Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat

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  • À propos du livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes"

    Bonjour,

    En ce 5 décembre, alors que la France se couvre de manifestations, c’est un bon moment pour revenir sur le livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes".

    Dans ce livre très incisif, l’activiste, informaticienne et sociologue Zeynep Tufekci décortique les mouvements sociaux connectés. En quoi et comment les médias sociaux changent l’activité militante et les mouvements de masse en leur offrant écho et outil de coordination, d’un côté. En quoi la concentration et le caractère privé des médias sociaux et de leurs algorithmes peuvent détourner l’attention des causes défendues par les mouvements, de l’autre.

    Après avoir reçu un très bon accueil aux États-Unis, les premières lectures et recensions de ce livre majeur commencent à paraître en France :

    – « Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat »
    par Sandrine Samii dans Le nouveau Magazine Littéraire.
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/soci%C3%A9t%C3%A9-nouvelles-technologies/mobilisation-connect%C3%A9e-aller-au-del%C3%A0-du-coup-

    – « Fiche de lecture : Twitter & les gaz lacrymogènes »
    par Stéphane Bortzmeyer sur son blog.
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    – « Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée »
    par Matthieu Demory dans "Lectures/Lien Socio".
    https://journals.openedition.org/lectures/38417

    Au delà d’un compte rendu critique, la recension de Gustave Massiah, militant altermondialiste, membre du Secrétariat international du Forum Social Mondial, et infatigable activiste de la solidarité internationale dans de nombreuses associations, mérite une attention particulière.

    Gus Massiah, au delà d’une recension du contenu du livre s’est livré à un exercice dynamique : quelles leçons tirer de cet ouvrage qui puisse servir les mouvements sociaux connectés du XXIe siècle. Une version raccourcie de ce papier sera publiée dans la revue Ecorev au début de 2020. Nous avons ajouté une version pdf à télécharger de son article complet sur notre site :
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Car au fond, l’intérêt d’un livre, c’est que chacun·e puisse poursuivre la réflexion entamée. C’est pour cela que, depuis la naissance de l’imprimerie, les livres ont accompagné tous les mouvements d’émancipation.

    En ce premier jour d’un mouvement social en France, je voudrais termioner en citant la conclusion de l’article de Sandrine Samii dans Le Nouveau Magazine Littéraire :

    « Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il développe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. »

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions

  • Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat | www.nouveau-magazine-litteraire.com
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/soci%C3%A9t%C3%A9-nouvelles-technologies/mobilisation-connect%C3%A9e-aller-au-del%C3%A0-du-coup-

    Publié avant l’émergence des gilets jaunes, Twitter et les gaz lacrymogènes (C&F éditions) de Zeynep Tufekci n’en reste pas moins pertinent pour comprendre les mécaniques de ce mouvement, nouvel exemple d’une manifestation connectée. Si les réseaux sociaux facilitent la mobilisation, ils ne préparent pas à la maintenir.

    Par Sandrine Samii

    Elle explique : « Des moments et des activités en apparence similaires – occupations ou grandes manifestations – n’occupent pas la même place dans les trajectoires des mouvements connectés et dans les trajectoires des mouvements organisés selon des modèles traditionnels et sans outils numériques. » Ainsi, les anciens indicateurs, comme le nombre de personnes rassemblées, ne suffisent plus à comprendre les mouvements connectés. Auparavant, un mouvement s’organisait puis manifestait, aujourd’hui, un mouvement se découvre lors d’une mobilisation et doit ensuite faire le travail de s’organiser. Une mobilisation nombreuse rend visible un mécontentement, mais elle ne dit pas nécessairement que ceux qui le ressentent forment un groupe disposé et en mesure de militer pour y remédier.

    Pour attirer rapidement l’attention sur leurs actions, les activistes de tous bords ont trouvés des alliés insoupçonnés mais aussi imprévisibles dans les plateformes des réseaux sociaux. En effet, ces plateformes captent l’attention dans le but de la monétiser, leur objectif est uniquement de garder les internautes sur le site. Les modèles commerciaux des plateformes en ligne ne sont donc pas neutres dans la diffusion ou non de certaines actions militantes. « [Ces plateformes] ont le pouvoir de déterminer les gagnants et les perdants de la course à l’attention du public, en modifiant légèrement leurs politiques et leurs algorithmes. » Ils peuvent influencer la trajectoire d’un mouvement social : en supprimant automatiquement des contenus (1), ou en favorisant des espaces ou types de discours.

    Les mouvements Occupy Wall Street, du parc Gezi à Istanbul, et maintenant des gilets jaunes, ont démarré sur les chapeaux de roues avec des tactiques innovantes, un succès fulgurant et inattendu. Ils partagent également le fait de ne pas avoir voulu ou réussi à faire évoluer leurs tactiques au delà de leur coup d’éclat initial. Pour reprendre l’analogie du mouvement des droits civiques, celui-ci n’était qu’innovation tactique – boycott des bus de Montgomery, sit-ins dans des lieux publics ségrégés, freedom rides à travers plusieurs État, manifestations, campagnes d’inscriptions électorales… – faisant la preuve de capacité organisationnelle importante et d’une résilience implacable.

    Sans moyen de prendre des décisions, de gérer les désaccords, et dans une défiance face aux solutions électorales ou institutionnelles, continuer à manifester peut finir par constituer une fin en soi, une parenthèse de solidarité et d’affirmation de soi précieuse, malgré la répression, même violente. Tufekci écrit : « la tactique qui a initialement réuni ces personnes est réutilisée à de multiples reprises, parce qu’elle permet de reproduire cette affirmation d’un choix de vie et de retrouver le seul moment de véritable consensus : ce tout premier moment où ils se sont rassemblés autour d’un slogan, d’une revendication ou d’une tactique. » Revenir constamment à cette part du militantisme est attractive mais peut aussi miner le mouvement.

    Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il developpe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. Se concentrant sur les mouvements orientés à gauche, il montre un mouvement de contestation global, où des motifs similaires sont repris par adaptation tactique ou par solidarité d’un pays à l’autre.

    #Zeynep_Tufekci #Mouvements_connectés #C&F_éditions