Violences sexuelles : « Il y a une impunité judiciaire et sociale »
On estime qu’au moins la moitié des viols sont jugés en tant qu’agressions sexuelles. Il y a d’autres types de requalification : les viols sur mineur sont souvent correctionnalisés en atteintes sexuelles sur mineur, ce qui laisse entendre que le rapport était consenti. Avec l’apparition de la contravention d’outrage sexiste introduite par la loi Schiappa, des agressions sexuelles sont disqualifiées en outrages. Le problème de la disqualification, c’est l’échelle de gravité : ne pas considérer bon nombre de viols comme des crimes revient à les rendre moins graves et à les banaliser. Certains magistrats sont probablement soucieux, lors de la correctionnalisation, d’agir au mieux pour la victime, car un procès en cours d’assises peut être compliqué et destructeur. Mais d’autres font une différence entre les viols « vraiment graves » et les viols « moins graves », sur des critères très contestables. Symboliquement, le procédé minimise les violences sexuelles et renvoie l’idée que ce n’est pas une priorité.
Pourtant, certains arguments évoquent des délais plus courts en correctionnelle et de meilleures chances que le prévenu soit condamné…
Les études sur le sujet contredisent ces affirmations : le taux de relaxe en correctionnelle est plus élevé que le taux d’acquittement aux assises. Visiblement, certains magistrats bien intentionnés ont peur que les assises se passent mal pour les victimes et que les jurés acquittent le violeur. Je crois que cela nourrit un cycle infernal : les affaires jugées devant les assises se rapprocheront toujours du stéréotype du « vrai viol », auront plus de visibilité, et les croyances seront perpétuées. Peut-être qu’il faut briser ce cercle vicieux, en favorisant la formation sur la réalité des violences sexuelles, les réactions des victimes, les statistiques qui montrent que la plupart des viols sont commis par des proches. C’est une meilleure solution que la correctionnalisation systématique.
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