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  • Quiz asile 2020 | Les gagnant-e-s, et les enseignements…
    https://asile.ch/2020/05/25/kahoot

    Vous avez été plus de 220 à participer à notre Quiz sur l’asile 2020. Nous dévoilons les noms -ou plutôt les pseudos- des 20 gagnantes et gagnants. Ce quiz contenait des questions-piège. Il nous apporte des indications intéressantes quant aux thématiques où certaines idées reçues prédominent.

  • Erythrée | Une plainte dénonce le financement par l’UE du travail forcé
    https://asile.ch/2020/05/25/erythree-une-plainte-denonce-le-financement-par-lue-du-travail-force

    Le mercredi 13 mai 2020, la Fondation droits de l’homme pour les Érythréens, basée aux Pays-Bas, a déposé une plainte contre les institutions de l’Union européenne (UE), les incriminant de financer le travail forcé en Érythrée. Les chantiers co-financés sont majoritairement menés par des personnes enrôlées de force pour un service militaire indéfini, avec des […]

  • CJUE | Hongrie, les zones de transit doivent être qualifiés de “rétention”
    https://asile.ch/2020/05/22/cjue-hongrie-les-zones-de-transit-doivent-etre-qualifies-de-retention

    La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu le 14 mai 2020 une décision importante qualifiant les “zones de transit” situées en Hongrie comme de la “rétention”. La CJUE avait été saisie par des migrants iraniens et afghans, détenus depuis plus d’un an dans un camp de la « zone de transit » de Röszke […]

  • J.-C. Métraux | La santé mentale des personnes migrantes au temps du confinement
    https://asile.ch/2020/05/19/j-c-metraux-la-sante-mentale-des-personnes-migrantes-au-temps-du-confinement

    https://asile.ch/wp-content/uploads/2020/05/Flickr_fdecomite_lifeboxes_Métraux.jpg

    Jean-Claude Métraux, psychiatre d’enfants et d’adolescents, co-créateur de l’association Appartenances, s’intéresse aux conséquences psychiques des deux mois de semi-confinement sur les personnes migrantes qu’il a pu rencontrer. Il évoque le quotidien des familles, d’adolescent.e.s, de personnes traumatisées par la guerre, surtout celles vivant en appartement. Les restreindre dans leurs mouvements a comme un air de […]

  • Quiz sur l’asile 2020 ! Testez vos connaissances !
    https://asile.ch/2020/05/14/quiz-sur-lasile-2020-testez-vos-connaissances

    Vivre Ensemble vous propose un défi ludique afin de tester vos connaissances sur l’asile via notre quiz 2020 ! Attention : tant la réponse que la rapidité comptent ! Il vous reste un peu plus de 24 heures pour participer. Vendredi 15 mai à minuit le concours s’arrête ! Les 20 meilleurs au classement final remporteront un abonnement annuel à la revue Vivre Ensemble. Le […]

  • ONU Info | Covid-19 : l’ONU demande un moratoire sur les renvois de migrants en Libye
    https://asile.ch/2020/05/14/onu-info-covid-19-lonu-demande-un-moratoire-sur-les-renvois-de-migrants-en-lib

    L’ONU rappelle aux États leur obligation de respecter le droit international et les droits des réfugiés en Méditerranée, malgré la pandémie de Covid-19. L’Organisation insiste ainsi sur le maintien des opérations de sauvetage, la Méditerranée restant la voie de migration la plus meurtrière de toutes. Le fait que des appels de détresse aient été ignorés […]

  • Swiss Medical Weekly | La réponse au COVID-19 doit inclure les personnes migrantes
    https://asile.ch/2020/05/11/swiss-medical-weekly-la-reponse-au-covid-19-doit-inclure-les-personnes-migrant

    La revue Swiss Medical Weekly publie une opinion de femmes médecins -suisses et étrangères- exprimant la nécessaire prise en compte des besoins des personnes migrantes pour mettre fin à la pandémie du COVID-19. Les mesures proposées pour aplatir la courbe de transmission par l’éloignement physique et l’amélioration de l’hygiène des mains ne sont pas réalisables […]

