Les mots sont importants (lmsi.net)

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  • Le cas Tariq Ramadan ou le défi de lutter sur plusieurs fronts, Souad Betka
    https://lmsi.net/Le-cas-Tariq-Ramadan-ou-le-defi-de-lutter-sur-plusieurs-fronts

    Depuis plus de cinq ans, de nombreuses militantes associatives musulmanes de mon entourage m’ont témoigné avoir été victimes d’insultes, de manipulation et de harcèlement sexuel de la part de cet homme. Et si sentiment de trahison et colère il y a de ma part, ce n’est pas, loin s’en faut, parce que je considérais cette personnalité médiatique comme un modèle de vertu, ou parce que s’est manifesté un contraste saisissant entre le rigorisme moral qui est prôné et le libertinage dont nombre de témoignages se font l’écho – et si les viols sont établis à l’issue du procès, cela prendra une dimension bien plus grande encore, bien au-delà de ce que certains voudraient réduire à une simple « affaire de mœurs ».

    edit, ses chances dans la chanson sont limitées, mais quand même
    On ne sait pas..., Tarik Ramadan, juin 2023
    "pour ne rien révéler il parle beaucoup trop"
    https://www.youtube.com/watch?v=ByMFiox5syQ

    « .... en 2005, j’ai été élu parmi les sept hommes les plus sexy du monde par un journal suisse, Le Matin. J’ai été très sollicité pour autre chose que le plan religieux. »
    https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/06/09/les-rapports-fougueux-de-tariq-ramadan-avec-les-femmes_5312034_1653578.html

    https://seenthis.net/messages/1012868
    https://seenthis.net/messages/1004180
    https://seenthis.net/messages/882205
    https://seenthis.net/messages/854673
    https://seenthis.net/messages/682821
    https://seenthis.net/messages/674992
    https://seenthis.net/messages/335202
    etc...

    #Tarik_Ramadan

  • “Barvalo” : le renversement du miroir | Anna Mirga-Kruszelnicka
    https://lmsi.net/Le-renversement-du-miroir

    En langue romani, barvalo signifie « riche » et, par extension, « fier ». Ce mot polysémique sert de titre à une formidable exposition du Mucem, à Marseille, consacrée à l’histoire et à la diversité des populations romani d’Europe – une histoire indissociable de celle de l’antitsiganisme, contre lequel ceux que l’on continue parfois d’appeler « Tsiganes » luttent depuis un millénaire. Source : Les mots sont importants

    • Toute son oeuvre témoigne en effet d’un attachement farouche à des idéaux et des principes (pour le dire vite : ceux de la gauche, dans le meilleur sens du terme) qui, loin de justifier quelque « pieux mensonges », « détournement de regard » et autres « arrangements avec le vrai », a au contraire nourri, tout en s’en nourrissant à son tour, une attention tout aussi farouche portée au réel – quelle que fut sa dureté, sa complexité, ou l’inconfort qu’il impose à la pensée. Que le nom d’historien vienne d’un mot grec qui signifie « #enquête », toute la vie d’#Antoine_Germa, à l’éducation nationale, puis dans l’édition, puis dans le cinéma, vient nous le rappeler. Le souci du vrai, loin de signifier une froide raison apolitique et « détachée », est plutôt ce qui, en rendant plus visibles, audibles, tangibles, bref sensibles, des oppressions et des injustices que le récit dominant relègue dans l’ombre, le flou ou l’approximation, et en rendant perceptibles aussi les silenciations et les falsifications, rend possible du même coup l’indignation, la révolte, bref l’engagement contre ce « réel » trop injuste et ces récits trop menteurs. C’est ce travail qu’a constamment et opiniâtrement mené Antoine Germa, comme historien, auteur ou coordonnateur de livres (notamment l’indispensable Les Juifs dans l’Histoire : De la naissance du judaïsme au monde contemporain, mais aussi un remarquable numéro de la Revue d’histoire de la Shoah consacré aux « écrans de la Shoah » https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-shoah-2011-2.htm ), comme co-auteur de films (notamment les poignants Vie et destin du Livre noir et Moissons sanglantes. 1933, la famine en Ukraine https://www.zed.fr/fr/catalogue/moissons-sanglantes ), ou encore comme professeur engagé, au milieu des années 2000. Antoine nous avait alors fait l’amitié de nous accorder deux « textes d’intervention », aussi concis – c’est la loi du genre – que précis et percutants. Le premier portait sur la tristement célèbre « affaire Dieudonné » [2005 https://lmsi.net/Memoire-de-la-Shoah-memoire ]– et plus largement sur ce que l’on nomme depuis plusieurs décennie maintenant la « concurrence des victimes » ou la « concurrence des mémoires ». Le second, que nous re-publions en guise d’au-revoir et d’hommage, est un texte rédigé à chaud, au coeur des événements, au lendemain de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, alors que la ville de Clichy-sous-Bois, où Antoine enseigne l’histoire-géographie, commence à « s’embraser ». Dans ce court texte initialement publié le 1er novembre 2005 se manifeste, en « pointillés » et en « condensé », le même souci de justesse et de justice, de justesse au service de la justice, qu’on retrouve, sous des formes beaucoup plus élaborées et développées, dans les grandes oeuvres écrites ou filmiques d’un grand camarade.

  • Gayfriendly – ou Comment repenser l’acceptation de l’homosexualité à gauche - Les mots sont importants (lmsi.net)
    https://lmsi.net/Gayfriendly-ou-Comment-repenser-l-acceptation-de-l-homosexualite-a-gauche

    Cette réponse pourrait signer la fin de l’interrogation que semble annoncer ce livre : l’acceptation de l’homosexualité est-elle plus avancée à Paris ou à New York ? La banalisation qui règne dans la célèbre ville étasunienne, les droits qui ont été conquis, et plus encore l’ardente célébration d’une certaine gayfriendliness contrastent, non seulement avec le mouvement réactionnaire de la Manif pour tous de 2012-2013, mais aussi avec les hésitations plus grandes, le moindre enthousiasme et la moindre institutionnalisation dont la cause des gays et des lesbiennes fait l’objet de l’autre côté de l’Atlantique. À leur manière pourtant les Parisiens sont aussi ga-friendly et le sont sans doute de plus en plus, comme le montrent, par exemple, les chaussées des quelques rues du quartier gai du Marais où des arcs en ciel ont été peints par la mairie. Dans les deux villes en effet, on retrouve, au niveau des institutions comme chez de nombreux habitants, une condamnation de l’homophobie qui semble mettre fin à des décennies de stigmatisation, de haine, de traque.

    Plutôt qu’établir un palmarès, ce livre a donc un autre objectif : comprendre les voies particulières empruntées dans les deux pays pour arriver à ce progrès social, en dégageant deux manières, en somme, d’être tolérant. Mais je ne propose pas seulement une comparaison ; ma recherche vise à interroger l’ambiguïté profonde dudit progrès, dont on semble ne pouvoir se réjouir que pour, immédiatement, l’interroger. Dès les années 1990 en effet, alors que les revendications liées aux unions, à la famille ou encore à l’intégration dans l’armée commençaient à être entendues, certains auteurs ont attiré l’attention sur les effets pervers de ces victoires.

    C’est dans les termes de la « normalisation » ou encore de l’« homonormativité » (Duggan 2002) qu’un feu de critiques a ciblé l’évolution des modes de vie gais et la fin de la subversion qui les caractériserait. Finie la contestation radicale de la société, en conjonction avec les mouvements noirs, féministes et anticapitalistes. Invisibles, désormais, les lieux de rencontre dédiés à la sexualité récréative et aux sociabilités alternatives. Des associations mainstream soutenues, grâce à d’importantes opérations de fundraising, par des gays blancs aisés réclameraient désormais, via l’accès au mariage et à la famille, l’intégration sociale (Warner 2000), tandis que des opérations d’ampleur, qualifiées d’« homonationalisme » ou de pinkwashing, viendraient récupérer la cause LGBT à des fins commerciales ou impérialistes (Puar 2002).

    #lgbt #homosexualité #homophobie

  • Les yeux grands fermés - Les mots sont importants (lmsi.net)
    https://lmsi.net/Les-yeux-grands-fermes

    Quand bien même Pap Ndiaye n’a strictement rien fait de bon à son poste, en terme de respect des corps enseignant et enseigné, en termes de conditions de travail, en termes de lutte contre les inégalités scolaires, son départ n’augure rien de bon. Tout d’abord parce que le petit soldat de plomb qui lui succède, 100% macroniste ( « de la première heure », comme ils disent) arrive avec des feuilles de route élyséennes apocalyptiquement thatchériennes dans son attaché-case – Blanquer Saison 2, peut-être pire que la première : saccage et mise à mort d’une grande et belle idée, le service public d’éducation. Il y a ensuite ce symbole : c’est avant tout un signal d’une clarté aveuglante en faveur de l’extrême-droite qui est adressé, celle-ci n’ayant eu de cesse (dès la « première heure », là encore) de vilipender le supposé « wokisme » de Pap Ndiaye, et de faire de sa démission une question de principe – une guerre de harcèlement qui a atteint son point critique ces dernières semaines lorsque, sans recevoir le moindre soutien gouvernemental digne de ce nom, ledit « ministre wokiste » a eu l’insupportable outrecuidance de qualifier d’« extrême-droite » un groupe de presse... d’extrême droite ! Enfin, au-delà de ce lamentable et ultime épisode, un chercheur noir spécialisé sur certains recoins honteux de l’histoire républicaine française est invité à céder sa place à un « bon Blanc » bien droit dans ses bottes, apologue de l’histoire honteuse en question – disons les mots : raciste, esclavagiste, meurtrière. Et cela, jusque dans ces déclinaisons non-républicaines, en la personne du sanguinaire Napoléon. C’est ce que rappellent les lignes qui suivent, écrites et publiées initialement il y a deux ans, à l’occasion d’un sordide hommage présidentiel à l’empereur belliciste et « négrier ».

  • Les soulèvements de la terre
    https://lmsi.net/Nous-sommes-les-soulevements-de-la-terre

    Les Soulèvements de la Terre sont une grandissante coalition de forces : au fil des mois c’est toute une constellation de collectifs d’habitant.e.s en lutte, d’associations de défense de l’environnement, de fermes, de groupes naturalistes, de cantines populaires, de syndicalistes paysans, de scientifiques en rébellion, de syndicats, de groupes autonomes, de mouvements d’éducation populaire, d’élu.e.s, de personnes de tous âges et de tous horizons, qui se retrouvent et s’organisent sous la bannière des Soulèvements de la Terre. Et ça, rien n’est en mesure de le dissoudre. Source : Tribune collective, via (...)

  • Le RN, « héritier de Pétain » : Macron recadre Borne en Conseil des ministres
    https://www.leparisien.fr/politique/le-rn-heritier-de-petain-macron-recadre-borne-en-conseil-des-ministres-30

    « Il lui a mis un scud », lance un membre du gouvernement, en sortant ce mardi midi du Conseil des ministres. Deux jours après les propos d’Élisabeth Borne sur Radio J, quand elle a parlé du Rassemblement national comme d’une « idéologie dangereuse », allant jusqu’à qualifier le parti de Marine Le Pen d’un « héritier de Pétain », Emmanuel Macron a indirectement fait la leçon à sa Première ministre devant les siens. Une mise au point pour rappeler ce que doit être, selon lui, la bonne stratégie pour cogner contre sa principale rivale à la dernière présidentielle, à savoir l’attaquer « par le concret », le « réel », et non pas en utilisant des « mots des années 90 qui ne fonctionnent plus ». Selon un participant, la Première ministre n’a pas réagi.

    […]

    Ce recadrage en plein Conseil des ministres est plus globalement intervenu au moment de commenter les résultats des dernières législatives en Espagne, où l’extrême droite est devenue la troisième force politique du pays. Et Macron de poursuivre son allusion aux propos de Borne, sans jamais en faire distinctement référence, pour reprocher les « postures morales » qui ne prennent plus dans l’opinion : « Le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux. On n’arrivera pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour elle que ce sont des fascistes. »

    • En terme de changement des mentalités, il est plutôt factuellement vrai qu’on arrivera jamais à faire changer l’avis de millions gens en disant « t’es un fasciste bouuuh spas bien, vazy change ». Le principe du « faire honte » ça marchait peut-être quand ils étaient vraiment minoritaires (et encore, est-ce que ça a vraiment marché ? les postures morales de SOS racisme etc des années 80 ça n’a jamais servi non plus) mais maintenant que c’est un si gros paquet, ça peut juste rien faire… surtout quand dans le même temps 90% des autres politiques proposent et font la même chose…

      Comment tu changes un pays où t’as un tiers ou plus des gens qui sont fascistes ?

