• Autonomie financière : l’enjeu féministe de la retraite | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/collectif-nos-retraites/blog/091219/autonomie-financiere-l-enjeu-feministe-de-la-retraite

    La question de la retraite est un enjeu féministe crucial et souvent peu abordé. Elle met en effet en jeu non seulement la question des inégalités économiques de genre, mais aussi plus fondamentalement, la question de l’autonomie financière des femmes. Le projet du gouvernement, en faisant de la retraite un strict reflet de la carrière, y compris dans ses périodes les plus précaires, en conditionnant les droits familiaux et en réduisant le niveau général des pensions, menace encore davantage une autonomie déjà insuffisante.

    #retraite #femmes #travailleuses

    Voir aussi
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/28/la-reforme-des-retraites-penalisera-encore-plus-les-femmes_6020798_3232.html
    http://www.regards.fr/politique/article/sophie-binet-cgt-cette-reforme-des-retraites-est-l-inverse-d-une-reforme

  • « Il est difficile de voir un progrès social dans l’intelligence artificielle »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/15/il-est-difficile-de-voir-un-progres-social-dans-l-intelligence-artificielle_

    On peut s’inquiéter de la « mainmise » des grands groupes de l’Internet sur ce champ disciplinaire, observe le chercheur en informatique Hugues Bersini. Tribune. La « révolution des neurones artificiels et de l’apprentissage profond », vantée sur la couverture du nouveau livre de Yann Le Cun (Quand la machine apprend, Odile Jacob, 394 pages, 22,90 euros) est, rappelons-le, une technologie qui fête son soixante-troisième anniversaire : la première conférence d’intelligence artificielle, à l’université (...)

    #Apple #Google #Microsoft #Amazon #Facebook #algorithme #manipulation #domination #fiscalité #prédiction #BigData #data #discrimination (...)

    ##fiscalité ##GAFAM

  • AGRIBASHING ?..

    Agribashing : « Les paysans ont perdu la bataille culturelle contre la ville »

    D’emblée, le mot « agribashing » est un anglicisme dont l’emploi par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) pose question. Le mot anglais « bashing » signifie « raclée » en français. La FNSEA aurait-elle pris une raclée ? Certes, numériquement, elle ne représente plus que 26 % des agriculteurs du pays, mais c’est toujours elle qui a l’oreille des gouvernants. Elle devrait se réjouir d’avoir un poids politique inversement proportionnel à son implantation. En français, le mot « bashing » désigne une campagne de dénigrement. On cherche en vain un mot d’ordre émanant d’une organisation ou une initiative virale sur les réseaux sociaux. Pourtant, à écouter la FNSEA, les paysans français seraient victimes d’un dénigrement collectif exercé par la société civile à leur encontre et entretenu par les médias.

    La France n’aimerait plus ses paysans : l’argument prétend attenter à l’imaginaire d’une société urbaine qui croirait encore à la légende de ses racines rurales et nourricières. Sauf que la société n’est plus celle de 1946, date de création de la FNSEA. Peu de familles comptent encore des paysans, et les villages de moins en moins. Même si l’agriculture occupe 54 % du territoire métropolitain, les paysans n’orchestrent plus la ruralité. Les paysans ont perdu la bataille culturelle contre la ville, la campagne ne leur appartient plus. Comme l’agriculture n’appartient pas à la FNSEA.

    Mais, quoique en dise la centrale syndicale, la société aime ses paysans. Les citoyens affirment leur amour de l’agriculture et des paysans en plébiscitant les produits bio, en adhérant à des circuits courts, en finançant des installations agricoles de jeunes urbains, en se mobilisant à l’appel de paysans contre les pesticides de synthèse, contre l’artificialisation des terres, pour préserver les ressources en eau etc. En faisant la cuisine. La France aime ses paysans, elle n’aime guère la FNSEA, il ne faut pas confondre. En démocratie, cela ouvre normalement un débat à l’aune des attentes alimentaires des citoyens, de l’occupation de l’espace et des 15 milliards d’argent public annuels distribués à l’agriculture. Débat que la FNSEA ne souhaite pas voir ouvrir.

    La religion du progrès

    C’est durant les « trente glorieuses » que débute chez elle une schizophrénie qui culmine avec la dénonciation aujourd’hui d’un agribashing en marche. Celle-ci prend sa source dans le double discours du syndicat qui veut servir les intérêts contradictoires entre fermes familiales et entreprises agro-industrielles, entre éleveurs et grandes cultures, et, aujourd’hui, entre agrobiologie et agriculture chimico-industrielle. Le flou de ce discours de « l’unité paysanne » lui a permis de bâtir le système agro-industriel dont elle maille le pays et avec lequel elle dicte sa loi aux gouvernants. Politique qui, de 1950 à ce jour, va réduire le nombre de fermes par six et d’actifs agricoles par dix.