  • Livre | Chroniques de l’asile, Aldo Brina
    https://asile.ch/2020/05/09/livre-chroniques-de-lasile-aldo-brina

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    Dans ses Chroniques de l’asile, parues en mars 2020, Aldo Brina raconte son quotidien au sein d’un petit groupe de combattants qui se démène pour faire face aux injustices du droit d’asile en Suisse : le Secteur réfugiés du Centre social protestant, à Genève, dont il est chargé d’information et de projets. Une équipe dont […]

  • Procédure | Auditions : une mauvaise traduction et la vie d’un demandeur d’asile peut basculer
    https://asile.ch/2020/05/08/procedure-auditions-une-mauvaise-traduction-et-la-vie-dun-demandeur-dasile-peu

    En Suisse les problèmes de traduction durant les auditions d’asile sont récurrents. Plusieurs affaires sont actuellement examinées par les instances d’asile suisses, dont une par le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT). Dans une lettre adressée fin janvier à Monsieur Mario Gattiker, Secrétaire d’État aux migrations (SEM), soixante-six experts en droit d’asile, dont […]

  • Plainte contre la poursuite du financement européen aux garde-côtes libyens
    https://asile.ch/2020/05/07/plainte-contre-la-poursuite-du-financement-europeen-aux-garde-cotes-libyens

    Un an après la reprise du conflit armé à Tripoli, et alors que la situation humanitaire en Libye continue de se détériorer en raison d’une nouvelle escalade militaire et de la propagation du virus Covid-19, des personnes rescapées en mer continuent de se faire rapatrier vers ce pays, avec le soutien coupable des instances européennes. […]

  • Bande dessinée | Cette fois, le soleil ne se couchera pas
    https://asile.ch/2020/05/06/bande-dessinee-cette-fois-le-soleil-ne-se-couchera-pas

    https://asile.ch/wp-content/uploads/2020/05/Capture-d’ecran-2020-05-04-12.34.33.png

    Le dessin commence là où les mots manquent, là où les maux subsistent. Il exprime ce que la réalité nie, ce que l’esprit ne peut admettre. La couleur et leurs ombres donnent corps à mes souvenirs, nés en Grèce, sur l’île de Chios, le 10 février 2017. Ce texte illustré est l’écho de mon engagement […]

  • #Pierre_Bühler | #Asile et #coronavirus : l’actualité au prisme de l’éthique

    Pierre Bühler, contributeur régulier de la revue Vivre Ensemble, nous livre une analyse fine de la gestion de la crise sanitaire vis-à-vis des populations de personnes exilées. Il scrute ainsi l’actualité de ces dernières semaines en nous aidant à la comprendre à travers le prisme de principes philosophiques éclairants. De la situation dans les camps sur les îles grecques, en évoquant le manque de sauvetage en Méditerranée, pour revenir sur la décision de maintien des procédures d’asile en Suisse, l’auteur interroge les notions d’éthique et de morale qui peuvent entrer en conflit et la façon dont ces conflits sont tranchés. La déontologie est-elle sacrifiée aux diverses finalités politiques ? Ou en d’autres termes : le fait que “chaque être humain doit être protégé” préside-t-il aux décisions et mesures prises dans ce contexte de crise ? S’inspirant de Paul Ricoeur et de John Rawls, Pierre Bühler rappelle que : “ce n’est pas au prix de la déontologie que nous pouvons viser ‘une vie bonne avec et pour l’autre dans des institutions justes’, mais bien plutôt avec elle pour fondement et pour référence. “

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    L’actualité s’est précipitée, ces dernières semaines, et il est bon de prendre un peu de recul, pour tenter de réfléchir à ce qui se passe du point de vue de l’asile en ces temps de #crise_sanitaire.

