Mikhaïl Michoustine, spécialiste des impôts et poète à ses heures, désigné premier ministre russe

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  • Démission du premier ministre russe, Dmitri Medvedev, et de son gouvernement
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/15/en-russie-vladimir-poutine-propose-un-referendum-sur-une-serie-de-reformes-c


    Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, le 15 janvier à Moscou.
    DMITRY ASTAKHOV / AFP

    Cette annonce surprise intervient quelques heures après un discours de Vladimir Poutine annonçant des réformes de la Constitution.

    Dmitri Medvedev a présenté, mercredi 15 janvier, au président russe la démission de son gouvernement, quelques heures après un discours du chef de l’Etat annonçant des réformes de la Constitution russe devant renforcer les pouvoirs du Parlement tout en préservant le caractère présidentiel du système politique qu’il pilote depuis vingt ans.

    « Ces changements [ceux annoncés par M. Poutine], une fois adoptés, (…) apporteront des changements significatifs non seulement à toute une série d’articles de la Constitution, mais aussi à l’équilibre du pouvoir, du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire, a expliqué, selon les agences russes, M. Medvedev. -Dans ce contexte, il est évident que nous, en tant que gouvernement de la Fédération de Russie, devons donner au président de notre pays les moyens de prendre toutes les mesures qui s’imposent. C’est pour cela (…) que le gouvernement dans son ensemble donne sa démission. »

    Le président a remercié son premier ministre sortant et ses ministres, leur demandant d’expédier les affaires courantes jusqu’à la nomination d’une nouvelle équipe. « _Je veux vous remercier pour tout ce qui a été fait, exprimer ma satisfaction pour les résultats obtenus (…) même si tout n’a pas réussi », a-t-il déclaré.

    Juste après l’annonce surprise de la démission du chef du gouvernement, Vladimir Poutine a désigné comme nouveau premier ministre le patron du fisc russe, Mikhaïl Michoustine, inconnu du grand public, selon les agences russes citant le Kremlin. En poste à la tête du service fédéral des impôts depuis 2010, M. Michoustine est une nomination inattendue. Il a néanmoins la réputation d’être un haut fonctionnaire efficace. Il a mis en place « le meilleur système de collecte d’impôts au monde », a affirmé la télévision d’Etat Rossiya-24.

    « La Russie doit rester une république présidentielle forte »
    Plus tôt dans la journée, lors de son allocution annuelle devant les membres du Parlement et les élites politiques, Valdimir Poutine a proposé la tenue d’un référendum sur les réformes envisagées. « Je juge nécessaire de soumettre au vote des citoyens du pays l’ensemble des révisions de la Constitution proposées », a-t-il déclaré dans son allocution, sans pour autant préciser le calendrier.
    La principale mesure annoncée vise à renforcer le rôle du Parlement dans la formation du gouvernement, lui donnant la prérogative d’élire le premier ministre que le président sera alors obligé de nommer. Actuellement, la Douma confirme le choix du chef de l’Etat. Selon M. Poutine, il s’agit d’un changement « significatif » pour lequel il a jugé la Russie assez « mûre ». Le président ne semble, cependant, pas prendre trop de risques puisque les deux chambres du Parlement sont aujourd’hui dominées par des forces pro-Poutine et ne s’opposent jamais aux volontés du Kremlin.

    Les propositions de réforme exposées par M. Poutine visent aussi à renforcer les pouvoirs des gouverneurs régionaux, à interdire aux membres du gouvernement et aux juges d’avoir des permis de séjour à l’étranger et à obliger tout candidat à la présidentielle à avoir vécu les 25 dernières années en Russie.

    • Mikhaïl Michoustine, spécialiste des impôts et poète à ses heures, désigné premier ministre russe
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      Mikhaïl Michoustine lors du discours suivant sa nomination comme premier ministre de Russie, le 16 janvier à Moscou.
      The State Duma, The Federal Assembly of Russian Federation / REUTERS

      Ce haut fonctionnaire sans poids politique propre a succédé jeudi à Dmitri Medvedev, dont la démission a été annoncée la veille

      Encore inconnu du grand public la veille, Mikhaïl Michoustine a pris ses fonctions de premier ministre de la Fédération de Russie, jeudi 16 janvier, après le vote favorable de la Douma. Ce haut fonctionnaire de 53 ans a reçu le soutien massif de 383 députés, avec 44 abstentions et aucun vote négatif, confirmant la subordination complète du Parlement au pouvoir exécutif.

      Une grande majorité de Russes n’ont découvert son visage qu’à la télévision, mercredi soir, lorsque le Kremlin a diffusé des photos de son entretien avec Vladimir Poutine. Ils n’en auront pas appris beaucoup plus dans le discours prononcé jeudi par M. Michoustine, qui s’est contenté de reprendre les thèmes développés la veille par le président dans son adresse annuelle : justice sociale, hausse des revenus des citoyens, défense des « valeurs traditionnelles »…

      Son arrivée à la tête du gouvernement a également pris de court les commentateurs, autant que la démission surprise de son prédécesseur, Dmitri Medvedev, qui occupait loyalement le poste depuis huit ans. De l’avis des observateurs, ces ajustements visent à donner un nouvel élan au président Poutine au moment où il annonce des réformes constitutionnelles destinées à préparer le pays à la fin de son quatrième et théoriquement dernier mandat.

