin de choisir des partenaires pour mener à bien la transformation de la gare du Nord, qui est confrontée à un défi majeur : l’augmentation du trafic, qui va passer de 500 000 voyageurs par jour lors des derniers aménagements en 2001 à 900 000 à l’horizon 2030, et ceci sans possibilité d’augmenter le nombre de voies.
      Pour sortir de cette impasse, la SNCF a élaboré avec AREP, son agence d’architecture et d’ingénierie, la seule solution possible pour augmenter la fluidité et éviter les conflits et les engorgements : la différenciation des arrivées et des départs, ceux-ci se faisant grâce à un réseau de passerelles enjambant les quais, comme pour l’Eurostar aujourd’hui.
      Article réservé à nos abonnés Lire aussi Transformation de la Gare du Nord : « Notre projet propose une nouvelle ouverture vers la ville »
      Ce principe constituait la base du cahier des charges sur lequel tous les concurrents ont répondu. Celui-ci impose également l’augmentation significative des liaisons entre la gare souterraine (RER et métro) et la gare de surface et la création de services et de commerces pour les usagers.
      A l’issue de cette large, longue et très exigeante consultation, l’équipe Valode et Pistre – Ceetrus a été désignée lauréate en décembre 2018.
      Principes fonctionnels
      Le projet architectural est basé sur le respect et la mise en valeur de ce patrimoine exceptionnel. Il adopte les principes fonctionnels retenus par la SNCF et il articule les différentes fonctions et services autour d’espaces généreux à l’échelle de la fréquentation de la gare.
      Cela se traduit par un doublement des surfaces de circulation et d’attente, mises à disposition des usagers, donc par plus de confort et moins de stress, et par la création de nouveaux espaces majeurs baignés de lumière naturelle. Un nouveau hall de départ longe la façade historique, retrouvée et restaurée, et donne accès de façon claire aux passerelles. Sa vue dominante sur les voies et les trains et ses dimensions en font un espace propre à la symbolique du départ.
      Une large rue intérieure retrouve son origine dans une grande loggia urbaine ouverte sur le parvis et constitue l’interface entre la gare et la ville. Elle assure le lien avec la nouvelle gare de bus et la station de vélos et accueille salle de spectacles, espaces d’exposition, restaurants, ainsi que des commerces de proximité urbaine et d’agrément.
      Enfin et avant tout, la mise en scène de l’arrivée à Paris des voyageurs est magnifiée par la restauration dans son état d’origine de la façade intérieure de la grande halle d’Hittorff, débarrassée des mezzanines et des scories architecturales accumulées au fil du temps, qui la rendent illisible.
      Tout est fait, dans ce projet, pour que le voyageur passe d’un lieu subi à un lieu qu’il aura plaisir à fréquenter, à un lieu humanisé.
      Contre-vérité
      C’est donc une totale contre-vérité de présenter ce projet comme la volonté d’un opérateur de complexifier l’accès aux trains pour mieux exploiter ses commerces. Ce projet n’est en aucun cas l’assemblage d’une gare et d’un « immense centre commercial », ni du point de vue morphologique, ni du point de vue des surfaces mises en œuvre. Au contraire, la surface commerciale installée, rapportée au nombre de voyageurs, est nettement inférieure à celles des autres gares parisiennes transformées (Austerlitz, Saint-Lazare et Montparnasse). Les équipements commerciaux, culturels et sportifs, ainsi que les espaces verts qui y sont associés, rempliront de plus un rôle important vis-à-vis des habitants du quartier environnant la gare.
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      La mise au point d’un projet si complexe demande la prise en compte des avis et des compétences d’une multitude d’acteurs, la SNCF, les associations, les riverains, les usagers, les professionnels, les services de la Ville et toutes les administrations. Il s’améliore ainsi chaque jour à travers les nombreuses réunions de concertation, d’information et de travail qui sont organisées.
      Nous comprenons que la grande complexité de ce projet puisse être mal interprétée, voire caricaturée. Nous sommes à la disposition de ceux qui souhaiteraient en prendre vraiment connaissance.

      Transformation de la Gare du Nord : « Notre projet propose une nouvelle ouverture vers la ville » , Claude Solard, Directeur général de SNCF Gares & Connexions

      A la suite d’une tribune signée d’un collectif d’architectes jugeant le projet de transformation de la gare du Nord « inacceptable », Claude Solard, le directeur général de SNCF Gares & Connexions, répond que ce projet facilitera la vie de 900 000 voyageurs par jour et visera « zéro déchet », 03 septembre 2019.