    Un petit modèle théorique

    Dans sa grande Théorie de la justice[1], le philosophe anglophone #John_Rawls distingue deux perspectives fondamentales qui peuvent s’entrecroiser et entrer en conflit l’une avec l’autre. Nous avons des visées, des velléités de #justice, nous nous efforçons vers des buts : c’est l’aspect téléologique (du terme grec telos, le but, la finalité). Sous cet angle, #Rawls est en débat avec l’#utilitarisme, une position très répandue dans le monde anglo-saxon et qui peut dire que le #sacrifice de quelques-uns est légitime, si cela contribue au plus grand bien pour le plus grand nombre possible. Selon la formule traditionnelle : la fin justifie les moyens. Pour Rawls, une telle position entre en conflit avec la perspective qu’il appelle déontologique (du grec deon, ce qui doit être, le devoir) : au nom des droits et devoirs humains, il n’est pas légitime de sacrifier qui que ce soit, chaque être humain étant à protéger. Ainsi, pour lui, toutes nos téléologies doivent être constamment soumises à la déontologie.

    Pour faire court, il en déduit deux principes de justice : le premier, c’est que toutes les personnes sont égales de droit et doivent avoir des chances égales ; le second dit que si des #inégalités sont nécessaires, elles doivent toujours être organisées de manière à améliorer la situation des plus défavorisés (c’est ce qu’il appelle la #règle_du_maximin : « #maximaliser_les_minima »).

    Dans ce qu’il a appelé sa « petite éthique » dans son livre Soi-même comme un autre[2], le philosophe français #Paul_Ricœur a repris cette idée, en articulant éthique et #morale : l’éthique est portée par ce que nous visons : nous voulons « une vie bonne avec et pour l’autre dans des institutions justes » ; la morale nous impose un certain nombre de #normes et d’#obligations indispensables auxquelles nous devons nous plier. Le troisième moment de la « petite éthique », c’est ce que Ricœur appelle la « #sagesse_pratique » : parce que les visées et les normes entrent constamment en conflit, il faut apprendre à assumer notre action concrètement, en affrontant les #conflits avec courage.

    Ce petit modèle théorique me permet de relire certaines réalités vécues ces derniers temps, car nous sommes en régime de sagesse pratique, et dans les conflits que nous vivons, c’est bien souvent la déontologie qui est sacrifiée aux diverses téléologies.
    Les mesures d’urgence sanitaire

    Les gouvernements ont pris, plus ou moins rapidement et plus ou moins judicieusement selon les pays, des #mesures_d’urgence contre la propagation du coronavirus. La #protection_sanitaire de la population constitue, certes, une #exigence_déontologique, mais elle menace temporairement la #déontologie plus fondamentale. Elle suspend certains #droits_fondamentaux qui nous sont, en temps normal, garantis constitutionnellement : la #liberté_de_mouvement, la #liberté_de_rassemblement, etc. Pour faire passer l’état d’urgence du #confinement, on peut parler massivement d’une #guerre à mener, comme l’a fait le président Macron. Mais il n’en reste pas moins la nécessité de veiller à la déontologie, car la fin risque ici aussi de justifier trop rapidement les moyens (par exemple, la #surveillance_numérique des rassemblements ou des relations interpersonnelles pour le bien du #traçage de la propagation – danger du « Big Brother is watching you », à l’aide des smartphones !). Comme le confinement, le #déconfinement contient un grand risque de #discriminations, et il faudra y veiller !

    Du point de vue du système démocratique, cette tâche de veilleur reviendrait au pouvoir législatif, et heureusement que les parlements vont enfin reprendre leur travail, après une pause déontologiquement problématique. C’est encore plus catastrophique lorsque le parlement donne plein pouvoir à l’#exécutif, comme c’est le cas en Hongrie !

    La crise sanitaire a révélé des dysfonctionnements majeurs. J’aimerais en évoquer deux, avant d’en venir aux implications pour les questions d’asile.
    a) En amont : ces dernières années, le #système_de_santé a subi d’énormes pressions économiques : il fallait le rentabiliser, et donc le réduire au minimum, en économiser les coûts. La pandémie a montré le danger de ces #téléologies_économistes et souligné la nécessité déontologique d’un système de santé solide, digne de respect (quand on voit des néo-libéraux applaudir à 21h l’héroïsme du personnel soignant, on a juste envie de les pousser de leurs balcons – pardon pour cette parenthèse : elle n’est pas « déontologiquement correcte » !).