    La FNSEA a foncé tête baissée dans la segmentation du métier holistique de paysan pour en faire, sur le modèle de l’usine, un exécutant de gestes techniques spécialisés. On ne tient plus une ferme, on fait du matériau pour l’industrie. A la décharge des agriculteurs embarqués dans la religion du progrès technique, le reste de la société l’était aussi. Sauf que, à partir des années 1970, les critiques à l’égard de ce modèle productiviste sont allés croissantes mais la FNSEA non seulement y est restée sourde, mais a rejeté les alternatives au modèle agronomique qu’elle défend. Car, côté agribashing, la centrale syndicale en connaît un rayon, dont tous les pionniers de l’agriculture biologique peuvent témoigner.

    Fuite en avant

    Cette attitude a fait des ravages. En cas de crise, la FNSEA a eu tendance à rechercher un bouc émissaire (grandes et moyennes surfaces, Bruxelles, gouvernement...), mais la critique du modèle et de la gouvernance finit par arriver. En témoignent les 53,58 % d’abstention aux dernières élections professionnelles et les 30 départements où la FNSEA est passée sous les 50 % de voix. Le désamour est d’abord dans les troupes agricoles, et cette vérité-là justifie peut-être ce jeu de billard avec l’opinion publique. Tenter de rassembler les agriculteurs face à une adversité sociétale, fantasmée mais utile, pour masquer le vide d’une fuite en avant.

    Finalement, cette posture obsidionale en dit long sur l’état de la FNSEA. Sentant la pression d’un débat public sur les choix agricoles qu’elle refuse et sa traduction en affaiblissement politique, la FNSEA passe de la raison à l’émotion. Sans aller jusqu’à se repentir de ses errements ou à reconnaître son fourvoiement agronomique, elle pourrait avoir la lucidité et le courage d’un aggiornamento.

    Gilles Luneau est réalisateur, essayiste et journaliste, spécialiste de l’agriculture. Il a notamment écrit Du sentiment de justice et du devoir de désobéir, conversation avec Erri de Luca et José Bové (Indigène, 2016).

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/08/agribashing-les-paysans-ont-perdu-la-bataille-culturelle-contre-la-ville_601

  • « Faire plus avec moins ne marche nulle part » : l’appel de 142 collaborateurs de Radio France
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/28/faire-plus-avec-moins-ne-marche-nulle-part-l-appel-de-80-collaborateurs-de-r

    Nous, voix, collaboratrices et collaborateurs des émissions de Radio France, tenons à nous adresser collectivement au gouvernement et au ministère de la culture, dans ce moment crucial que traverse le groupe.

    Il nous importe de signaler notre inquiétude vis-à-vis de la baisse de dotation qui provoque le plan de « réorganisation stratégique » et de « départs volontaires » communiqué par la présidence.

    Nous ne sommes ni contre le mouvement ni contre le changement. Nous avons d’ores et déjà pris à bras-le-corps la transition numérique. Nous sommes sans cesse à l’affût de nouveaux publics, notamment chez les plus jeunes.

    Nous pensons cependant qu’il n’y a pas de mystère : pour remplir nos missions de service public, il faut des moyens. Radio France a déjà consenti des réductions d’effectifs sous la présidence précédente, et a réussi l’an passé à revenir à l’équilibre de ses finances après la suppression de près de 300 postes. Faire plus avec moins ne marche ni à l’hôpital, ni à l’école, ni dans les transports, ni à l’université, ni dans les lieux d’art, etc. Pourquoi cela marcherait-il à la radio ?
    Choix politique

    Diminuer la contribution à la radio publique, c’est un choix politique. Un choix de société qui nous inquiète. D’autant plus que la réforme de l’audiovisuel public, présentée par le gouvernement cet automne, ainsi que la fin de la redevance telle que nous la connaissons ne donnent aucune piste sur la manière dont il entend la financer au-delà de 2022.

    Conscients des enjeux considérables qui touchent tous les services publics de ce pays, et des souffrances de nombre de nos concitoyennes et concitoyens, il ne s’agit en aucun cas pour nous de nous draper dans la défense de catégories professionnelles, mais bien de faire battre le cœur de notre mission à destination de tous les publics. Parmi nous, certains ont des rémunérations enviables, mais beaucoup, la plupart, ont des statuts précaires (contrats d’un an, indemnités chômage, bas salaires malgré un investissement de tous les instants pour notre auditoire, de plus en plus grand). Il nous semble difficile d’accepter une baisse supplémentaire du financement public de la radio, qui seul assure la pérennité de ce service, et nous craignons que le plan annoncé ne nous permette plus de garantir cette qualité.

