BALLAST | Le mythe des « 42 régimes spéciaux »
▻https://www.revue-ballast.fr/le-mythe-des-42-regimes-speciaux
D’abord, parce qu’il n’existe pas autant de régimes spéciaux. Relayer ce nombre farfelu n’aide pas à riposter aux arguments du pouvoir sur la nécessaire « simplification » de notre système de retraite. Ensuite, et surtout, cette posture défensive nous fait manquer l’objectif central de la réforme. C’est qu’il ne s’agit pas tant d’unifier le système de retraite que d’attaquer ce que les régimes spéciaux et le régime général (lequel concerne l’ensemble des salarié·e·s du privé) ont en commun : la retraite construite comme une continuation du salaire. Ceci pour la remplacer par une retraite conçue comme revenu différé, dont on fait croire qu’elle serait le fruit des cotisations passées des retraité·e·s.
Soyons clairs : notre propos n’est pas de plaider pour l’abandon de la défense des régimes spéciaux (déjà bien diminués par les réformes précédentes), mais plutôt de renouer avec une ambition centenaire de la CGT : unifier la Sécurité sociale. Donc la classe des travailleurs et des travailleuses. Donc, ce faisant, faire bloc face au patronat — qui ne cherche qu’à remettre la main sur ces institutions13. Cette unification a échoué en 1946, lors de la création du régime général (les régimes spéciaux ne devaient continuer à exister que provisoirement pour ensuite rejoindre ce régime unique, mais en conservant leurs acquis14), mais il est plus que temps de la remettre à l’ordre du jour. Il n’est, de nos jours, plus aucun sens à batailler pour le statu quo. L’intégration de la totalité des régimes existants dans le régime général peut devenir une perspective mobilisatrice pour un mouvement social qui se contente de se battre contre, réforme après réforme.
(Ewelina Karpowiak)
Cette unification par le haut couperait l’herbe sous le pied à ceux qui dépeignent la mobilisation comme une défense de privilégié·e·s immobilistes qui ne tiennent qu’à leurs avantages corporatistes. La lutte des salarié·e·s rattachés à un régime spécial n’en trouverait que plus de légitimité parmi le reste de la population : il s’agirait enfin de se battre ensemble pour l’extension à toutes et tous des avancées restantes dans les régimes « spéciaux ».