Erreur 404

/2020

  • Dans les collèges parisiens, le rectorat déprogramme un film d’animation sur une réfugiée palestinienne – Libération
    https://www.liberation.fr/culture/cinema/dans-les-colleges-parisiens-le-rectorat-deprogramme-un-film-danimation-su

    Le premier mail du #rectorat est tombé le 12 octobre, à l’attention de l’Association des cinémas indépendants parisiens (CIP), qui coordonne le dispositif « Collège au cinéma ». Au deuxième trimestre de cette année, les classes de sixièmes et de cinquièmes parisiennes n’étudieront finalement pas le film d’animation Wardi, qui a pour héroïne une fillette palestinienne vivant dans un camp de réfugiés à Beyrouth. Une décision du recteur de l’académie de #Paris, inédite en trente ans d’existence des dispositifs d’éducation à l’image (qui touchent 2 millions d’élèves par an), témoignent des professionnels désemparés. Un mail aux #enseignants la justifie par le « contexte d’extrême tension internationale et de ses conséquences potentielles sur notre territoire ». « Plusieurs enseignants ont fait remonter au rectorat des interrogations quant à l’opportunité de diffuser cette année ce film d’animation qui a pour cadre le conflit israélo-palestinien », étaye le courrier, estimant que « les circonstances dramatiques que connaît actuellement le Proche-Orient, la diffusion et l’exploitation pédagogique de Wardi pourrait se révéler très délicate ».

    Co-portée par le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Culture, l’association l’Archipel des lucioles et le CNC, l’opération « Collège au cinéma » vise à faire découvrir aux classes plusieurs films retenus par un comité de sélection national, paritairement composé de représentants de la culture, de professionnels de l’image et de l’enseignement. Dans Wardi, le Norvégien Mats Grorud raconte l’exclusion sociale et politique du peuple palestinien à travers le regard d’une enfant de 11 ans, et retrace l’histoire traumatique de son grand-père, chassé de son village au moment de la #Nakba en 1948. Commandes de dossiers pédagogiques, recherche d’intervenants pour les classes, tout était prêt – figurent également au programme les 400 coups de François Truffaut et Tous en scène de Vincente Minnelli.

    « Donner des clés »

    Le jour où les CIP sont informés de cette déprogrammation, les enseignants venaient de compléter leur formation, suivie d’un temps d’échanges. Contrairement à ce que le rectorat laisse entendre, rien ne permet alors de conclure à un mouvement de panique, affirme Patrick Facchinetti, délégué général de l’Archipel des lucioles : « Si c’étaient les enseignants eux-mêmes qui avaient souhaité déprogrammer le film au regard du contexte actuel ou d’un manque de formation, on n’aurait pas le pouvoir de leur imposer de le projeter. Au contraire, cela aurait été entendable ! » Et d’ajouter : « Cette décision unilatérale nous pose question. L’école doit rester plus que jamais un sanctuaire où construire l’#esprit_critique des #élèves, apprendre à décoder les images et former des citoyens éclairés. On trouve regrettable de mettre de côté ce #film au regard de son sujet, alors que les jeunes sont en permanence inondés par les images et qu’il est nécessaire de leur donner des clés. »

    Si une marge de discussion semblait encore possible au matin du 13 octobre, jour de l’attaque au couteau dans un lycée d’Arras où est tué l’enseignant Dominique Bernard, le ton du rectorat s’est soudain fait sans appel. Invoquée : l’impossibilité d’assurer la sécurité des enseignants, en première ligne quand il s’agit d’aborder des sujets si complexes. Un comité d’urgence convoqué le 24 octobre en présence de la Drac Ile-de-France et de la ville de Paris n’y fait rien. Contacté par Libération, le rectorat de l’académie de Paris parle plus prudemment d’un #report : « Tous les professeurs qui participent à “Collège au cinéma” ne sont pas professeurs d’#histoire #géographie et par conséquent, ne possèdent pas tous les outils pédagogiques pour expliciter la complexité du contexte actuel. En l’état il nous semblait plus opportun de reporter la projection du film Wardi. » Le film est par ailleurs maintenu par les recteurs des quatre autres départements qui l’avaient sélectionné (le Val-de-Marne, la Lozère, le Lot-et-Garonne et la Marne), dissipant les soupçons d’un arbitrage du ministère de l’Intérieur lui-même.

    « Un si beau témoignage »

    « Les œuvres ne sont pas coupables », déclarait justement l’Observatoire de la liberté de création dans son communiqué du 25 octobre, dénonçant « la vague de déprogrammations et de reports d’œuvres d’artistes palestiniennes et palestiniens, ou dont le sujet a un rapport avec la Palestine ». Peu d’annulations sèches ont été comptabilisées jusqu’ici, mais les ajournements d’événements (tels ceux proposés à l’Institut du monde arabe en marge de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde ») en disent long sur un climat inflammable.

    La sortie le 8 novembre du documentaire Yallah Gaza de Roland Nurier, collection de témoignages sur la situation dramatique de l’enclave palestinienne et le quotidien des civils #gazaouis, en offre encore un exemple. La tournée d’avant-premières prévues dans le réseau du GRAC (qui regroupe les salles Art et Essai de proximité en dehors de Paris) a connu trois déprogrammations en Rhône-Alpes, les exploitants se disant contraints de reporter des séances sous la pression des préfectures ou des mairies locales. « Ces gérants de salles ont cédé, explique Roland Nurier, mais dans 90 % des cas le film est maintenu, les exploitants répondent aux collectivités que le film n’est pas du tout un appel à la haine. Dans un petit village du Tarn-et-Garonne, on a quand même mis quatre gendarmes devant le cinéma… En cas de trouble à l’ordre public j’imagine, alors qu’il n’y a jamais eu aucun souci dans les débats que j’ai animés. »

    Sans nouvelles des protagonistes de son documentaire, à l’exception de son chef opérateur gazaoui Iyad Alasttal, le cinéaste ajoute, ému : « Je ne comprends pas les motivations de déprogrammer un film comme le mien ou comme Wardi, un si beau témoignage de transmission. C’en est presque ridicule. Je ne fais que constater dans mes déplacements une forte empathie du public, une demande de compréhension et de contextualisation de la situation. » La projection de Yallah Gaza prévue à l’Assemblée nationale le 9 novembre est encore à l’ordre du jour, malgré l’interdiction de la venue de la militante Mariam Abudaqa, membre du Front populaire de libération de la Palestine (classée comme organisation terroriste par l’Union européenne) et frappée d’un arrêté d’expulsion.

    « Wardi » : une jeune réfugiée palestinienne sur les traces de son passé
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/13/wardi-une-jeune-refugiee-palestinienne-sur-les-traces-de-son-passe_6042769_3
    Sortie du film "Yallah Gaza" de Roland Nurier
    https://www.france-palestine.org/Sortie-du-film-Yallah-Gaza-de-Roland-Nurier

    #déprogrammation #Palestine #Palestiniens #Proche-Orient

  • Une exposition sur Gengis Khan au Musée d’histoire de Nantes censurée par la Chine
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/13/gengis-khan-censure-par-la-chine-au-musee-d-histoire-de-nantes_6055866_3246.

    Réalisée en partenariat avec le Musée de Mongolie intérieure à Hohhot, en Chine, qui dispose d’un riche fonds archéologique, artistique et cartographique sur ce sujet, elle avait pour ambition de mettre en lumière l’un des plus grands conquérants de l’histoire, né vers 1160 et mort en 1227, fondateur de l’Empire portant son nom. Deux cent vingt-cinq pièces, dont des sceaux impériaux et des objets en or des XIIIe et XIVe siècles jamais vus en France, devaient faire le voyage à Nantes.

    China insists Genghis Khan exhibit not use words ’Genghis Khan’ | China | The Guardian

    http://www.theguardian.com/world/2020/oct/14/china-insists-genghis-khan-exhibit-not-use-words-genghis-khan

    A French museum has postponed an exhibit about the Mongol emperor Genghis Khan citing interference by the Chinese government, which it accuses of trying to rewrite history.

    The Château des ducs de Bretagne history museum in the western city of Nantes said it was putting the show about the fearsome 13th century leader on hold for over three years.

    The museum’s director, Bertrand Guillet, said: “We made the decision to stop this production in the name of the human, scientific and ethical values that we defend.”

    #chine #Mongolie #roman_national #nationalisme #manipulation #histoire

  • « Un pays qui se tient sage » : une radiographie des violences policières
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/09/30/un-pays-qui-se-tient-sage-une-radiographie-des-violences-policieres_6054169_

    Le journaliste et documentariste David Dufresne confronte diverses personnalités aux récents dérapages de l’institution pour de fructueux dialogues. Loin du sentiment de reconnaissance à l’égard de la police qui marquait les défilés de 2015 consécutifs aux attentats islamistes à Paris, le récent épisode social des « gilets jaunes », et son climat de violence dont la police fut partie prenante, a notablement refroidi le climat. Qui, aujourd’hui, fort des images relayées par les réseaux sociaux, n’a pas (...)

    #journalisme #police #violence

  • « Effacer l’historique » : trois « gilets jaunes » en guerre contre l’intelligence artificielle
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/08/25/effacer-l-historique-trois-gilets-jaunes-en-guerre-contre-l-intelligence-art


    Corinne Masiero, Denis Podalydès et Blanche Gardin dans le film « Effacer l’historique », de Benoît Delépine et Gustave Kervern.
    LES FILMS DU WORSO / AD VITAM DISTRIBUTION

    Contempteurs de la stupidité systémique, peintres de la misère techno-mentale contemporaine, apôtres d’un anarcho-surréalisme vigoureux, Benoît Delépine et Gustave Kervern partent séance tenante en guerre contre l’intelligence artificielle. Ils réunissent pour ce faire trois spécimens d’un lotissement des Hauts-de-France ayant maille à partir avec ladite réalité.

    Marie (Blanche Gardin) – divorcée, alcoolique, dépressive – victime d’un chantage à la sextape par un étudiant en business school, suivi aux confins d’une nuit d’ivresse, qui se lance de la plus belle manière dans la carrière. Christine (Corinne Masiero), chauffeur VTC, grande gueule et ex-addict aux séries qui se soigne, mais qui enrage de voir la note que lui attribuent ses clients stagner lamentablement et grever sa nouvelle carrière. Bertrand (Denis Podalydès), enfin, serrurier aux abois et à perruque rousse, proie naïve des mirages du Net, dont la fille est victime de harcèlement numérique sur Facebook.

    Les trois se sont connus de fraîche date, sur un rond-point où ils partageaient l’habit jaune, la cannette de bière au frais dans les fourrés et leur commune solitude. Ça crée des liens. Ils vont donc tenter de s’entraider et partir en guerre, rien moins, contre les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ambitieux projet mené tambour battant par Marie, qui craint, si la sextape tombait sous le regard de son fils adolescent, dont la garde a déjà été confiée à son père, de déchoir plus encore à ses yeux. La voici à cet effet introduite par Christine – qui cherche elle-même à faire remonter sa cotation auprès de son entreprise – auprès d’un vieux geek ultime (Bouli Lanners, clandestin à pied d’œuvre à l’abri d’une éolienne).

    Avouant son impuissance devant la puissance diffractée et insaisissable du cloud, le pirate informatique évoque toutefois les data centers qu’il importerait, dans l’idéal, d’investir. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les trois mousquetaires, à l’initiative de Marie, se chargent chacun d’une mission susceptible de résoudre leur problème particulier. Tandis qu’elle prend l’avion pour San Francisco, réclamant une « sextape des Hauts-de-France » au seuil d’un hangar mieux gardé que le Pentagone, Christine va demander des comptes à qui de droit sur la raison de sa stagnation, et Bertrand, censé se rendre en Irlande, s’envole subrepticement vers La Réunion pour se déclarer à « Miranda », dont la voix le tient sous son charme depuis des mois.

    #paywall

    • https://www.telerama.fr/cinema/films/effacer-lhistorique,n6595949.php

      Critique par Marie Sauvion
      Trois Gilets jaunes s’allient contre les géants du Net qui empoisonnent leur quotidien. Une comédie hilarante et désespérée sur l’absurdité de la société.