    b) En aval : certes, l’économie a souffert, et il est donc légitime de penser à l’avenir de celles et ceux qui sont au chômage, qui ont perdu leur travail, etc. Mais je me demande si ceux qui réclament à grands cris des investissements pour la relance économique pensent aux plus défavorisés et portent le souci déontologique d’un « maximin ». Je crains qu’ils ne songent plutôt à leur propre profit, à se refaire une santé financière, ou tout simplement à faire remonter d’urgence le sacro-saint PIB ! Retour aux affaires, alors que la crise serait une bonne occasion de faire le point, de se demander ce que nous voulons et ce que nous devons (krisis, en grec, signifie le jugement). Et déjà on soupçonne les démunis de vouloir profiter : « l’aide d’urgence ne doit pas devenir un oreiller de paresse », dixit Guy Parmelin.
    Asile : pas de « maximin » !

    Venons-en aux conséquences dans le domaine de l’asile. Ici aussi, le second principe de justice ne s’est pas appliqué. La pandémie a, certes, suscité un grand mouvement de solidarité, mais elle a aussi révélé des disparités dans l’exercice de cette dernière. Ce ne fut pas de la « solidarité sans frontières » … Donnons quelques exemples.

    Je viens de parler de celles et ceux qui ont perdu leur travail, et les requérant-e-s d’asile en sont. Ils risquent de se retrouver parmi les plus défavorisés des plus défavorisés, car on ne se souciera d’eux qu’en tout dernier, si personne ne prend leur défense.
    Nous avons pu observer combien l’idée de l’école à la maison a mis des familles de requérant-e-s d’asile en situation difficile : manque de matériel informatique, connaissances lacunaires de la langue d’enseignement, et donc grandes difficultés d’assumer les tâches déléguées d’enseignement. Il y a un danger de fracture sociale.
    Les plus exposés à la pandémie sont les plus fragilisés, et il était donc du devoir de la société d’appliquer les règles de confinement là où elles sont le plus nécessaires, notamment dans les centres d’accueil de requérants d’asile. Mais combien a-t-il fallu insister, et insister pour que cela se fasse, et à l’heure où j’écris ces lignes, il y a des lieux où cela n’est toujours pas fait.
    Enfin le droit d’asile lui-même est devenu victime de la pandémie. En effet, on a déclaré les frontières fermées, même si les frontaliers pouvaient la passer tous les jours, même si on pouvait rapatrier par milliers des citoyens bloqués à l’étranger. Mais elles sont résolument fermées pour les requérants d’asile : plus de possibilité de déposer une demande d’asile – violation du droit international, et donc problème déontologique fondamental.

    Le sauvetage en mer : une déontologie à la dérive

    J’étends quelque peu les perspectives. Le droit marin est absolument clair : toute personne en danger de se noyer doit être sauvée, qui qu’elle soit. Comment se fait-il que cette déontologie marine soit devenue aussi impossible en Méditerranée au fil des ans ? Au point où il faut lutter pour avoir le droit de faire une opération de sauvetage, puis obtenir un accueil dans un port sans devoir forcer les barrages, puis éviter la mise sous séquestre du bateau ? Alors qu’on compte depuis 1993 à 2018 environ 36’000 naufragés dont la mort a pu être documentée. Pour celles et ceux qui peuvent lire l’allemand, je recommande vivement, sur ce sujet, les livres publiés par les deux jeunes capitaines allemandes Carola Rackete et Pia Klemp, qui se sont battues et se battent encore sur ce front[3].

    La déontologie maritime a été disqualifiée par l’Europe : les sauveteurs sont accusés de faire du trafic d’êtres humains, en collaboration avec les passeurs. Et l’approche du problème se fait économique : si nous offrons un sauvetage, cette offre provoque un appel d’air ; plus il y a de navires de sauvetage, plus il y a de bateaux de fugitifs qui arrivent. Pour « réguler ce flux » (oui, c’est comme ça qu’on parle…), il faut réduire l’attrait. Il n’y a donc plus qu’une téléologie : renforcer la surveillance des frontières extérieures, et donc développer Frontex, à coup de milliards, et quant aux fugitifs sur leurs barques de fortune, la meilleure attitude, c’est de « laisser mourir » ou de « refouler vers les camps de la Libye »[4]. Ce faisant, l’Europe trahit ses principes fondamentaux, la déontologie qui constitue sa base.

