Les agents immobiliers envisagent la création d’un fichier des locataires mauvais payeurs

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  • Les agents immobiliers envisagent la création d’un fichier des locataires mauvais payeurs
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    La proposition est critiquée par les propriétaires, qui craignent de voir les administrateurs de biens devenir indispensables, et l’association de lutte contre le surendettement Cresus.

    A l’occasion de la conférence de presse de début d’année de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), mercredi 15 janvier, son président, Jean-Marc Torrollion, a annoncé que son syndicat allait « créer un fichier des incidents de paiement locatifs ».
    Il « devrait être opérationnel en 2021, lorsque la future loi Nogal prendra effet et instaurera notamment, pour les administrateurs de biens, un nouveau type de mandat de gestion avec obligation de résultat », c’est-à-dire garantissant le paiement des loyers au bailleur. « Pour offrir une telle garantie, nous aurons besoin d’un fichier de ce type », assure-t-il.
    La banque de données sera alimentée par l’ensemble des professionnels et sa consultation leur sera réservée. Ils y inscriront tous les locataires en retard de plus de trois mois du paiement de leur loyer, qui y resteront mentionnés au plus trois ans mais en seront rayés dès qu’ils régulariseront leur dette.

    La Commission nationale informatique et libertés (CNIL), consultée, dit « accorder une attention très particulière à ces fichiers de mauvais payeurs et à ces listes noires, au regard des risques qui pèsent sur les droits et libertés des personnes concernées ». Ainsi, l’accès au fichier devra être réservé aux professionnels et les locataires devront être complètement informés de son fonctionnement au moment de la signature de leur contrat mais aussi lors de la survenance de l’incident de paiement, de l’inscription et de la suppression des données. La CNIL exige, en outre, des mesures de sécurité informatique régulièrement mises à jour pour garantir la confidentialité des données.
    « Prévention et dissuasion »
    « C’est au moins la quatrième tentative de création de ce fichier mais, cette fois, le projet est sérieux, transparent, juge Henry Buzy-Cazaux, consultant en immobilier, et je pense qu’il aura des vertus de prévention et de dissuasion des incidents locatifs. »

    M. Torrollion est de cet avis : « Le fichier des incidents de paiement locatifs diminuera considérablement le risque d’impayés, d’ailleurs très bas puisqu’on l’évalue à 1 % des loyers, et devrait faire baisser les coûts de l’assurance et de la garantie financière, ce qui permettra de proposer notre mandat sécurisé à un coût compétitif. »

    L’initiative en revient non pas à la Fnaim elle-même mais à l’un de ses adhérents, Yan Jouanno, créateur de la société Artel qui gérera ledit fichier. Joint par Le Monde, il ne souhaite pas communiquer sur son projet encore en gestation. L’opération nécessite un investissement de 1 million à 2 millions d’euros et Artel associe donc la profession à son tour de table – la Fnaim mais aussi l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS), qui fédère de nombreux administrateurs de biens, et de grands groupes comme Foncia ou Nexity.
    L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) ne cache cependant pas son irritation : « Ce projet est une des conséquences du calamiteux rapport Nogal qui fait la part belle aux administrateurs de biens en les rendant indispensables », s’insurge Christian Demerson, son président.

    Dépôt de garantie
    Ce rapport de Mickaël Nogal, député (La République en marche) de Haute-Garonne, déjà partiellement traduit en proposition de loi (PPL), suggère en effet que les locataires versent le dépôt de garantie à ces professionnels et non plus aux bailleurs ; 70 % d’entre eux gèrent pourtant leurs biens en direct, sans recours à un intermédiaire. « Puisqu’un tel fichier sera réservé aux professionnels, c’est vers le parc privé non intermédié que les mauvais payeurs se tourneront », craint M. Demerson.
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    L’association de lutte contre le surendettement Cresus se montre aussi réservée : « Il existe beaucoup de fichiers privés de mauvais payeurs, par exemple pour les opérateurs de téléphonie (Preventel), les découverts et les impayés de crédit (Banque de France), cela est très stigmatisant, estime Jean-Louis Kiehl, son fondateur et président, et risque de compliquer plus encore l’accès des ménages modestes à une location. Nous préférerions un registre des crédits, comme il en existe dans de nombreux pays européens, qui permette de se faire une idée de la solvabilité du locataire. »

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