      Dans I Feel Good, l’antipathique et savoureux crétin joué par Jean Dujardin se rêvait en Bill Gates des Pyrénées-Atlantiques. Deux ans plus tard, les anti­héros d’Effacer l’historique nagent en plein cauchemar à cause des Gafa, ces géants de l’économie numérique régissant nos vies connectées depuis leurs forteresses californiennes. Après une nuit d’ivresse au bien nommé bar Badaboum, voilà Marie (Blanche Gardin) victime d’un chantage à la sextape (« Il faut que je paie mes études de commerce », se justifie le saligaud incarné par Vincent Lacoste). Tout surendetté qu’il est, Bertrand (Denis Podalydès), lui, ne peut rien refuser à une voix suave de démarcheuse téléphonique, au point de s’éprendre à distance de cette Miranda qui vend des vérandas. Quant à Christine (Corinne Masiero), chauffeuse VTC chez Hollywood VIP Star Car, elle encaisse jour après jour les mauvaises notes de ses clients sans savoir pourquoi.

      Pourquoi ? Mais parce que le monde marche sur la tête, répondent avec brio Benoît Delépine et Gustave Kervern dans ce neuvième long métrage, couronné par un Ours d’argent à Berlin. Les comédies les plus désespérées sont les plus belles, aussi précipitent-ils leurs trois pots de terre, déjà bien fêlés, contre un pot de fer en face duquel même Dieu semble impuissant — Dieu, ici, étant un hacker de génie (Bouli Lanners) qui opère depuis le cœur d’une éolienne. Logique, quand on veut combattre des moulins à vent.

      D’un banal lotissement de la périphérie d’Arras à la Silicon Valley, Delépine et Kervern mettent en scène une guerre perdue d’avance. Qu’importe. Leurs nouvelles recrues — Blanche Gardin en tête, tellement parfaite dans leur univers — partent la fleur au fusil et l’amitié en bandoulière. Née sur un rond-point, la réconfortante solidarité du trio de Gilets jaunes adoucit un quotidien kafkaïen où une latte de lit, commandée en Chine, se retrouve bloquée au canal de Suez, tandis qu’un bureau de poste déménage à 50 kilomètres de ses usagers suspendus au prix du gasoil.

      Forts de trouvailles hilarantes (« J’ai été obligé d’acheter un antivirus gratuit à 14 € par mois »), les auteurs du Grand Soir racontent les insomnies d’humains dépassés mais pas obsolètes. La coquetterie punk du film, le grain malpoli de sa pellicule super-16, ses angles volontairement tordus, ses provocations — le smartphone de Bertrand, taché de sperme, qui reste collé à sa joue, clin d’œil à Mary à tout prix, des frères Farrelly — portent haut la signature des zozos de Groland. Leur rire, pourtant, finit toujours par s’étrangler. En témoigne une séquence sidérante où un livreur de packs d’eau éreinté (Benoît Poelvoorde) se laisse convaincre d’accepter un café pour sa peine, puis fond en larmes à l’idée que son employeur l’apprenne. On rit, on rit, et soudain plus du tout.

  • Avec « Coronation », Ai Weiwei offre une plongée passionnante dans Wuhan
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/08/24/avec-coronation-ai-weiwei-offre-une-plongee-passionnante-dans-wuhan_6049770_

    Bien que réfugié en Europe depuis 2015, l’artiste Ai Weiwei n’oublie pas la Chine. Coronation, le documentaire qu’il vient de réaliser sur le confinement de Wuhan, visible sur Internet, le prouve. Tourné, selon le générique, par une douzaine de personnes vivant dans la métropole chinoise, ce documentaire de près de deux heures offre des images inédites et la plupart du temps saisissantes. Sans en révéler la teneur, la scène finale, au funérarium, constitue à elle seule un véritable morceau d’anthologie. Avant d’en arriver là, Ai Weiwei a opté pour une présentation classiquement chronologique des soixante-seize jours de confinement (23 janvier-8 avril) de cette métropole de 11 millions d’habitants, soudainement paralysée à la veille du nouvel an lunaire. La première image est un survol de l’immense gare de la capitale du Hubei, la nuit, avec des dizaines de trains rapides immobilisés. Tant la musique électronique que les abondantes chutes de neige plongent, dès le début, le spectateur dans une ambiance de fin du monde. Assez vite, celle-ci fait place à une deuxième séquence tout aussi irréelle. A la ville déserte succèdent des hôpitaux futuristes. Un nouveau monde. La modernité des équipements y est impressionnante, tout comme les précautions sanitaires extrêmes que prennent les médecins, vêtus non pas d’une mais de deux combinaisons intégrales. Marchant comme des astronautes à travers de longs couloirs aseptisés, ceux-ci se dépensent sans compter. On en voit même s’endormir d’épuisement sur une chaise alors qu’ils sont au chevet d’un malade cerné d’écrans et de tuyaux. Leur professionnalisme et leur dévouement forcent l’admiration.On se dit alors qu’un film de propagande aurait pu montrer de telles scènes. Et c’est évidemment à ce moment que le documentaire bascule, montrant justement deux scènes de propagande. La première est le briefing des chauffeurs de bus chargés du transport des personnels médicaux venus de tout le pays aider Wuhan.

    #Covid-19#migrant#migration#chine#immobilite#confinement#politique#sante#mortalite#politique#propagande

  • George #Orwell et son roman dystopique « #1984 » entrent dans « La Pléiade »
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/26/george-orwell-et-son-roman-dystopique-1984-entrent-dans-la-pleiade_6044344_3

    Cette édition sera dirigée par le grand spécialiste et traducteur de #littérature en #langue anglaise Philippe Jaworski, déjà à l’œuvre pour les éditions de Philip Roth, Herman Melville, Francis Scott Fitzgerald et Jack London publiées dans « La Pléiade ».

    Professeur de littérature américaine à l’université Paris-Diderot, il a lui-même retraduit le livre-phare de George Orwell, 1984. Cette nouvelle version d’un roman devenu monument de la littérature mondiale sera à n’en pas douter scrutée avec attention.

    [...] publié en français en 1950, ce roman d’Orwell, nom de plume d’Eric Arthur Blair, avait déjà bénéficié d’une nouvelle #traduction en français en 2018 due à la traductrice Josée Kamoun.

  • https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/19/fete-de-la-musique-franck-riester-devoile-les-regles-qui-encadreront-la-soir

    Et donc on pourra aller échanger ses microbes dans les bars, mais pas jouer dehors dans des conditions ou généralement quelques personnes s’arrêtent pour écouter, et où de toutes façons il y a généralement de la place pour s’espacer (en tout cas dans le cas de ma petite ville ça fonctionne). Bande de nases...

    #défaite_de_la_musique #musique #contrôle_social et #peigne_cul pour faire bonne mesure.

  • Regarder Paname avec les yeux d’un bouquiniste
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/17/regarder-paname-avec-les-yeux-d-un-bouquiniste_6043220_3246.html

    Naaan, Thaï-Luc, j’y crois pas... moi qui suis un fan absolu de la Souris première version. J’ai tous les vinyls... et je pourrais les faire dédicacer. Ouah ;-)
    « On fera n’importe quoi, on fera comme les copains
    On fera n’importe quoi par solidarité ».

    Sous les platanes balayés par le vent qui remonte la Seine, Tai-Luc Nguyen Tan surveille d’un œil placide ses huit mètres linéaires de livres d’occasion. Une vieille édition d’Au pays des brigands gentilshommes, d’Alexandra David-Néel (Plon, 1933), côtoie Les Prévisions de Lénine sur les tempêtes révolutionnaires en Orient (Editions en langues étrangères, 1970, Pékin), Le Chamanisme des Kalash du Pakistan (Presses universitaires de Lyon, 1990) voisine avec une somme sur l’Internationale situationniste.

    L’étalage réglementaire de tout bouquiniste parisien : quatre boîtes en bois de deux mètres, vert bouteille, et aucun trou de fixation dans les lourds parapets de pierre de taille pour fixer ces bazars vétustes uniquement retenus par le poids des livres. Maintenues fermées pendant plusieurs mois en raison de la crise sanitaire, les boîtes, qui avaient déjà subi le contrecoup des manifestations des « gilets jaunes » et les grèves des transports, commencent à rouvrir.

    #Musique #Thaï-Luc #La_souris_déglinglée

    • Un jeune homme cherche Cantilènes en gelée (1950), de Boris Vian – « La version longue. » Chou blanc. Sourires. Antoine Assaf, écrivain libanais, tee-shirt rose et panama blanc, passe en voisin depuis Saint-Germain-des-Prés, de l’autre côté du fleuve. Il a dégoté une Histoire de France du duc de Castries pour sa mère : « Pas pour le sujet, pour l’écriture… Ils avaient du style, ces ducs. » Il désigne le bouquiniste : « Lui, faut voir, c’est un aventurier, il fait voyager ! » Surgi de nulle part, un biffin aux allures de conspirateur propose quelques ouvrages. Le bouquiniste inspecte : « Rien pour moi, là-dedans », répond-il poliment.

      Quai de Gesvres, à Paris, face au n° 2. Tai-Luc a le sourire discret. Il a tendu un tabouret. On s’est assis. Et, ensemble, on regarde la vie s’égrener dans le va-et-vient des quidams en goguette et des pétarades de bagnoles. Si on était à la Bibliothèque nationale, on irait rechercher dans l’incunable Guide des sergens de ville et autres préposés de l’administration de la police (1831, p. 216) cet amusant constat : « Ce quai, par sa situation, près des quartiers populeux, et son exposition au soleil du midi, est le rendez-vous des oisifs. »

      Un gosse des banlieues

      Voilà trois ans que Tai-Luc a posé ses guêtres ici. Avant, il était rockeur, leader d’un groupe rock punk parisien mythique, La Souris déglinguée alias LSD. « Combien y a-t-il de samedis soir/Pour tous les gens comme toi et moi ?/ Combien y a-t-il de faux espoirs/Au fond du cœur de la jeunesse ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour la main-d’œuvre bon marché ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour les rockeurs manutentionnaires ? », chantait Tai-Luc en 1981. Aujourd’hui, à bientôt 62 ans, il tient salon sur un morceau de trottoir.

      « Depuis l’adolescence, je passe mon temps à chiner, confie-t-il. Les puces de Montreuil ou de Saint-Ouen, pour moi, c’est les Galeries Lafayette. Cette tendance à ramasser, ça doit venir de ma grand-mère, elle était pucière dans les années 1950… Moi, je ne suis jamais que ça, un biffin de luxe. » Côté maternel, on est Breton et ch’ti de la baie de Somme. Un jour, sa mère, sténodactylo, tombe amoureuse d’un titi parisien, débarqué autrefois de Cochinchine (dans le sud de l’actuel Vietnam), qui tient une salle de sport dans le Quartier latin. L’homme est beau gosse, il a même joué les vedettes de cinéma dans un film vietnamien tourné en Camargue que le fiston découvrira soixante ans plus tard : Vi dau nen noi, de Pham Van Nhan (1954, titre français : La Justice des hommes).

      Fils unique et tardif, Tai-Luc, lui, est un gosse des banlieues : Montmagny (« 95360 »), Nogent, Saint-Ouen, Vélizy… Il gravite autour de la capitale. « Suivant mes interlocuteurs, quand je veux rassurer, je parle du lycée Hoche à Versailles où j’ai passé mon bac, ou de Sarcelles dont je connais tous les codes », explique-t-il en ajustant sur son crâne tondu ( « plus façon moine que skinhead ») son krama, le foulard cambodgien.

      Il a 14 ans lorsque ses parents se séparent. Un jour qu’il rend visite à son père, celui-ci l’emmène voir un copain qui travaille dans une boutique de disques de la rue des Lombards, l’Open Market. Le gamin vient d’entrer dans un lieu mythique dont le patron, Marc Zermati, va écrire une partie de l’histoire du mouvement punk. Le gosse repart avec un double disque d’Eddie Cochran offert par son père et un 45-tours des Flamin’ Groovies, aujourd’hui collector, qu’on lui a glissé dans la pochette.

      La suite est l’histoire mille fois répétée du rock’n’roll. La première guitare, les tremplins au Golf Drouot, les concerts bastons, les copains morts au champ d’honneur, dix-huit albums au compteur, mais aussi les livres, les voyages à Pékin avec sa « fiancée » qu’il a rencontrée en apprenant le chinois à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), une fille de 23 ans aujourd’hui… Et puis, il y a trois ans, le premier dossier jamais déposé dans sa vie, et qui reçoit une réponse positive : le voilà bouquiniste.

