• Reconnaissance faciale : la France bascule-t-elle sur un terrain glissant ?
    https://www.latribune.fr/technos-medias/reconnaissance-faciale-la-france-bascule-t-elle-sur-un-terrain-glissant-83

    Les expérimentations de reconnaissance faciale se développent tous azimuts en France... et les critiques pleuvent sur le manque d’encadrement de cette technologie très invasive. Suite au test, par l’État, de l’application Alicem, qui permet d’accéder aux services publics en ligne en s’identifiant avec son visage, le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, accepte d’ouvrir le débat sur les bénéfices et les risques de cette technologie.
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    Selon le ministère, Alicem permettra donc de connaître avec certitude l’identité des utilisateurs pour sécuriser les échanges en ligne. Concrètement, les utilisateurs devront être dotés d’un passeport biométrique, délivré après juin 2009, et équipé d’une puce sécurisée. Pour se connecter, l’utilisateur devra scanner et lire la puce de son passeport et procéder à la reconnaissance faciale. Cette dernière étape passe par la prise de plusieurs photos en mode « selfie ».

    Le ministère de l’Intérieur fait valoir que le système Alicem a vocation à rester facultatif. Mais pour certains, l’application - et la reconnaissance faciale de manière générale - se place sur le terrain glissant de la surveillance généralisée.

    « L’application Alicem est une menace car elle induit une banalisation de la reconnaissance faciale. Le ministère veut rendre culturellement acceptable une technologie qui fait largement débat aujourd’hui au sein de la société civile », regrette Arthur Messaud, juriste à la Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet.

    L’association a notamment déposé un recours en juillet auprès du Conseil d’État pour obtenir l’annulation du décret qui permet la création d’Alicem. « Nous sommes inquiets car le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner lie indirectement l’application et les politiques de lutte contre la haine et l’anonymat sur Internet. Nous avons le sentiment qu’Alicem pourrait devenir un outil pour lutter contre l’anonymat en ligne », déclare Arthur Messaud.

    • La reconnaissance faciale, nouvelle offensive sécuritaire massive
      https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/161019/la-reconnaissance-faciale-nouvelle-offensive-securitaire-massive

      La reconnaissance faciale est la nouvelle étape de l’avancée des technologie de surveillance et de sécurité. Comme la vidéosurveillance, son succès réside dans l’alliance des discours politiques et du marketing des industriels. Son efficacité en matière de sécurité est douteuse, mais sa mise en œuvre repose les questions du fichage national de la population et de l’accès municipal à ces fichiers...

      Comme annoncé dans un récent décret (J.O. du 16 mai 2019), et malgré quelques réserves de la CNIL, le gouvernement actuel cherche à déployer l’application ALICEM (« Authentification en ligne certifiée sur mobile »), un système de reconnaissance faciale pour smartphone qui servira à se connecter aux services publics, en garantissant un haut degré de certitude sur l’identité de la personne (en analysant les traits du visage donc). A peine la question de la protection des données personnelles est-elle prétendument solutionnée par une règlementation (le Règlement général sur la protection des données personnelles [RGPDP], entré en vigueur le 25 mai 2018), qu’une nouvelle technique surgit qui vient le fragiliser. C’est pourquoi l’association La Quadrature du Net a déposé un recours devant le Conseil d’État pour demander l’annulation du décret autorisant la création d’ALICEM, estimant que "un projet d’identité numérique, fondé sur un dispositif de reconnaissance faciale obligatoire (au mépris du RGPD) et ayant pour objectif avoué d’identifier chaque personne sur Internet pour ne plus laisser aucune place à l’anonymat ne peut qu’être combattu". Une des questions que l’on peut en outre se poser est celle-ci : qu’adviendra t-il le jour où, dans la panique et la surenchère suivant un attentat commis par un citoyen français inconnu des services de police, nos élus décideront d’utiliser ce type de fichiers de la population entière à des fins de surveillance générale ? Ce jour-là, quelle différence subsistera encore entre la France et la Chine ?

      Enfin, un second problème se pose que l’on pourrait appeler l’accélération de la municipalisation de la sécurité. Ce sont les villes, leurs CSU (Centre de Supervision Urbain) et leurs agents municipaux qui gèrent les systèmes de vidéosurveillance. Greffer sur eux la reconnaissance faciale comme le propose Christian Estrosi depuis des années supposerait de donner à ces villes, à leurs fonctionnaires territoriaux et aux élus qui les emploient l’accès aux fichiers de la police et de la gendarmerie nationale, voire à ceux de la justice, voire en fin de compte à ces fichiers qui concerne la totalité de la population. Serait-il par exemple raisonnable de donner de tels pouvoirs d’intrusion dans la vie privée à des élus du Rassemblement National obsédés par les convictions politiques de leurs ennemis imaginaires, autrefois "les communistes", aujourd’hui "les musulmans" ? Serait-il même raisonnable de donner de tels pouvoirs d’intrusion dans la vie privée au maire Les Républicains de Nice, personnalité véritablement obsédée par la sécurité et la surveillance, ayant récemment tenté de transformer chaque habitant en informateur du système de vidéosurveillance municipal par le biais d’une application pour smartphone baptisée Reporty, déclarant encore récemment (le 10 octobre 2019, après l’attentat de la préfecture de police de Paris) que "il y a une 5ème colonne dans notre pays" et qu’il souhaiterait pouvoir reproduire en France "une société à l’israélienne où l’intelligence artificielle doit prendre toute sa place" ?