    #radio #grève
    Et encore #paywall parce quand des personnes engagées ou des groupes politiques veulent prendre à partie l’ensemble de la société, pourquoi se priver de le marchandiser ? L’info a un prix, oui, mais là ce sont des tribunes produites gratuitement pour diffusion large ! Libé, autre stratégie économique, ne prend pas la peine de les éditer et il reste des fautes d’orthographe assez grossières...

  • Changement à la tête du lobby des banques françaises | Les Echos
    https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/changement-a-la-tete-du-lobby-des-banques-francaises-1144281

    Ce n’est pas la première fois que cette énarque fait un aller-retour entre le privé et le public. Elle était sous-directrice du Trésor, en charge des banques, de 2002 à 2007, avant d’aller rejoindre la Fédération nationale du Crédit Agricole comme directrice générale adjointe, pour ensuite intégrer le cabinet du Premier ministre en 2010.
    Aller-retours public-privé

    Sa nomination, validée par le Secrétariat général du Gouvernement (SGG), pourrait faire froncer des sourcils, même si ses nouvelles fonctions seront essentiellement techniques et non politiques. Marie-Anne Barbat-Layani assume en tout cas son parcours, jugeant fertile les échanges entre les sphères publiques et privées.

    « Comment le lobby bancaire colonise le ministère de l’économie et des finances »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/30/comment-le-lobby-bancaire-colonise-bercy_6021137_3232.html

    Sans que l’information ne fasse grand bruit, Marie-Anne Barbat-Layani, jusqu’alors directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), a été nommée, le 30 octobre, secrétaire générale des ministères économiques et financiers. L’ancienne représentante des grandes banques françaises va gérer ces ministères, et notamment y décider des recrutements – et des suppressions de postes. Plus personne ne s’inquiète de ces allers-retours entre la fonction publique dirigeante et le secteur bancaire. Que plus personne alors ne s’étonne non plus de voir l’intérêt d’un seul secteur nous gouverner tous.

    La FBF ne s’est pas vantée de cet intéressant transfert et s’est contentée du pudique et laconique communiqué suivant : « Ayant choisi de saisir une nouvelle opportunité professionnelle, Marie-Anne Barbat-Layani a demandé à être déchargée de ses responsabilités de directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF) et de l’Association française des banques (AFB) à compter de ce jour. » C’est un retour aux sources pour cette inspectrice des finances qui avait débuté sa carrière au Trésor, puis servi dans différents cabinets ministériels, avant de valoriser ses compétences dans un grand groupe bancaire français, de retourner en cabinet et de diriger, en 2013, la défense des intérêts des banques en prenant la direction de la FBF. Sa prédécesseure, Ariane Obolensky, était elle aussi issue du Trésor. Son successeur par intérim, Benoît de La Chapelle Bizot, vient également des cabinets ministériels et de la représentation permanente française auprès des institutions européennes, parcours appréciable pour la FBF qu’il avait rejointe en 2014 en tant que directeur général délégué.
    Rothschild et les présidents de la République

    Cette intrication entre la haute fonction publique et le secteur bancaire est forte et ne date pas d’hier. Les représentants ou les dirigeants du secteur bancaire sont, pour la plupart, issus de la direction de nos ministères financiers. Réciproquement, Georges Pompidou travaillait à la banque Rothschild avant de devenir premier ministre, en 1962, puis président de la République, en 1969, traçant la voie à d’autres, dont Emmanuel Macron, passé par la même banque.

    Avec le temps, les habituels allers simples se sont transformés en allers-retours répétés, du secteur public au secteur privé, de la haute fonction publique au secteur bancaire et vice-versa. Le « pantouflage » a laissé place aux « portes tournantes ».

    #banque #pantouflage #haute_fonction_publique #Bercy

  • L’antiterrorisme, une politique devenue une idéologie dangereuse

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/29/l-antiterrorisme-une-politique-devenue-une-ideologie-dangereuse_6020972_3232

    L’idéologie antiterroriste, c’est la construction artificielle d’une figure de l’ennemi et ses excès, c’est la participation des militaires à la lutte contre le crime, c’est le mépris du droit et la dramatisation de la menace. Au final, elle permet à l’adversaire d’être reconnu comme le soldat « d’une armée constituée », un succès inespéré. L’antiterrorisme, aujourd’hui, s’apparente à « une chute morale sur le champ de bataille », il nous empêche de voir le vrai visage de la menace.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Terrorisme : quatre ans après le 13-Novembre, la France face à une menace en profonde mutation