      L’Asie et des habitués

      Un homme s’est arrêté devant le stand. Il fouille. Et repart avec La Lettre perdue (1991), un roman chinois de Feng Jicai. Un autre achète Le Soleil de la mort (1966), du romancier crétois Pandelis Prevelakis. « Quand j’étais petit, je venais ici chercher des Bob Morane », sourit le vieil homme en s’éloignant. On fait remarquer à Tai-Luc que, hormis la jeune fille qui a acheté un Pearl Buck en poche, c’est d’abord un public d’hommes. Il sourit. « Tu aurais dû venir hier : un défilé d’étudiantes… J’ai un copain, un Birman, en mal d’amour, qui vient s’asseoir là où tu es, uniquement pour ça… Il a son carnet plein de 06. »

      Lui qui a étudié le viet, le chinois, le lao, le thaï, à l’Inalco, où il continue de donner des cours de linguistique comparée et d’« écriture des pagodes » (un alphabet à part), possède une boîte entière consacrée à l’Asie : essais, romans, guides, dictionnaires (tibétain-chinois et chinois-tibétain). On y trouve même un Petit Livre rouge de 1967 préfacé par Lin Piao, dirigeant chinois qui compila les citations de Mao pour les distribuer dans tout le pays, et qui sera ensuite accusé de complot et éliminé en 1971. « Malheureusement, il est en français, en chinois, cela vaudrait beaucoup plus cher », regrette notre homme en bon bouquiniste. « Mes meilleurs clients, ce sont eux, les Chinois. Ils viennent pour Notre-Dame et ils achètent des reliques du passé. Et puis il y a les Sud-Américains – Chiliens, Colombiens… –, eux aussi dépensent beaucoup. C’est là que tu vois que le tiers-monde, à présent, c’est ici. »

      Il a ses habitués. Une Vietnamienne qui achète pour son père des revues d’avant 1975, un libraire français de Hongkong… Mais, dit-il, « ce qui est amusant, c’est de mettre en valeur des livres dont tu maîtrises le contenu. Si tu sais ce que tu vends, tu peux lui donner le prix que tu veux. » Ainsi de cet essai de Serge Thion, coécrit avec Ben Kiernan, Khmers rouges ! Matériaux pour l’histoire du communisme au Cambodge, publié aux éditions Jean-Edern Hallier en 1981. Un an auparavant, le sociologue anticolonialiste s’était lourdement abîmé dans le négationnisme aux côtés de Robert Faurisson et avait été viré du CNRS. Prix : 60 euros. « A ce tarif, il faut la technique. Si tu vas chez Boulinier ou Gibert qui rachètent les livres d’occasion, ils t’en donneront 20 centimes. »

      « Une dimension patrimoniale »

      Collectionneur ( « forcément »), il raconte avec fierté sa première prise de guerre, il y a trente-cinq ans, dans un vide-greniers à Aubervilliers. Un livre sur le colonialisme signé NGuyen Ai Quoc acheté pour 1 franc. Car encore fallait-il savoir que ce nom inconnu était l’un des pseudos d’Hô Chi Minh…

      Un homme claudiquant avec de grands cabas sales s’est arrêté devant la collection des Que sais-je ? Il s’intéresse à celui sur Le Calcul vectoriel. On s’étonne. « Oh tu sais, même les clodos lisent et ils achètent », témoigne l’ancien rockeur qui en a vu d’autres question grandeur et misère. De ses années Souris déglinguée, il dit modestement : « On a eu des instantanés professionnels. » De son travail de bouquiniste, il constate : « La Mairie de Paris a besoin de figurants qui donnent une image de Paris telle qu’elle était avant. »
      « Bien sûr, cela a une dimension patrimoniale, comme la tour Eiffel », clame Olivia Polski, l’adjointe d’Anne Hidalgo pour le commerce, qui, à la tête du comité de sélection, octroie les places. « C’est la plus grande librairie à ciel ouvert du monde entier : trois kilomètres ! » Ni taxe ni loyer, mais l’obligation de pratiquer principalement la vente de livres anciens et de gravures (une seule boîte est autorisée pour d’autres produits) et d’ouvrir au moins quatre jours sur sept ( « On passe régulièrement pour vérifier, même si on est plus tolérant en hiver », précise-t-on à la mairie).

      Le métier est rude. Beaucoup de reconversions : des profs, des anciens de la pub, un ex-transformiste de chez Michou, un contrebassiste, quelques libraires… 227 personnalités hautes en couleur, et parfois aussi quelques « ouvre-boîtes », comme on appelle ici les salariés ou bénévoles qui leur filent un coup de main.

      Le vent est tombé. Les pollens des grands arbres recouvrent en partie les livres en vrac. C’est l’heure des passants du soir. Pantalon de velours côtelé jaune, gants de cuir assortis, lunettes d’écaille sur son masque, Pierre Bravo Gala, qui tient le rayon livres d’occasion à la librairie Le Genre urbain, rue de Belleville, fouille de manière compulsive dans le fourbi. Cet ancien de la Gauche prolétarienne repartira avec un Lacan pour sa fille, un roman de Willa Marsh pour lui-même, et quelques rares exemplaires de la revue Utopie créée en 1967 autour de Jean Baudrillard et l’idée d’une « sociologie de l’urbain », qu’il espère revendre, dûment complétés.

      Nous, on reste là, pensifs, à regarder le soleil plonger derrière l’île de la Cité en ruminant la phrase de Mao découverte dans le Petit Livre rouge : « En général est juste ce qui réussit, est faux ce qui échoue… » Certes.

      Laurent Carpentier

      –---------

      Un appel à soutenir ces « braves marchands d’esprit »

      La crise sanitaire liée au Covid-19 a été un troisième coup dur pour les bouquinistes de Paris, après les manifestations des « gilets jaunes » et les grèves des transports, qui les ont privés de touristes et de promeneurs. Pour soutenir ces librairies à ciel ouvert, deux étudiants ont lancé sur Change.org une pétition, « Sauvez les bouquinistes, un enjeu de civilisation ! », avec le soutien de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris. Dans ce texte enflammé, les deux jeunes gens, dénonçant « une société ne jurant que par la viralité du numérique, qui, par son attrait maladif pour la nouveauté, en devient amnésique et néglige son passé », appellent chacun à retrouver le chemin des quais de Seine et à s’arrêter chez ces « braves marchands d’esprit », selon les mots d’Anatole France.

      Les bouquinistes de Paris se verraient bien au patrimoine culturel de l’Unesco (2018)
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/04/20/les-bouquinistes-de-paris-se-verraient-bien-au-patrimoine-culturel-de-l-unes

      Puisque l’ordure négationniste Serge Thion est incidemment cité, ajoutons aux motifs de fâcherie ce qui suit...

      "Le 31 juillet [2016], dans le cadre d’une tournée, La Souris Déglinguée a joué aux Arènes de Fréjus. Le groupe est resté très secret sur l’identité de sa première partie annoncée comme « une grosse surprise ». Au final, c’est le très connu groupe de rock identitaire français In Memoriam qui est apparu sur scène. De plus, le choix de se produire à Fréjus n’est pas anodin, la ville étant passée FN lors des dernières élections municipales."
      https://seenthis.net/messages/533737

      in memoriam

      Rockers - La souris déglinguée
      « Combien y a-t-il de samedis soir/Pour tous les gens comme toi et moi ?/ Combien y a-t-il de faux espoirs/Au fond du cœur de la jeunesse ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour la main-d’œuvre bon marché ?/ Combien y a-t-il de lundis matin/Pour les rockeurs manutentionnaires ? »
      https://www.youtube.com/watch?v=ajl3oDpFaX8

      Une cause à rallier - La souris déglinguée
      « On fera n’importe quoi, on fera comme les copains
      On fera n’importe quoi par solidarité »

      https://www.youtube.com/watch?v=Q9OVX0QAbsQ

      Zut ! Je ne trouve pas en ligne une version originale de Pour tous ceux de la banlieue rouge

      Banlieue rouge, oh banlieue rouge,
      Toi qui viens d’la banlieue rouge
      Par la Chapelle, Gare du Nord
      Qu’est-ce que tu vas faire ce soir ?

      “A vrai dire
      J’en sais rien,
      J’vais voir,
      J’m’en fous“

      lls ne veulent pas de toi
      Dans leurs surprises-parties
      Car ton père est communiste
      Et ton frère est garagiste.

      Comme t’aimes pas être tout seul,
      T’as appelé tous tes copains,
      Tous ceux de la banlieue
      Pour une vraie surprise-partie.

      Sarcelles ! Villetaneuse ! Villejuif ! Planète Marx !

      Banlieue rouge, oh banlieue rouge,
      Toi qui viens d’la banlieue rouge,
      T’as raison faut pas t’gêner,
      Sam’di soir faut t’la donner.

      [épiloque terrible "dans l’ordre alphabétique"] :
      La fin des années 70 - La souris déglinguée ()
      https://www.youtube.com/watch?v=BnT4F4Kh1OY

      #La_Souris_Déglinguée #LSD

    • Je ne sais pas pour Thaï-Luc en 2016 (qu’en 2020 il cite Serge Thion, l’air de rien, est plus que déplaisant). Je ne ne sais pas où s’arrêterait une première période. Mon impression est qu’il y a toujours eu chez LSD beaucoup d’ambiguïté, qui me paraissait attestée par leur tolérance pour toute une frange de leur public. Être « inconditionnel » était impossible, à regret. Je me suis tenu à une distance prudente. Suivre les concerts aurait impliqué de s’engager avec d’autres dans une « chasse aux fafs » résolue alors que je me souciais plutôt, grosso modo, de couper l’herbe sous le pied de cette « roue de secours du capital » par le biais d’autres investissements militants (loin des Halles), d’autres rapports à d’autres territoires.

  • La Rumeur : « L’affaire George Floyd est un miroir tendu par les Etats-Unis » , Stéphanie Binet
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/05/la-rumeur-l-affaire-george-floyd-est-un-miroir-tendu-par-les-etats-unis_6041

    Le groupe de rap La Rumeur, qui a gagné un procès contre le ministère de l’intérieur en 2010 sur les violences policières, réalise un documentaire sur Adama Traoré.

    Parmi les plus de 20 000 personnes présentes lors de la manifestation du 2 juin devant le Tribunal de grande instance de Paris à l’appel du comité Vérité et justice pour Adama Traoré, il y avait le groupe de rap La Rumeur. Hamé Bourokba, un de ses deux leaders, y filmait des images pour le documentaire Pour Adama , qu’il compte diffuser en 2021 et qui retrace le combat de la famille Traoré pour déterminer les responsabilités dans la mort d’Adama en juillet 2016.

    Rappeurs engagés dans les années 1990 et 2000, aujourd’hui cinéastes, Hamé Bourokba et Ekoué Labitey n’ont cessé, dans leurs textes et leurs films, de dénoncer les violences policières. A la suite de la publication en 2002 d’un article titré « Insécurité sous la plume d’un barbare » dans le fanzine qui accompagnait leur premier album, L’Ombre sur la mesure , et évoquait les « centaines de [leurs] frères abattus par les forces de police, sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété » , le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, leur avait intenté un procès pour « atteinte à l’honneur et à la considération de la police nationale » . Après huit ans de procédure, la justice leur donnait raison en cassation en 2010. Dix ans plus tard, Hamé et Ekoué analysent la situation actuelle.

    Comment expliquer cette mobilisation en France ? Les pancartes dans les manifestations à Paris, Toulouse et Montpellier indiquent : « Black lives matter, ici aussi, en France ».

    H. B. : L’affaire George Floyd est un miroir tendu par les Etats-Unis et les gens, ici, s’y voient. Ils y reconnaissent des aspects de leur réalité qui se produisent aussi en France. Il y a eu quelque chose aussi d’assez troublant : dans les jours qui ont suivi la mort de Floyd, la première expertise a tout de suite cherché à exonérer les policiers en dépit de l’évidence et des images vues par tous. Ceux qui s’intéressent de près à l’affaire Adama Traoré ont assisté à la même volonté d’enterrer une affaire en exonérant les forces de l’ordre de leur responsabilité et en produisant des expertises douteuses. Ça n’arrive pas dans n’importe quel contexte non plus.

    Pourquoi maintenant, justement ?

    H. B. : Nous avons tous été mis entre parenthèses pendant deux mois et, à peine déconfinés, nous sommes face à une crise. La crise politique est consommée avec la défiance vis-à-vis du gouvernement actuel, la façon dont il a géré les débuts de la crise sanitaire, son incapacité à mettre la population en sécurité en livrant ne serait-ce que du gel et des masques, l’imbroglio de la communication, sa volonté de maintenir mordicus les élections municipales pour décréter deux jours plus tard le début du confinement… On est dans une crise de confiance politique, et nous basculons dans une crise économique et financière d’une ampleur inédite. Il y a un contexte général où on a l’impression d’être tous à poil. Il y a de quoi provoquer l’inquiétude et la colère. Avant de décréter le confinement, le gouvernement était occupé à parachever le démantèlement du système des retraites par répartition. C’est comme si, au cours de ces semaines, tout s’était vu : le visage hideux et peu reluisant de l’avenir qui nous attend. Ce rassemblement a eu une espèce de vertu cathartique, comme s’il sonnait un déconfinement populaire et militant. Ce n’est pas un hasard si c’est la question des violences policières qui cristallise cette colère, car elles sont un condensé assez flagrant de la violence sociale et politique.

