Hiroshima et Nagasaki : 75 ans d’hypocrisie
« En août 2020, cela fera 75 ans que l’avion Enola Gay bombarda la
ville d’Hiroshima. Alors que des commémorations sont prévues, le
discours « deux poids, deux mesures » des chefs d’État sur les armes
nucléaires vide les hommages de leur sens.
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13 865 bombes nucléaires sont encore détenues par neuf pays alors que quelques centaines pourraient suffire à détruire la vie sur Terre.
Des États qui possèdent l’arme interdisent à d’autres d’enrichir de
l’uranium. Quant à la Belgique, qui se positionne pour le désarmement, elle abrite « secrètement » des ogives nucléaires sur son territoire.
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L’année 2017 est marquée par un basculement dans le domaine des armes nucléaires.
De nombreux États signent un traité sur leur interdiction. Sur les 122
pays signataires, aucun ne possède la bombe, et on n’y trouve aucun
membre de l’OTAN. Ce traité expose au grand jour l’hypocrisie et
l’incohérence des États : ils dénoncent l’horreur d’Hiroshima tout en
affirmant que l’arme nucléaire est la panacée pour garantir leur
sécurité. En même temps, ils nient à d’autres États, tels que l’Iran
ou la Corée du Nord, le droit de pouvoir développer leurs propres
arsenaux.
L’arme « suprême » serait réservée à un club restreint d’États dont la
devise est « faites ce que je dis, pas ce que je fais ».
(…)
En réalité, la notion de dissuasion, le cœur de l’argumentaire des
zélateurs de l’arme, a permis de maquiller le fait, largement attesté
par la crise des missiles de Cuba de 1962, que les armes nucléaires
sont d’abord génératrices de tensions. Avec l’installation des rampes
de missiles à Cuba, les États-Unis craignaient que la technologie
qu’ils avaient créée ne se retourne contre eux. Faisant fi de tout bon
sens, les experts des questions de sécurité ont affirmé ensuite que
les armes avaient permis d’éviter une guerre. Par un tour de
passe-passe intellectuel, ces experts sont en fait parvenus à faire
transformer une des causes de la crise en son remède.
La mémoire d’Hiroshima et de Nagasaki a été soumise à un intense
travail de mise en forme, pour ne pas dire de discipline, mené par les
militaires, les experts et les décideurs politiques. La peur
qu’engendre l’arme, fondée sur les bombardements japonais, a été et
continue d’être, pour eux, une ressource politique précieuse. C’est
notamment cette peur qui a servi à l’administration G. W. Bush pour
justifier sa guerre contre l’Irak en 2003, alors même que cet État ne
détenait pas d’armes nucléaires.
Après 75 ans, il n’est donc pas uniquement important de commémorer ce qui s’est passé à Hiroshima et à Nagasaki, mais aussi de s’interroger sur le sens politique à donner à cet événement. »
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