• Au procès du Mediator, les « négligences » de l’ANSM à la barre
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/11/12/au-proces-du-mediator-les-negligences-de-l-ansm-a-la-barre_6018817_3224.html

    « Il a été établi que l’ANSM n’avait pas, à compter des premières alertes de 1995 et jusqu’en 2009, accompli les diligences normales compte tenu de la nature de sa mission, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont elle disposait », peut-on lire dans l’ordonnance qui renvoie l’agence devant le tribunal, aux côtés du laboratoire.
    Face à face

    Servier et ANSM ont beau se trouver côte à côte sur les bancs des prévenus, ils sont en réalité face à face. Les avocats du laboratoire et ceux de l’agence ne cessent de se contrecarrer depuis l’ouverture des débats, chacun s’évertuant à souligner la responsabilité de l’autre dans l’affaire.

    Une distinction est d’ores et déjà établie : contrairement au laboratoire, l’agence doit répondre d’une faute non intentionnelle. Alors que Servier est jugé pour « tromperie », « escroquerie », « trafic d’influence » et « homicides involontaires par violations manifestement délibérées », l’ANSM l’est uniquement pour « homicides involontaires par négligence », ce que l’on pourra considérer comme déjà bien assez infamant pour une autorité censée, précisément, faire en sorte que les citoyens prenant des médicaments n’en meurent pas.

    Il sera par exemple intéressant de comprendre les bizarreries autour du renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Mediator. En 1995, alors que Servier demande à pouvoir vendre son médicament avec l’indication « adjuvant du régime du diabète », l’ANSM émet un avis défavorable, et écrit : « Cette indication n’est pas justifiée. En conséquence, aucune mention des propriétés pharmacologiques en relation avec cette indication ne peut être acceptée. »

    Deux ans plus tard, en août 1997, une employée de l’ANSM, Arielle North, écrit au groupe Servier qu’il peut « maintenir les mentions concernant l’indication thérapeutique du diabète » sur l’étiquette du Mediator, qui continuera donc à être vendu pour une indication fallacieuse. Arielle North viendra témoigner le 14 novembre.

    L’agence va devoir s’expliquer sur sa passivité, voire sa bienveillance, vis-à-vis de Servier. Sa « réponse insuffisante aux comportements fautifs » du groupe pharmaceutique, écrivent les juges d’instruction, « peut s’expliquer, en partie, par le vaste réseau d’influence tissé par les laboratoires Servier sur de nombreux responsables, agents et experts des autorités de santé », une influence qui « n’a pu que pervertir la nature et l’efficience du contrôle confié aux autorités ». Ce volet, celui des conflits d’intérêts entre le laboratoire et l’administration publique, constituera, au printemps 2020, le dernier chapitre du procès du Mediator.

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