      Évidemment comme souvent Macron dit un mot vrai pour en vomir du faux, puisque son concret c’est de faire littéralement des actions autoritaires (violence, surveillance, anti démocratisme, etc), alors qu’avec le même constat on pourrait dire qu’il faut faire des actions plus démocratiques, plus d’égalité, plus de solidarité, etc, une vie meilleure, aboutissant à moins de fachos mais ça ça prend des années à changer et voir le résultat…

    • @Nolwenn_Guellec
      https://twitter.com/Nolwenn_Guellec/status/1663551488277483520

      Macron ne peut pas ignorer l’histoire familiale d’Élisabeth Borne.
      « Recadrer » la fille d’un survivant d’Auschwitz sur la façon dont il convient de parler des complices de ceux qui voulaient l’exterminer.
      Ce type est vraiment immonde.
      Et en plus il me fait éprouver une immense sympathie pour Élisabeth Borne ça je peux pas le pardonner.
      Enfin après je comprends pas qu’elle lui ai pas immédiatement envoyé une lettre de démission dans la gueule (peut être c’est pour ça que je serai jamais ministre aussi)

      edit l’histoire est un mot des années 90

    • @rastapopoulos Je ne suis pas tout à fait d’accord. Certes ce que tu décris, c’est ce qu’ont fait les gouvernements jusqu’à présent : d’un côté jouer le jugement moral contre l’extrême-droite, et de l’autre, de manière généralement extrêmement violente et anti-démocratique, imposer la destruction des solidarités, protections sociales, services publics, etc., ce qui évidemment fait monter l’extrême-droite. Évidemment que ça ne peut pas fonctionner.

      En revanche, ça ne veut pas dire que la carte morale est une mauvaise chose en soi. Borne a bien le droit de rappeler que l’extrême-droite actuelle s’inscrit dans la lignée politique de l’extrême-droite d’antan, je ne vois pas ce que ça a de faux, ni de particulièrement contre-productif. Que ce ne soit pas « efficace » en soi, certainement, mais d’où ça lui vaut un « skud » du président ?

      Sauf à faire le calcul qu’il va sauver son quinquennat grâce à l’union avec l’extrême-droite qui va de Ciotti à Le Pen, et donc faudrait voir à pas trop insulter ses alliés de fait ? Perso c’est ça que je lis ici : pas que Borne a raison ou tord (si ces gens avaient la moindre dignité, ils ne seraient pas dans ce gouvernement, n’y seraient pas entrés, et à tout le moins auraient balancé leur démission depuis belle lurette), mais qu’elle se fait « recadrer » pour avoir dit une banalité sur le Front national. Et que cette simple banalité, qui plus est énoncée sur la première radio juive du pays, c’est encore too much…

    • Sinon, croire qu’il n’y a pas non plus un glissement moral, et que c’est juste l’économie-stupid (« le réel »), c’est un demi-mensonge.

      Certains publics ne votaient pas facho : les catholiques ne votaient pas facho, les classes aisées ne votaient pas facho, les gays ne votaient pas facho, les juifs ne votaient pas facho. Maintenant si. Donc il y a bien un glissement moral qui s’opère, « une digue qui lâche », c’est visible dans ces cas-là, parce que la seule économie n’explique pas le basculement. Et je pense que c’est le cas ailleurs. On peut regretter le cantonnement à la moraline, mais d’un autre côté on a des phénomènes de glissement moral à l’œuvre qu’on ne peut pas occulter.

      Par ailleurs, on sait que l’extrême-droite mène des culture-wars en permanence, et on passe notre temps à constater qu’elle arrive à imposer ses thèmes et à envahir l’espace médiatique et pseudo-intellectuel. Alors nier l’importance du discours et prétendre que c’est juste un problème de « réel », ça n’est pas cohérent.

    • Bah c’est très conjoncturel, suivant l’ordre dominant (ou qui s’approche de dominer) à chaque époque. Lors de la montée des fascismes, aussi bien en Italie qu’en Allemagne qu’ensuite en France, les cathos (riches) ou le « bloc bourgeois » ont massivement pris fait et cause pour les fachos, tout de même. Donc « ça dépend ». Et du coup la morale va (un peu souvent) de pair avec se retrouver dans le camp qui domine ou qui en est pas trop loin, et donc au final un choix pas si « intellectuel » que ça, mais bien du matériel derrière. :)

    • Au RN « certains y voient une forme d’aboutissement de la stratégie de dédiabolisation. »
      https://www.francetvinfo.fr/politique/gouvernement-d-elisabeth-borne/propos-d-elisabeth-borne-sur-le-rn-le-recadrage-d-emmanuel-macron-divis

      Guillaume Kasbarian [ :] "Les gens aujourd’hui attendent non pas des rappels historiques, mais appellent un combat d’idées, un combat idéologique et un combat sur les propositions concrètes, affirme le député Renaissance. Et concrètement, ils attendent qu’on leur dise en quoi les propositions du RN ne sont pas bonnes et en quoi les nôtres sont meilleures."

      "Je suis ravi de voir qu’Emmanuel Macron a enfin compris qu’il fallait parler des vraies idées", se félicite le député RN de l’Eure Kévin Mauvieux."Que tout le monde se mette au travail pour les Français et qu’on mette fin aux task forces anti-RN qui, au lieu de travailler pour les Français, travaillent pour la politique", poursuit-il.

      edit la proposition de renforcer le contrôle des dépenses de santé et des allocs parmi les étrangers et la décision d’embaucher pour ce faire 1000 agents de contrôle permet à ceux qui ne sont rien de l’oublier un peu en constatant que cette fois (encore) les moins que rien vont trinquer. (pour ce qui est de la gauche, comme pour AdamaTraoré, les Ruffins auront foot)

      #français_d'abord #racisme

    • Sous pression de LR, Macron achève sa clarification par la droite
      https://www.mediapart.fr/journal/politique/300523/sous-pression-de-lr-macron-acheve-sa-clarification-par-la-droite

      Déterminé à faire passer sa loi sur l’immigration, Gérald Darmanin veut durcir son texte pour convaincre la droite d’opposition. Entre son ministre de l’intérieur et sa première ministre, réticente à cette idée, le président de la République doit désormais faire un choix qui dira beaucoup de la suite du quinquennat.

      pour devenir « majoritaires », espérer survivre aux 4 ans qui leur reste, sur le papier, ils n’ont de choix que sur les méthodes à employer. le « scud » contre Borne qui allie la falsification historique à l’atteinte existentielle (elle est la fille d’un juif résistant survivant des camps nazis) montre que rien ne sera trop trash à leurs yeux.

      edit on se zemmourise d’autant plus opportunément que la candidature d’icelui a montré qu’il était enfin possible pour des bourgeois de voter fasciste (cf. les scores Paris VIIe, VIIIe, XVIe), ce que ni le FN ni le RN ne leur avait permis

      #droitisation

    • Sinon encore, l’idée selon laquelle on aurait eu constamment un discours moralisateur anti-Le Pen, et que ça aurait échoué, ça revient à oublier que tous les partis politiques de gouvernement se sont alignés sur les saloperies du FN (tout en proclamant l’étanchéité d’avec ses idées). À gauche on a une belle ligne droite de Chevènement à Valls, à droite du Bruit et l’odeur, Marie-France Garaud, Pasqua-Pandraud à Darmanin en passant par la racaille sarkozyste, les bonnes questions mais les mauvaises réponses, le printemps républicain, Charlie, Fourest, Finkie, Houellebecq… Alors les gentils jeunes des années 80 qui emmerdaient le Front national, c’est assez injuste de leur imputer le fait que leurs discours anti-FN c’est pas un échec mais ça n’a pas marché, alors que l’ensemble des partis de gouvernement sont allés à la soupe raciste et qu’on mangeait de la merde anxiogène tous les midi à 13 heures et tous les soirs à 20 heures.

    • Tu mélanges plusieurs époques il me semble, car à ce moment là des années 80, Touche pas à mon pote, SOS Racisme e tutti, c’était massivement une réponse organisée/impulsée par la gauche politicienne, par l’équipe Jack Lang, etc, à la suite (contre) la marche pour l’égalité et contre le racisme qui l’était par les dominés (83). C’est multi-documenté à la fois côté militants (plusieurs référence sur seenthis), et par les historiens, universitaires (un chapitre entier sur ça dans François Cusset, La décennie, Le grand cauchemar des années 80, je suis en plein dedans).

      Tout ce que tu décris c’est la suite, la montée en parallèle du FN et des autres politiques qui les suivent à chaque fois, dans les années 90 puis 2000. Mais la « création » de la posture seulement morale (péjorativement) et « apolitique », c’est bien les années 80. Et ça n’a strictement en rien endigué la montée des fachos. Notamment, en bonne partie, sans même encore copier le FN, mais parce que ce même gouvernement qui a poussé cette moraline est celui a détruit les rêves d’égalité et de vie meilleure pile au même moment (ceci expliquant cela), et donc une immense partie des prolos voulaient plus entendre parler de la gauche, et que tout ce qu’elle disait et dirait ensuite c’était un mirage. Forcément ça augmente grandement la probabilité de montée du FN dans les catégories pauvres et classes moyennes dans les années qui suivent. Avant Chirac, avant Pasqua, avant Sarko, etc.

    • Touche-pas-mon-pote, c’est juin 1985. Pasqua-Pandraud c’est mars 1986, Malik Oussekine c’est décembre 1986, la grotte d’Ouvéa c’est 1988, le Bruit et l’odeur 1991. On n’a pas attendu les années 90 et la montée du FN pour jouer la carte du gros racistes couillu et fier de l’être. Encore une fois, je suis assez d’accord sur le fait que se contenter d’un discours moraliste tout en faisant une politique de destruction des solidarités, c’est un élément important.

      Mais dans le même temps, on ne peut pas prétendre qu’il y aurait réellement eu une période avec un discours moraliste anti-faf omniprésent (et que donc « ça ne marche pas ») : le discours dominant dans les médias et en politique, en dehors d’une très courte période (je sais pas : 84-86 ? quand la gôche c’est Michel Berger, France Gall et Balavoine…), c’est largement la reprise des thèmes de l’extrême-droite, d’abord par la droite traditionnelle, et assez rapidement par la gauche de gouvernement. De ce que je m’en souviens, c’est en continu et sans interruption depuis 1986.

    • création des CRA, 1983 ; instauration du RMI avec une durée de séjour légal antérieur de 2 ans comme condition d’accès (le PS avait prévu 3 ans), 1988.
      la raréfaction des cartes de séjour de 10 ans qui avait été longue à être attribué l’argement, je ne me souviens plus quand ça a commencé mais c’est les années 80 (va te faire renouveler du 1 an, et tombe dans un trou si pas les bonnes conditions), ce qui était une remise en cause des droit et de la légitimité à être là, et à circuler, des étrangers tout à fait perceptible.

      par ailleurs SOS race fournissant la (fausse) démonstration que l’organisation autonome des premiers concernés ne paye pas, le réflexe de s’en remettre à des chefs (Tontoooon ! le RN) des grands personnages, des orgas qui vont gérer a été martelée en même temps que la centralité de l’entreprise dans la vie sociale (merci PS). une fois bien déboussolé, on s’accroche aux bouées que l’on trouve. et si le RN était un parti de contremaîtres et de petits coms, il a pu surfer sur la désindustrialisation (sans salaire) pour gagner des voix parmi ceux à qui on a assuré que c’est plus bas (coloré et étranger) qu’eux que les coups les plus violents étaient justifiés.

      la gauche chauvine (OCI, d’où venait une bonne part de la couche dirigeante sociliste ; PCF : après le « produisons français » des ’70, bulldozer de Vitry, « chasse aux dealers » et à leurs familles dans les municipalités) n’est pas pour rien dans le succès d’une gauche morale qui avait d’ailleurs dénoncé dès 1983 les grévistes arabes de l’automobile comme sabotant la production nationale.

      outre l’aspect pulsionnel (...) la droitisation/fascisation de masse, ou la tolérance pour ses thèmes, rappelle ces cochons qui deviennent cannibales une fois enfermés sans espace de vie.

    • "Sébastien Chenu (RN) n’est pas un bon mais un très bon vice-président de l’Assemblée.", Yaël Braun-Pivet

      Marine Le Pen est « trop molle », Gérald Darmanin

      MLP a été « plus républicaine » que d’autres, Olivier Dussopt

      Devant les députés LRM, Macron invoque Maurras pour parler du régalien

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/02/12/devant-les-deputes-lrm-macron-invoque-maurras-pour-parler-du-regalien_602929

      En septembre 2019, Emmanuel Macron réclamait aux députés de sa majorité de « regarder en face » le sujet de l’#immigration. Mardi 11 février, il leur a demandé d’ajouter à leur panier les sujets de l’#insécurité et du « séparatisme ». Des questions que l’Elysée estime prioritaires afin que le chef de l’Etat ne se retrouve pas submergé par le Rassemblement national (#RN) en 2022. Pour convaincre ses troupes de l’urgence, le président de la République a usé d’une rhétorique pour le moins surprenante de la part du héraut revendiqué du progressisme.

