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  • Les réseaux sociaux, leviers des luttes sociales – nvo
    https://nvo.fr/les-reseaux-sociaux-leviers-des-luttes-sociales

    De la révolte des Gilets jaunes à la vague féministe post-#MeToo, les outils numériques sont devenus des leviers incontournables des luttes sociales et syndicales. Sur les réseaux sociaux, les photos et vidéos d’Extinction Rebellion ou de ReAct font le buzz et relaient les mobilisations. Un article publié dans le numéro #05 de la Vie Ouvrière.

    Ces dernières années, les exemples de mouvements sociaux ou de soulèvements populaires déployés grâce aux possibilités de connexions qu’offre Internet se sont multipliés. Dans son remarquable ouvrage Twitter & les gaz lacrymogènes, la chercheuse et activiste turque Zeynep Tufekci montre que l’usage des outils numériques et leur démocratisation (applications, réseaux sociaux…) permettent non seulement d’atteindre rapidement une masse critique de citoyens agissants mais en a fait des alliés incontournables des luttes actuelles.

    En l’espace de quelques semaines, le mouvement des Soulèvements de la Terre, menacé de dissolution sur décision du ministère de l’Intérieur, a rassemblé plus de 90.000 soutiens, notamment grâce aux milliers de partages sur les réseaux sociaux. Des relais qui ont permis de faire converger le 25 mars sur le terrain à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, près de 30.000 personnes venues pas seulement de France mais de toute l’Europe pour s’opposer au projet de méga-bassine.

    Les médias numériques améliorent la visibilité d’une cause, mais ils créent aussi une communauté, un sens de la camaraderie, explique Zeynep Tufekci dans son essai. Ils permettent à un mouvement de dépasser l’espace du site d’occupation en créant un sentiment d’appartenance : on peut se sentir zadiste sans terres à défendre, se revendiquer d’Occupy Wall Street sans être américain…

    En 2021, les activistes ont fait irruption au milieu des mannequins d’un défilé Louis Vuitton afin de dénoncer l’impact climatique de la mode. Un happening militant qui a fait un énorme buzz sur les réseaux sociaux. La même stratégie digitale a été employée, en octobre 2022, quand d’autres militants ont collé leurs mains sur des voitures haut de gamme sous les yeux du public du Mondial de l’auto.

    « Quatre cents personnes nous ont filmés et ont mis en ligne la scène sur Instagram et TikTok. Ça a fait des millions de vues. Là, le public était lui aussi vecteur de diffusion, même si tu ne contrôles plus le message », commente le militant d’XR dont l’organisation ne communique que sur réseaux cryptés (Signal, Mattermost), afin de préserver le secret de ses actions et l’anonymat de ses membres.

    #Militantisme #Zeynep_Tufekci #Mouvements_sociaux #La_Vie_Ouvirère

  • Tüfekçi Zeynep, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée
    https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/26224

    De fait, toujours dans l’avant-propos, l’hypothèse de travail est clairement énoncée : « L’internet permet à des mouvements connectés d’atteindre rapidement une masse critique, sans pour autant leur faire acquérir en amont les capacités d’organisation ou toute autre capacité collective, formelle ou informelle, qui les préparera aux inévitables problèmes à venir et les aidera à réagir en conséquence » (p. 13). Autrement dit, la connectivité et ses affordances perturbent les certitudes qui animaient l’espace public dont « les architectures sont altérées » par les technologies (p. 46) : la sphère publique connectée est configurée différemment de l’autre : « des personnes ordinaires bénéficient de nouveaux moyens de diffusion » (p. 47).

    Chiapas, Seattle, la place Tahrir, Hong Kong, New York (Occupy Wall Street) et, bien sûr, Istanbul : T. Zeynep écrit qu’elle était « au mauvais endroit au mauvais moment » (p. 17). En fait, non : elle était au contraire au bon endroit et au bon moment pour faire avancer l’approche critique des technologies passées au crible de l’organisation des mouvements anti-autoritaires de gauche et, plus généralement, de l’action politique. Précisément, cette approche n’est pas plus possible dans le feu de l’action : « Le “clicactivisme” relève d’une action facile demandant peu d’efforts ou d’engagement » (p. 32) en mettant ensemble des « personnes qui ne sont pas unies par de véritables liens » (p. 32) : la Révolution a besoin de temps et, désormais, elle ne peut plus suspendre son vol. Après tout, cela n’est pas étonnant que cela « ne marche pas » : si « la technologie contribue à créer de nouveaux modes d’organisation et de communication » (p. 196), « les grandes plateformes logicielles qui jouent désormais un rôle central dans l’organisation des mouvements sociaux du monde entier : Facebook, Twitter, Google et autres » (p. 37) ne sont-elles pas des Gafam ? Et, face aux Gafam, les témoignages humains, casuels, qui parsèment joliment le texte finissent par être émouvants (Sana l’Égyptienne, Mohamed le Tunisien, « les blogs de cuisine qui dialoguent avec les blogs politiques » [p. 59] ou le modèle des cupcakes pour Ahmed [p. 120], les 140journos et leur maîtrise des métadonnées quand ils relayent Istanbul et que les bulldozers sont menaçants, [p. 97]) car, « la gouvernance des sans leaders », comme celle des @TahrirSupplies, ne peut fonctionner que conjoncturellement, à l’image des barricades en France en 1853 (p. 115).