    Ce livre, formidable bouffée d’air après quatre années d’un discours à sens unique formaté par un Etat dont l’autorité régalienne étouffe d’autant les esprits que la population a été sidérée par la violence terroriste, est un appel à la raison et au sang-froid. « Il faut opposer au bruit des attentats le silence monacal de la connaissance (…), chacun devrait disposer des facultés de poser un discours sur la sécurité, à la fois la sienne propre et celle que l’Etat peut à bon droit revendiquer, tout en s’affranchissant des propagandes. »

    Malheureusement, au besoin d’explication, l’Etat a répondu par l’extension du secret. « Bien plus que de prévoir, gouverner c’est cacher », note M. Thuillier, pour qui la raison de ce recul du débat démocratique trouve sa source dans une « grande pétoche collective, associée par endroits à une colère et à une vengeance qui pavent parfois la route de la justice préemptive ». Le législateur, dont on se demande s’il est « l’idiot utile des dérives de l’antiterrorisme ou son meilleur garde-fou », a encouragé le chevauchement du renseignement, le monde du secret, sur le judiciaire, le monde du contradictoire et du débat.
    La loi des suspects

    Ce livre entend également alerter les consciences sur un glissement inquiétant de l’antiterrorisme, qui se décline désormais sous forme de lutte contre la radicalisation. « Nous avons placé la lutte antiterroriste sur le terrain spirituel et comportemental, et renoncé ainsi à notre tradition laïque. » En passant d’une police de l’acte à une police du comportement, de la répression d’un crime à la lutte contre une idéologie, on a cru, dit l’auteur, se rapprocher au plus près des intentions des auteurs des attentats. « Faute d’arguments scientifiques, tout porte à croire qu’on s’en est éloigné. » C’est l’avènement de la loi des suspects.

  • « Une allocation d’autonomie pour les étudiants n’aurait rien d’une utopie budgétaire »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/27/une-allocation-d-autonomie-pour-les-etudiants-n-aurait-rien-d-une-utopie-bud

    Dans une tribune au « Monde », Tom Chevalier, politiste et chercheur au CNRS, souligne que le « salaire étudiant », également appelé allocation d’autonomie, est un dispositif déjà présent dans les pays nordiques, où il joue un grand rôle au service de l’égalité des chances.

    « Au Danemark, chaque étudiant peut bénéficier d’une allocation mensuelle d’environ 700 euros pendant six ans » (Illustration : trouver un logement est une étape difficile pour un étudiant sur trois, selon une étude de l’Observatoire de la vie étudiante). Tribes of the city (CC BY-NC-SA 2.0)

    Tribune. La tentative de suicide d’un étudiant qui s’est immolé par le feu à Lyon (Rhône) le 8 novembre a mis à l’agenda l’enjeu de la précarité étudiante. Selon l’Observatoire national de la vie étudiante, 22,70 % des étudiants déclarent en effet avoir été confrontés à d’importantes difficultés financières durant l’année 2016, et moins de la moitié (45 %) déclare avoir assez d’argent pour couvrir ses besoins mensuels. L’événement dramatique de Lyon a réactivé, pour lutter contre cette précarité, la revendication d’un « salaire étudiant ».
    Lire aussi Quand l’UNEF se dotait d’une charte
    Cette question est ancienne puisqu’elle provient de la charte de Grenoble de 1946, fondatrice du syndicalisme étudiant et qui reconnaissait l’étudiant comme un « jeune travailleur intellectuel ». L’idée de « salaire étudiant » s’est ensuite progressivement confondue avec celle d’« allocation d’autonomie », même si les appellations diffèrent. Cette idée s’est largement diffusée hors des cercles syndicaux, notamment dans les années 2000, avec la publication de nombreux rapports sur le sujet.

    Mesure réalisable
    A cet égard, on peut notamment citer les rapports du Commissariat général du plan « Jeunesse, le devoir d’avenir », issu en 2001 d’une commission présidée par Dominique Charvet, et « Pour une autonomie responsable et solidaire », de Jean-Baptiste de Foucauld et Nicole Roth, en 2002. Il y eut aussi, en 2007, le rapport sur « Les dotations en capital pour les jeunes », du Centre d’analyse stratégique ; en 2009, le « Livre vert de la Commission sur la politique de la jeunesse », présidée par Martin Hirsch ; en 2017, « Arrêtons de les mettre dans des cases ! », rapport au premier ministre de Célia Vérot et Antoine Dulin.
    Plusieurs chercheurs ont aussi souligné l’effet positif de la mise en place d’un tel dispositif, qu’il s’agisse de sociologues, comme Camille Peugny, dans Le Destin au berceau (Seuil, 2013), ou d’économistes, comme Thomas Piketty, dans Capital et Idéologie (Seuil, 2019). Cette mesure est réalisable puisqu’elle existe déjà dans les pays nordiques, où elle accompagne le droit à la formation tout au long de la vie ainsi que l’individualisation de la citoyenneté sociale.