      « Le problème qu’on a politiquement, c’est qu’on a pu donner le sentiment à nos concitoyens qu’il y avait un pays légal et un pays réel, et que, nous, on savait s’occuper du pays légal – moi le premier –, et que le pays réel ne bougeait pas. Sur le sujet de la sécurité, en [sic] premier chef, il faut faire bouger le pays réel, a estimé Emmanuel Macron devant les députés de sa majorité, réunis à l’Elysée. L’insécurité, c’est le sentiment d’insécurité. Il faut y aller, s’investir sur le terrain, faire bouger les choses, faire aboutir ce Livre blanc [sur lequel travaille le ministère de l’intérieur]. Après, sur certains points, il faut faire bouger le droit. Sur le sujet immigration, sécurité du quotidien, lutte contre les séparatismes, je souhaite qu’on puisse [les] réinvestir, avec des initiatives parlementaires et avec une stratégie d’ensemble. »

      « Plan de reconquête républicaine »

      Charles Maurras, penseur nationaliste et dirigeant de l’Action française, avait théorisé durant la première moitié du XXe siècle cette distinction entre « pays légal » et « pays réel ». Une manière d’opposer des élites nécessairement déconnectées à un peuple en prise avec le « réel ». Aujourd’hui encore, cette notion de « pays réel » est régulièrement convoquée à l’extrême droite. En reprenant à son compte ce vocable, Emmanuel Macron entend montrer qu’il serait à l’écoute des catégories populaires – en partie séduites par le RN –, contrairement à l’image qui lui est accolée depuis le début du quinquennat. En septembre 2019, M. Macron avait utilisé le même argument pour justifier sa volonté de se saisir du sujet migratoire. « Les bourgeois n’ont pas de problème avec ce phénomène parce qu’ils ne les croisent pas. Les classes populaires vivent avec ça », avait-il justifié devant les parlementaires de la majorité.

      « Mais le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent », E.M. , Juin 2017

    • Malaise au sommet de l’Etat face à l’héritage historique du Rassemblement national

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/01/malaise-au-sommet-de-l-etat-face-a-l-heritage-historique-du-rassemblement-na

      [...]

      Lors d’un « colloque » commémorant les 50 ans du parti de la préférence nationale, en octobre 2022, le RN avait distribué un fascicule rappelant que « des profils très différents [avaient] pris part » au mouvement. On y lisait le nom de résistants aux rôles mineurs dans l’histoire de l’ex-FN. Le favori des cadres du RN demeure Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance à la suite de Jean Moulin, et présenté comme un membre fondateur. Dans les faits, rappelle Nicolas Lebourg, historien spécialiste de l’extrême droite, « Georges Bidault ne va même pas jusqu’au bout du processus de création du parti. C’est un ancien résistant, qui est là car partisan de l’Algérie française, mais il ne reste pas. C’est celui qui est passé dix minutes chez vous et que vous présentez plus tard comme votre meilleur ami. »

      A l’inverse, les historiens spécialistes du FN sont unanimes quant au rôle décisif joué par d’anciens collaborationnistes dans la création du parti, ainsi que sur la filiation idéologique avec le régime de Vichy. Selon Laurent Joly, historien spécialiste de la période vichyste et de l’extrême droite, Elisabeth Borne a raison au plan historique, puisque « Marine Le Pen est l’héritière d’un mouvement politique fondé par un ancien pétainiste militant » – étudiant, Jean-Marie Le Pen distribuait le premier journal pétainiste de l’après-guerre, puis dirigeait la campagne néopétainiste de Jacques Isorni, avocat de l’ancien chef du régime de Vichy, élu à Paris.

      En 1972, l’ancien milicien François Brigneau est pressenti pour prendre la présidence du tout nouveau Front national. La déclaration d’intention du parti, qu’il rédige, « contient quatre points, rappelle M. Lebourg : travail, école, famille et nation. L’inspiration est claire. » Pierre Bousquet, qui en a déposé les statuts, avait intégré la Waffen-SS en 1943, au sein de la division Charlemagne. Quant à Pierre Gérard, qui fut durant la guerre directeur de l’aryanisation économique au Commissariat général aux questions juives, il fut secrétaire général du FN et maître d’œuvre de son programme économique libéral en 1984. « Toutes ces figures sont mortes », évacue l’un des conseillers du chef de l’Etat.
      Mortes, mais jamais reniées. « Nous n’avons pas à rougir de notre histoire », répétait encore Marine Le Pen en octobre 2022, à l’occasion des 50 ans de son parti. A l’époque, dit-elle, le FN est « le point de ralliement de tous ceux qui ont la France au cœur ». Poursuivant par là la constante exprimée par son père : peu importe le comportement durant la guerre, pourvu qu’il ait répondu à une forme de nationalisme. « Depuis l’affaire Dreyfus, deux lignes coexistent dans le nationalisme français : une ligne populiste dont Marine Le Pen est l’héritière et une ligne doctrinaire reprise par Eric Zemmour, rappelle Laurent Joly. D’un côté, les Déroulède et La Rocque ; de l’autre, les Drumont, Maurras, Bruno Mégret ou Marion Maréchal. »
      L’idéologie du « marinisme » s’éloigne de l’héritage pétainiste et creuse le sillon populiste en évacuant les scories antisémites et négationnistes. Sans jamais, pour autant, rompre le fil reliant son parti à certains fidèles ayant pu tenir des propos révisionnistes ou s’amuser de références au IIIe Reich. Sans jamais non plus rompre avec le récit tenu sous de Gaulle et Mitterrand d’une irresponsabilité de la France dans les crimes commis sous l’Occupation – « Je considère que la France était à Londres en 1940 aux côtés du général de Gaulle », a encore répété Jordan Bardella sur RTL.
      Marine Le Pen refuse encore d’imiter Jacques Chirac et ses successeurs en reconnaissant la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vél’ d’Hiv. En 2017, lorsqu’elle avait rappelé qu’à son sens, « la France n’était pas responsable du Vél’ d’Hiv », Emmanuel Macron avait sauté sur l’occasion à quelques jours du scrutin présidentiel : « D’aucuns avaient oublié que Marine Le Pen est la fille de Jean-Marie Le Pen. »

      Désormais, le chef de l’Etat se veut « en surplomb, président de tous les Français, qui pense pouvoir réintégrer Pétain dans la mémoire nationale », analysent d’anciens proches passés par l’Elysée. L’épisode en évoque un autre : en novembre 2018, le chef de l’Etat avait accepté de rendre hommage aux huit maréchaux de la guerre de 1914-18, dont Philippe Pétain, avant de se rétracter. « Le maréchal Pétain a été (…) un grand soldat », avait-il déclaré, à Charleville-Mézières (Ardennes), provoquant un vif émoi. Une manière, selon son entourage, de garder le contact avec une partie du pays tentée par le vote Le Pen.
      L’historien Laurent Joly souligne un « décalage avec la réalité : l’idée selon laquelle il faut lutter contre le FN non pas sur la morale mais seulement sur la crédibilité, programme contre programme, est un argument vieux de quarante ans. Cette méthode a-t-elle fonctionné sous Macron ? Jamais l’extrême droite n’a été aussi haute qu’à la présidentielle de 2022. »

      « Cette manière de recadrer Elisabeth Borne, volontaire ou non, n’a que des inconvénients, y compris pour Emmanuel Macron »
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/01/cette-maniere-de-recadrer-elisabeth-borne-volontaire-ou-non-n-a-que-des-inco

      [...] A un visiteur, qui lui demandait un jour s’il redoutait de voir arriver Marine Le Pen au pouvoir, le président avait répondu ceci : « Moi, je l’ai battue deux fois. Aux autres de la battre aussi. » Ce visiteur était reparti le cœur troublé, avec le sentiment diffus que M. Macron – qui a mis en scène depuis six ans son affrontement avec le RN, meilleur moyen de conserver le pouvoir – s’en lavait désormais les mains.

      La lutte contre le RN ne peut pas être banalisée
      ÉDITORIAL
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/01/la-lutte-contre-le-rn-ne-peut-pas-etre-banalisee_6175689_3232.html

      Si Emmanuel Macron a quelque légitimité à dire qu’il faut combattre le Rassemblement national par « le fond » et « le concret », Elisabeth Borne est tout aussi fondée à rappeler que le parti d’extrême droite est porteur d’une « idéologie dangereuse ». Adepte du « en même temps », le chef de l’Etat aurait été bien inspiré, sur ce sujet, d’y rester fidèle.

    • plaidoyer pour les « bons sentiments
      https://lmsi.net/Plaidoyer-pour-les-bons-sentiments

      De la vient aussi l’aberrante opposition entre « gauche morale » et « gauche sociale », qui a émergé à la fin des années 1990, alors que se développaient d’importantes mobilisations de sans-papiers, à la suite de l’épisode « Saint-Bernard ». Les principaux partis de gouvernement, secondés par toute l’éditocratie, de gauche comme de droite, serraient alors les rangs derrière des ministres de l’Intérieur qui se nommaient Jean-Louis Debré puis Jean-Pierre Chevènement, en dénonçant « l’angélisme » des militants qui soutenaient les sans-papiers [5]. Une tribune favorable aux lois Chevènement, publiée par Libération en octobre 1997 et signée notamment Alain Finkielkraut, Danièle Sallenave, Pierre-André Taguieff et Emmanuel Todd, donnait le ton en enchaînant, en lieu et place d’une argumentation en positif sur le « réalisme » et la « responsabilité » desdites lois, un flot de punchlines plus acerbes les unes que les autres contre le « pieux rituel des lamentations indignées », l’« irénisme moral » des sans-papiers et de leurs soutiens, leur « auto-complaisance dans la bonne conscience et la bien-pensance », leur « indignation morale plus ou moins théâtralisée », leur « déni de réalité » bien entendu, leur « fuite en avant dans des exigences irréalisables », bref : une politique « fondée sur les élans du cœur ».

      Le summum de l’absurde fut atteint lorsque, dans toute la presse mainstream, on décida de résumer le contentieux, en toute « objectivité », comme un conflit entre une « gauche morale », soutenant les sans-papiers au nom de bons sentiments, et une « gauche sociale », plus raisonnable, soutenant le gouvernement. Par la magie des mots, la lutte sociale menée par ces précaires parmi les précaires que sont les sans-papiers perdait toute dignité « politique » et toute épaisseur « sociale », tandis que, de son côté, la soumission cynique aux « attentes » des franges les plus racistes et xénophobes de l’électorat devenait la marque d’une intelligence politique aiguisée (dont on peut mesurer aujourd’hui les bienfaits, en termes notamment de lutte contre l’extrême droite), mais aussi et surtout d’une authentique « fibre sociale ». Que ladite « gauche sociale » fut celle qui, au pouvoir durant les années 1980 et 1990, avait mené une politique économique libérale et laissé les inégalités se creuser, et que ses tenants soient pour l’essentiel les mêmes qui avaient un an auparavant soutenu le Plan Juppé démantelant le système des retraites et la sécurité sociale, voilà qui importait peu : il suffisait alors, pour être « social », de ne pas signer la pétition initiée par des cinéastes en février 1997, de ne pas manifester, bref : de ne pas soutenir les sans-papiers [6].

      C’est pour ma part depuis ce jour que la formulation « antiracisme politique » versus « antiracisme moral » me parait problématique, ou en tout cas inappropriée. D’abord parce que l’antiracisme superficiel et tendancieux de nos gouvernants n’est en réalité pas plus « moral » qu’il n’est « politique », et que c’est faire trop d’honneur à ces gouvernants que de leur concéder une perspective « morale » qu’ils ne revendiquent même plus, ou plus tellement. Ensuite parce qu’on contribue, en associant la notion de morale à des politiques odieuses, à disqualifier une dimension de l’existence humaine qui n’a pas à l’être. Enfin parce qu’on efface du même coup le caractère indissociablement moral, social et politique de notre antiracisme, celui qu’on est amené à opposer à ces gouvernants : moral, donc impliqué dans le réel social et soucieux d’égalité sociale, et donc engagé dans des luttes politiques.

    • l’ingratitude ou le rappel à l’ordre des femmes fortes
      https://lmsi.net/L-ingratitude-ou-le-rappel-a-l-ordre-des-femmes-fortes

      Vous voyez, on n’est pas sexiste, on a donné une Palme d’or à une femme.

      Car c’est bien ce qui en jeu, ici comme ailleurs. Les prix et les récompenses n’ont pas pour seule fonction de distinguer les « meilleurs ». C’est aussi l’occasion, quand l’entre-soi, notamment masculin, est un tout petit peu ébranlé, de se réassurer. En comptant sur le fait que les heureux-ses élu-es sauront rester à leur place sans rien réclamer d’autre que ce qu’on leur a généreusement octroyé.

      Pas de chance, c’est raté.

      Peut-on dire qu’« Anatomie d’une chute » est une Palme d’or « subventionnée » ?
      https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/05/29/peut-on-dire-qu-anatomie-d-une-chute-est-une-palme-d-or-subventionnee_617533

      C’est publié peu après le tollé général, à droite, au gouvernement, Ainsi Guillaume Kasbarian (loi anti squat et locataires), propose “d’arrêter de distribuer autant d’aides à ceux qui n’ont aucune conscience de ce qu’ils coûtent aux contribuables”.