    Depuis combien de temps préparez-vous ce documentaire sur l’affaire Adama Traoré ?

    H. B. : Depuis trois ans. C’est un projet au long cours, il s’agit à la fois de documenter un combat, d’entrer dans le détail de l’affaire et faire aussi le portrait d’une famille. Avant mon arrivée à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), le comité Vérité et justice pour Adama filmait déjà beaucoup sa lutte, postait ses vidéos, des lives sur sa page Facebook. L’idée était de rassembler cette mémoire du combat en train de se faire, de l’organiser en un film et d’y ajouter mon regard. Ce film est le nôtre et le leur.

    En quoi cela résonne-t-il avec l’histoire de La Rumeur ?

    E. L. : En vingt ans, il suffit de se plonger dans nos archives pour se rendre compte que nous étions à l’avant-garde de ces questions. Nous avons été en procès pendant huit ans avec l’Etat. Nous prenons le parti des gens qui n’intéressent personne, dont les vies sont tout sauf spectaculaires mais qui sont finalement les forces vives de ce pays et qui, dans une crise sociale et économique, subissent le système silencieusement mais avec la plus grande violence.

    Que vous inspire aujourd’hui la présence, dans les manifestations, de célébrités comme Omar Sy, Camélia Jordana ou Sara Forestier ?

    H. B. : C’est très bien qu’un maximum de monde s’empare de cette question-là. Elle ne nous appartient pas. Ce dont je me félicite, c’est qu’elle se pose aujourd’hui dans des termes qui étaient peu consensuels il y a quinze ou vingt ans. Le ministère de l’intérieur nous a attaqués en justice pour un article qui ne dévoilait pourtant aucun scoop. Nous pointions des brutalités qui avaient conduit à des morts et qui étaient jusque-là impunies. La réaction du pouvoir policier à cette époque étant disproportionnée, c’est dire la panique qui a pu les gagner devant l’ampleur du rassemblement du mardi 2 juin. Pourtant le mot d’ordre du comité Vérité et justice pour Adama est que la justice s’applique avec la même rigueur quels que soient la victime et le coupable présumés. Il ne demande pas la lune, juste l’égalité de traitement.

    Quand le ministère de l’intérieur vous intente un procès pour diffamation en 2002, comment l’interprétez-vous ?

    H. B. : Ils nous ont fait un grand honneur en nous permettant d’exposer nos arguments devant cinq cours différentes. Attaquer un groupe de rap, il y a quinze ans… Il y avait déjà quelque chose de bête et méchant dans la censure. Nous refuser le droit de légitimement poser des mots sur la réalité des violences policières qui touche de plein fouet les cités et les quartiers depuis des décennies ne les fait en rien disparaître.

    Depuis que vous avez gagné votre procès, avez-vous vu les choses évoluer ?

    H. B. : Ce qui a changé, c’est que les violences policières frappent désormais des catégories de la population qui jusque-là ne les connaissaient pas. Je pense aux récents mouvements sociaux depuis la loi travail et aux « gilets jaunes », dont certains ont même perdu un œil, une main. Il y a eu des incarcérations, puis une lenteur en revanche à instruire les plaintes de manifestants violentés. Ce qui a changé, c’est que la société française devient plus violente, dans le sens où la proportion de personnes et de familles qui sont sur la paille ou vont s’y retrouver explose.

    Le député La République en marche de Paris, Hugues Renson, affirme que « notre modèle républicain est fort heureusement très éloigné du passé ségrégationniste américain ». Qu’en pensez-vous ?

    E. L. : Qu’il continue de le penser, que voulez-vous que je vous dise ? Force est de reconnaître, par exemple, que la situation des Antilles n’est pas historiquement si éloignée. Il y a évidemment des différences et j’invite ce responsable politique à plus de nuance. Nous, dans nos disques, on dresse des constats et, depuis une vingtaine d’années, les faits nous donnent raison.

    H. B. : Nous ne sommes pas idiots au point de dire que la France, c’est les Etats-Unis. Ce sont deux pays différents avec des histoires différentes, un rapport au rôle de l’Etat différent, etc. Ce qui nous a relativement préservés de la violence très crue du modèle américain, ce sont les quelques protections sociales qui nous restaient.

    #Adama_Traoré #George_Floyd #déconfinement_populaire_et_militant #La_Rumeur #film #documentaire #racisme #police #violences_policières #cités #violence_sociale #luttes

  • Face à la paralysie du secteur, les intermittents du spectacle demandent une « année blanche », Sandrine Blanchard
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/04/27/intermittents-annee-blanche-pour-annee-noire_6037905_3246.html

    Artistes et techniciens se mobilisent pour que des mesures soient prises afin de ne pas être radiés de Pôle emploi en raison de la crise due au Covid-19.

    Une « année blanche » pour surmonter l’« année noire » : depuis quelques jours, la mobilisation des intermittents du spectacle monte en puissance pour réclamer une solution radicale face à la situation catastrophique dans laquelle la crise liée au coronavirus a plongé durablement le secteur culturel.

    Afin d’éviter qu’une partie importante des intermittents du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel se retrouvent à court terme sans ressource et radiés de Pôle emploi, deux pétitions qui se sont rejointes (collectifs « Année noire » et « Culture en danger »), réunissant près de 200 000 signatures à la date du lundi 27 avril, ainsi que plusieurs syndicats, réclament l’instauration d’une « année blanche » pour tous. Cela consisterait à prolonger de douze mois (à compter de la date de réouverture des lieux de spectacle) les droits à l’assurance-chômage afin de laisser le temps à tous les projets remis en cause de pouvoir redémarrer. « C’est la seule solution pour éviter l’hécatombe sociale et culturelle, pour éviter de mourir », insiste le comédien Samuel Churin, membre de la Coordination des intermittents et précaires.

    Noire, l’année 2020 l’est et le sera au moins jusqu’à l’automne : la mise à l’arrêt, depuis dimanche 15 mars, des salles de spectacles, de cinéma, des théâtres, des répétitions, des tournages et l’annulation en série des festivals et événements du printemps-été ont stoppé net toute possibilité pour les artistes et techniciens de travailler et d’acquérir les 507 heures annuelles nécessaires à l’ouverture ou au renouvellement de leurs droits au régime spécifique de l’assurance chômage (annexes VIII et X). A cela s’ajoute l’absence de visibilité sur la date à laquelle les lieux pourront de nouveau accueillir des spectateurs. Dans son dernier avis relatif à la sortie progressive du confinement, rendu public samedi 25 avril, le conseil scientifique Covid-19, chargé de conseiller le chef de l’Etat, indique : « Il est nécessaire de maintenir fermés ou interdits tous les lieux et événements qui ont pour objet ou conséquence de rassembler du public en nombre important, qu’il s’agisse de salles fermées ou de lieux en plein air. »

    Deux mesures d’urgence

    Pour l’heure, deux mesures d’urgence ont été prises : les intermittents dont la date anniversaire (ouvrant les droits) tombe entre le 1er mars et le 31 mai verront leurs indemnités prolongées de trois mois. Et la période de confinement sera « neutralisée » pour le calcul des 507 heures. « Les premières mesures ne règlent le problème que pour quelques semaines », souligne Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale CGT des syndicats du spectacle. « Que fait-on après le 31 mai ? »

    « Nos métiers ont des fonctionnements particuliers faits de caractère saisonnier (les festivals de printemps et d’été), et de calendriers contraints (la plupart des salles de spectacle ont leur programmation engagée pour la saison 2020-2021 depuis le mois de février). Ainsi, la plupart des spectacles ou des projets reportés ne pourront se réaliser au mieux qu’un an à un an et demi après la réouverture des salles de spectacle », explique la lettre ouverte envoyée au président de la République, à l’initiative du metteur en scène Jean-Claude Fall. Venue compléter les pétitions, cette lettre est signée par une flopée d’artistes, d’administrateurs de festivals et de compagnies.

    Jeudi 23 avril, devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, Franck Riester a reconnu que « la culture traverse une crise sans précédent. Je ne sais pas si les mots peuvent être suffisants pour décrire la situation dans laquelle nous sommes, étant donné la paralysie du secteur. C’est terrible en termes économique, social, sociétal, car la culture est essentielle ». Lors de son audition, le ministre de la culture a promis de « faire évoluer les dispositifs d’urgence, y compris après le 31 mai, pour maintenir l’accompagnement et n’oublier personne ». Interrogé par plusieurs députées sur l’idée d’une « année blanche », il a esquivé la question et n’a pas pris position.

    « Cette “année blanche” paraît nécessaire et légitime, considère Michèle Victory, députée socialiste de l’Ardèche, sinon on se dirige vers une grande exclusion et beaucoup de personnes au RSA dans moins d’un an ». Pour elle, cette proposition d’« année blanche » est « simple » : « On repart, pour douze mois, sur la même base des indemnités versées l’année précédente. » Au sein de La République en marche (LRM), on reconnaît que le calcul des 507 heures est « un sujet ». « On ne sait pas quand et comment le secteur culturel pourra reprendre. Il y a un besoin de clarification sur l’effet de la neutralisation de la période de confinement. L’idée est quand même de protéger les intermittents », reconnaît la députée LRM de la Seine-Saint-Denis, Sylvie Charrière.

    « Une remise des compteurs à zéro »

    Pour les pétitionnaires, le mécanisme d’« année blanche » « est en quelque sorte une remise des compteurs à zéro ». Cela revient à faire comme si l’année 2020 n’avait pas existé. L’Unédic serait alors appelée à prendre comme référence l’exercice 2019 pour permettre à chacun de reprendre son souffle. « Cette solution a le mérite d’être simple, claire et relativement peu onéreuse, la plupart des intermittents auraient, en effet, dans des circonstances normales, reconstitué leurs droits comme ils le font habituellement », indique la lettre ouverte. Si rien n’est fait, « cela reviendrait à ce que l’assurance-chômage fasse des économies sur le dos des intermittents », affirme Denis Gravouil.

    A Franck Riester, qui ne cesse de répéter qu’« il n’y aura pas de trous dans la raquette », les pétitionnaires font valoir que la recommandation d’une « année blanche » lui permettrait « de réduire les coûts financiers en gestion humaine et financière, de ne pas empiler les calculs compliqués et de ne pas multiplier les solutions imprécises ».

    Se souvenant avoir « vendu 78 dates de représentations » lors de son dernier Festival d’Avignon, Samuel Churin redoute une « déflagration » dans le domaine du spectacle vivant. « Tous les spectacles reportés du fait du confinement vont boucher l’entrée aux nouvelles créations pendant près d’une saison », prévient-il. Devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le ministre s’est dit « conscient du drame vécu », tout en reconnaissant qu’en attente de la doctrine nationale en matière de règles sanitaires, il n’avait pas « les réponses à toutes les questions ».

    Un fonds exceptionnel de solidarité

    « Le plus dur va être de convaincre Bercy et la ministre du travail, Muriel Pénicaud », redoute Denis Gravouil. « Sur ce coup-là, Franck Riester a une carte politique à jouer. Il sera celui qui sauve le système… ou qui l’enterre », résume Samuel Churin. Le comédien rappelle qu’en 2004, Renaud Donnedieu de Vabres, l’un de ses prédécesseurs rue de Valois, avait sauvé le système de l’intermittence sans attendre l’arbitrage de Bercy. « Il devrait l’appeler », sourit-il.

    Dans un courrier adressé mercredi 22 avril à Franck Riester, les députés socialistes et apparentés de la commission des affaires culturelles demandent un fonds exceptionnel de solidarité de 300 millions d’euros pour les artistes et techniciens. « En 2004, dans une période déjà explosive pour les intermittents du spectacle, un fonds similaire avait été mis en place pour douze mois et avait ainsi permis de sauver de la déroute la majorité des artistes », soulignent-ils.

    Pour l’heure, le fonds d’urgence est de 22 millions d’euros. « On est loin du compte et je ne suis pas très optimiste, glisse Michèle Victory. Pourtant, on ne peut pas à la fois dire que la culture est essentielle et ne pas mettre les moyens pour la sauvegarder. »

    #Intermittents_du_spectale #chômage #allocation_chômage #précarisation #pétition #spectacle

    • Intermittence du spectacle : LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE - #Pétition

      https://www.change.org/p/présidence-de-la-république-culture-en-danger-lettre-ouverte-au-président-de

      Monsieur le Président,

      Nous avons peur, peur pour nous et pour la culture de notre pays.

