Le premier constat fait par nos confrères réside dans le fait que la justice est « rendue publiquement ». Nous ne pouvons à cet égard qu’être d’accord avec une telle affirmation, bien que de nombreuses exceptions soient prévues.
Cependant, le caractère public des décisions de justice ne signifie pas que l’ensemble des données issues des décisions de justice doivent être rendues publiques.
Il y a à notre sens une large différence entre le fait d’ouvrir les portes d’un tribunal (ce qui permet d’assister au procès, d’entendre les plaidoiries, d’apprécier la personnalité des personnes en cause, etc.) et publier sur Internet le contenu aride de l’ensemble des décisions de justice…
En effet, cette large publication a un triple effet pervers :
• D’une part, devant la masse d’information à traiter, aucun être humain ne serait capable de lire l’ensemble des décisions publiées sur un sujet, il est donc nécessaire d’être assisté d’un algorithme permettant de trier et synthétiser la ou les décisions recherchées. Or, comment nous l’avons vu, rien ne permet de dire que l’algorithme n’est pas orienté ou imparfait. Dans ce cadre, la publication n’est que de façade et nos recherches sont plus orientées par l’algorithme que par la véritable recherche d’un point juridique ;
• D’autre part, la masse des informations publiées oblige à effectuer des statistiques. La masse des décisions publiées nous oblige donc à faire confiance aux taux calculés par l’algorithme. Or, qui est en mesure de véritablement vérifier la pertinence de ces calculs ?
• Enfin, l’automatisation de nos recherches et la synthétisation qui en est faite nous amène à penser et réagir comme des algorithmes, en fonction simplement du passé et de ce qui a été déjà été fait. Dans ce cadre, quelle place aura la création ? Où se placera l’innovation ?
Nous rappelons à cet égard que l’innovation repose sur le fait de s’affranchir de toute règle, de ne pas raisonner en fonction du passé mais par l’intermédiaire d’un nouveau système, voire de raisonner par l’absurde… bref, tout le contraire du deep learning…
A trop vouloir analyser le passé pour essayer de prédire les décisions futures, nous en perdrons notre âme et ce qui a toujours fait le sel de notre profession, à savoir l’audace et l’ingéniosité.
Le rapport Cadiet avait là-encore cerné ce problème, faisant de la transparence des algorithmes un enjeu majeur.
Or, force est de constater que nous en sommes encore loin.
La publication de l’ensemble des décisions de justice ne pose pas véritablement problème, ce sont les traitements issus de ces publications qui peuvent poser d’énormes difficultés, notamment en ce qui concerne l’identité des Avocats.