      Pour qui organise l’assistanat sans contrepartie aux entreprises, dépouille école, système santé et salariés, l’existence d’un mécanisme public de ponction financière sur une industrie destiné à obvier au danger de sclérose de celle-ci, à favoriser sa créativité, c’est déjà scandaleux. Que devient le fait du prince ? Gommons cela, poujadisons la chose (c’est nos impôts !)

      Je note qu’il n’y a aucune prise de position publique de soutien ou de relais à Triet en provenance des caniches du ciné. Ce qui donne une idée du courage qu’il faut pour prendre la parole comme elle l’a fait.

      edit : à ma connaissance, seul Robin Campillo en a remis une couche hier

      bis
      depuis, il y a une tribune de pros ciné (centrée sur l’exception culturelle...)
      Micron n’a toujours pas respecté l’usage qui impose un mot public de félicitations pour un tel prix
      aucun passage de Triet dans les média de masse depuis sa prise de parole

      #cinéma #retraites

  • Violences policières et presse écrite : les mots de trop et les mots qui manquent - Les mots sont importants | Pauline Todesco
    https://lmsi.net/Violences-policieres-et-presse-ecrite-les-mots-de-trop-et-les-mots-qui-manquen

    Si les analyses du mouvement des Gilets Jaunes ont été nombreuses, peu ont étudié leur traitement médiatique en profondeur : c’est l’apport du travail de Pauline Todesco, qui nous livre ici les résultats d’un mémoire universitaire réalisé à l’IHECS de Bruxelles. Après avoir exposé son projet et sa méthodologie, elle déroule une démonstration implacable, sur la base d’une analyse quantitative et qualitative de discours portant sur trois journaux. Elle apporte ainsi une contribution précieuse à l’analyse du rôle des médias dans la légitimation du pouvoir, dont les violences sont cachées ou minimisées, tandis que les mobilisations – ici celle des Gilets Jaunes - se voient constamment renvoyées à une « violence » qui, elle, est hyperbolisée. Source : Les mots sont (...)

  • « Les mouvements dits féministes ne font objectivement que maintenir les femmes dans la dépendance, s’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux causes mêmes de cette situation, au régime capitaliste »

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1960-1963/article/avec-les-femmes | #archiveLO (Lutte de classe n°9 - 6 mars 1961)

    #capitalisme #féminisme #droits_des_femmes #lutte_de_classe #marxisme

    • Commentaire déplacé.

      Depuis toujours, pour des marxistes, la seule perspective permettant de combattre l’oppression des femmes, c’est de combattre l’exploitation capitaliste et l’ordre social bourgeois qui maintient cette oppression, et c’est donc de militer pour l’unité de la classe ouvrière, pour que les travailleuses et travailleurs soient conscients de leur identité de classe, au-delà des différences de sexe, de nationalité ou de religion. Louise Michel écrivait déjà : « Le sexe fort est tout aussi esclave que le sexe faible, et il ne peut donner ce qu’il n’a pas lui-même ; toutes les inégalités tomberont du même coup quand hommes et femmes donneront pour la lutte décisive. »

      Dire que le combat féministe ne peut aboutir que par la transformation de toute la société n’est ni minimiser l’importance de ce combat, ni faire preuve de masculinisme (ni de condescendance, ni de stupidité), c’est rappeler une des idées de bases du mouvement ouvrier révolutionnaire – l’idée selon laquelle, dans le fond, une société fondée sur l’exploitation ne pourra jamais être en même temps fraternelle et égalitaire.

      C’est le refus de raisonner en termes de classes sociales qui conduit à des aberrations, comme la thèse d’un privilège masculin ou d’un patriarcat indépendant des classes sociales, et qui amène à dénoncer stupidement les hommes dans leur ensemble, et non les responsables et bénéficiaires de l’exploitation.

    • Mais je ne refuse pas de raisonner en termes de classes sociales, c’est toi et ton mouvement qui refuse de raisonner en terme de sexisme. Pour moi les deux combats sont à mené ensemble, pas l’un au détriment de l’autre, comme le demande ton texte méprisant pour les femmes et les féministes.

    • + 💯 pour @mad_meg
      On comprend très bien les biais de classe quand des «  féministes  » construisent leur «  émancipation  » sur le dos de leur nounou exploitée.
      Et on comprend très très bien le sexisme des orgas de «  gauche  » qui nous voit bien les «  aider  » et les «  soutenir  », mais qui refusent de voir le sexisme et le harcèlement dans leurs rangs «  pour ne pas nuire à la cause  ».

      Bref, ras le cul d’être la «  caution nichons  » des orgas anti-capitalistes qui nous considèrent au mieux comme des «  repos du camarade  » au pire comme «  des chieuses ou des égoïstes  », quand on refuse «  d’attendre notre tour  » dans les combats en cours.

      Les testiculés ne se rendent pas compte qu’ils sont pour les femmes de gauche comme les patrons pour les ouvriers  : des foutus silencieurs et exploitateurs qui n’iraient pas bien loin dans leurs combats sans nous pour tenir les orgas et rater les réunions pour garder les lardons  !

    • J’ai assisté, au siècle dernier (désolé, encore un témoignage de papy cabou), à un débat entre une camarade féministe et deux militant·es « marxiste-léniniste » (de tendance maoïste) dont les arguments de l’une et des autres ressemblent beaucoup aux termes des échanges présentés ci-dessus.

      L’argument fatal, lancé par l’un des militant·es « marxiste-léniniste » était que le propos énoncé par la féministe « n’était pas marxiste », ce à quoi, il lui a été répondu spontanément un splendide « je m’en fous ! »

    • 1. LO est ici visé sans raison en lui associant des propos débiles de « testiculés qui ne se rendent pas compte » et des comportements sexistes d’ « orgas anti-capitalistes qui considèrent [les femmes] au mieux comme des "repos du camarade " au pire comme "des chieuses ou des égoïstes " ».

      Je comprends qu’on puisse ignorer que le sexisme, par principe, n’a pas sa place à LO, je pardonne moins qu’on puisse affirmer le contraire sans savoir, qui plus est à l’aide d’amalgames de bas étage.

      Ne saviez-vous pas qu’on ne peut se dire communiste sans combattre le sexisme au quotidien ?

      Que cela fait partie des responsabilités naturelles de tout militant ouvrier communiste révolutionnaire que de ne laisser s’épanouir, sur son lieu de travail (et, à plus forte raison chez lui), aucun comportement sexiste (ni aucun comportement homophobe ou raciste) ?

      Faut-il sérieusement rappeler cette évidence ?

      2. LO refuse en effet de raisonner seulement "en terme de sexisme", LO affirme seulement que la façon la plus conséquente de combattre l’oppression des femmes et le sexisme est de lutter contre le capitalisme et de mettre fin à l’exploitation.

      Car c’est seulement lorsque l’humanité se retrouvera en situation de récupérer le fruit de son travail, de remettre la main sur ce qui lui appartient et, partant, de partir des besoins de tous pour décider démocratiquement ce que l’on produit, comment on le produit, comment on le transporte, comment on le recycle, qu’elle sera enfin en capacité de répondre à toutes les oppressions qui pourrissent son existence.

      3. Critiquer l’impasse du mouvement féministe qui ne prend pas en compte le combat contre le système capitaliste n’est pas faire preuve de mépris. Ou alors la critique est synonyme de mépris, et nous devrions simplement nous taire et cesser de militer.

      Cette façon de maudire son interlocuteur qui ne partage pas ses vues et de le taxer gratuitement de mépris n’est pas digne.

      Les militants révolutionnaires que nous sommes ne disent pas leur « mépris » en critiquant les luttes contre les oppressions, ils pointent leurs limites (c’est notre responsabilité) quand elles restent fondamentalement étrangères à la lutte de classe et à la nécessité de la révolution sociale.

      Le but de LO, c’est la conquête du pouvoir politique par le prolétariat. C’est dans cette seule perspective que LO considère les luttes contre les oppressions. Si elles ne sont pas orientées dans ce but, elles ne seront jamais un moyen de les « combattre ».

      4. Nous ne disons pas en effet que « les deux combats sont à mener ensemble », nous disons que le sexisme fait partie de notre combat.

      Parce que les luttes ouvrières sont la condition de tout combat conséquent contre le sexisme.

      Parce qu’il n’y a strictement aucun combat contre les oppressions qui, pour faire valoir sa cause et se garantir les conditions de la victoire, ne pourra faire l’économie de rejoindre, corps et âme, le combat essentiel, le seul à même de renverser la classe capitaliste et de liquider son système, le combat de la classe ouvrière.

      C’est la raison pour laquelle qu’à tous ceux qui nous disent leur révolte contre le sexisme, nous n’avons qu’une seule réponse : tout dépend de la lutte des travailleurs contre la société capitaliste.

    • tout dépend de la lutte des travailleurs contre la société capitaliste.

      Oui, et non.

      Oui, ok, le capitalisme disparu, ce sera le paradis sur terre, on est tout·e·s d’accord.

      Non, il est hors de question de dénigrer ou minimiser les efforts de ceux qui luttent contre toutes formes de violences dès maintenant, au prétexte qu’il y aurait une lutte supérieure.

      Non, dans son essence, le féminisme ne maintient pas les femmes dans la dépendance. Le féminisme n’est pas une roue de secours du capitalisme ou du patriarcat. C’est crétin d’exprimer une telle idée.

    • Critiquer l’impasse du mouvement féministe qui ne prend pas en compte le combat contre le système capitaliste n’est pas faire preuve de mépris

      Croire qu’il y a UN mouvement féministe montre ton ignorance profonde de ces luttes, il y a des centaines de courants et si je suis d’accord pour critiqué le féminisme libéral c’est pas ce que tu fait ni LO. Tu lance des affirmations creuses, non la fin du capitalisme ne sera pas forcement favorable aux femmes et personne ne demande aux LO de ne pensé QU’en termes de sexisme, c’est vous à LO qui exigez des femmes qu’elles abandonnent certaines causes à votre profit. Il y a des féministes maxistes, et votre texte les traite comme si elles n’existaient simplement pas.

      De toute façon c’est certain qu’aucune féministe ne sera convainque par ta messe exhalée de phallocrate et en ce qui me concerne, notre échange me fait voire LO d’un très mauvais œil désormais.

    • Je suis féministe, @biggrizzly, je considère que le combat féministe appartient intégralement au combat qui est le mien. Je ne considère donc pas que « le féminisme maintient les femmes dans la dépendance ».

      Je considère en revanche, et c’est la phrase du texte de 1961 proposé ci-dessus, que « tous les mouvements dits féministes ne font objectivement que maintenir les femmes dans la dépendance s’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux causes mêmes de cette situation, au régime capitaliste ».

      Partant, nous ne « dénigrons ni ne minimisons les efforts de ceux qui luttent contre toutes formes de violences dès maintenant au prétexte qu’il y aurait une lutte supérieure », nous les critiquons, nous en dénonçons les limites.

      Non au nom d’une « lutte supérieure », mais au nom de la seule lutte (féministe, aussi par définition) qui est susceptible d’assurer les conditions de la disparition de l’oppression des femmes.

      Il n’y a nulle trace dans l’héritage du marxisme de programme visant à enfermer les victimes d’oppressions (racistes, sexistes, homophobes, etc.) dans leur prétendue spécificité. Il y a au contraire la conviction que le problème fondamental de la société, qui conditionne tous les autres, c’est la nécessité d’arracher le pouvoir à la bourgeoisie.

      « Le paradis sur terre », ce n’est pas notre vision des choses. Il ne s’agit pas de fantasmer : la liquidation du capitalisme ne signifie évidemment pas que les oppressions disparaitront par magie du jour au lendemain. Cela signifie que l’humanité sera enfin en capacité d’y répondre.

    • Je ne considère pas, @mad_meg, qu’il n’y aurait qu’UN mouvement féministe (ce serait en effet consternant de bêtise), le texte de 1961 propose seulement de montrer les limites, à nos yeux, de tout mouvement féministe qui ne pose pas le problème de l’expropriation de la classe capitaliste par la classe ouvrière.

      Il n’est pas très sérieux non plus d’écrire que « LO exige des femmes qu’elles abandonnent certaines causes à [son] profit ». Les militantes qui, après des débuts militants dans des organisations spécifiquement féministes, ont rejoint LO, elles l’ont fait en conscience et nullement sous la contrainte. Avec la conscience que c’est la révolution prolétarienne qui peut seule assurer la victoire des droits des femmes.

      « La fin du capitalisme ne sera pas forcement favorable aux femmes », c’est vrai si le mouvement ouvrier n’en est la cause, et si la chute du capitalisme n’est dû qu’à son seul pourrissement. Je milite précisément pour que dans sa chute, il n’entraine pas l’humanité avec lui...

      Je vois que, par ailleurs, sans me connaitre (ni connaitre du reste les valeurs du mouvement ouvrier révolutionnaire), tu n’hésites pas à m’insulter ("phallocrate"). J’espérais plutôt que tu comprennes un peu mieux mes idées et la logique qui les anime – et qui sont à l’opposé exact des préjugés et des contresens que tu continues de défendre.