      Devant ces inconnues, et face au fonctionnement byzantin et secret du sommet de l’Etat russe, les observateurs en sont réduits à scruter le CV de l’intéressé pour deviner quels pourraient être ses intentions et son style de gouvernement – sans parler des plans du chef de l’Etat.

      Profil de technocrate
      Mikhaïl Vladimirovitch Michoustine, 53 ans, est né à Moscou, où il a suivi une formation d’ingénieur. Comme son prédécesseur, il est réputé féru de nouvelles technologies, avec un intérêt prononcé pour les techniques de la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations). Et comme son patron, Vladimir Poutine, il est un grand amateur de hockey, membre du conseil de surveillance du CSKA, le club moscovite de basket-ball. Pianiste et poète à ses heures, M. Michoustine aurait aussi composé des musiques pour plusieurs artistes.
      A l’exception d’un bref passage à la tête d’un fonds d’investissement, UFG, M. Michoustine a fait l’essentiel de sa carrière dans la fonction…

      #paywall

    • Le Monde y consacre son éditorial, mais, apparemment, tout le monde s’en tape…

      Vladimir Poutine : l’obsession du contrôle
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/16/vladimir-poutine-l-obsession-du-controle_6026091_3232.html


      Ecran installé sur la façade d’un hôtel retransmettant le discours annuel de Vladimir Poutine devant le Parlement, à Moscou, mercredi 15 janvier.
      EVGENIA NOVOZHENINA / REUTERS

      Editorial du « Monde ». Comment quitter le pouvoir lorsqu’on l’a occupé sans partage pendant vingt-quatre ans ? En ne le quittant pas. C’est la conclusion à laquelle semble être parvenu le président Vladimir Poutine, si l’on regarde de près les propositions de réformes constitutionnelles qu’il a présentées à Moscou, mercredi 15 janvier, dans son discours annuel devant le Parlement.

      Ce projet d’une nouvelle répartition des pouvoirs au sommet de la Fédération de Russie, à l’issue de ce qui doit être le quatrième et dernier mandat présidentiel de M. Poutine, en 2024, donne le coup d’envoi d’un processus de transition très attendu, puisque la Constitution actuelle interdit au président de remplir plus de deux mandats successifs. Arrivé au pouvoir en 2000 après avoir été choisi comme successeur par Boris Eltsine, M. Poutine avait dû recourir à un artifice en échangeant son poste avec son premier ministre, Dmitri Medvedev, de 2008 à 2012, pour pouvoir se faire réélire président en 2012, puis en 2018.

      Il fallait maintenant trouver autre chose. A 67 ans, Vladimir Poutine peut sans doute envisager de quitter la présidence, mais plus difficilement de lâcher le contrôle d’un pays sur lequel il règne depuis vingt ans – le plus long règne d’un dirigeant russe depuis Staline. A la tête de la Russie, il a établi un système de prise de décisions plus concentré encore que sous la défunte Union soviétique, où le secrétaire général du Parti communiste devait au moins compter avec le bureau politique. En s’assurant l’appui des forces de sécurité, il est parvenu à marginaliser toute réelle opposition politique.

      Une opposition muselée
      Les rivaux potentiels hors système, comme l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski, gracié et exilé en 2013 après dix ans de prison, ou l’opposant Alexeï Navalny, resté en Russie, mais rendu pratiquement inéligible, ont été mis hors d’état de nuire. Restent les camps rivaux au sein du système : selon les rares informations issues de ce pouvoir opaque, leurs appétits s’aiguisaient à l’approche de l’échéance 2024. La nature ayant horreur du vide, c’est aussi pour maîtriser leurs ambitions que M. Poutine a souhaité établir dès maintenant un cadre pour la transition. Le fidèle mais impopulaire Medvedev a été, lui, prié de remettre la démission de son gouvernement et placé sur une voie de garage en attendant mieux – ou pire.

      Certains prêtaient au président russe l’intention de créer une Union de la Russie et de la Biélorussie, dont il aurait pris la tête pour se maintenir au pouvoir après 2024. Si cela était le cas, la résistance de l’homme fort de Minsk, Alexandre Loukachenko, a dû le dissuader. Les propositions de réformes de M. Poutine, dont il a indiqué qu’elles seraient soumises à un « vote des citoyens », semblent plutôt lui ménager la possibilité d’évoluer au sein de l’appareil d’Etat de la Russie, soit de nouveau comme premier ministre, mais avec des pouvoirs accrus par rapport à la fonction actuelle, soit à la tête du Conseil d’Etat.

      Quelle que soit sa forme institutionnelle finale, cette « révolution par le haut », comme l’ont surnommée quelques commentateurs russes, a en tout cas un objectif : celui de préserver un pouvoir central fort en Russie. « La Russie devra rester une république présidentielle forte », a affirmé M. Poutine, douchant les espoirs de ceux qui verraient une évolution démocratique dans le renforcement des compétences du Parlement. Au bout du compte, c’est l’obsession du contrôle qui l’emporte.