      Nous avons peur que, malgré les efforts des uns et des autres, les mises en garde répétées venues de tous bords, votre gouvernement ne soit pas assez en alerte sur les problèmes à venir pour les artistes et les technicien-ne-s intermittent-e-s du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel, dans un temps qui va s’accélérant.

      Comme d’autres corps de métiers, comme tant d’autres travailleurs précaires et chômeurs, les salarié-e-s intermittent-e-s sont terriblement impacté-e-s par la crise du COVID19 [...].

      NOUS DEMANDONS DONC QUE LES DROITS DE TOUS LES ARTISTES ET LES TECHNICIEN-NE-S INTERMITTENT-E-S SOIENT PROLONGÉS D’UNE ANNÉE AU DELÀ DES MOIS Où TOUTE ACTIVITÉ AURA ÉTÉ IMPOSSIBLE.

      Une remise des compteurs à zéro en quelque sorte.
      Bien sûr, nous avons conscience que l’ensemble des chômeurs et précaires doivent bénéficier de mesures analogues .

      Les salarié-e-s intermittent-e-s qui auraient rapidement reconstitué leurs heures ouvrant droit à indemnisation verraient leur date anniversaire (et leur indemnisation) recalculée, de façon que le système retrouve son état normal le plus rapidement possible.

      De cette façon tou-te-s seraient traité-e-s de façon égale. Pas de privilégié-e-s par le hasard de circonstances heureuses (spectacles reportés dans un délai rapide, nouveaux projets où pourraient se trouver engagé-e-s des intermittent-e-s qui avaient vu leurs projets initiaux reportés ou annulés, etc.).
      Cette solution a le mérite d’être simple, claire, radicale et relativement peu onéreuse (la plupart des intermittent-e-s auraient en effet, dans des circonstances normales, reconstitué leurs droits comme ils le font habituellement).

      #lettre

    • Il est question de #date_anniversaire. ’Il n’y en plus depuis la « réforme » de l’Unédic de 2003 (ce n’est plus sur un an mais sur 8 mois et demi pour les techos et 10 pour les « artistes » qu’il faut effectuer les 507 heures : hausse du temps de travail pour ouvrir des droits, prime à l’employabilité et sanction financière pour qui n’est pas assez « actif »).

      Dire « la plupart des intermittent-e-s auraient en effet, dans des circonstances normales, reconstitué leurs droits comme ils le font habituellement », est un pieux mensonge. Depuis 2003, l’intermittence de l’intermittence s’est développée, ceux qui ne se sont pas réfugiés dans les CDI, ceux qui n’ont pas dégringolés dans l’auto-entrepreneuriat ou d’autres modalités qui n’ouvrent pas droit aux annexes 8 et 10 de l’Unédic connaissent des ruptures de droit à allocation chômage et une partie d’entre eux parvient à réouvrir des droits après une période sas allocation.

      Lorsque des festivals ont été annulés, des films bloqués avant même leur diffusion en salle, des plateaux tv envahis et des émissions interrompues, des employeurs et institutions occcupés en grand nombre, dire que ce qui était demandé (une continuité de droits) ne coûtait pas cher correspondait à une réalité mesurable. Il ne reste de cela qu’un argument tactique qui ne tient pas la route (sauf capacité de nuisance économique et symbolique forte pour l’étayer à nouveau).

      Idem pour ce qui est de la référence aux autres chômeurs et précaires, elle ne demeure présente qu’en tant que supplément d’âme affiché pour établir un contre-feu destiné à prévenir l’accusation de privilégiature (souvent des taffs moins atroces, voire « épanouissants », la possibilité pour une partie des concernés d’avoir du temps libre, de produire sans emploi en utilisant les allocations, des droits moins miteux), évidement utilisée pour délégitimer les revendications et exciter le ressentiment de ceux qui se lèvent tôt le matin, ou voient leur fin de mois débuter entre le 6 et le 12.
      Or, les « chômeurs en activité réduite » sont plus que jamais légion, et ceux de l’hôtellerie restauration commerce sont dans une situation très voisine pour celui concerne les droits au chômage après le chômage partiel de la crise sanitaire. Si ce n’est que eux ne sont pas épargnés par la réforme du chômage qui vient et supprime les droits rechargeables en divisant le montant de l’allocation journalière (des droits calculés sans « salaire journalier de référence » puis que la référence sera le salaire gagné sur le mois, quelque soit le nombre de jours employés).

      Sous le coup de la concurrence accrue (et des tripatouillage de Valls qui avait fait mine de « négocier » en jouant la concertation qui coûte pas cher) ce qui redémarre peut-être parait avoir fait litière de l’expérience des vaincus. Et si à la faveur de la crise, celle-ci revenait sans crier gare ?

      EDIT mel reçu :

      depuis 2016, la date d’anniversaire est de nouveau d’actualité pour les intermittent.e.s du spectacle, annexe 8 et 10. On doit faire 507 heures entre : la date T du dernier contrat qui compte pour l’ouverture des droits à venir et la date T+365 (sauf si on est sous contrat à ce moment-là, on attend la fin du contrat en cours). Le truc qui craint c’est que si par exemple tu fais tes 507h entre le 13 juin 2019 et le 1er janvier 2020 et qu’après tu ne travailles plus jusqu’au 13 juin 2020 (date de réexamen) ta nouvelle date anniversaire devient le 1er janvier et du coup tu devras faire tes 507 heures entre le 14 juin 2020 et le 1er janvier 2021 (c’est ce qu’on appelle la date d’anniversaire mouvante). D’où l’intérêt à chaque fois de dégoter un contrat précédant de tout près de ta date anniversaire.

  • « Si on ne peut pas produire de spectacles à la rentrée, le pire s’annonce » : le coronavirus, crash test pour le secteur de la culture, Michel Guerrin, Brigitte Salino
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/04/21/le-coronavirus-crash-test-pour-le-secteur-de-la-culture_6037247_3246.html

    ENQUÊTE La crise sanitaire a provoqué un violent coup d’arrêt dans le monde des arts et des spectacles, qui ne compte plus les événements annulés ou repoussés. Cinémas, librairies, théâtres et musées ne savent pas s’ils vont pouvoir tenir ainsi au-delà de l’été.

    Tous les deux jours, Richard Patry va au cinéma. Le sien, à Elbeuf (Seine-Maritime), où il est né et habite, là où tout a commencé. Il l’a acheté à 24 ans avec l’argent des banques. A 55 ans, il possède 74 écrans, surtout en Normandie. Il a une tendresse pour son Grand Mercure. Il n’y a plus d’affiches dans le hall. Personne à la caisse. Il descend dans la grande salle, s’assoit au milieu. « Et là, parfois, je suis en larmes. » Pas un spectateur depuis le 14 mars. Quand il fait ses courses, il passe devant le bâtiment et croise son public, dans la rue, à distance.

    Jean-Marc Pailhole pleure, lui aussi, quand il se rend dans son Cargo de nuit, une salle de concert de 350 places à Arles (Bouches-du-Rhône). « Dans le silence, j’entends la musique des concerts passés, j’entends les gens heureux, et je repars avec mon blues. » Jean-François Chougnet, lui, dirige le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille : « C’est horrible, les œuvres sont comme abandonnées. » Parfois, il les prend en photo. Pour se donner du moral, il jette un œil sur le jardin qui surplombe la mer, « magnifique en cette saison » . Olivier Haber pilote la Seine musicale, salle de 6 500 places à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Il lâche : « Tous les jours, je fais le deuil des spectacles que j’annule. »

    Il y a 2 000 cinémas en France, 2 500 salles de musique, 3 000 librairies, 1 200 musées, 16 000 bibliothèques, 1 000 théâtres. Un maillage du territoire unique au monde. Des lieux en dur, comme on dit, où se retrouve le public toute l’année. Des lieux qui donnent le tempo de la France culturelle et tissent du lien social. « On se rend compte maintenant qu’ils sont précieux pour notre santé mentale » , confie Jean-Marc Pailhole.

    Ces lieux sont petits ou gros, privés ou publics, appellent le silence ou la clameur, mais leurs patrons se retrouvent dans cette phrase de Shakespeare, relayée par le metteur en scène Peter Brook et Olivier Mantei, directeur du Théâtre des Bouffes du Nord et de l’Opéra-Comique, à Paris : « The readiness is all [“il faut être prêt à tout”]. »

    « De la sidération à la dépression »

    Nous avons écouté une trentaine de ces directeurs. Pour comprendre ce qu’ils ressentent et ce qu’ils font. « Je suis passé de la sidération à la dépression » , résume Richard Patry. Ils ont dû accepter des fermetures bien plus longues que prévu. Oublier les spectacles passés, qui marchaient fort, dit Olivier Mantei. Ecouter du chant grégorien, comme le fait Chris Dercon, président du Grand Palais, à Paris. Hervé Chandès, directeur de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, relit Paul Virilio, qui a théorisé la notion d’accident planétaire, ou médite un bout de papier griffonné par l’artiste Raymond Hains : « Aujourd’hui, c’est quand même formidable parce que c’est aujourd’hui. »

    Des directeurs touchés par le virus se soignent. Certains gagnent leurs lieux pour soutenir les rares agents sur place, qui multiplient les rondes pour prévenir les cambriolages ou les inondations, alors que d’autres veillent à ce que les œuvres ne soient pas infectées par des insectes. Les patrons de cinéma font tourner le projecteur numérique pour le maintenir en état. Les couturières de la Comédie-Française fabriquent des masques à la maison avec leurs machines à coudre, tandis que les soixante comédiens, « des lions en cage » , qui perdent 40 % de revenus depuis qu’ils ne sont plus sur scène, jouent pour le site en ligne. Les danseurs et musiciens de l’Opéra de Paris, qui sont des sportifs de haut niveau, s’entraînent tant bien que mal chez eux ou ailleurs. Dans les jardins du château de Versailles, les plantations printanières vont bon train. A la Bibliothèque nationale de France, les 3 000 places de lecture sont désertes, mais la climatisation tourne pour protéger les 40 millions de documents. Beaucoup s’évertuent à rassurer les personnels, payés sans pouvoir travailler et qui imaginent « un scénario de fin du monde » .

    Drôle de vie que d’attendre des jours meilleurs sans les voir venir. Depuis qu’Emmanuel Macron a parlé, le 13 avril, c’est la douche froide pour ceux qui pensaient rouvrir en avril, mai, juin ou juillet. Les patrons de grosses salles de concert disent déjà que l’automne sera périlleux. D’autres affirment que tant qu’il n’y aura pas de vaccin, donc pas avant 2021, les lieux culturels seront fragiles. Dix-huit mois de fermeture, c’est ce que recommande l’une des Académies régionales des sciences d’Allemagne pour les grandes salles de spectacle. Une éternité.

    Septembre, le juge de paix

    Aussi certains ont pris les devants avant même que M. Macron ne parle. Laurent Bayle, le patron de la Philharmonie, à Paris, a annulé tous les concerts dans sa salle de 2 400 places jusqu’à la fin août. Cyrille Bonin a fait de même pour Le Transbordeur (1 800 places), à Villeurbanne (Rhône). Olivier Haber ne voit pas comment accueillir la chanteuse Björk à la Seine musicale, fin juillet. « Il faut oublier et avancer. »

    Les librairies surtout, les cinémas aussi, aux jauges plus modestes, s’accrochent aux branches et espèrent pouvoir ouvrir avant l’été. Et si c’était septembre ? « Ne parlez pas de malheur ! » , répond Richard Patry. L’expression « small is beautiful » est néanmoins une valeur en hausse. Les libraires font leur inventaire, rangent, rafraîchissent leur vitrine. Plusieurs en France déposent déjà un livre ou un petit paquet à leurs clients. « On est prêt à ouvrir du jour au lendemain » , dit Rémy Ehlinger, qui tient la librairie Coiffard, à Nantes, et prépare aussi la rentrée littéraire. Comme les livres n’arrivent pas, il les lit sur ordinateur. « Pas sur tablette, je déteste. »

    Le juge de paix des théâtres, après la trêve estivale qui a fauché Avignon, c’est septembre. « Si on ne peut pas produire de spectacles à la rentrée, le pire s’annonce » , lâche Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé. « Oui, mais nous sommes sur un fil » , confie Pierre-Yves Lenoir, codirecteur du Théâtre des Célestins, à Lyon.