      Deux choses : j’espère que tu nous rencontreras ou que tu viendras à la fête de LO un jour... pour, décidément, mieux nous connaitre.

      En attendant, cet extrait d’un bouquin (1996) d’Arlette Laguiller (et, plus précisément, d’un chapitre consacré « aux droits des femmes ») :

      Je ne crois pas que les féministes proprement dites, celles pour qui le seul, ou du moins le principal problème, est celui des inégalités entre les sexes, se soient beaucoup reconnues dans mes interventions, parce que c’est en communiste que je défendais les droits des femmes.

      Je ne m’en cachais pas. Et j’ajoutais, dans la même intervention : « Pour les socialistes révolutionnaires, l’égalité de l’homme et de la femme n’est pas un droit, c’est un fait. Si la femme occupe aujourd’hui une situation inférieure à celle de l’homme, ce n’est pas dù à son manque de capacité qui n’existe que dans la tête des réactionnaires, c’est parce que nous vivons dans une société d’exploitation, qui repose sur l’injustice et l’inégalité. [...] c’est précisément parce que j’appartiens à un mouvement révolutionnaire que je suis là ce soir et que je peux parler pour toutes les femmes. »

      Je suis fière en effet d’appartenir à un courant qui a engagé la lutte contre l’oppression des femmes au milieu du XIXe siècle, il y a cent cinquante ans, à une époque où la quasi-totalité des intellectuels bourgeois considérait que le rôle « naturellement » dévolu à la femme était celui d’épouse soumise à son mari, et celui de mère. Je suis fière d’appartenir à un mouvement qui, alors que la plupart des grandes écoles, des professions intellectuelles, étaient encore fermées aux femmes, et certaines pour longtemps, a compté dans ses rangs des dirigeantes aussi prestigieuses que Rosa Luxemburg ou Clara Zetkin.

      Je me réclame de ceux qui, dans la Russie arriérée de 1917-18, élaborèrent un code de la famille établissant l’égalité absolue entre le mari et la femme, firent du divorce une affaire simple et d’ordre privé en cas de consentement mutuel, et entreprirent de révolutionner les institutions familiales, y compris dans les régions les plus reculées de l’ex-Empire tsariste, en engageant le combat contre toutes les atteintes aux droits et à la dignité des femmes, comme le port du voile, le mariage des petites filles et la polygamie, dans les régions musulmanes.

      Le pouvoir soviétique naissant jeta effectivement les bases, en pleine guerre civile, d’une législation bien plus démocratique que celle qui régissait alors les pays bourgeois les plus avancés.

      Il existe aujourd’hui, dans les partis de droite, un certain nombre de femmes (pas très important, il est vrai) qui jouent un rôle politique. Ces femmes-là se félicitent volontiers des progrès de la condition féminine, mais elles affichent en même temps des convictions conservatrices, hostiles aux idées socialistes. Elles devraient bien se demander, pourtant, quels hommes incarnaient en leur temps les idées de l’avenir et vraiment démocratiques : ces parlementaires, tenants comme elles du « libéralisme économique et politique », qui, jusqu’en 1945, en France, refusèrent obstinément le droit de vote aux femmes ? Ou bien les militants révolutionnaires qui considéraient la lutte pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes comme l’un des aspects de leur combat ?

      Que les femmes politiques de la bourgeoisie se réfèrent, si elles préfèrent cela, à ce sénateur qui déclarait hypocritement que « plus que pour manier le bulletin de vote, les mains des femmes sont faites pour être baisées ». Je préfère, pour ma part, me réclamer de l’ouvrier tourneur August Bebel (l’un des dirigeants du Parti socialiste allemand), qui publia en 1883 un livre intitulé La Femme, dans le passé, le présent et l’avenir, qui devint en ce domaine l’ouvrage de référence du mouvement ouvrier international.

      Bebel y écrivait : « Quelle place doit prendre la femme dans notre organisme social afin de devenir dans la société humaine un membre complet, ayant les droits de tous, ayant la faculté de développer pleinement et dans toutes les directions ses forces et ses aptitudes ? C’est là une question qui se confond avec celle de savoir quelle forme, quelle organisation essentielle devra recevoir la société humaine pour substituer à l’oppression, à l’exploitation, au besoin et à la misère sous leurs milliers de formes, une humanité libre...

    • « Tous les mouvements dits féministes ne font objectivement que maintenir les femmes dans la dépendance S ’ils ne cherchent pas à s’attaquer aux causes mêmes de cette situation, au régime capitaliste ». Cela signifie que le combat féministe ne peut aboutir que par la transformation de toute la société.

      Je trouve, @biggrizzly, qu’elle dit très justement ce que je pense.

      Avec cette conséquence (exprimée dans un texte plus récent) :

      Si des jeunes entrent en révolte contre cette société parce qu’elles et ils constatent qu’elle n’est pas capable de faire avancer les droits des femmes ni de faire reculer le racisme, c’est évidemment une bonne chose ; mais la seule perspective leur permettant de mener réellement ces combats, c’est de se tourner vers les idées communistes et vers la classe ouvrière, la seule qui peut jeter les bases d’une société réellement égalitaire en mettant fin à l’exploitation capitaliste.

    • @recriweb
      À aucun moment, je ne parle de LO.
      Je parle des comportements habituels et sempiternellement observés dans les orgas de gauche.

      En vrai, je pensais aussi à LFI qui a le féminisme en porte-étendard et qui s’est comporté comme tout le monde dans l’affaire Quatennens.

      Et ça fait bien chier  : silencier les femmes victimes de #VSS, ça dessert la cause.

      J’en suis au point où je me demande s’il ne va pas falloir lancer un parti non mixte.

    • Au temps pour moi, @monolecte...

      Quant à la pertinence d’un parti non-mixte (ou, à tout le moins, d’une organisation séparée des femmes), c’est un vieux débat que LO a eu et re-eu avec la LCR en son temps – qui était en faveur d’un mouvement autonome des femmes.

      Rouge pouvait donc écrire en 1974 :

      « Il n’est pas question de mettre dans un mouvement qui lutte contre l’oppression des femmes les oppresseurs. Or, les hommes sont objectivement des oppresseurs. »

      Ce à quoi LO répondait alors :

      Ce sont des propos de féministes et non des propos de militantes révolutionnaires. Les militantes de Rouge qui militent dans les groupes de femmes ont beau affirmer qu’« il est absurde de séparer lutte pour la libération des femmes et révolution socialiste » en affirmant la nécessité absolue d’un mouvement autonome des femmes, elles ne font soit qu’affirmer leur méfiance vis-à-vis du parti révolutionnaire, voire leur condamnation de celui-ci incapable, selon elles, parce que composé d’oppresseurs, de libérer la femme par la révolution socialiste, soit que séparer de fait la lutte pour la révolution socialiste réservée au parti, et la lutte pour la libération des femmes réservée aux femmes. En séparant la lutte pour la libération de la femme de la lutte pour la révolution socialiste, elles rejoignent bel et bien le féminisme bourgeois.

      C’était aussi un débat qui agitait les militants des partis communistes de l’IC avant le stalinisme. Ainsi 3e congrès se déclarait-il « énergiquement contre toute espèce d’organisation séparée des femmes au sein du parti, des syndicats, ou autres organisations ouvrières ». En revanche, il somme tous les partis communistes de se donner les moyens de mener un travail militant parmi les femmes, en préconisant la création de « commissions pour le travail parmi les femmes ». Cette décision, le 3e Congrès l’a rendue obligatoire pour tous les PC adhérant à l’IC.

    • La non-mixité, de mon point de vue fait partie des conditions – légitimes – de l’expression féministe.

      Ce point a d’ailleurs souvent représenté un sujet de clivage des plus virulents quand, dans le passé, Monsieur le militant révolutionnaire (quelle que soit son idéologie : socialiste, communiste, anarchiste, etc.) tenait en journée tout un tas de discours à propos de l’émancipation de la classe ouvrière et, qu’une fois rentré à la maison, il mettait les pieds sous la table en demandant à bobonne de lui servir son pot-au-feu et de mettre les gosses au lit. Dans ces conditions, il est tout à fait normal que les femmes se retrouvent entre elles pour reconstruire des espaces de liberté en rupture avec leur milieu, professionnel, familial et militant (qui se recoupent souvent).

      Considérant donc que l’affirmation politique féministe ne peut être construite, en toute autonomie que par les femmes-elles mêmes je me suis jamais considéré comme féministe, car homme, mais comme sympathisant de la cause féministe, aux côtés des femmes, solidaire et motivé pour participer activement à la mise en pièces immédiate et sans condition du patriarcat.

      Je suis convaincu que l’humanité, quelle qu’en soit le sexe et le genre des personnes qui la compose, a tout intérêt construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible.

    • D’abord, pourquoi ce ton, @cabou ("Monsieur le militant révolutionnaire") ? Au-delà de nos divergences, y avait-il quelque chose de méprisable dans ma façon de répondre et de m’expliquer ?

      Je suis convaincu comme toi que "l’humanité, quelle qu’en soit le sexe et le genre des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible." Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout militant communiste révolutionnaire de défendre ses valeurs féministes, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      Est-ce à dire que tous les militants de LO sont "déconstruits" (comme on dirait désormais) et qu’ont disparu dans nos rangs tous les réflexes patriarcaux ? Malgré nos efforts constants, nous restons en partie conditionnés par la société dans laquelle nous sommes. Toutefois nous sommes convaincus que les militants révolutionnaires que nous sommes portent en eux ce qui est le meilleur possible en ce monde pourrissant. Et c’est parce que nous sommes convaincus de cela et en faisons la preuve tous les jours que nous pourrons convaincre les travailleurs de nous faire confiance, et aux femmes de notre classe de ne pas se laisser enfermer dans une « spécificité » qui obère une prise de conscience plus large.

      Je me souviens, pour l’anecdote, que lors de mes premiers pas à LO, en 1987, j’avais été impressionné par la rigueur des camarades sur cette question. Et, depuis, comme tous, je ne tolère en notre sein aucun écart. Je ne dis pas cela pour dire que nous serions malgré tout parfaits, je dis cela pour dire à quel point être féministe et donc refuser tout acte sexiste est, pour nous, une réalité de tous les jours... Une rigueur qui, tu le sais sasn doute, nous vaut d’être parfois moqués.

      Je ne pense pas comme toi que "l’affirmation politique féministe ne peut être construite, en toute autonomie, que par les femmes-elles mêmes". Je pense, au contraire, que contre le reflux important des idées progressistes, contre tous les courants politiques réactionnaires, contre tous les comportements sexistes, homophobes, racistes, il est vital que renaissent le mouvement ouvrier, ses combats, ses valeurs. Car ce sont les interventions massives, politiques et sociales, de la classe ouvrière, ses luttes, qui, comme par le passé, pourront faire progresser la société. Et en attendant, je pense (nous pensons) qu’il faut toute la conscience de classe d’un parti révolutionnaire socialiste pour surmonter au quotidien le poison du sexisme que les patrons entretiennent sans cesse au sein de la classe ouvrière afin d’amoindrir ses forces.

      Se réunir (entre victimes) pour parler d’agressions, faire part de son expérience pour s’aider soi-même à se reconstruire et à mieux se protéger mentalement, c’est une chose : c’est le sens d’un approche psychologique qui peut se justifier et que l’on retrouve dans d’autres contextes. Point n’est besoin de discuter de cette approche dont l’utilité, très pragmatique, est parfaitement concevable.

      Il en est une autre que de se réunir entre femmes pour discuter féminisme, entre homosexuels pour discuter homophobie, entre noirs ici ou maghrébins là pour discuter racisme (etc.). Le mouvement ouvrier n’a jamais cessé de se battre en montrant (au contraire) que sexisme, machisme, harcèlement, homophobie, racisme, etc. , mêmes ressentis comme « spécifiques » par leurs victimes, ne devaient pas moins être compris par tous comme le problème de tous, les uns avec les autres, et ce autour d’un seul combat combat commun, car le seul véritablement déterminant : en faveur de la révolution sociale.

      J’ajoute que le mouvement socialiste marxiste s’est construit en intégrant des militantes dans ses rangs et ainsi en ne laissant pas les préjugés sexistes diviser ses forces. Et c’est sans doute plus nécessaire que jamais aujourd’hui.

      Enfin, je ne me considère donc pas seulement « sympathisant de la cause féministe »… j’ai fait mienne cette cause. Je me considère donc comme féministe et je le revendique, au nom de tou(te)s les intellectuel(le)s qui ont défendu la cause des femmes au sein du mouvement ouvrier révolutionnaire.

    • Cette expression « Monsieur le militant révolutionnaire » ne s’adressait pas à toi, en particulier, @recriweb et je suis sincèrement désolé que tu l’ai prise personnellement. Elle ne visait pas non plus ton organisation politique. Nous ne nous connaissons pas dans le monde analogique et je ne me permettrais pas de porter ce type de propos sur une personne lors d’un échange sur le web.