    « Fourmi critique », elle multiplie les pavés qu’il est impossible de décrire dans cette note comme les mécanismes très à géométrie variable de la censure (p. 245-251), l’analyse « digitalo-émotionnelle » du Ice Bucket Challenge vs Ferguson (p. 258-263) ou YoubeMom (p. 278-280), ou encore les discordances entre affordances, capacités narratives ou disruptives, voire électorales, mises en œuvre par les mouvements sociaux et les signaux de puissance éventuels lors de Occupy Wall Street ou Tea Party (l’ensemble du chapitre viii qui, selon l’auteure, « guide » la réflexion du livre) jusqu’au nettoyage des différentes places ici et ailleurs, pour faire comme à la maison (p. 166). Sans compter aussi avec « l’armée des Trolls » (p. 366) qui occupe le terrain des affordances conduisant aux nouvelles formes de censure, voire à la paralysie tactique, « le revers de la médaille » (p. 411).

    Enfin, un ultime mot pour saluer la traduction, à la fois respectueuse du style narrativo-critique de l’auteure, de la langue et du français. L’objectif de s’adresser aussi bien à des lycéens intéressés qu’à des militants et à des chercheurs est atteint. Le livre peut alors se terminer par une dernière histoire diachronique (et une dernière rencontre à une terrasse de café à Madrid avec une Indignada) qui hante et les mouvements sociaux et les chercheurs : « Preguntando caminamos ».

    #Zeynep Tufekci #Mouvements_sociaux

  • Jeudi 11 juin, Zeynep Tufekci invitée des Matins de France Culture

    Zeynep Tufekci, l’autrice de « Twitter & les gaz lacrymogènes » sera ce jeudi 11 juin l’invitée exceptionnelle des Matins de France Culture. Elle sera interviewée par Guillaume Erner de 7h45 à 8h45.

    L’occasion, en direct ou en podcast, de mieux connaître cette « technosociologue » dont nous avons publié la traduction française (par Anne Lemoine, qui a fait un excellent travail).

    Twitter & les gaz lacrymogènes
    Forces et fragilités de la contestation connectée
    Zeynep Tufekci
    ISBN 978-2-915825-95-4 - 430 p. - 29 €
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Zeynep Tufekci est de plus en plus remarquée aux États-Unis et partout dans le monde pour les suites qu’elle a donné à son livre, en particulier dans des éditoriaux dans The Atlantic ou The New York Times. Elle a été, dès le mois de janvier, une des premières à promouvoir la « distanciation sociale » et le port du masque, quand son pays ne croyais pas au virus. Elle revenait de Hong Kong et avait pu comprendre la situation. De même, elle est en pointe sur les questions des médias sociaux et de l’élection de Trump (notamment le débat actuel entre Twitter et Facebook). Elle est enfin partie prenante des mobilisations anti-racistes qui secouent les États-Unis (et qui s’étendent, notamment chez nous). Le bon moment pour une interview.

    Je vous mets ci-après pour celles et ceux qui lisent l’anglais une liste de référence de ses articles récents sur ces sujets.

    Nous avons également produit un petit livre numérique autour de Zeynep Tufekci, intitulé « Le monde révolté ». Celui-ci comporte la traduction d’un texte autobiographique de Zeynep et un long article de Gus Massiah. Il est gratuit (complètement, on ne demande même pas de mail ou autre, cadeau on vous dit). Vous pouvez l’obtenir à :
    https://cfeditions.com/monde-revolte

    Bonne écoute et bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    Voici quelques références récentes sur les publications de Zeynep Tufekci en anglais pour celles et ceux qui lisent la langue de Shakespeare.