    Ces rapports et travaux proposent la mise en place d’une allocation d’autonomie sous la forme d’un « droit de tirage pour la formation » : chaque étudiant aurait le droit de bénéficier d’une allocation mensuelle lui permettant de poursuivre des études. Certains considèrent qu’une telle allocation relève de l’impossible, notamment en raison de son coût. Il n’en est rien : tous les pays nordiques l’ont mise en place, alors même que la poursuite d’études supérieures y est gratuite, afin de promouvoir l’égalité des chances. Au Danemark, chaque étudiant peut bénéficier d’une allocation mensuelle d’environ 700 euros pendant six ans.
    Le Haut Conseil de la famille (HCF) a publié en 2016 un rapport sur les jeunes de 18 à 24 ans où il présentait les enjeux de la mise en place d’une telle allocation d’autonomie en France. Pour une allocation d’un montant du revenu minimum (environ 462 euros mensuels en 2016), qui est aussi environ le montant de la bourse la plus élevée, lissé sur douze mois, le HCF nous dit que la mesure coûterait environ 12 milliards d’euros.

    En rien une utopie budgétaire
    Il faut toutefois également prendre en compte tous les autres dispositifs d’aides aux étudiants dont les budgets seraient réalloués à cette nouvelle allocation, comme les bourses, les exonérations actuelles qui leur sont liées, les dépenses fiscales aux familles, et les prestations familiales allouées aux parents des étudiants de 18 à 20-21 ans – ce qui revient à environ 7,7 milliards d’euros. Le besoin de financement s’élève donc en fin de compte à 5,3 milliards d’euros.
    A titre de comparaison, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont l’efficacité en termes de créations d’emplois a été fortement critiquée, a coûté 21 milliards d’euros en 2018, tandis que la suppression de la taxe d’habitation coûterait environ 17,6 milliards : la mise en place d’une allocation d’autonomie n’a donc rien d’une utopie budgétaire.

    Si la mise en place d’une allocation d’autonomie est possible pour lutter contre la précarité étudiante et promouvoir l’égalité des chances, elle s’insère dans un contexte spécifique. D’abord, elle accompagne le droit à la formation tout au long de la vie promu dans les pays nordiques, se traduisant par deux caractéristiques de leur enseignement supérieur.
    D’un côté, le système éducatif en général y est faiblement inégalitaire, tandis que le système éducatif français, très élitiste, produit au contraire de fortes inégalités, avec un enseignement supérieur très segmenté, notamment en raison de la dualité historique entre universités et grandes écoles.

    Des étudiants vus comme des adultes
    D’un autre côté, les études supérieures n’y sont pas considérées comme un seul prolongement du secondaire. Autrement dit, non seulement le cumul emploi-études y est plus aisé, mais les allers-retours entre emploi et études sont possibles et encouragés tout au long de la vie : le destin scolaire et professionnel n’est ainsi pas fixé à 23 ans sans possibilité de réflexion ou de seconde chance pour les jeunes, comme c’est le cas en France.
    Une allocation d’autonomie suppose par ailleurs de reconnaître le statut d’adulte des jeunes, et en l’occurrence des jeunes adultes scolarisés, en individualisant la citoyenneté sociale. En France, la citoyenneté sociale est familialisée dans la mesure où les jeunes adultes sont considéré·es comme de « grands enfants » : il revient aux parents de s’occuper de leurs enfants, même majeurs, a fortiori lorsqu’ils ou elles sont scolarisé·es, comme l’a bien montré le film d’Etienne Chatiliez Tanguy (2001).

    D’où l’importance de la politique familiale dans les aides aux étudiants et le fait que les bourses dépendent du revenu des parents. Or, dans les pays nordiques, les jeunes peuvent bénéficier en leur nom propre des prestations sociales en général, et de l’allocation d’autonomie en particulier, puisqu’ils sont vus comme des adultes qui ne dépendent plus nécessairement de leurs parents sur le plan financier.
    Cette reconnaissance du statut d’adulte des jeunes que permet une telle individualisation renforce en retour leur niveau de confiance dans les institutions. A l’opposé, ces niveaux sont particulièrement bas dans le cas français, la familialisation étant perçue comme une infantilisation, et donc comme une forme de défiance de la part de l’Etat vis-à-vis de sa jeunesse.