    L’arrivée du coronavirus a permis de renforcer cette fermeture de la forteresse Europe. Un à un, les pays déclarent leurs ports pas sûrs et donc fermés à toute arrivée de rescapés (comme s’ils avaient été très ouverts auparavant…) ; les bateaux de sauvetage sont mis en panne ; les sauvetages sont bloqués. Mais les bateaux de fugitifs continuent de partir en mer, ce qui, d’ailleurs, contredit tragiquement la théorie économique de l’offre et de la demande… Mais la téléologie de la fermeture des frontières a pris le pas sur la déontologie du droit marin.
    Les camps des îles grecques : un utilitarisme à outrance…

    Environ 40’000 hommes, femmes et enfants vivent dans des camps prévus pour environ 6’000 personnes, dans des conditions innommables : la gale et d’autres maladies se répandent, la nourriture, distribuée dans des longues queues d’attente, est souvent déjà avariée, l’hygiène est rudimentaire ou inexistante, la violence sévit, les femmes subissent des viols, les enfants s’automutilent ou se suicident par désespoir, et régulièrement des incendies dévastent des parties des habitations, tandis qu’aux alentours, des groupes d’extrême-droite répandent la terreur. La description que fait Jean Ziegler dans son livre Lesbos, la honte de l’Europe[5] est sidérante. Mais ce qui est peut-être encore plus frappant, c’est comme il montre que cette misère est délibérément voulue : l’Europe laisse croupir les fugitifs entassés dans ces camps pour dissuader d’autres de venir, en montrant combien peu attractive et non accueillante est l’Europe. Au sens de Rawls, un utilitarisme à outrance : 40’000 personnes utilisées pour protéger l’Europe d’un « flux migratoire » (toujours le « flux » …) incontrôlable. On signalera en passant que Mme von der Leyen a intégré au département européen pour la migration la tâche de « la protection du style de vie européen ». D’ailleurs, lorsqu’une délégation de Bruxelles est allée visiter la frontière gréco-turque, elle a félicité la Grèce dans sa fonction de « bouclier de l’Europe », et l’aide qui lui a été promise à cette occasion, c’était « plus d’équipement technique, comprenant des bateaux, un avion de surveillance maritime, ainsi que des véhicules (équipés de dispositifs de vision nocturne) avec lumière thermique ». Donc, en somme, plus de Frontex, plus de militarisation des frontières ! Une fois de plus, une téléologie s’est imposée par rapport au devoir moral : l’Europe doit se protéger d’une menace à ses frontières extérieures, et dans l’Est de l’Europe, on entend même dire que ces fugitifs souilleraient la pureté ethnique de la population.

    Une possible propagation du coronavirus dans ces camps de la honte serait une catastrophe, car un confinement est impossible (longues queues d’attente, un robinet d’eau pour 1’300 personnes, familles nombreuses dans de petites tentes de fortune, etc.). La menace de la crise sanitaire a été l’occasion pour les autorités grecques de fermer complètement les camps, si bien que même le personnel des ONGs ne peut plus y entrer. Ce bouclage protège peut-être provisoirement du virus, mais suscite surtout une grande peur dans les camps, qui se décharge facilement dans des émeutes et des affrontements avec la police omniprésente.
    En réponse aux appels de Pâques : « pas de crise »

    La misère qui règne dans les camps grecs, amplifiée par la menace de la pandémie, a conduit de nombreux mouvements à lancer des appels de Pâques au Conseil fédéral, lui demandant de poser un signe clair, susceptible de faire bouger l’Europe, en accueillant immédiatement plusieurs milliers de fugitifs en Suisse, l’impératif déontologique étant d’évacuer ces camps le plus vite possible[6]. La réponse est négative. Comme elle l’avait déjà annoncé depuis plusieurs mois, après une procédure assez compliquée, la Suisse se contentera provisoirement d’accueillir mi-mai 21 ou 22 mineurs non accompagnés ayant de la famille en Suisse, comme le Luxembourg qui vient d’en accueillir 12 et l’Allemagne 47. Comme le disait une journaliste dans le journal allemand Die Republik, le message de telles actions est en somme : « Rassurez-vous, nous vous protégeons des réfugiés. »

