• « Trop paternaliste et autoritaire » : la formation des futurs gynécologues en pleine réflexion
    https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/12/12/la-formation-des-futurs-gynecologues-en-pleine-reflexion_6022567_4401467.htm
    Empathie, consentement, sensibilisation aux violences gynécologiques : la formation des jeunes spécialistes du corps des femmes évolue. Mais les pratiques varient beaucoup d’une université à une autre.

    Etudiante en troisième année de médecine à Lyon-Est, Lisa ne compte plus le nombre de fois où elle est sortie d’amphi « choquée » par ses premiers cours de gynécologie. « Le professeur nous faisait écrire que les femmes sont plus enclines à avoir des relations sexuelles avec des sentiments, quand les hommes sont plus dans le visuel. Ce sont des clichés sans fondements biologiques. Il y avait aussi beaucoup de jugements sur certaines sexualités, des propos sexistes ou infantilisants. Quel type de médecin ces enseignements feront-ils de nous ? », se désole la jeune femme de 19 ans.

    Cette question, le Haut Conseil à l’égalité (HCE) a tenté d’y répondre en 2018. Dans son rapport où il alerte sur la multiplication des violences gynécologiques et sur le « sexisme ambiant » dans le monde médical, le HCE recommande, dans le cadre de la formation des gynécologues, de repenser le rapport aux patientes, les pratiques obstétriques – notamment les épisiotomies [incision du périnée lors de l’accouchement], ou l’accueil des personnes LGBTI. Des défis multiples pour une formation « trop paternaliste et autoritaire », convient la ministre de la santé Agnès Buzyn, auditionnée pour ce rapport.

    Parmi les violences obstétricales ou gynécologiques répertoriées par l’Institut de recherche et d’action pour la santé des femmes figurent l’imposition d’actes (frottis, touchers vaginaux) hors des recommandations de la Haute autorité de santé, d’examens cliniques non consentis, les jugements humiliants, les violations de l’intimité ou de la confidentialité. Mais aussi le refus de poser un stérilet à une jeune femme, ou d’une péridurale demandée par la patiente, le retrait d’implant sous-cutané ou la réfection d’épisiotomie sans anesthésie locale…
    « Gynéco bashing »

    « Un climat très dur règne dans la formation médicale, que ce soit dans les rapports hiérarchiques entre internes et médecins ou dans la très sexiste culture carabine. Cela imprègne les mentalités et les schémas de comportement des futurs médecins, et peut rejaillir dans leurs pratiques », analyse Margaux Collet, corapporteure de l’étude du HCE. « La relation patient-soignant et l’empathie sont délaissées, tout au long du cursus, au profit de la technique, ajoute-t-elle. On pense que le gynécologue – le sachant – n’aurait pas besoin d’associer la patiente à la prise de décision. Ce sont autant de choses à bousculer d’urgence. »

    Côté praticiens, certains dénoncent une forme de « gynéco bashing » et la généralisation de cas particuliers. Ils rappellent l’existence d’impératifs médicaux ou de contraintes liées au temps, mais réfutent le terme de « violences » gynécologiques. Une position partagée par Madeleine, étudiante de 22 ans : « Le débat peut exister sur certains gestes, mais beaucoup de polémiques sont galvaudées. Par exemple, on reproche aux étudiants de ne pas dire explicitement qu’ils sont étudiants avant une consultation mais, dans les hôpitaux universitaires, c’est une évidence ! »

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