    Preparing for Coronavirus to Strike the U.S. - Scientific American Blog Network
    https://blogs.scientificamerican.com/observations/preparing-for-coronavirus-to-strike-the-u-s

    Opinion | Why Telling People They Don’t Need Masks Backfired - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2020/03/17/opinion/coronavirus-face-masks.html

    What Really Doomed America’s Coronavirus Response - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/03/what-really-doomed-americas-coronavirus-response/608596

    Closing the Parks Is Ineffective Pandemic Theater - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/health/archive/2020/04/closing-parks-ineffective-pandemic-theater/609580

    Don’t Wear a Mask for Yourself - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/health/archive/2020/04/dont-wear-mask-yourself/610336

    Trump’s Executive Order Isn’t About Twitter - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/05/trumps-executive-order-isnt-about-twitter/612349

    The Case for Social Media Mobs - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/05/case-social-media-mobs/612202

    How a Bad App—Not the Russians—Plunged Iowa Into Chaos - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/02/bad-app-not-russians-plunged-iowa-into-chaos/606052

    Hong Kong Protests : Inside the Chaos - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/international/archive/2019/11/escalating-violence-hong-kong-protests/601804

    #Zeynep_Tufekci #France_Culture

  • Numérique, communs et notre avenir politique

    Bonjour,

    Les trois derniers ouvrages publiés par C&F éditions sont en phase avec la période politique actuelle : comment trouver de nouvelles perspectives.

    « Twitter & les gaz lacrymogènes » de Zeynep Tufekci essaie de voir comment le numérique est devenu à la fois un outil pour les mouvements sociaux connectés, mais également un nouveau terrain d’affrontement entre dominants et dominés. S’il aide aux mobilisations, le numérique, et notamment les médias sociaux, dépose une partie des clés dans les mains des méga-entreprises de l’économie de l’attention. Les États ont compris comment tirer partie de cette nouvelle situation, en ayant maintenant de véritables pratiques de domination au cœur même des échanges dans les médias sociaux. L’État n’est plus simplement un élément de la surveillance globale, mais aussi un acteur diffusant des informations pour contrer les formes auto-organisées des mouvements sociaux et accaparer l’attention.

    Un ouvrage éclairant, écrit par une sociologue qui connaît à la fois le numérique (elle fut développeuse) et les mouvements sociaux.

    Twitter & les gaz lacrymogènes
    Zeynep Tufekci
    trad. de l’anglais par Anne Lemoine
    ISBN 978-2-915825-95-4 - 29 €
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Ensuite, nous avons publié deux ouvrages dans la collection "Interventions" autour de la question des communs, qui se dessine comme étant la véritable alternative capable de s’inscrire dans les transitions qui vont devoir être réalisées dans le court terme.

    « La cité en commun : des biens communs au municipalisme » par César Rendueles et Joan Subirats part de l’expérience des "villes sans peur", notamment de Barcelone, pour réfléchir à l’articulation entre la théorie des communs et les pratiques des nouvelles municipalités. Le débat entre ces deux chercheurs également engagés dans la vie sociale est riche, sans tabou et soulève de nombreuses questions pratiques et théoriques.

    La cité en communs : des biens communs au municipalisme
    César Rendueles & Joan Subirats
    trad. de l’espagnol par Alain Ambrosi
    ISBN 978-2-915825-96-1 - 18 €
    https://cfeditions.com/municipalisme

    Enfin, nous avons publié, pour fêter les dix ans de l’attribution du "Nobel d’économie" à Elinor Ostrom, le texte de son discours, augmenté d’une préface très éclairante de Benjamin Coriat.

    Discours de Stockholm en réception du Nobel d’économie 2009
    Elinor Ostrom
    trad. de l’anglais par Jay Demazière et Hervé Le Crosnier
    préface de Benjamin Coriat
    ISBN 978-2-915825-99-2 - 16 €

    Une dernière remarque : plusieurs lectrices et lecteurs nous ont indiqué qu’il n’y avait pas à proprement parler de "Nobel d’économie". C’est bien entendu exact : l’économie n’était pas considérée comme une science à l’époque des frères Nobel. Le prix est donc décerné par la Banque de Suède, ce qui évidemment fait pencher la balance vers une certaine approche de l’économie. Pour le reste, ce prix reprend les mêmes règles de fonctionnement que les autres prix Nobel : un jury, indépendant (...autant que tout jury scientifique puisse l’être), et une cérémonie calquée sur les autres prix Nobel. Si bien que le raccourci "Nobel d’économie" nous semble tout à fait justifié... Les événements récents du Nobel de Littérature nous montrent que chaque prix accordé avec un tel retentissement mondial est entaché de rapports de forces, de groupes de pression, de réseaux d’influence, et en l’occurrence d’une orientation et pratique machiste exécrable (et heureusement juridiquement condamnée).... On peut donc se réjouir du Nobel accordé à Bob Dylan (comme je le fait) ou s’offusquer de celui de Peter Handke (idem), sans pour autant ni sacraliser, ni dénigrer en soi l’institution qui les a accordés.