    #étudiants #allocation-d’autonomie #revenu

    • Je mets en exergue cet extrait qui montre bien qu’on saurait où trouver de l’argent.

      Il faut toutefois également prendre en compte tous les autres dispositifs d’aides aux étudiants dont les budgets seraient réalloués à cette nouvelle allocation, comme les bourses, les exonérations actuelles qui leur sont liées, les dépenses fiscales aux familles, et les prestations familiales allouées aux parents des étudiants de 18 à 20-21 ans – ce qui revient à environ 7,7 milliards d’euros. Le besoin de financement s’élève donc en fin de compte à 5,3 milliards d’euros.
      A titre de comparaison, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont l’efficacité en termes de créations d’emplois a été fortement critiquée, a coûté 21 milliards d’euros en 2018, tandis que la suppression de la taxe d’habitation coûterait environ 17,6 milliards : la mise en place d’une allocation d’autonomie n’a donc rien d’une utopie budgétaire.

  • Santé et numérique : « L’ambition de la Chine est de mettre en place une offre globale et intégrée »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/26/sante-et-numerique-l-ambition-de-la-chine-est-de-mettre-en-place-une-offre-g

    L’Etat chinois laissera-t-il les mastodontes privés, déjà détenteurs de montages de données utilisateurs, en récolter davantage, parmi les plus personnelles ? La confidentialité des échanges entre médecins et patients pourra-t-elle encore rester confidentielle, s’interroge l’expert en stratégie numérique Jean-Dominique Séval dans une tribune au « Monde ». Au moment où aux Etats-Unis, Google a été pris la main dans le sac pour avoir aspiré les données cliniques de millions de patientes et de patients, et (...)

    #Alibaba #Tencent #Baidu #domination #BigData #data #santé

    ##santé

  • « La réforme de l’assurance-chômage est extraordinairement punitive », Dominique Méda
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/23/dominique-meda-la-reforme-de-l-assurance-chomage-est-extraordinairement-puni

    Dans sa chronique au « Monde », la sociologue dénonce des justifications douteuses à l’origine de la réforme entrée en vigueur le 1er novembre.

    Chronique. Une partie de la vaste réforme de l’assurance-chômage prévue en juillet 2018 est entrée en vigueur le 1er novembre. L’ensemble comprend une série de mesures réduisant considérablement l’indemnisation des demandeurs d’emploi, parmi lesquelles l’augmentation de la durée de cotisation de quatre à six mois pour accéder à l’indemnisation, la nécessité de travailler au moins six mois pour recharger ses droits (au lieu d’un mois auparavant), de nouvelles modalités de calcul de l’indemnité et la diminution de 30 % du montant de l’indemnisation au septième mois pour les salaires de plus de 4 500 euros brut. Parallèlement, le fameux bonus-malus destiné à freiner les recrutements en contrats courts dont abusent les entreprises ne concerne que quelques secteurs et n’entrera en vigueur qu’en 2021.

    Dans une note publiée en septembre, l’Unédic (l’organisme paritaire chargé d’assurer la gestion de l’assurance-chômage) a indiqué que ces mesures allaient toucher un chômeur indemnisé sur deux, soit plus de 1,3 million de personnes, permettant des économies sur les dépenses de plus de 6 milliards d’euros entre 2019 et 2022 (« Impact de la réforme de l’assurance-chômage 2019 »). Les deux premières mesures devraient notamment dégrader la situation d’au moins 710 000 personnes et concerner principalement les plus jeunes et ceux dont les salaires sont moins élevés que les autres. La troisième devrait concerner plus de 830 000 personnes et également réduire les droits de la même population. Ces mesures viennent s’ajouter à celles prévues en décembre 2018, destinées à réviser la procédure et l’échelle des sanctions applicables aux demandeurs d’emploi en cas de manquements à leurs obligations.

    Pour justifier ce train de mesures extraordinairement punitives, le gouvernement invoque quatre raisons majeures : le chômage serait en train de beaucoup diminuer, des mesures de soutien seraient donc moins utiles ; le régime d’assurance-chômage serait considérablement endetté et connaîtrait un déficit structurel, il faudrait donc réduire les dépenses ; les règles d’indemnisation existantes, globalement très généreuses, permettraient à certains chômeurs de gagner plus en effectuant des allers et retours entre chômage et activité, il faudrait donc les revoir ; enfin, il faudrait inciter à revenir à l’emploi des demandeurs d’emploi tentés d’arbitrer en faveur du chômage.