      Cette expression, ainsi que le reste de la formule, je l’ai reprise, presque textuellement de critiques formulées par des militantes d’organisations d’extrême gauche et libertaires qui expliquaient les conditions dans lesquelles s’est constitué la revendication d’une expression politique féministe - non mixte - en rupture avec leurs orgas, dans les années 70.

      Pour le reste : comme parfois, mais pas toujours, nous constatons effectivement nos désaccords. Je ne considère pas qu’il s’agisse pour autant de divergences qui rendrait le débat impossible.

    • si nous faisions disparaître le capitalisme, non, ce ne serait pas le paradis sur terre, en tout cas pas l’harmonie générale. l’humanisation aurait encore partie liée à des formes de violence. on me dira que c’est réac de le prétendre (un pessimisme sur la « nature humaine »), or il suffit de penser à la souffrance psychique un tant soit peu sérieusement pour savoir que celle-ci n’est pas intégralement soluble dans la destruction de cette société et des rapports qui la constituent. et il en est pour une part de même des désirs et des actes de domination (dont le viol et le meurtre).

      (et puisque LO n’est bien sûr visé nulle part, je m’en charge : comme dans d’autres orgas à prétention révolutionnaire, dont l’existence à ceci de commun avec le vulgaire de se situer elle aussi sous la mauvaise étoile du machisme, un viol au moins a pu y être silencié, y compris au prix de cérémonies publiques visant à assurer la dénégation la plus ferme).

    • Je suis convaincu comme toi que « l’humanité, quelle qu’en soit le sexe et le genre des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible. » Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout militant communiste révolutionnaire de défendre ses valeurs féministes, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      C’est des belles paroles de dominant , c’est vide et idiot. Exactement comme si tu te demandait pourquoi les patrons sont pas gentils avec les salariés et comment ca se fait qu’ils sont pas plus communistes au medef alors que tout le monde à un benefice à retiré de l’amour de son prochain et du partage égalitaire.

      Je suis convaincu comme toi que « l’humanité, quelle qu’en soit la classe des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible. » Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout patron de défendre ses valeurs égalitaristes, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      Je suis convaincu comme toi que « l’humanité, quelle qu’en soit la race des personnes qui la compose, a tout intérêt à construire des relations égalitaires et non-oppressives le plus tôt possible. » Du reste, c’est ce que j’ai expliqué plus haut en rappelant que c’est de la responsabilité de tout blanc de défendre ses valeurs antiraciste, au quotidien, autant sur son lieu de travail que chez les siens.

      Mais ca sert à rien de discuté avec les oppresseurs, c’est comme de vouloir faire entendre raison à Roux de Bézieux, de toute façon les hommes ont beaucoup à perdre dans l’égalité contrairement à ce qu’ils affirment hypocritement.

    • « des belles paroles de dominant , c’est vide et idiot. ». Ceci pour réaction à l’évocation des valeurs des militants ouvriers révolutionnaires. Cela prouve simplement @mad_meg que vous ignorez tout de l’histoire du mouvement ouvrier et des grèves, des débrayages, des actions qui, en entreprises, ont pour origines des actes sexistes ou des actes de harcèlement. Vous ajoutez, dans une naïveté sidérante : « ca sert à rien de discuter avec les oppresseurs », comme s’il s’agissait de « discuter » et non, pour les travailleurs », de défendre seulement leurs collègues en neutralisant les salopards qui agissent en générale dans l’impunité, et, ce faisant, de faire front commun au nom de leur classe.

      Quant à parler des « hommes » en général, en en faisant une catégorie congénitalement machiste et donc opposée par définition aux droits effectifs des femmes, c’est un contresens réactionnaire qui réduit à néant toute réflexion sur la question. Un contresens qui ne vaut pas davantage que celui qui réduit les femmes à tous les stéréotypes éculés et débiles répandus par les idéologies et cultures patriarcales.

    • Ce ne sera pas le paradis, mais en débarrassant la société des rapports sociaux basés sur l’exploitation, il est concevable d’imaginer que bien des comportements et manières de concevoir autrui se transformeront positivement. Une simple déduction matérialiste.

      L’accusation mensongère que tu portes @colporteur est, quant à elle, non seulement inconcevable mais particulièrement dégueulasse. Mon mail ici recriweb@protonmail.com pour résoudre notre problème.

    • Pourrais-tu me répondre @colporteur stp ? Qu’est-ce qui te permet d’affirmer que LO serait elle aussi « sous la mauvaise étoile du machisme » (alors qu’aucun comportement machiste ou sexiste n’y est toléré) et, partant, de divaguer en imaginant qu’ « un viol au moins a pu y être silencié » (ce qui, précisément, ne peut arriver).

      Tu n’es pourtant pas non sans savoir que les conditions de recrutement de LO sont strictes, que nos valeurs et comportements sont exigés irréprochables…

      En outre, en supposant un fait, comment peux-tu imaginer que nous le dissimulerions en abandonnant, de fait, la victime à son traumatisme, et en laissant un violeur libre de sévir de nouveau ?

      Mais tu n’as peut-etre, dans le fond, aucune idée de ce que nous sommes et de la façon dont nous fonctionnons… mais de là à spéculer gratuitement et à répandre des doutes monstrueux !

    • j’ai dit ce qu’il y avait à dire. dans un cas de viol (au moins) LO a choisi d’innocenter un de ses militants pour se préserver. ce que tu estime "inconcevable" est aussi affligeant que banal. ce qui "ne peut arriver" a eu lieu. et est loin d’être passé inaperçu. regroupé.e.s autour de la femme qui a subi ce viol, des camarades ont durant des mois mené bataille là-dessus. que je sache, elle n’attendait rien de LO si ce n’est que cette organisation (ainsi que la CGT) admette les faits et en tire des conclusions. c’est l’inverse qui a eu lieu avec la tenue d’une soirée publique destinée à « remettre en selle » ce militant.

    • Jamais entendu parler de ça. Ni d’ailleurs la direction de LO, ni internet — totalement muet sur la question.

      Mais j’ai enquêté un peu : il y aurait eu à tourner sur Twitter une sale histoire à propos d’un sympathisant… mais plus aucune trace nulle part.

      Pas plus que de poursuites judiciaires, apparemment.

      Je connais LO de l’intérieur depuis 35 ans, et je maintiens qu’aucun.e militant.e ne tolérerait au sein de l’organisation le moindre comportement toxique — et, à plus forte raison, criminel.

  • Le chill, ou la gestion des émotions féminines dans la pop | Robin James
    https://lmsi.net/De-Chainsmokers-a-Ariana-Grande-La-gestion-des-emotions-feminines-dans-la-pop

    En 2017, le chill était partout : le classement Billboard Hot 100 était dominé par des chansons comme « Shape of You » d’Ed Sheeran, « Despacito » de Luis Fonsi (avec Daddy Yankee) et « Rockstar » de Post Malone. « Le chill, explique l’autrice Alana Massey, est une sinistre refonte de l’injonction “Calm down !”, aussi révoltante et genrée, qui devient soudainement une attitude digne d’admiration. » Alison Stevenson, journaliste chez Vice, précise que « la femme chill est l’opposé de l’hystérique ». Le chill serait donc la capacité à maitriser les excès féminins ou féminisés. Source : Les mots sont importants

  • Pacôme Thiellement, au commencement était la gnose [Interview] - Toutelaculture
    https://toutelaculture.com/livres/essais/pacome-thiellement-au-commencement-etait-la-gnose

    Pacôme Thiellement, au commencement était la gnose [Interview]
    29 août 2017 | PAR Hassina Mechaï

    Attention érudition. Le dernier livre de l’essayiste Pacôme Thiellement, La victoire des sans Roi : révolution gnostique traite du gnosticisme. Une traversée fluide et structurée d’un enseignement encore très vivant, à travers codex poussiéreux, poèmes hallucinés, romans uchroniques, chansons pop « inspirées » et pixels de séries dystopiques.
    Ce document a été créé et certifié chez IGS-CP, Charente (16)

    Egypte, 1945, près de la ville de Nag Hammadi. Treize codex de papyrus reliés en cuir sont retrouvés par des paysans égyptiens, enfouis dans une jarre, elle-même enterrée dans une grotte. Datant du milieu du IVe siècle, ces codex contiennent une cinquantaine de traités en copte, traductions de textes écrits initialement en grec ancien. Parmi ceux-là, les plus connus, les Evangile de Judas, Thomas, Philippe, le Livre des secrets de Jean, le Dialogue du Sauveur….Autant d’écrits considérés comme apocryphes par l’Eglise et non intégrés dans le canon catholique. Ces écrits ésotériques donnent à comprendre, de façon succinte, un système de croyance manichéen. Dans la pensée dualiste gnostique, les êtres humains sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel, faux et trompeur créé par un dieu mauvais ou imparfait : le Démiurge. A l’opposé, existe un Dieu incarnant le bien mais comme retiré de ce monde. Dans la pensée gnostique, le Christ y apparait comme le logos originel certes mais aussi comme un homme parmi les siens, « le frère en secret » de tout un chacun. D’inspiration chrétienne, le gnosticisme fut pourtant qualifié d’hérésie et férocement combattu par les Pères de l’Église, notamment Irénée de Lyon. On songe parfois à l’épisode du Grand Inquisiteur dans Les Frères Karamazov ; ce passage où Dostoïevski imagine un Jésus revenant dans une Espagne crucifiée par l’Inquisition. Comme ce Jésus silencieux décrit par l’écrivain russe, les gnostiques ont posé par leur seule présence la question insupportable à l’Eglise de sa fidélité à l’enseignement originel du nazaréen Yehoshua Ben Yossef.

    La révolution des sans Roi montre avec finesse que cette source gnostique ne fut jamais tarie et couru à travers l’histoire. Pacôme Thiellement réussit le joli coup de force de lier de façon cohérente les Apôtres Pierre et Paul, Jung, Freud, Simone Weil, Alfred Jarry, Philip K. Dick aux courants de la culture populaire, des Beatles aux séries américaines. Il montre, par petites touches, comment de larges pans de pensées et d’arts ont pu être inspirés par ces textes gnostiques ou en avoir eu l’intuition avant leur découverte. Ce fil rouge de la gnose est soigneusement dévidé par Pacôme Thiellement, qui en suit le fil ténu avec obstination et talent à travers diverses œuvres. On se promène ainsi avec lui dans les méandres de la pensée gnostique, remontant également cette source qui n’a jamais tari malgré toutes les tentatives d’en détourner le cours, la dompter voire la boucher. La victoire des sans Roi : révolution gnostique est un livre qui interroge, au sens premier du terme, qui amène à se poser des questions. Et Pacôme Thiellement joue là le rôle d’un passeur généreux et truculent.