      « Les équipes SNCF relèvent le défi de conjuguer la modernité avec le plus grand respect du patrimoine historique des gares » (Photo : gare du Nord, à Paris).
      « Les équipes SNCF relèvent le défi de conjuguer la modernité avec le plus grand respect du patrimoine historique des gares »

      Tribune. Un collectif d’architectes vient de signer une tribune à propos du projet de transformation de la gare du Nord appelant à une rénovation « légère » de la plus grande gare de France et d’Europe. Les gares suscitent intérêt et débat, réjouissons-nous !

      Cette transformation concerne prioritairement les voyageurs du quotidien, les millions d’usagers des RER et des trains de banlieue. Pour eux, la nouvelle gare sera plus grande (deux fois et demie), plus accessible, plus agréable et proposera plus de services et de commerces. Les connexions avec les RER B, D et E et les métros des lignes 2, 4 et 5 seront plus rapides et plus simples pour les voyageurs. Redimensionnée en 2001 pour 500 000 voyageurs par jour, en accueillant à ce jour 700 000, la première gare d’Europe accueillera 900 000 voyageurs en 2030.

      En pleine mutation de nos modes de transport, le projet anticipe une nouvelle place de la mobilité urbaine, privilégiant les modes non polluants et collectifs.
      Les équipements publics de la gare au service des voyageurs d’Eurostar, Thalys, TGV, TER, Transilien, seront entièrement financés au travers d’un partenariat public-privé avec le groupe Ceetrus (holding Auchan), sans privatisation. Ainsi ces équipements (doublement des surfaces et du nombre d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques) sont réalisés sans augmenter les tarifs des billets de train et sans alourdir les impôts de nos concitoyens.

      Ce modèle existe déjà dans les autres grandes gares parisiennes depuis plusieurs années, comme dans les gares Montparnasse et d’Austerlitz (partenaire Altarea) et Saint-Lazare (partenaire Klépierre).
      Enfin, la gare du Nord desservira la plupart des sites pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024 de Paris : nous tiendrons nos engagements pour être au rendez-vous de cet événement historique pour l’image de Paris et de la France.

      Economie solidaire et circuits courts
      Notre projet propose aussi une nouvelle ouverture vers la ville. Dans un quartier pauvre en espaces verts, les nouveaux bâtiments construits seront couverts d’une zone totalement végétalisée : 11 000 m2 de toiture accueilleront des espaces sportifs et offriront sur la ville un panorama unique mettant en valeur le patrimoine. C’est avec la même ambition environnementale qu’un parking de deux mille places sera réservé aux vélos. Une écostation bus de nouvelle génération remplacera l’actuelle gare routière. Le parvis sera largement rendu aux usages piétons et aux transports en commun.
      A quelques jours des Journées du patrimoine, qui verront de nombreux sites SNCF ouverts au public, les équipes SNCF relèvent le défi de conjuguer la modernité avec le plus grand respect du patrimoine historique des gares, comme cela a pu être réalisé à Strasbourg ou à Paris-Gare-de-Lyon.

      Pour nous, il est aussi important de veiller sur le voyageur pressé de prendre son train que d’offrir des services innovants à celles et ceux dont le temps n’est pas compté. La gare devient un espace utile aux gens, offrant des lieux de travail et du commerce intelligent et pratique, des bars, des restaurants, des lieux de culture, d’expositions.

      L’ensemble des activités visera ainsi : zéro déchet, zéro gaspillage alimentaire, avec une large place laissée à l’économie solidaire et aux circuits courts. Une place importante sera réservée aux associations locales garantissant un rôle moteur dans la vie du quartier.
      Cette transformation est complète et ambitieuse, et nous en sommes fiers. Elle est le fruit d’une concertation large, menée depuis plusieurs années, qui fait qu’aujourd’hui les voyageurs comme les riverains plébiscitent ce projet à plus de 90 % (source : sondage Odoxa janvier 2019).
      C’est une reconnaissance, mais c’est surtout pour nous un encouragement à poursuivre cet échange avec toutes les parties prenantes.

      Contretemps pour la transformation de la gare du Nord
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/07/09/contretemps-pour-la-transformation-de-la-gare-du-nord_5487371_3234.html

      La commission départementale d’aménagement commercial a rendu un avis défavorable à la multiplication par cinq des boutiques et restaurants.