    Entendez : c’est bien beau d’ouvrir, mais dans quelles conditions pour le public, le personnel, les artistes, quand on sait que le virus raffole des lieux clos ? Le public se frôle, se touche, se parle, s’embrasse. Sur scène, les musiciens soufflent, les chanteurs hurlent, les choristes sont soudés, les comédiens s’enlacent, se battent, crient, postillonnent. « On représente tout ce qu’il ne faut pas faire » , dit Stéphane Lissner, en pensant aux 2 700 places et au plateau immense et souvent foisonnant de l’Opéra Bastille. « La culture incarne le partage physique et émotionnel », ajoute Christian Thorel, de la librairie Ombres blanches, à Toulouse.

    Le public reviendra-t-il ?

    Il faudra faire avec des mesures barrières, variables selon l’art et la jauge, selon que le public bouge ou est assis. Ne pas oublier les personnels. Le groupe de protection sociale Audiens a confié au professeur François Bricaire une étude visant à édicter des règles sanitaires dans la culture. En fait, tous les lieux planchent déjà sur la question. Au Prodiss, syndicat qui réunit la filière musicale, les idées fusent, dont certaines finiront dans un plan pour l’automne : certificats de santé, prise de température, distribution de masques et de gel, sas de sécurité avant la salle, heures d’arrivée imposées, jauge réduite… « Et pourquoi pas une prise de sang, tant qu’on y est, ou une interdiction aux plus de 60 ans ? » , raille un directeur de salle.

    Car la question divise. Certains sont prêts à toutes les contraintes pour rouvrir, tel Jean-Marc Pailhole : « Sinon on va devenir fous… » D’autres s’interrogent. Il n’est pas évident, avec un masque, de communier avec une rock star. « Comment imaginer un spectateur masqué tous les trois sièges alors que les comédiens ne le seront pas ? » , renchérit Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française. Comment imaginer des files d’attente de 300 mètres ? « D’accord pour réduire la jauge des cinémas de 50 %, mais au-delà, ça n’a plus de sens » , dit Richard Patry, qui préside aussi la Fédération nationale des cinémas français.

    C’est le public qui décidera, en venant ou pas. Les millions de Français qui, pendant des mois, auront dévoré des films à la télévision ou à travers des plates-formes, en toute sécurité depuis leur salon et pour pas cher, prendront-ils le risque de la salle ? « C’est ma plus grande angoisse » , répond Richard Patry. Un sondage répond oui, un autre non. Trop tôt pour savoir.

    Cela dépendra aussi du porte-monnaie des Français, alors que la récession et le chômage pointent. Mais aussi de l’offre des lieux culturels. Au début du confinement, on a cru que les fermetures du printemps provoqueraient un engorgement à l’été et à l’automne. Aujourd’hui, c’est le contraire qui se profile. Une grande partie du secteur culturel est portée par des stars souvent étrangères, dépendant d’une chaîne mondialisée, lourde, coûteuse et risquée. Leur pénurie se profile jusqu’à décembre. Si, en plus des avions qui ne volent pas, le déconfinement varie d’un pays à l’autre…

    « On n’aura pas les blockbusters cet été »

    Prenons l’exemple du cinéma. « Pour une vraie reprise, il faudra des films forts. Pas sûr que nous les aurons » , s’inquiète François Aymé, président de l’Association française des cinémas d’art et essai. « On n’aura pas les blockbusters cet été » , ajoute Richard Patry, citant uniquement Mulan, de Niki Caro, produit par Disney, dont la sortie a été repoussée de mars à juillet, et Tenet, de Christopher Nolan, programmé pour le 22 juillet. Un autre film Disney, Raya et le dernier dragon, est même reporté à 2021. Et puis, plusieurs films qui devaient être tournés au printemps ne seront pas prêts pour l’automne. Et même s’il y aura le 25e James Bond, qui ne sortira finalement qu’en novembre, « le succès des salles reposera surtout sur des films français de qualité » , veut croire François Aymé.

    C’est encore plus problématique pour les salles de musiques populaires. Les très grosses ont fait une croix sur les pointures mondiales et les tournées maousses, comme celles de Madonna ou Elton John. Les moyennes sont également en mal de stars. « L’automne sera très dur car tout est à l’arrêt, plus personne ne prend le risque de programmer » , dit Olivier Haber, patron de la Seine musicale. Même constat pour Cyrille Bonin, celui du Transbordeur. « Comme toutes les salles de mon rang, je ne vois pas comment programmer mes 70 dates de septembre à décembre, qui sont pourtant des mois cruciaux. Je peux prendre un jeune groupe lyonnais, mais le public viendra-t-il ? »

    Et puis, de gros spectacles ne seront pas prêts à la rentrée, faute d’avoir pu répéter pendant l’été. C’est le cas de Starmania, prévu à la Seine musicale du 22 septembre au 31 décembre. 100 000 billets déjà vendus. Mais Olivier Haber juge « irréaliste » de pouvoir ouvrir à cette date. Dans un autre genre, La Walkyrie, de Wagner, doit être donnée fin novembre à l’Opéra de Paris. C’est loin, novembre, mais des répétitions étaient prévues cet été. « On va avoir un gros problème » , commente Stéphane Lissner.

    La rentrée littéraire sera elle aussi allégée. Quant au paysage des expositions temporaires, il s’appauvrit de semaine en semaine. Le coup est rude quand on sait qu’elles tirent la fréquentation des musées. L’été pourri a déjà eu raison de « Pharaons superstars », prévue au MuCEM de Marseille jusqu’au 17 août, et aussi du sulfureux artiste anglais Damien Hirst, qui devait exposer à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris.

    Le match des milliardaires repoussé

    L’automne suit la même spirale négative. On s’attendait à un match de haut vol entre les frères ennemis de l’art contemporain, les milliardaires François Pinault et Bernard Arnault. Mais l’inauguration de la Collection François Pinault, logée dans la Bourse du commerce, au cœur de Paris, qui devait d’abord avoir lieu en juin avant d’être reportée à la mi-septembre, vient d’être décalée à nouveau, au printemps 2021. Les finitions du bâtiment, « gelées » par le confinement, les incertitudes et un accueil du public à repenser expliquent le report d’un site que son directeur, Martin Bethenod, qualifie joliment de « Belle au bois dormant » .

    En octobre, Bernard Arnault prévoit toujours dans sa Fondation Louis-Vuitton, au Bois de Boulogne, et pour cinq mois, l’exposition de toutes les promesses et de tous les dangers, soit la collection Morozov (Picasso, Renoir, Matisse, Monet…), conservée dans trois musées russes. Un gros pari : dépenser des millions d’euros en espérant les retrouver avec la billetterie. Bref, il s’agit de rééditer « le coup » magistral de la collection Chtchoukine, 1,2 million d’entrées en 2016 et 2017. Mais les conditions ne seront plus les mêmes. « Il faut s’adapter pour exister, explique Jean-Paul Claverie, qui conseille Bernard Arnault. On retravaille la scénographie pour fluidifier les foules, il y aura des réservations obligatoires, on ouvrira tôt le matin et on fermera tard le soir. On y croit ! Il faut retrouver de l’optimisme ! » On peut néanmoins se demander si la date sera maintenue, d’autant qu’une quinzaine de convois sont prévus entre la Russie et la France pour faire venir les œuvres.

    L’automne est bien la saison de tous les dangers. Etre fermé sera dramatique. Mais être ouvert peut l’être aussi. Le scénario catastrophe ? Faire venir à la Philharmonie des chefs et orchestres à des coûts importants qui se produisent devant une salle pleine à 70 % ou 80 %, le public étant rebuté par les mesures barrières ou une deuxième vague de contagion. « On se retrouve vite avec 2 ou 3 millions d’euros dans la vue » , dit Laurent Bayle.

    D’autant que le public du théâtre, du classique ou de l’opéra est en bonne partie constitué des aînés qui, comme le pense Stanislas Nordey, pourraient faire défection. « Ils vont nous manquer et on va leur manquer » , ajoute le directeur du Théâtre national de Strasbourg. Même crainte pour les théâtres privés où, en plus, les acteurs sont souvent des séniors, affirme Bertrand Thamin : « Auront-ils le droit de jouer ? »

    Un boulot « déprimant »

    Avec un printemps rayé de la carte culture, un été meurtri et un automne périlleux, tous les patrons de musées et de salles de spectacle revoient les agendas. « Un boulot dingue et déprimant » , entend-on partout. Annuler ou reporter ? C’est le dilemme. Annuler est plus facile, mais douloureux et coûteux. Reporter l’est moins, mais c’est épuisant et incertain. Parfois, il n’y a pas le choix, tant les calendriers des lieux et des artistes sont chargés.

    Les musées reportent souvent. La Réunion des musées nationaux, à Paris, travaille sur 25 expositions en même temps. Compliqué. Compliqué aussi, cafardeux surtout, pour les nombreux musées qui ont travaillé trois ans sur une exposition accrochée au mur à la mi-mars et fauchée par le virus. C’est le cas de « Picasso, baigneuses et baigneurs », au Musée des beaux-arts de Lyon, qui a coûté 1 million d’euros sur les 1,7 million dont le musée dispose pour sa programmation annuelle. « J’y vais tous les jours, c’est affreux » , dit la directrice, Sylvie Ramond, qui envoie régulièrement au personnel, de son ordinateur, une image commentée parmi les 150 œuvres au mur.

    Sylvie Ramond a surtout obtenu du principal prêteur, le Musée Picasso de Paris, de pouvoir garder les œuvres jusqu’au 24 août. Elle voudrait plus longtemps, tant elle sait l’été menacé. La Philharmonie a également prévu pour l’été une exposition du maître espagnol et voudrait la prolonger. Pas simple pour le Musée Picasso de dire oui à tout le monde, alors qu’il avait 1 200 œuvres hors les murs à l’heure du confinement. « On a fait tourner les ordinateurs et joué au chamboule-tout, ça épuise » , dit son président, Laurent Le Bon.

    Et puis, tous les lieux culturels voient l’argent s’évaporer à mesure que les jours passent. « La période est un crash test » pour la culture, ajoute Laurent Le Bon. D’autant que personne n’était assuré pour une imprévisible pandémie. Le ministère de la culture leur a demandé de chiffrer les dégâts en plusieurs scénarios. Chacun brandit des millions, qui sont plus des pertes d’activité que des pertes d’argent, oubliant aussi les économies faites. Reste que l’ardoise globale des lieux culturels sera lourde, dépassant le milliard. Sans parler d’autres acteurs culturels, souvent plus touchés, artistes et auteurs en premier, techniciens, associations de proximité et une ribambelle de métiers.

    Souffrances comparées

    La vraie question, pour ces lieux en dur, c’est de savoir qui va souffrir le plus et qui est vraiment menacé. Olivier Mantei, qui dirige à la fois un lieu public bien subventionné, l’Opéra-Comique, et un privé qui l’est très peu, le Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris, cerne trois cas de figure : « Les établissements subventionnés à 70 % et plus vont bien tenir, car ils ont de quoi payer leurs frais fixes. Ceux qui sont autour de 50 % de subventions résisteront tant bien que mal. Ceux dont la subvention est très largement sous les 50 % vont souffrir. »

    Dans le premier cas, on trouve la Comédie-Française, le Théâtre national de Strasbourg, ou la Bibliothèque nationale de France, qui vivent en très grande partie de l’argent de l’Etat. On trouve aussi des milliers de lieux (musées, opéras, théâtres, bibliothèques, certains cinémas) financés, eux, par des villes. « Ce modèle de service public, où la billetterie n’est pas centrale, restera solide » , parie Sylvain Amic, directeur de plusieurs musées à Rouen et en Normandie. Leur seul risque, à tous, est de voir leur subvention rognée, tant l’Etat et les villes seront submergés par les urgences à cause du virus. « A nous de nous débrouiller avec nos riches collections si on perd des crédits » , répond Sylvain Amic.

    Deuxième cas, les nombreux lieux « mixtes » – à peu près autant de subventions que de ressources propres (billetterie, location d’espaces, mécénat). Les marques les plus connues, souvent à Paris, en font partie : Opéra de Paris, Louvre, Centre Pompidou, Philharmonie… L’arrêt de la billetterie va les fragiliser. Avec circonstances aggravantes pour l’Opéra de Paris, qui a de grosses charges fixes, perd beaucoup d’argent quand il est à l’arrêt et a déjà vu s’envoler 18 millions d’euros lors des grèves contre la réforme des retraites. Ces établissements publics n’ont pas droit au chômage partiel et doivent payer leurs salariés – un coût sévère si ça dure jusqu’à Noël. Ils devront sans doute serrer leurs frais, abandonner des projets, privilégier les plus rentables. Mais certains ont un fonds de roulement pour tenir. Et ils sont trop prestigieux pour chanceler, d’autant plus pour disparaître.