    Pourquoi cet intérêt pour la gnose ?
    C’est une rencontre que j’ai faite presque trop tard, vers trente ans, j’aurais aimé connaître cela plus tôt. Selon moi, les gnostiques sont les meilleurs instructeurs de questions qu’on se pose adolescent. Ils apportent la possibilité de concevoir d’autres dimensions à la vie que celle de cette prison infernale qui nous est promise : travail, famille, patrie. L’Eglise a opéré un rapt sur ces questions fondamentales tournant autour de la Divinité, la spiritualité. Les gnostiques les restituent à chacun. J’ai découvert les gnostiques à travers diverses recherches. Relisant Philip K. Dick, je voyais qu’il parlait régulièrement des écrits gnostiques et des textes de Nag Hammadi. J’avais aussi, à l’occasion de l’écriture d’un portrait de John Lennon, noté alors que lui aussi parle des gnostiques, qu’il associe aux Soufis et aux Bouddhistes Zen. Je me suis alors plongé dans les écrits gnostiques et ai constaté que tout ce qui m’intéresse converge vers cette source, notamment les œuvres de la culture populaire. Ce que j’y trouvais, mais également ce que je trouvais dans la poésie, tout cela pouvait être rattaché aux intuitions fondamentales des écrits gnostiques et de la façon dont ils avaient interprété Jésus. Pourtant, le christianisme ayant dès l’origine été très centralisé, les gnostiques n’ont pas pu avoir de place en son sein. Ils ont été persécutés et massacrés.
    Pourquoi dire alors qu’ils ont été victorieux ?
    Malgré leur échec apparent, les gnostiques ont gagné parce qu’ils ont atteint dans leur vie un état qui permet d’envisager les choses au-delà de la lutte permanente entre la réussite et l’échec. Les textes de Nag Hammadi exhortent à ne pas se soucier de la fin. On le voit dans l’épopée des Cathares où la mort n’a plus eu d’emprise sur eux, même s’ils ont été massacrés. On le voit aussi dans la mort de Mani, qui même torturé, semble dépasser cela. Puis malgré tous les efforts de l’église pour faire disparaître les visions gnostiques, cela a échoué : elles n’ont cessé de revenir dans la pensée ésotérique et dans la poésie. Je pense aussi aux intuitions gnostiques qu’on retrouve chez la philosophe Simone Weil, alors qu’elle n’avait pas eu accès à ces textes. Dans certaines de ses lettres, elle a l’intuition de textes cachés et estime que les vrais chrétiens avaient été ceux persécutés par l’Eglise. Elle s’était intéressée aux cathares et pensait qu’une jonction possible entre Platon, Pythagore et le Christ était possible. Enfin, il faut penser à la redécouverte des textes à partir du XVIIIe siècle dans le désert égyptien : 1 livre au XVIIIe siècle, 4 livres au XIXe… Et enfin 44 livres en 1945, un corpus aussi gros que celui de La Bible. En cela la gnose a été victorieuse. La façon dont tous ces textes réapparaissent au moment de l’après-guerre dans le désert de Nag Hammadi a quelque chose d’un défi.
    Pourquoi étaient-ils sans roi ?
    C’est ainsi que Jésus les nomme dans les textes de Nag Hammadi. Les gnostiques ne se sont jamais eux-mêmes proclamés « gnostiques ». Par ce mot, on entend des hommes et des femmes qui ont entendu et vécu la parole de Jésus en dehors de l’institution de l’Eglise. On les a appelés alors ainsi, mais ce terme se voulait péjoratif, voire moqueurs. On moquait ces prétendus « connaisseurs », de gnosis, « la connaissance ». Dans les textes de Nag Hammadi, Jésus leur donne plusieurs noms : « les étrangers », « les hommes de nulle part » (les Beatles parleront dans une chanson du « Nowhere Man ») « la génération sans Roi » ou « la race sans roi ». En les appelant les « sans roi » plutôt que les « gnostiques », je me permet de parler de gens qui n’appartiennent pas seulement à une période historique précise (Ier-IVe siècles) mais qui peuvent appartenir à n’importe quelle époque : Philip K. Dick est un sans roi, Simone Weil ou John Lennon également.
    Mais Dieu dans tout ça ? La gnose peut paraître comme une spiritualité qui n’a pas besoin forcément de Dieu…
    C’est parce qu’ils avaient une conception non seigneuriale de Dieu. Il y a un Dieu mais il n’est pas, selon eux, celui qu’on croit. Tout dépend aussi ce qu’on entend par Dieu. Si on entend par là un mélange de Père fouettard et de père Noël, alors non, ce n’est pas leur Dieu. D’autant qu’on sait que l’amour pour ce genre de divinité entraine un comportement antithétique de ce qu’elle est supposée proposer. On en arrive à faire le mal pour faire le bien. On persécute des individus sous prétexte de les sauver. Les gnostiques rejettent cela. Jésus, dans les textes gnostiques, se présente, non comme un « seigneur », mais comme leur « frère en secret ». Ces textes disent aussi que Dieu est en minorité sur la terre, qu’il y a une lutte entre lui et un faux dieu qui s’est attribué la fonction divine. Les gnostiques ont tenté de vivre selon ces principes 2 ou 3 siècles durant. Puis ils ont été massacrés. Mais leurs idées ont continué à exister, à évoluer dans les différentes strates du monde religieux. Ainsi Gershom Scholem estime qu’il y a une influence des gnostiques sur les cabalistes. Pour lui, par exemple, l’arbre des séphirots se rapproche de leur enseignement. Le Dieu qui se retire de sa création dans le tsimtsoum n’est pas si différent du Dieu en exil des textes gnostiques. Si le Dieu de la Bible essaie de faire comprendre à l’homme qu’il est limité, dans la gnose, ce sont les hommes qui tentent de lui faire comprendre qu’il doit limiter ses pouvoirs.
    Quelle forme d’organisation aurait eu l’Eglise si les textes gnostiques avaient été intégrés dans le canon de la Bible ?
    Cela aurait été impossible. Parce que la gnose empêche la possibilité de la constitution d’une Eglise organisée. Il ne doit pas y avoir d’église gnostique. C’est contradictoire avec la dimension non institutionnelle de la gnose, son côté anarchique. On sait par exemple qu’ils tiraient au sort la personne qui serait l’officiant de leur réunion. Les hommes et femmes étaient mélangés, sans distinction de genre. Chacun pouvait assister à leur réunion, sans qu’on leur demande leurs croyances. Les seuls à avoir approché cela ont été les cathares, même s’ils n’étaient pas tout à fait gnostiques : par exemple, pour eux, ceux qui cultivent la terre en sont les propriétaires, ce qui suppose l’abolition de la propriété et des classes sociales. Liberté de culte totale également, ce qui explique que les Juifs et les Musulmans y étaient bien accueillis. Interdiction de la chasse, de la viande. La seule chair animal consommée était le poisson.
    Votre livre est très sévère envers les enseignements des apôtres Pierre et Paul. Ont-ils dénaturé les enseignements de Jésus alors qu’ils avaient été chargés par lui de bâtir son Eglise ?
    Je me mets en avant l’absence de continuité entre la parole de Jésus et celles de Paul. Cela m’a toujours interpellé. Ne serait-ce que sur les affaires de mœurs, les positions de Jésus et celles de Paul sont aux antipodes. Mais je ne fais pas le procès de Paul. Je tente de comprendre comment on a pu passer de Jésus à cette dénaturation de son esprit qu’on a appelé « christianisme ». Selon moi, le récit tragi-comique des Eglises de Pierre et Paul l’explique.
    Comment la culture populaire a-t-elle puisé dans la gnose ?
    Aujourd’hui, la série télévisée est le lieu principal d’expressions de thématiques gnostiques : c’est vérifiable, de Millenium à Person of Interest. Des passages entiers y sont cités, les scénaristes les connaissaient visiblement. Dans The Leftovers, il y a une citation de l’Evangile de Thomas, dès la première saison. La dernière saison tourne autour de la question du Jumeau (Thomas). Depuis 1945, les principaux endroits où les textes de Nag Hammadi ont été cités sont : les romans de science-fiction, les disques de pop music et enfin les séries télévisées. Il y a forcément une raison à cela.

    Pacôme Thiellement, La victoire des sans Roi : révolution gnostique, Presses Universitaires de France – PUF

    • Instant Karma ! - Les mots sont importants (lmsi.net)
      https://lmsi.net/Instant-Karma

      Le nouveau livre de Pacôme Thiellement, La victoire des sans roi, est consacré aux gnostiques. Désignés ainsi par leurs ennemis de l’Eglise chrétienne, ils se nomment eux-mêmes les gens de nulle part, les étrangers, ou encore les sans roi. Ce qu’ils récusent, en même temps que l’autorité des rois humains, c’est l’idée d’un Dieu unique omniscient, infiniment bon et infiniment puissant, régnant sur notre monde. Ils y opposent une conception dualiste dans laquelle le Démiurge, mauvais, s’oppose à une bonne divinité qui ne prend pas la forme d’un Seigneur ou d’un Père mais d’un « frère en secret », caractérisé davantage par sa discrétion et sa fragilité que par une quelconque puissance. Loin de tout souci d’inscription dans un territoire et dans un Etat-nation, les sans roi s’inspirent de la figure de Jesus et de l’Evangile de Jean (dit « Jean le Zébédaïde », « le disciple bien-aimé ») plutôt que du projet clérical et vengeur de Paul, de Pierre ou de l’autre Jean (« Jean le Presbytre », auteur de l’Apocalypse). A rebours de la tradition chrétienne qui s’est imposée dans ce monde au fil des siècles, Pacôme Thiellement nous invite dans son livre à suivre le fil clandestin qui court de l’Evangile de Jean (le Zébédaïde) à l’Evangile de John (Lennon), en passant par Simon le Magicien, Valentin, Philippe, Thomas, les Cathares, les cabbalistes, les Manichéens, les soufis, Sohrawardi, Rumi, Ibn Arabi, des philosophes comme Spinoza ou Simone Weil, des poètes comme Nerval, William Blake, Baudelaire, Philippe K Dick ou encore Buffy la tueuse de vampires, et dessine une tradition alternative. Une tradition qui dès l’origine se singularise par une tonalité libertaire et égalitaire, et des tendances féministes, pro-sexe, anti-spécistes, pour produire une religiosité sans Eglise, sans hiérarchie, sans Jugement dernier, rejetant toutes les puissances mondaines au profit d’un « Royaume » qui, n’étant – selon la formule de Jesus - « pas de ce monde », doit être retrouvé, par anamnèse, à l’intérieur de soi. Dans ce Royaume nous devenons toutes et tous des princes, étant entendu que « le prince est l’homme qui a pris conscience que ce dont il se sentait embarrassé dans ce monde, ses faiblesses, sa vulnérabilité, sont les éléments mêmes qui le rendent aimable aux yeux de la véritable divinité. » Du beau livre de Pacôme Thiellement, voici deux extraits.

      I. Simon pose le problème de la légitimité morale de ce Dieu unique, Seigneur et Créateur : l’inégalité entre ses créatures. « L’inégalité entre les hommes ne te paraît-elle pas très injuste ? demande Simon. L’un, en effet, est pauvre, l’autre est riche ; celui-ci est malade, celui-là jouit d’une bonne santé. »

      « Les hommes pieux ne pourraient pas ici-bas atteindre leur perfection, répond Pierre, s’il n’y avait pas les indigents à qui ils porteront secours. Pareillement il y aussi des malades dont ils prendront soin. Et les autres inégalités ont la même raison d’être. »

      On ne rêve pas : Pierre est dans la logique des superhéros telle que la deuxième moitié du vingtième siècle l’instituera. Il faut qu’il y ait du malheur sur Terre, sinon les héros ne servent à rien. Ce qui revient à poser une hiérarchie de l’importance des êtres, certains n’étant que les figurants infortunés des grandes aventures des autres. « Alors, commente Simon, les petits n’ont pas de chance ! Pour que les justes atteignent leur perfection, ils sont eux-mêmes réduits à un état misérable. » Comme un politicien en difficulté, Pierre répond alors que ce sera le sujet d’une prochaine explication (qui n’aura pas lieu, quel dommage, dans les Homélies clémentines ni dans un livre suivant !)

      Au fond, Simon perd son temps, parce que Pierre a déjà un argument en réserve pour l’ensemble de ses difficultés : le sexe, bien sûr ! Quand Simon insiste et lui demande « Pourquoi ces morts prématurées, ces maladies périodiques ? », Pierre sort le joker du sexe comme on sort son revolver :

      « Parce que les hommes, tout à leur plaisir, accomplissent l’acte sexuel sans précautions, et ainsi les semences, répandues à contretemps, donnent naturelle- ment naissance à ces innombrables maux. »

      S’il y a du mal sur la Terre, si des hommes sont malades ou malheu- reux, c’est donc à cause de leur goût pour le sexe ? On se frotte les yeux…

      Tout le long de leur espèce de talk-show, les questions de Simon sont infiniment plus consistantes que les réponses de Pierre, ce qui est assez troublant pour un roman dont l’objectif est d’éloigner ses lecteurs de l’influence pernicieuse du premier... Simon s’en rend compte :

      « Que Pierre, en fait, ne croie même pas aux enseignements de son Maître, c’est ce qui est évident. Car il prêche le contraire. »

      À la fin des Homélies clémentines, en Fantômas du début de l’ère chrétienne, avant de fuir vers la Judée pour de nouvelles aventures, Simon transforme le visage de Faustus, le père des jumeaux Faustinus et Faustinianus, de sorte que ce dernier porte ses traits et se fasse intercepter à sa place par la bande de Pierre.

      Passons sur la pléthore d’anecdotes saugrenues qui nourrissent son personnage quasi parodique de super-vilain et concentrons-nous sur le véritable nœud de la controverse avec Simon : à savoir l’hypothèse des deux dieux et le problème du mal. Pourquoi les chrétiens détestent-ils tellement l’hypothèse des deux dieux ? La réponse à cette question pourrait se trouver dans un autre écrit de Clément de Rome, son Épître aux Corinthiens (à ne pas confondre avec celles de Paul). Dans celle-ci, Clément de Rome nous explique que Dieu doit être considéré comme seul maître de l’homme. Mais il n’agit pas directement : son autorité s’exerce toujours à travers les membres de l’Église. « Nous devons faire tout ce que Dieu nous a ordonné d’accomplir, écrit Clément de Rome. Or il nous a prescrit de nous acquitter des offrandes et des cultes, et pas n’importe comment. Ce n’est point partout qu’on offre le sacrifice perpétuel et ce n’est point n’importe où, mais face au sanctuaire, sur l’autel, non sans que l’offrande ait d’abord été soigneusement examinée par le grand prêtre. Ceux qui contreviennent à son ordre sont punis de mort. »

      L’existence du mal s’explique également par sa nécessité dans le « projet » de l’Église. Sans la présence du mal, il n’y aurait aucune nécessité à recourir à cette dernière. Elle deviendrait immédiatement superflue.