    L’influence des économistes néoclassiques

    On dispose, sur chacune de ces questions, d’études qui mettent en évidence le caractère très douteux de ces justifications. D’abord, le chômage ne diminue que très lentement et les chômeurs de longue durée sont encore plus de 2,6 millions. Ensuite, plusieurs études ont mis en évidence que le déficit du régime n’était pas attribuable aux règles de droit commun mais venait de la prise en charge d’autres politiques par l’Unédic (« Dette de l’assurance-chômage : quel est le problème ? », Bruno Coquet, Note de l’OFCE n° 60, 2016). La générosité du régime est, quant à elle, toute relative : 41 % seulement des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont indemnisés par le régime d’assurance-chômage, dont 50 % touchent moins de 860 euros par mois, pour un taux de remplacement moyen de 72 %.

    Mais c’est l’idée que les chercheurs d’emploi arbitreraient entre retour à l’emploi et chômage et qu’il faudrait renforcer les incitations qui est la plus critiquable. Elle est directement issue du changement de paradigme sur les causes du chômage qui s’est diffusé dans les années 1980 et 1990 sous l’influence des économistes néoclassiques. Selon ces derniers, les chômeurs compareraient le montant de leur allocation et le salaire proposé pour décider ou non de reprendre un emploi. Une manière d’augmenter l’incitation serait donc de diminuer les allocations et d’augmenter les sanctions.

    Mais tant les expériences allemandes que britanniques – visant notamment à pousser les chômeurs de longue durée à prendre un emploi dans les secteurs à bas salaires – que les nombreuses études sur les effets d’un renforcement du contrôle de la recherche d’emploi ont mis en évidence le caractère contre-productif de telles mesures. En Allemagne et en Grande-Bretagne, elles se sont traduites par l’augmentation des taux de pauvreté et de travailleurs à bas salaires, et par un retour de la pauvreté des seniors (« The Long-Term Effects Of Job Search Requirements : Evidence From The UK JSA Reform », Barbara Petrongolo, Journal of Public Economics n° 93/11-12, 2009, et « Les nouvelles politiques de l’emploi au Royaume-Uni et en Allemagne », Jochen Clasen, Critique internationale n° 43, 2009).

    D’autres études sur les effets des incitations à retourner à l’emploi ont mis en évidence toute une série de conséquences désastreuses : poussés à reprendre un emploi au plus vite, les chômeurs peuvent soit accepter un emploi de très mauvaise qualité, qui accroîtra la pauvreté dans l’emploi tout en donnant l’illusion que le taux de chômage diminue, soit se décourager et disparaître complètement des radars (« The General Equilibrium Impacts Of Unemployment Insurance », Ioana Marinescu, Journal of Public Economics n° 150, 2017).

    Tout se passe comme si le gouvernement n’avait pas compris les racines de la colère et du malaise social français et se révélait incapable de modifier en cours de route un programme profondément marqué par l’empreinte néolibérale et l’influence des économistes néoclassiques qui ont accompagné l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Faudra-t-il une nouvelle mobilisation pour que l’on comprenne enfin que ce sont les emplois qui manquent et qu’une autre voie est possible : celle qui consisterait à créer des emplois à plein-temps payés décemment grâce à une relance de l’activité ciblée sur la transition écologique.

    #chômeurs #droit_au_chômage #société_punitive

  • « La révolution de la 5G nous réserve une hyperconsommation numérique énergivore »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/19/la-revolution-de-la-5g-nous-reserve-une-hyperconsommation-numerique-energivo

    Joachim Renaudin, expert du numérique, met en garde dans une tribune au « Monde » sur l’effet de l’explosion des usages numériques permis par la 5G sur la consommation énergétique des réseaux et des serveurs. Le numérique fait plus que jamais partie de nos vies. Regarder un film sur Netflix, jouer à un jeu vidéo sur mobile, travailler en visioconférence… Ces actions du quotidien peuvent paraître anodines, mais leur impact pour la planète est immense. En 2018, le numérique représentait 4 % des émissions (...)

    #5G #écologie #technologisme

  • Hôpitaux : silence, on coule !
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/13/hopitaux-silence-on-coule_6019000_3232.html

    Selon la Fédération hospitalière de France, qui met en cause « le #sous_financement_organisé de l’#hôpital », cette incapacité à répondre aux besoins de personnel concerne 97 % des établissements de soins publics.

    #France #sabotage #criminel

    Quel dommage ! Quel gâchis !