    Tout "Nobel" est un signal que chacun peut utiliser en fonction de ses approches et de ses objectifs... c’est pourquoi nous nous sommes, dès 2009, félicités du "Nobel d’économie" accordé à Elinor Ostrom, à la fois parce que c’était la première fois qu’une femme était récompensée, mais aussi pour les thèmes soulevés par Elinor Ostrom, sa méthode coopérative de recherche (largement soulignée dans le discours) et l’esprit humaniste avec lequel elle aborde l’économie. Tous éléments que vous retrouverez dans son « Discours de Stockholm ».

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #C&F_éditions

  • Recension de « Twitter & les gaz lacrymogènes » par Stéphane Bortzmeyer
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    Beaucoup de textes ont été écrits sur le rôle de l’Internet, et des réseaux sociaux centralisés, comme Facebook ou Twitter, dans des évènements politiques. Ce fut le cas, par exemple, du printemps arabe. L’auteure explore, dans ce livre très riche et très rigoureux, tous les aspects de cette relation entre les militants et les techniques d’information et de communication. Twitter peut-il battre les gaz lacrymogènes ?

    Une des raisons pour lesquelles bien des discours sur les mouvements politiques utilisant l’Internet sont très unilatéraux est que beaucoup de leurs auteurs sont des férus de technique qui ne connaissent pas grand’chose à la politique, et qui découvrent comme s’ils étaient les premiers à militer, ou bien ils sont des connaisseurs de la politique, mais complètement ignorants de la technique, dont il font un tout, animé d’une volonté propre (les fameux « algorithmes »), et pas des outils que les gens vont utiliser. L’auteure, au contraire, informaticienne, puis chercheuse en sciences politiques, connait bien les deux aspects. Elle a étudié en profondeur de nombreux mouvements, les zapatistes au Mexique, Occupy Wall Street, l’occupation du parc Gezi, Black Lives Matter, les révolutions tunisienne et égyptienne, en étant souvent sur le terrain, à respirer les gaz lacrymogènes. (Les gilets jaunes n’y sont pas, bien que ce mouvement mériterait certainement d’être étudié dans son rapport à Facebook, mais le livre a été publié avant.) Et elle analyse le rôle de l’Internet, en chercheuse qui le connait bien, en voit les forces et les limites.

    Parmi les affordances de l’Internet, il y a le fait que beaucoup de choses sont possibles sans organisation formelle. Des mouvements très forts (comme celui du parc Gezi) ont été possibles sans qu’un parti traditionnel ne les structure et ne les dirige. Mais, bien sûr, cet avantage a aussi une face négative : puisque la nécessité d’une organisation n’est pas évidente, on peut se dire qu’on peut s’en passer. Au début, ça se passe effectivement bien, sans les lourdeurs bureaucratiques exaspérantes. Mais, ensuite, les problèmes surgissent : le pouvoir en place fait des ouvertures. Comment y répondre ? Ou bien il change de tactique, et le mouvement doit s’adapter. Et, là, l’absence d’un mécanisme de prise de décision commun se fait sentir, et beaucoup de mouvements s’affaiblissent alors, permettant à la répression de disperser ce qui reste.

    Léger reproche à l’auteure : elle ne discute pas ce qui pourrait arriver avec d’autres outils que les gros réseaux centralisés étatsuniens comme Facebook ou Twitter. Il est vrai qu’on manque encore d’exemples détaillés à utiliser, il n’y a pas encore eu de révolution déclenchée sur le fédivers ou via Matrix.

    Je n’ai donné qu’une idée très limitée de ce livre. Il est très riche, très nuancé, l’auteure a vraiment tenu à étudier tout en détail, et aucun résumé ne peut donc suffire. En conclusion, un livre que je recommande à toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde et se demandent comment faire. Il n’est ni optimiste, ni pessimiste sur le rôle de l’Internet dans les révolutions : « ni rire, ni pleurer, mais comprendre »

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions #Stéphane_Bortzmeyer