    Le troisième cas est le plus inquiétant. Dans le public, il y a le Grand Palais, autofinancé à 85 %, ou le château de Versailles, à 70 %. Versailles, qui vend jusqu’à 30 000 tickets par jour en août, et dont 80 % du public est étranger – on ne le reverra pas de sitôt –, prévoit 80 millions de pertes d’activité d’ici à décembre. Mais les salaires sont payés par l’Etat, qui ne le lâchera pas. Ni le Grand Palais.

    Non, l’inquiétude vise d’abord le secteur privé – librairies, cinémas, théâtres, galeries d’art, musées, salles rock ou clubs de jazz. Leur personnel est souvent en chômage partiel, mais sans vente de billets ou de livres, ces lieux peuvent rarement payer les charges. Et leur trésorerie est souvent exsangue.

    Grands travaux mis en sommeil

    Le Prodiss estime à 590 millions d’euros les pertes de chiffre d’affaires des musiques populaires de mars à mai. La suite sera pire. « La déflagration sera massive tant des salles sont fragiles » , dit Malika Seguineau, directrice du Prodiss. « Le Transbordeur tiendra jusqu’à début septembre, après je ne sais pas » , affirme Cyrille Bonin, inquiet pour les salles plus petites que la sienne. Et que feront les actionnaires des très grosses ? « Le producteur à gros cigare qui s’en met plein les poches, c’est fini depuis longtemps » , dit Olivier Haber.

    Les 1 200 cinémas privés sont dans la même galère, avec 300 millions de pertes d’activité à la fin mai. François Aymé ajoute que les deux premiers mois de 2020 ont été « effroyables » (moins 24 % de fréquentation). Les salles d’art et d’essai et celles situées au centre des villes reçoivent des aides spécifiques, mais pas de quoi éviter de voir les finances plonger dans le rouge si le confinement dure des mois. Sans recettes, le rouge arrivera en mai pour la plupart des théâtres privés, affirme Bertrand Thamin. Antoine Mory, qui travaille pour les six théâtres parisiens de Jean-Marc Dumontet, ajoute que la scène privée ne tient que lorsqu’elle joue longtemps la même pièce. « Des spectacles ont été stoppés net par le confinement. Nous sommes assez solides, mais d’autres théâtres pourraient disparaître. » Notamment, selon Bertrand Thamin, « ceux qui ont subi un ou deux bides avant le virus ».

    Pour les libraires, l’Association pour le développement de la librairie de création a dû dégager en urgence 5 millions d’euros. « On va avoir beaucoup de demandes » , prédit Didier Grevel, son directeur. Dans son enseigne nantaise, Rémy Ehlinger a perdu 140 000 euros de chiffre d’affaires sur le mois de mars. Il dit pouvoir tenir jusqu’à septembre. Mais les librairies, pilotées par des passionnés, souvent assises sur un stock solide, font de la résistance depuis si longtemps…

    Trois cas de figure donc, mais aussi un avantage pour les lieux publics sur les lieux privés. Sauf que les premiers, sur un point précis, pourraient souffrir fort : des travaux de construction et de rénovation pourraient être décalés par un Etat désargenté et des mécènes introuvables. Ce qui n’est pas sans poser problème. Le Grand Palais doit fermer en janvier 2021 pour une rénovation chiffrée à 466 millions d’euros. « Je n’imagine pas un abandon, car ces travaux sont indispensables » , dit Chris Dercon. D’autant que le bâtiment doit servir aux Jeux olympiques de 2024. La Bibliothèque nationale de France, dont les rayonnages seront saturés en 2023, attend un nouveau bâtiment, construit hors de Paris, pour 90 millions d’euros. Le Centre Pompidou pourrait fermer en 2023 pour trois ans, afin de bénéficier d’une cure de jouvence chiffrée à 200 millions. Versailles doit trouver 10 millions chaque année pour son entretien, et son corps central nord attend une rénovation estimée à 100 millions d’euros. Que vont devenir tous ces projets ?

    Personne n’imagine pourtant le modèle culturel français s’écrouler, à la différence des Etats-Unis, où 10 000 musées sont menacés de faillite et où la plupart des 50 000 employés des salles de cinéma sont au chômage sans indemnités. Certains disent même, à l’instar de l’économiste Jean-Michel Tobelem, que le virus est le signe que la chaîne culturelle doit aller vers plus de « sobriété » . Pourquoi pas une offre plus modeste, qui ne cherche plus les foules, et made in France ? Nos responsables y songent, mais ils pensent encore plus, au-delà de multiples aides sectorielles, au grand plan de relance annoncé par Emmanuel Macron. La culture en sera, mais à quel niveau ? « Elle n’est plus une priorité depuis longtemps, et elle doit le redevenir » , demandent Olivier Mantei et Stéphane Lissner. Ce n’est pas gagné.

    #crise_sanitaire #culture #économie #emploi #intermittence

  • Les paroles manuscrites de « Hey Jude » des Beatles vendues 910 000 dollars aux enchères
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/04/11/les-paroles-manuscrites-de-hey-jude-des-beatles-vendues-910-000-dollars-aux-

    Ne pas rater le clip intégré dans la page.

    Une feuille de papier sur laquelle Paul McCartney a noirci à la main les paroles de la célèbre chanson Hey Jude a été adjugée 910 000 dollars (832 000 euros) lors d’enchères marquant vendredi le 50e anniversaire de la séparation des Beatles. C’est plus de cinq fois le montant estimé en amont de la vente organisée en ligne, à cause du coronavirus, par la maison californienne Julien’s Auctions.

    Guitares, vinyles rares, objets dédicacés… Quelque deux cent cinquante lots liés au mythique groupe britannique étaient proposés aux fans et collectionneurs du monde entier, cinquante ans jour pour jour après sa séparation.
    Un cendrier adjugé à 32 500 dollars

    Paul McCartney avait écrit Hey Jude après une autre rupture : celle de son acolyte John Lennon avec sa première femme Cynthia, à la suite de ses infidélités avec l’artiste japonaise Yoko Ono. La chanson, destinée à réconforter le fils de John Lennon, Julian, pendant le divorce de ses parents, avait initialement pour titre Hey Jules.

    #Musique #The_Beatles #Hey_Jude

  • Performing the law / LE #BUREAU_DES_DEPOSITIONS

    Comment qualifier le bureau des dépositions sans passer à côté des causes (déterminées) et des fins (encore inconnues) de ce collectif dont les performances ne sont ni des représentations ni des manifestations mais du “droit en train de se faire”… Nous retrouvons les lignes directrices du Labex performing the law mais dans une dimension encore plus aboutie. Il ne s’agit pas de dire que la #performance en elle-même est plus travaillée mais de souligner ici que la #fabrique_du_droit est encore plus essentielle, intrinsèque au projet.

    Un projet qui correspond parfaitement à une publication sur un carnet de recherches car on avance ici de brouillon en brouillon, l’œuvre collective évoluant au fur et à mesure des rencontres visibles et publiques mais aussi des événements quotidiens qui affectent les différents intervenants. Car la frontière entre vie privée et scène publique se veut ici poreuse puisque nous sommes aux marges de toutes les catégories : privé et public, fiction et réalité, matériel et immatériel, théorie et pratique…

    Le “Bureau des dépositions” est en effet le nom que s’est attribué un groupe d’hommes et de femmes pour rendre compte et désigner l’#œuvre_immatérielle constituée par la #co-présence des #co-auteurs et des co-autrices à un moment donné et en un lieu déterminé. La performance n’est donc pas la représentation d’une œuvre qui préexiste mais bien la réalisation concrète à l’instant-t de l’œuvre dont il est question et dont on pourra par la suite défendre l’#intégrité. Une œuvre qui tend à faire #justice, alors même que les principes brandis par notre pays, clamés haut et fort au titre des gloires nationales, se révèlent insuffisants pour venir en aide concrètement aux migrants. Ici, les migrants sont avant tout des co-auteurs et des co-autrices dont la présence est essentielle à l’intégrité d’une œuvre immatérielle. Le droit d’auteur, le #droit_des_obligations seront ici privilégiés, instruments d’action pour faire valoir non pas la reconnaissance de #droits_fondamentaux à des hommes pressentis nus parce que non élevés au rang de concitoyens mais les droits d’auteurs et d’autrices, inscrits dans des liens d’obligations… Expulser cet auteur, c’est atteindre l’œuvre et entraver sa réalisation et les performances prévues, c’est impliquer les co-auteurs, les co-autrices mais aussi les diverses institutions qui s’impliquent en signant des contrats avec les “#performeurs”.

    Ainsi, le Bureau des dépositions n’est pas né d’une interrogation théorique mais d’une urgence pratique et il s’agit alors de ne jamais perdre de vue que la représentation n’est jamais à entendre dans le sens classique d’un spectacle ou d’une performance artistique mais dans le cadre d’une difficulté à résoudre.

    La performance par la coprésence est une #action, dans le sens juridique du terme, une action qui relève de la capacité à obtenir justice, de la volonté de faire reconnaître un #droit et non d’un mouvement esthétique sans lendemain. Bien sûr, la démarche suppose, pour être visible, de se fondre dans une mise en scène mais il ne s’agit que d’un moyen et pas d’une fin. Pour ouvrir une scène publique qui a deux vocations : avancer en commun par le partage des problèmes et le recueil de solutions et constituer l’objet même de la démarche juridique : l’œuvre immatérielle.

    Être ensemble sur une scène, s’exprimer à la radio… voilà autant de concrétisations qui constituent un cheminement dont nous allons rendre compte, et dans un certaine mesure qui est encore difficile à déterminer, accompagner voire nourrir.

    Le premier plateau-radio d’octobre 2019 :


    https://r22.fr/focus/oeuvrer-les-limites-du-droit-deuxieme-session

    https://imaj.hypotheses.org/2420

    #audio

    #droit_d'auteur #droit_des_étrangers #asile #migrations #réfugiés

    Une initiative de #Sarah_Mekdjian et #Marie_Moreau

    ping @karine4 @isskein

    • A Grenoble, le Bureau des dépositions ne veut plus être empêché de créer

      Le collectif d’artistes projette de saisir la justice contre les procédures d’expulsion qui menacent certains de ses membres, demandeurs d’asile. Avec une arme : le statut de co-auteur.

      Dans leurs contrats figure une clause « d’indivision » qui prévoit l’annulation de la représentation en cas d’absence contrainte de l’un des coauteurs en raison de sa situation administrative. Un paragraphe tout sauf anodin pour Mamadou, Sarah, Ben, Sâa Raphaël, Marie, Pathé, Ousmane, Mamy, Aliou et Elhadj Sory, depuis que le Bureau des dépositions, le collectif d’artistes qu’ils ont fondé il y a un an, a cru voir son élan brisé par l’expulsion de deux membres.

      En mai 2019, deux mesures d’éloignement préfectorales ont mis entre parenthèses le travail artistique engagé par ces dix « auteurs-performeurs », dont la collaboration s’était scellée quatre mois plus tôt, autour d’ateliers d’écriture de lettres sur les violences des politiques migratoires. Trois mois après leur transfert respectif vers l’Espagne et l’Allemagne, Mamadou et Elhadj Sory ont à nouveau franchi la frontière, permettant ainsi au Bureau des dépositions de renouer avec ses ambitions.