  • Le profil flou de Mark Zuckerberg
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/12/le-profil-flou-de-mark-zuckerberg_6018818_3232.html

    Une chose anime en effet ce « techno optimiste » : son « inépuisable soif de faire le bien en connectant le monde entier ». Pour lui, « plus on est connecté, plus on est relié aux siens, plus on est ouvert, empathique, heureux », résume Julien Le Bot. Sur ce plan, Mark Zuckerberg a toujours eu la conviction « qu’il avançait avec l’histoire, même quand tout semblait lui donner tort ».
    Connexion à marche forcée

    Le portrait de Mark Zuckerberg qui émerge de cet ouvrage est celui d’un chef d’entreprise d’une détermination d’airain, sous-estimé par ceux qui n’ont retenu que son teint pâle d’adulescent et les sweat-shirts de ses débuts. Il n’a qu’une obsession : appliquer son idéal de la connexion universelle en faisant grandir Facebook coûte que coûte.

    #Facebook #Mark_Zuckerberg

  • « L’effondrement de la vie sous nos latitudes reste largement sous le radar médiatique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/09/l-effondrement-de-la-vie-sous-nos-latitudes-reste-largement-sous-le-radar-me

    Par Stéphane Foucart

    Chronique. La probabilité est forte que l’information la plus importante de la semaine écoulée vous ait échappé. On cherche en vain sa trace dans la conversation publique : elle en est complètement absente. Et pour cause, en France, à peu près aucun média, ni audiovisuel, ni imprimé, ni électronique, n’en a rendu compte (à l’exception du Monde). Elle a pourtant été publiée dans l’édition du 31 octobre de la revue Nature, la plus prestigieuse des revues scientifiques, mais l’attention médiatique était alors, semble-t-il, ailleurs.

    La revue britannique publiait ce jour-là l’étude la plus ambitieuse et la plus précise conduite à ce jour sur le déclin des insectes (et des arthropodes en général) ; elle montre, au-delà du doute raisonnable, que le crash en cours des populations d’invertébrés terrestres est plus rapide encore que les estimations publiées jusqu’à présent. Ses résultats sont à vous glacer le sang.

    Tout désigne les pratiques agricoles, notamment le recours systématique et prophylactique à la chimie de synthèse. Les travaux de M. Weisser et ses collègues indiquent la même direction, le déclin de la vie dans les prairies, notamment, étant « d’autant plus sévère qu’elles sont insérées au cœur de zones agricoles », écrivent les chercheurs.

    En France, de rares données non encore publiées indiquent que l’effondrement des arthropodes est d’ampleur similaire à ce qui se produit en Allemagne. Et, en France comme ailleurs, toute la faune insectivore s’effondre à une vitesse vertigineuse. Les oiseaux des champs ont perdu près d’un tiers de leur effectif en quinze ans, les chauves-souris disparaissent plus vite encore, avec un déclin de 30 % en une décennie, et les amphibiens ne se portent pas beaucoup mieux.

    Pendant que vie disparaît de nos paysages, les semi-vérités et les éléments de langage distillés par les communicants de l’agro-industrie font diversion, ils sculptent et orientent la conversation publique avec une efficacité qui force l’admiration. Agriculture intensive ? Il faut plutôt parler d’« agriculture de précision », expression inlassablement ressassée, destinée à bâtir de la confusion en abolissant le sens des mots — la « précision » invoquée ici étant plutôt celle du tapis de bombe.

    La critique du modèle agricole dominant ? Il s’agit en réalité d’« agribashing », mot-valise inventé par les propagandistes de l’agro-industrie qui, après quelques mois d’incubation sur les réseaux sociaux, a fini dans la bouche du ministre de l’agriculture lui-même. Le but recherché est là encore la confusion : parler d’« agribashing », c’est assimiler la stigmatisation injuste des agriculteurs à la critique du système qui les a paupérisés, menace leur santé et celles de leurs voisins et qui compromet leur avenir en détruisant la biodiversité.

    #Effondrement #Insectes #Perturbateurs_endocriniens #Pesticides #Agriculture

  • #Leonora_Miano : « Si la physionomie de la France change, c’est le fait de l’aventure coloniale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/05/leonora-miano-si-la-physionomie-de-la-france-change-c-est-le-fait-de-l-avent

    Alain #Finkielkraut [#racisme] fait de moi l’annonciatrice réjouie du « grand remplacement » et ne rate pas une occasion de me mentionner pour justifier l’effroi de ceux qui évoquent une « colonisation migratoire ». Je tiens à ne pas m’excuser d’avoir enfoncé une porte ouverte en déclarant que la société française était en mutation et que son passé colonial lui présentait la facture. De même, indiquer que les baby-boomeurs, qui ont puissamment contribué à bâtir le monde actuel, ne seront pas là pour contempler l’achèvement de leur œuvre est une lapalissade. L’énoncé de ces truismes a traumatisé l’auteur de L’Identité malheureuse (Stock, 2013), lui fournissant un prétexte pour faire peser, sur une partie du corps social, la responsabilité d’un projet dont je ne sais rien et auquel je ne crois pas.