• Comment le photographe Jonas Bendiksen a dupé « Visa pour l’image » pour dénoncer les fake news
    https://www.marianne.net/culture/comment-le-photographe-jonas-bendiksen-a-dupe-visa-pour-limage-pour-denonc

    « Tromper ma communauté, mais pas le reste du monde »

    Une fois le livre en vente, en avril, Bendiksen est tiraillé. Une partie de lui jubile devant la pluie de compliments sur le sérieux de son travail, la justesse de son écriture, l’importance de son sujet. Mais sa nature honnête le rattrape : « Je n’aime pas arnaquer les gens, et comme beaucoup de criminels, j’attends aussi avec impatience que ma couverture soit dévoilée », confie-t-il. De nombreux magazines veulent lui acheter le sujet, ce qu’il refuse sous différents prétextes : « Tromper ma propre communauté, OK, mais pas le reste du monde », résume-t-il.

    Surpris que ses confrères n’aient rien remarqué (bien que ce soit pour lui un excellent indicateur de combien il avait visé juste), le photographe envoie son travail au festival de photojournalisme Visa pour l’image ; qui d’autre que cette équipe qui sélectionne tous les ans le meilleur du métier pourrait démasquer la supercherie ? Il n’en est pourtant rien, et quand le directeur Jean-François Leroy lui propose de projeter son sujet, Bendiksen culpabilise – mais ne recule pas. À la manière des hackers recrutés et payés par des compagnies pour traquer les failles de leur défense informatique et en renforcer la protection, il considère son action comme un service rendu pour exposer les failles d’une industrie vulnérable et sensibiliser à plus de vigilance.
    De faux profils Facebook pour semer le doute

    Le projet n’a de sens que si la vérité éclate : petit Poucet patient, Bendiksen sème des indices. D’abord à travers un faux profil Facebook, qu’il utilise dès le lendemain de la projection à Perpignan pour répandre des allégations à son encontre… sans succès. C’est sur Twitter que l’opération se révélera concluante : soulagé, le photographe profite même de l’entretien accordé à Magnum pour annoncer qu’il enverra un exemplaire dédicacé à l’internaute qui, le premier, a mordu à l’hameçon et repéré une brèche…

    Le 20 septembre, Jean-François Leroy publie sur Facebook et Twitter un communiqué de réponse, en anglais. Se disant « piégé » et « abasourdi », il présente ses excuses au public. « Aucun système n’est parfait […] et Visa ne fait pas exception. » « Nos équipes, malgré tous nos efforts pour éviter des erreurs, ne peuvent jamais prétendre être infaillibles. » Sans se réfugier entièrement derrière cet argument, Leroy rappelle aussi qu’il avait développé avec Jonas Bendiksen, habitué du festival, une relation basée sur « l’amitié et la confiance » : « Aurions-nous été plus prudents s’il s’était agi d’un photographe inconnu ? Peut-être, peut-être pas. » S’il qualifie les méthodes utilisées de « discutables », Leroy certifie que l’incident est perçu comme une « opportunité » plutôt qu’une attaque. « Cette audace insolente a, pour le meilleur ou pour le pire, élevé le problème à un niveau que nous n’aurions jamais cru possible ». Bendiksen, de son côté, a renouvelé ses excuses à l’ensemble de l’équipe.

    Que dirait enfin le photographe aux habitants de Veles, bien réels ? « J’espère qu’ils ne sont pas trop offensés, répond-il. Mais quelles sont exactement les implications éthiques de mon travail pour eux, puisque toutes les personnes de mon histoire sont des avatars numériques ? Quelles obligations ai-je envers des personnes que je n’ai pas photographiées ? ». Résumant l’entreprise ainsi : « Un tas de leurs jeunes ont inventé beaucoup de fictions ridicules sur un endroit lointain, les États-Unis, et en ont profité. Je suis venu d’un endroit lointain et j’ai inventé une fiction en retour à leur sujet, mais basée sur une histoire vraie. » Un match nul en somme. Alors, sans rancune ?

    Une réaction outrée de la profession :
    https://www.a-l-oeil.info/blog/2021/09/24/larnaque-de-jonas-bendiksen-photojournaliste-chez-magnum

    Non, Jonas Bendiksen n’a pas fait preuve de génie dans cette affaire, il a juste trompé sa profession, sans oublier le public qui a vu ses images avant que la supercherie ne soit dévoilée. Et cela est une faute professionnelle exceptionnellement grave.

    Son argument selon lequel ce travail a été fait pour démontrer la duplicité des fausses nouvelles, « fake news » pour parler comme chez Magnum, est non seulement ridicule mais totalement contre-productif. Aujourd’hui, nul n’ignore que les fausses nouvelles connaissent, grâce à la technique, une ampleur exceptionnelle et nocive. Jonas Bendiksen enfonce un portail grand ouvert !

    Mais plus grave, du fait de la profession qu’il affiche : « photojournaliste », sa démonstration se retourne contre la profession. Si les journalistes, eux-mêmes, se mettent à glorifier les fausses nouvelles, les esprits les plus raisonnables vont basculer dans une errance dramatique pour la société.

    Et puis, il faut bien aller au bout de la fallacieuse démonstration de Bendiksen : l’excuse de l’art. Face à la mutation ultra rapide de la presse et à la crise économique qui en découle, de nombreux photojournalistes se tournent vers les galeries, les musées et se mettent à vouloir faire de l’art. Je n’ai rien contre, mais être artiste n’a rien à voir avec le journalisme ! L’art est imaginaire, le journalisme est une captation honnête de faits bien réels.

    La reconnaissance du mélange des genres est une fausse nouvelle.

    Michel Puech

    @Reka avait déjà noté un truc sur Seenthis il y a 8 ans...
    https://seenthis.net/messages/106073

  • The Geometry of Emptiness: A Journey Through France’s ‘Diagonale du Vide’
    https://www.magnumphotos.com/newsroom/society/antoine-dagata-the-geometry-of-emptiness-a-journey-through-frances-dia

    In early 2019, French Magnum photographer Antoine d’Agata and French-Tunisian author, philosopher, and actor Mehdi Belhaj Kacem drove through the region known in France as the diagonal du vide, or ‘empty diagonal’. Stretching across the nation – from the Belgian border in the north-east to the Pyrenees in the south-west – the disparate geographies of the area are unified by a low-density of industry, population and media coverage.

    What follows is a selection of d’Agata’s images from the 339 towns, villages and hamlets the pair passed through, accompanied by Belhaj Kacem’s essay on the diagonale and it’s role – and that of areas like it – in France’s current political face-off.

    The diagonal du vide, or ‘diagonal of emptiness’, refers to a series of places which are among the most underprivileged in French territory. With Antoine d’Agata, we draw a road map, a plan to visit these places. We want to feel the pulse of the France that has given rise to the now-famous gilets jaunes. We want to visit Ghost France. The title of a movie that marked me long ago comes back to my mind: Ghosts of the Civil Dead.

    The confrontation between the French government and the gilets jaunes has pitted two types of ghost against one another: the sovereign French Gods – the “Jupiterian” entity of big finance in its twilight years, whose decadence has nothing on the decline of Ludwig II of Bavaria; versus this unrepresented France. The latter, popularised as understood by the Situationists, comes behind the former in all respects. The dialogue between these two entities is a dialogue of the deaf. The France whose representation is non-existent fails to make itself heard by the France that only exists within in itself, or in its own eyes.