      « On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose pour se protéger », se souvient Ousmane, l’un des huit demandeurs d’asile originaires de Guinée-Conakry qui ont participé à la création du collectif. « L’agent actif de nos œuvres, c’est-à-dire la nécessaire présence physique des uns et des autres lors des temps de création pour échanger et faire œuvre, a été mis en péril », abonde Marie, coautrice au sein du groupe.
      Notion de coauteur

      À l’exception d’Ousmane, les autres exilés du collectif, âgés de 20 à 29 ans, vivent sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou d’un transfert, dit « Dublin », vers le premier pays de l’Europe où leurs empreintes digitales ont été enregistrées. Chaque soir, ils dorment aux côtés d’une soixantaine d’autres demandeurs d’asile au « Patio », un local désaffecté du campus de Grenoble ouvert dans l’urgence au début de l’hiver 2017 pour les abriter.

      https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/02/19/a-grenoble-le-bureau-des-depositions-ne-veut-plus-etre-empeche-de-creer_6030

    • œuvrer une justice spéculative

      Bureau des dépositions. Exercice de justice spéculative est fondé sur une conception pragmatique du droit, à partir de celui déjà existant et de ses limites, à distance du régime moral et compassionnel de la plainte. L’œuvre s’inspire du droit de la propriété intellectuelle, infléchi par les pratiques du logiciel libre, afin d’attaquer le contentieux du droit des étrangers et du droit d’asile. Le fac-similé de la procédure est suivi d’un texte de Sarah Mekdjian et Marie Moreau retraçant les pratiques de cette œuvre signée en co-auctorialité, initiée depuis janvier 2019 au Patio solidaire sur le campus de l’université Grenoble Alpes, et au Magasin, centre national d’art contemporain à Grenoble. Il s’agit d’une création, immatérielle et processuelle, signée par dix auteur·trice·s.

      https://vacarme.org/article3283.html

    • #Bureau_des_dépositions. #Expulsions, #œuvres-milieux et recours au #droit

      Dix personnes, qui forment le Bureau des dépositions, créent des performances à Grenoble depuis 2018. En s’adressant les un·es aux autres et à un public, en ré-agençant les (im)-possibilités de paroles depuis la mise à découvert d’injustices légalement produites, elles, ils élaborent des conditions de trans-formations : langagières, sensibles, politiques. Dans le même temps, plusieurs performeurs sont inquiétés par le contentieux du droit des étrangers et du droit d’asile, expulsés légalement ou encore menacés d’expulsion. Des réponses se formulent auprès des tribunaux : alors que les performances requièrent la co-présence physique de chacun·e, les absences forcées portent atteinte à un milieu de création. Le droit d’auteur et de la propriété intellectuelle est ici convoqué et réinterprété dans le contexte d’expulsions légales et d’œuvres-milieux.

      https://www.multitudes.net/bureau-des-depositions-expulsions-oeuvres-milieux-et-recours-au-droit

  • L’Agessa a amputé la retraite de dizaines de milliers d’auteurs
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/02/15/l-agessa-a-ampute-la-retraite-de-186-000-auteurs_6029652_3246.html


    AUREL

    La publication du rapport Racine a remis un coup de projecteur sur les dysfonctionnements de cet organisme de gestion de la sécurité sociale des #auteurs pendant quarante ans.
    Par Nicole Vulser

    Glaçante surprise. Sophie Chauveau, auteure de plus de vingt-cinq essais, biographies, romans et livres d’art, a pris sa retraite le 1er janvier 2020. Elle s’attendait à une petite #retraite, mais a franchement déchanté en constatant que, faute de validation de ses trimestres, elle ne touche que 320 euros de retraite mensuelle… « J’ai travaillé sans discontinuer, à peu près gagné ma vie, sans jamais un seul jour de maladie ni de chômage », explique-t-elle au Monde. Sophie Chauveau n’a pas versé un centime pour ses vieux jours sans savoir que c’était à elle de cotiser directement à l’Agessa (Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs). « Jamais on ne m’a envoyé une lettre pour me demander de payer pour la retraite, dit-elle. Et au moment de la prendre, à l’Agessa, on m’a juste dit que tout est de ma faute et de celle de l’Etat ! » Elle devra donc demander l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

    « On m’a proposé de débourser 200 000 euros pour racheter les trimestres manquants. Je ne les ai pas, explique l’auteure du Journal de grossesse de la Vierge Marie (Télémaque). Pour des raisons similaires, beaucoup d’ami(e)s ont dû quitter Paris, ajoute-t-elle. Faute de mari riche ou de fortune de famille. Et moi, dans dix ans, je ne pourrai même plus vivre », lance-t-elle, agacée que Franck Riester, le ministre de la culture, n’ait jamais répondu à sa lettre ouverte.

    Auteure de soixante ouvrages publiés chez Hachette, Casterman, Pocket…, Sophie Dieuaide s’est aperçue qu’elle n’a pas cotisé pendant six ans. « Pourtant, l’Agessa aurait dû me contacter pour que je sois affiliée, je vendais des livres à plus de 70 000 exemplaires », dit-elle. L’illustrateur Henri Fellner déplore, lui, avoir perdu neuf années de cotisations retraite. L’auteure Yaël Hassan, retraitée depuis un an, ne touche, elle, pas un centime pour ses vingt-trois ans d’écriture. « Il faut que j’écrive jusqu’à ma mort », constate-t-elle. Sa consœur Nelly Blumenthal a vu cinq ans volatilisés pour sa retraite future. « Si j’avais su, j’aurais payé, mais je n’étais pas au courant. C’est une injustice incroyable, une escroquerie », lance-t-elle. Comme elle, le documentariste Nicolas Philibert assure : « Pendant des années, je n’ai pas su qu’il fallait cotiser. »

    Violation du code de la Sécurité sociale
    Les cas sont légion. Ils illustrent les graves dysfonctionnement de l’Agessa pendant quarante ans, qui pourraient pénaliser jusqu’à 186 000 auteurs. Des écrivains, compositeurs, réalisateurs, dramaturges, scénaristes, photographes, traducteurs, illustrateurs, graphistes ou même chorégraphes risquent de se voir amputer d’une partie de leur retraite. Tous étaient « assujettis » – donc n’atteignaient pas le seuil des 8 892 euros requis en 2018 pour faire partie des « affiliés ». Ces derniers, au nombre de 17 000 en 2018, paient d’office leurs cotisations retraite.

    La publication du rapport Racine a remis un coup de projecteur sur cette aberration. « Les artistes-auteurs anciennement assujettis à l’Agessa n’ont jamais été prélevés de cotisations à l’assurance-vieillesse depuis la création de ce régime », explique l’auteur. C’était à eux d’effectuer les démarches – ce qui n’existe dans aucun autre régime en France. Fort peu l’ont fait. En violation du code de la Sécurité sociale, l’Agessa s’exonérait donc de sa mission légale de recensement et d’identification de ces artistes-auteurs et n’a jamais appelé de cotisation vieillesse de base entre 1978 et fin 2018. Depuis le 1er janvier 2019, les assujettis ne sont plus lésés puisque cette cotisation de 6,90 % s’applique automatiquement à tous les revenus d’auteurs.
    Thierry Dumas, directeur de l’Agessa, renvoie la responsabilité de ce fiasco à sa double tutelle (les ministères de la culture et des affaires sociales)
    Thierry Dumas, le directeur de l’Agessa depuis 2004 et également de la Maison des artistes (MDA) depuis 2011 – qui, elle, a effectué normalement son travail de recouvrement –, a été bien obligé de constater dans le « 20 heures » de France 2, jeudi 30 janvier, que « l’Agessa n’a pas fait son travail pendant quarante ans ». En plein débat sur les retraites, il se justifie au Monde : « L’Agessa a été conçue dès le début pour gérer uniquement les auteurs vivant de leur création, donc quelques milliers d’affiliés. Elle s’est trouvée sous-dimensionnée pour identifier une partie des artistes-auteurs et recouvrer la cotisation vieillesse. » Jusqu’en 2007, l’Agessa n’arrivait même pas à savoir combien elle comptait d’assujettis…

    M. Dumas affirme avoir demandé en vain le financement d’importants investissements informatiques. Un courrier a été envoyé à partir de 2011 aux assujettis qui auraient pu s’affilier, dit-il. S’il admet que « l’Agessa aurait dû appeler les cotisations », il renvoie la responsabilité de ce fiasco à sa double tutelle (les ministères de la culture et des affaires sociales). Il assure que bon nombre d’auteurs préféraient ne pas cotiser parce qu’ils occupaient un autre emploi – d’enseignant, journaliste ou autre – et n’avaient pas envie de payer deux fois. Il fait valoir par ailleurs que « la situation était dénoncée depuis des années par le conseil d’administration », mais qu’il devait aussi faire face à « des impossibilités juridiques et structurelles pour collecter les cotisations vieillesse ».

    Rapports virulents
    L’alerte avait pourtant été donnée à plusieurs reprises, avec la publication de rapports virulents, en 2005 puis en 2013. La possibilité de payer a posteriori des cotisations n’a été mise en place qu’en 2016. « Seules 200 personnes l’ont demandé », dit M. Dumas. L’étude des dossiers prend plusieurs années et les prix de rachats s’avèrent souvent prohibitifs. Le « dispositif très favorable » vanté par le cabinet de Laurent Pietraszewski, secrétaire d’Etat chargé des retraites, ne convainc pas.
    Les droits d’auteur constituent une bonne aubaine pour les employeurs, qui ne paient que 1,1 % de cotisations patronales
    Selon le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs (CAAP), « l’Agessa marche sur la tête depuis sa création. Elle a été fondée par le Syndicat national de l’édition (SNE), l’Union des producteurs de cinéma (UPC) et trois organismes de gestion collective : la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et la Société des gens de lettres (SGDL). Le pouvoir a donc été octroyé non pas aux auteurs, mais bien à ceux qui diffusent leurs œuvres ». D’ailleurs, les droits d’auteur constituent une aubaine pour les employeurs, qui ne paient que 1,1 % de cotisations patronales.
    Aujourd’hui, les langues se délient. Pour Katerine Louineau, qui a dénoncé la première les pratiques illégales de l’Agessa à l’Assemblée nationale dès 2012, « le directeur de l’Agessa porte évidemment une très lourde responsabilité ». A ses yeux, détaille-t-elle dans le magazine professionnel ActuaLitté du 10 février, « certains membres du conseil d’administration préconisaient des entorses à la loi. Enfin, les ministères de tutelle ont sciemment fermé les yeux ». Dix-huit organisations professionnelles d’auteurs, artistes et photographes ont réclamé, mardi 11 février, aux deux ministres de tutelle de l’Agessa, Agnès Buzyn, ministre de la santé, et Franck Riester, ministre de la culture, « une solution d’urgence » pour régler « ce passif » qui lèse des milliers d’auteurs.
    En plus de ce tollé, Thierry Dumas doit faire face à une autre difficulté depuis le 1er janvier : le chaotique transfert du régime social des artistes et auteurs à l’Urssaf.

    Les dysfonctionnements de l’Agessa
    Des comptes non certifiés
    Quand, pour la première fois en 2012, l’Agessa a fait appel à un commissaire aux comptes, Tuillet Audit, celui-ci a refusé de les certifier puisque les cotisations vieillesse des assujettis n’étaient pas appelées. Malgré cette même réserve, qui a perduré avec les années, les comptes ont ensuite été certifiés.
    Un conseil d’administration inexistant depuis 2014 
    Faute de l’élection d’un nouveau conseil d’administration, le ministère des affaires sociales a nommé, par un arrêté du 29 décembre 2014, un administrateur provisoire – Bernard Billon – à la tête de l’Agessa et de la Maison des artistes (MDA). Depuis le 29 mars 2018, Anne-Marie Le Guével lui a succédé.

    • Oui… j’étais à Paris au début du mois pour la question des formations des artistes auteurs (on cotise 1,1% depuis 2014, donc, on a des droits ouverts) et j’ai pu voir que Katerine Louineau est aussi redoutable qu’elle en a l’air. D’ailleurs, il semble qu’à la SACD, ils ont une poupée vaudoue à son effigie…

      En tout cas, les sociétés de diffuseurs sont à la manœuvre pour préserver leur main-mise sur le gâteau de notre travail.

      Pour en revenir à l’AGESSA, cela fait bien depuis une dizaine d’années que le CAAP, à travers Katerine, exhorte l’AGESSA à respecter la loi et qu’ils font la sourde oreille… parce que ça ne s’arrête pas aux retraites.

      Les auteurs au réel étaient prélevés de force du précompte… sur leur CA et non pas sur leur bénéfices + 15%, comme la loi l’exige. Grosse différence… très difficile à faire valoir et récupérer. Du coup, j’ai sous-facturé mes travaux en écriture pour rester à la MDA et ne pas basculer à l’AGESSA.

  • Affaire #Matzneff : Gallimard retire de la vente le journal de l’écrivain, qu’elle publiait depuis trente ans
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/01/07/affaire-matzneff-gallimard-retire-de-la-vente-le-journal-de-l-ecrivain-qu-el

    Les éditions de La Table ronde (groupe Madrigall, contrôlé par Antoine Gallimard), qui ont publié cinq volumes du journal de l’écrivain entre 1979 et 1992, ont également cessé la commercialisation de ces livres.

    • « La souffrance exprimée par Mme Vanessa Springora dans Le Consentement fait entendre une parole dont la force justifie cette mesure exceptionnelle », affirme, mardi 7 janvier dans un communiqué, la maison d’édition, qui publiait ce journal depuis 1990, en plusieurs volumes.
      […]
      Les exemplaires encore présents en librairie, dont le dernier volume, L’Amante de l’Arsenal, sorti à la mi-novembre, vont ainsi être rappelés. Il s’en était vendu seulement « quelques centaines d’exemplaires », a précisé l’éditeur.
      Depuis le début de l’affaire, le dernier volet du journal de l’écrivain s’est néanmoins arraché dans les librairies. Il se classait ainsi mardi à la 3e place dans la catégorie biographies chez Amazon.