En Libye, un échec européen
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/30/en-libye-un-echec-europeen_6024395_3232.html
Editorial. La spirale des ingérences étrangères dans le conflit libyen menace les équilibres maritimes en Méditerranée orientale, et la stabilité de l’Afrique du Nord et du Sahel. L’Europe, en étalant ses divisions, se prive de toute action efficace.
Editorial du « Monde ». Un désastre géopolitique est en train d’ébranler les marches méridionales de l’Europe sous le regard impuissant d’une communauté internationale – et en particulier l’Union européenne – qui a lourdement failli. Le théâtre libyen, déjà en proie à un chaos récurrent depuis 2011, menace d’exploser en une conflagration régionale aux conséquences imprévisibles pour l’aire méditerranéenne. Comme pour la crise syrienne, les fractures internes du géant d’Afrique du Nord, grosso modo divisé entre deux pouvoirs régionaux rivaux – Tripolitaine (ouest) contre Cyrénaïque (est) –, sont exploitées et approfondies par des ingérences étrangères en pleine escalade.
L’un des protagonistes de cette internationalisation du conflit libyen est la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, qui conjugue sa dérive autoritaire avec une tentation expansionniste en Méditerranée orientale de plus en plus affirmée. Le chef d’Etat turc a multiplié ces derniers jours les déclarations martiales sur la Libye, menaçant de dépêcher des troupes à la rescousse du gouvernement d’accord national (GAN) de Faïez Sarraj, basé à Tripoli. Déjà, des informations plausibles font état de l’acheminement vers Tripoli de miliciens syriens proturcs, prélude à un possible envoi de troupes d’Ankara en janvier.
[…]
Il faut sonner l’alarme face à cette poudrière qu’est devenue la Libye. La spirale des ingérences étrangères menace non seulement les équilibres maritimes en Méditerranée orientale, mais aussi la stabilité de l’Afrique du Nord et du Sahel. Il faut être lucide sur les responsabilités.
[…]
Si un condominium turco-russe parvient à s’imposer en Libye, à l’instar de ce qui s’est produit dans le nord de la Syrie, l’Europe, aux premières loges, paiera le prix de son propre échec.