      L’Église n’a pas seulement besoin du mal ; elle a également besoin des hérétiques. De par sa nature conquérante, elle ne peut se satisfaire d’un monde où les religions coexisteraient pacifiquement, où les hommes croiraient ce qui leur semble bon – et le débat de Pierre et Simon annonce les guerres contre les hérétiques qui occuperont les mille ans qui suivront. Sans surprise, le roman de Clément reprend l’argument, déjà détourné par Luc, de l’annonce des faux prophètes par Jésus et se donne comme un récit édifiant apte à susciter la vocation de prochains chrétiens :

      « Il y aura des faux apôtres, des prophètes menteurs, des hérésies, des tentatives ambitieuses, qui, je le conjecture, prenant pour point de départ les blasphèmes de Simon contre Dieu, continueront l’œuvre de Simon en soutenant, contre Dieu, les mêmes doctrines que lui. »

      Ce ne sera pas aussi simple qu’ils l’imaginent. Il faut être deux pour se battre ; or les successeurs de Simon ne voudront pas davantage se battre que lui. Il faut être deux pour se penser en concurrence ; or les successeurs de Simon ne se sentiront en concurrence avec personne. Ce que les chrétiens leur reprocheront, d’ailleurs, ce n’est pas tant leur refus de dépendre de leur autorité que leur refus d’en exercer une autre. Dans beaucoup de réunions des dissidents du christianisme primitif, le prêtre est tiré au sort. Dans d’autres, ils permutent systématiquement d’officiant à auditeur, de prêtre à ouaille. Les chrétiens leur reprocheront également leur refus du prosélytisme : ils ne demandent jamais aux auditeurs de s’affilier à leur Église mais ne les jugent que sur leurs actes. Et c’est cette liberté, non seulement prise mais également donnée, qui énerve le plus Tertullien :

      « Quelle légèreté, quel esprit du monde, comme tout cela est seulement humain, sans aucun sérieux, sans nulle autorité, sans discipline, correspondant bien à ce qu’ils croient ! Pour commencer, on ne sait qui est catéchumène et qui est croyant ; tous peuvent participer également, écouter également, prier également… »

      C’est un reproche qui nous semble d’autant plus surprenant que les hérétiques laissent alors au christianisme les coudées franches dans le domaine politique pour se contenter d’un affranchissement spirituel individuel. Mais, dans cette grande libéralité, ils privent les Pères de quelque chose qui leur tient énormément à cœur : l’existence d’un adversaire à combattre, un « Antéchrist », une « Bête » qui les fasse croire à un grand destin personnel – comme dans L’Apocalypse de Jean le Presbytre. Sans ennemi, pas de guerre envisageable. Le peu d’enthousiasme que mettent les hérétiques à jouer le rôle écrit pour eux dans le petit théâtre de shadow boxing des premiers chrétiens peut alors être perçu comme le véritable facteur aggravant.

      Ce que les premiers chrétiens reprochent aux successeurs de Simon ensuite, c’est de ne pas prendre au sérieux la différence des sexes, ou, en termes modernes, de ne pas être suffisamment misogynes. Tertullien n’en revient pas :

      « Ces femmes hérétiques – quelle n’est pas leur audace ! Elles n’ont aucune retenue ; elles ne craignent pas d’enseigner, de prendre part à des discussions, de se livrer à des exorcismes, d’entreprendre des guérisons, voire de baptiser. »

      En ce sens, ils sont dans la continuité de Pierre et de Paul et de leur méfiance envers les femmes qui entouraient Jésus :

      « Le mâle est tout entier vérité et la femelle est tout entière erreur, disait même Pierre dans les Homélies clémentines, et celui qui est né du mâle et de la femelle tantôt ment et tantôt dit la vérité. »

      On ne connaît aucune occurrence de cette méfiance dans la vie de Jésus lui-même, et l’épisode évoqué précédemment où il fait l’éloge de Marie qui préfère discuter avec lui plutôt que de passer en cuisine avec sa sœur Marthe montre bien que la misogynie n’était pas au cœur de son enseignement.

      II. Il faut penser à une interview capitale donnée par John Lennon à Jonathan Cott pour Rolling Stone en 1968. Lennon et Cott y évoquent Strawberry Fields Forever, I Am the Walrus, Lucy in the Sky with Diamonds et Tomorrow Never Knows, des chansons des Beatles à partir desquels les fans ont déjà commencé à spéculer pour y découvrir des significations secrètes. « Les exégètes de la pop ont tendance à vouloir lire dans tes textes des choses qui n’y sont pas forcément » lui dit Jonathan Cott.

      « Elles y sont, répond fermement Lennon. J’ai tapé à tous les niveaux. Tu écris des paroles et tu ne te rends compte de leur signification qu’après coup. Surtout pour les meilleures chansons. Cela prouve simplement que tu as dû y réfléchir avant de l’écrire, que tu as dû phosphorer dessus. Mais c’est seulement une fois que tu l’as exprimé que tu prends conscience de l’avoir dit. Idem quand tu enregistres ou même quand tu joues. Tu sors d’un truc et tu sais que tu étais dedans ; et c’était rien, un truc tout bête, et c’est pourtant ce qu’on passe notre temps à chercher. »

      En disant cela, John rejoint un autre Jean, Shiyaboddin Yahya Sohrawardi, le martyr iranien du XIIe siècle (Yahya, c’est Jean en arabe, et Lennon, qui ne le savait peut-être pas, a enregistré deux fois la chanson Ya Ya en 1974 et 1975, pour Walls and Bridges et Rock and Roll). En disant cela, donc, John rejoint cet autre Yahya quand celui-ci écrit :

      « À toi incombe la tâche de lire le Coran comme s’il n’avait été révélé que pour ton propre cas. »

      Un an et demi plus tard, le 6 février 1970, Lennon publiera une chanson qui est une poignée de main à chaque auditeur en même temps que l’affirmation d’une anamnèse « instantanée » passant par la chanson pop : Instant Karma. Écrite, enregistrée et produite en une journée, avec ses allures de slogan, Instant Karma (« Action rituelle instantanée ») rappelle le roman Ubik de Philip K. Dick, publié un an plus tôt, dans lequel une divinité s’exprime à travers des publicités et des produits industriels. Instant Karma, c’est la « résurrection de leur vivant » de tous les auditeurs de John Lennon.

      « Instant Karma va te rattraper, te frapper sur la tête

      Tu devrais remettre tes idées en place,

      Tu ne vas pas tarder à mourir

      Non mais pour qui tu te prends ?

      Tu te moques de l’amour ?

      Qu’est-ce que tu essaies de faire ?

      C’est entre tes mains, tout ça.

      Instant Karma va te rattraper,

      Te regarder droit dans les yeux

      Tu devrais remettre tes idées en place,

      Et rejoindre l’espèce humaine

      Quand est-ce que tu vas commencer à voir

      Plutôt que de ricaner ?

      Pour qui tu te prends ? Pour une superstar ?

      C’est vrai. Tu l’es.

      Et nous nous illuminons tous les uns les autres

      Comme la lune, les étoiles, le soleil

      Nous nous illuminons tous les uns les autres

      Instant Karma va te rattraper, te foutre par terre

      Tu devrais reconnaître comme ton frère

      Chaque personne que tu rencontres

      Pourquoi sommes-nous sur la Terre ?

      Pas pour vivre dans la souffrance et la peur.

      Non mais pourquoi est-ce que tu es là ?

      Mais tu es Partout. Viens prendre ta part.

      Et nous nous illuminons tous les uns les autres

      Comme la lune, les étoiles, le soleil

      Nous nous illuminons tous les uns les autres »

      Toutes les chansons de John Lennon ou des Beatles parlent d’une société de solitaires, de cœurs brisés, d’hommes de nulle part. Et toutes leurs chansons sont de bons vecteurs d’anamnèse rappelant l’auditeur à son identité divine. Mais la chanson Instant Karma ne parle pas seulement de l’anamnèse ; elle parle des chansons de Lennon ou des Beatles en tant qu’elles en sont le vecteur. C’est une chanson sur les chansons elles-mêmes. Elle raconte ce que c’est que d’être « dedans » comme dit Lennon dans l’interview. Équivalent de L’Exégèse de l’Âme dans la Bibliothèque de Nag Hammadi, Instant Karma est « la Chanson des Chansons » et évoque l’illumination passant par le rappel de la brièveté de la vie (un memento mori d’une ligne), l’évocation de la capacité à « regarder » les choses autrement, et, au moins, deux énoncés très clairs : « Nous ne sommes pas sur Terre pour vivre dans la souffrance et dans la peur » (en quoi le message est évidemment plus Sans Roi que chrétien) et « Tu te prends pour une superstar ? Bien sûr, tu l’es » où Lennon opère un « partage » de la notoriété qui est de même nature que le « partage » de pouvoir entre l’Élue et les « potentielles » à la fin de la septième saison de Buffy contre les vampires.

      Mais le plus important, c’est l’idée que la mission de la chanson est de produire l’anamnèse. Et nous savons que, pour au moins un cas – Philip K. Dick prenant conscience de l’hernie linguale de son fils en écoutant « Strawberry Fields Forever » en 1974 –, elle aura efficacement rempli sa mission. John Lennon ne supporte pas qu’une chanson puisse être une fin en elle-même : elle doit impérativement être l’hymne de la transformation de l’auditeur, et si, pendant longtemps celle-ci est passée par la transformation de la société (Give Peace a Chance, Imagine, Power to the People), au final ce qui compte principalement restera l’acquisition du repos.

      C’est ce que semble dire le « testament » spirituel de John Lennon, Watching The Wheels publié sur Double Fantasy en 1980 :

      « Les gens disent que je suis fou de faire ce que je fais

      Ils me donnent beaucoup d’avertissements

      Pour me sauver d’une défaite assurée

      Les gens disent que je suis paresseux et que je rêve ma vie

      Ils me donnent beaucoup de conseils pour me réveiller

      Les gens me posent beaucoup de questions

      Ils sont excessivement confus.

      Moi, je reste assis à regarder les roues tourner

      J’adore les regarder tourner

      Je ne suis plus sur le manège lui-même

      J’ai dû le laisser partir. »
      P.-S.

      Ce texte est extrait de La victoire des sans roi. Révolution gnostique de Pacôme Thiellement (pages 39 à 44 et 166 à 170), qui vient de paraître aux Presses Universitaires de France. Nous le reproduisons avec l’amicale autorisation de l’auteur.

  • Sortir du modèle médical du handicap | Charlotte Puiseux
    https://lmsi.net/Sortir-du-modele-medical-du-handicap

    La France a une grande tradition du modèle médical du handicap, qui considère que le handicap est le résultat d’un corps individuel défaillant devant être soigné, redressé, guéri et maintenu dans des institutions tant que cela ne se sera pas réalisé. Ce modèle est associé à une vision caritative empêchant les personnes handicapées d’apparaître comme des sujets de droits, égaux à ceux des valides. Source : Les mots sont importants

  • Mérites et limites du Téléthon - Les mots sont importants (lmsi.net)
    https://lmsi.net/Merites-et-limites-du-Telethon

    En 160 pages à la première personne, faites de chair et de fer comme l’est, selon ses propres mots, son autrice, cette dernière nous livre, réduite à son expression la plus simple, directe et implacable, une autobiographie pour ainsi dire totale : un récit de vie, une socio-analyse, une autobiographie intellectuelle et politique. De page en page, on découvre dans toute leur étendue la violence du handicap en même temps que la puissance de la combattante, mais on comprend surtout que ni cette violence ni la capacité de résistance qui lui fait face n’ont rien d’un simple donné naturel. « Dès l’instant où je suis née, nous dit Charlotte Puiseux, j’ai porté sur moi les marques évidentes du handicap. Ma relégation aux marges de la société s’est alors installée irrémédiablement et il semblait naturel que mon existence se déroule en bas de la hiérarchie des vies humaines. Mais ce destin tragique n’a rien de naturel : il est écrit par une société qui érige des normes à coups de mesures légales et d’examens médicaux et exclut certains corps, certaines vies. ». C’est sur ces normes que le livre de Charlotte Puiseux vient d’un même mouvement nous interroger et nous instruire, et sur leur caractère arbitraire et changeant – en un mot : leur historicité. Sous la paresseuse « évidence » du destin biologique, c’est tout un système idéologique qui se fait jour, que l’autrice nomme par son nom : le validisme.

    #validisme #corps

  • Bilan de six mois de lutte à l’Ambassade des immigrés | le collectif La Chapelle Debout !
    https://lmsi.net/Bilan-de-six-mois-de-lutte-a-l-Ambassade-des-immigres

    Le droit soi-disant trop « complexe » comme le prétendait il y a quelques jours Darmanin, pour pouvoir permettre d’arrêter, de réprimer, d’enfermer et d’expulser les immigrés, est celui-là même qui précarise leur vie, les empêche d’avoir une vie de famille, une vie intime, de travailler, de se déplacer, de se soigner et de décider de ce qu’ils feront demain ou dans dix ans. En France, des milliers de personnes vivent en suspension, suspendus à une circulaire, à un arrêté de transfert, à un contrôle de police, à un juge ou à un officier de « protection » de l’OFPRA. En France, la double peine n’a jamais cessé d’exister. Nous luttons pour des logements dignes pour toutes et tous, pour la fin des visas qui tuent, pour la liberté de circulation et d’installation. Source : Les mots sont (...)