Deuxième volet. Chronique d’une initiation militante où l’activisme anarchiste de l’auteur prend les couleurs d’un certain "pessimisme combatif"
BALLAST | Francis Dupuis-Déri : « C’est la rage du désespoir qui me pousse à écrire » 2/2
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En 2009, vous écriviez dans un article que l’hypothèse d’un « grand soir », qu’il soit électoral ou insurrectionnel, n’était pas envisageable. 10 ans plus tard, vous écrivez que « l’espérance n’est plus de mise » et qu’il ne nous reste que « le pessimisme combatif ». Nos ennemis ont donc définitivement gagné ?
Nos ennemis ont perdu depuis longtemps, mais ne le savent pas encore… C’est ce qu’annonçait déjà Herbert Marcuse quand il discutait de l’irrationalité de la rationalité du capitalisme ou de l’État. Ces systèmes semblent rationnels car ils maximisent la capacité humaine d’extorsion, de production, d’accumulation et de destruction organisée lors des guerres, par exemple. Mais cette rationalité est irrationnelle car elle mène l’humanité à sa perte, littéralement. Je ne suis ni météorologue, ni géologue, ni géographe, ni physicien, mais j’ai la certitude depuis les années 1980 que c’est foutu : l’humanité a accumulé bien trop de stock atomique civil et militaire et produit bien trop de déchets toxiques et de pollution pour que cela n’entraîne pas d’épouvantables catastrophes. Bientôt ou dans un avenir rapproché, ou dans quelques centaines d’années… Je n’ose même pas imaginer la situation dans 1 000 ou 2 000 ans, quand vont fissurer les silos dans lesquels les déchets nucléaires sont ensevelis et qu’il n’y aura peut-être même plus d’État ou de gouvernement juridiquement « responsable » de ces stocks. « L’espoir, c’est tout ce qui nous reste », me confient des jeunes des écoles secondaires qui se mobilisent pour le climat, et leur mobilisation m’apparaît évidemment comme un signe positif. J’imagine même que dans les prochaines années, plusieurs de ces jeunes vont se radicaliser autant dans leur position idéologique que dans leurs moyens d’action. Car après tout, c’est bien de l’avenir de la civilisation ou de l’humanité qu’il s’agit, et de la survie de milliers d’espèces animales. Mais je carbure surtout au pessimisme car j’ai l’impression depuis longtemps qu’il est trop tard et que les forces conservatrices et réactionnaires sont beaucoup trop puissantes. Bref, je suis encore punk : No Future !