Les lessives en poudre : un siècle d’innovations pour éliminer les taches

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  • Roland Barthes lave plus blanc

    « (…) Quel meilleur terrain que celui de la publicité, espace de la
    prolifération de signes supposés insignifiants, pour accomplir ce
    programme ? Comme après lui Daniel Boorstin, Guy Debord ou Jean
    Baudrillard, Barthes voit la culture de masse comme une production de simulacres destinés à tromper un public crédule. Le territoire de la
    propreté lui permet d’opposer la lessive Persil, qui revendique un
    blanc superlatif, vérifié par des comparaisons qui ont tout l’air de
    faux-semblants, au mousseux aérien d’Omo : « L’important, c’est d’avoir su masquer la fonction abrasive du détergent sous l’image délicieuse d’une substance à la fois profonde et aérienne qui peut régir l’ordre moléculaire du tissu sans l’attaquer. » Pourtant, « Persil et Omo, c’est tout comme », conclut le sémiologue, qui note que ces deux marques appartiennent au même trust : Unilever.

    (…)

    Avant l’arrivée de nouveaux concurrents, à partir de 1956, le paysage
    décrit par Roland Barthes est celui de l’affrontement de deux marques et de deux produits à la composition et aux qualités différenciées, que la publicité met en récit. Dans le contexte d’une revue littéraire, il est certes tout à fait remarquable qu’un chercheur en sciences sociales se préoccupe des représentations publicitaires de produits ménagers. Mais Barthes ne fait pas lui-même sa lessive, et en l’absence d’une expérience pratique de ces détergents, il est
    difficile de s’apercevoir que les slogans caractérisent bel et bien
    des propriétés effectives.

    Le blanchiment de Persil ou la mousse d’Omo ne sont pas que des
    métaphores destinées à abuser un public naïf. De façon générale, c’est l’ensemble du rapport à la consommation et aux industries culturelles – et donc bien souvent à un univers assigné aux femmes ou aux classes inférieures, qui subira pendant longtemps la même approche condescendante et réductrice de la part des observateurs spécialisés.

    Pourtant, proposer la sémiologie d’une pratique dont on n’a pas
    l’expérience, c’est un peu comme tenter de décrypter une langue dont on n’a pas l’usage. On risque de ne voir que le jeu gratuit des
    signes, là où il y a aussi des faits sociaux. »

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