    Mais la pression continue, car les appels de Pâques sont portés par une forte vague de sympathie. Je vous propose de relire la petite description de la misère dans les camps des îles grecques faite ci-dessus, puis de lire la réponse aux appels de Pâques de Mario Gattiker, secrétaire d’État aux migrations, dans une interview de la NZZ : « La situation en Grèce est difficile, mais il n’y a pas de crise. » Le gouvernement grec peut et doit faire son travail, et la Suisse l’aidera : en améliorant et en accélérant les procédures d’asile, on résoudra le problème des camps. Que faut-il de plus dans ces camps pour que le fonctionnaire bernois inamovible reconnaisse qu’il y a une crise ? Et surtout, que fait-il de la thèse de Jean Ziegler que ces camps doivent rester pour continuer de dissuader, que la téléologie européenne, c’est que ces « hot spots » doivent rester brûlants, incandescents ?
    L’État de droit – sous plexiglas …

    Dans le cadre du confinement, toutes les procédures judiciaires en Suisse ont été interrompues, sauf en matière d’asile. Même si c’est dans des conditions difficiles, les auditions de requérant-e-s d’asile et les prise de décision au SEM et au TAF ont continué, en mettant en danger la santé des personnes impliquées. Des décisions de renvoi ont été prononcées (en Grèce, notamment !), même si le renvoi ne peut pas se faire. Suite à de nombreuses protestations, appelant à interrompre ces procédures, elles furent brièvement interrompues pour aménager les salles d’audition selon les règles de confinement, notamment par l’installation de vitres en plexiglas, ce qui a permis de les reprendre de plus belle dès le 1er avril (et ce ne fut pas un poisson d’avril !).

    Pour justifier cette poursuite des procédures dans des interviews, Mme Keller-Sutter et Mario Gattiker ont invoqué l’État de droit, je dis bien : l’État de droit ! Joli paradoxe : pour poursuivre leur obsession administrative de liquidation des requêtes d’asile, ils ont revendiqué la déontologie : « Particulièrement en temps de crise, l’État de droit doit se montrer fort. » Même si les juristes et les traducteurs sont à distance – ou manquent –, même si les conseillers juridiques sont en télétravail et s’efforcent du mieux qu’ils peuvent de mener à bien leur mission, même si les médecins luttent contre le virus et n’ont pas le temps de faire des rapports médicaux, l’État de droit sous plexiglas continue son travail… Seule concession : on allonge un peu les délais de recours…

    On prétend d’ailleurs respecter les efforts sanitaires des autorités supérieures, mais les contradictions n’ont pas manqué. Un seul exemple : un requérant d’asile kurde du nom de Sangar Ahmad travaillait depuis plusieurs semaines avec son entreprise de nettoyage à désinfecter les locaux hospitaliers vaudois, mais il a dû interrompre ce travail fort utile le 13 avril, parce qu’un rejet de son recours l’obligeait à quitter ce travail et à entrer dans le régime de l’aide d’urgence. Rendu attentif à ce problème par une pétition, le SEM a prolongé le délai de deux mois : on espère que la crise sanitaire sera terminée ou qu’un vol de renvoi sera possible. Obsession de la téléologie, quand tu nous tiens…
    En guise de conclusion : Dürrenmatt et la Suisse

    Pour parler avec Ricœur : les conflits relevant de la sagesse pratique conduisent souvent à la défaite de la déontologie. Or, ce n’est pas très sage. La sagesse doit nous appeler à tenir tête à cette hégémonie des velléités qui contournent le devoir, qui font que si souvent ce qui doit être n’est que ce qui devrait être et n’est pas. La sagesse pratique nous appelle donc à être des veilleurs de la déontologie, dévoilant sans cesse les fausses téléologies, car ce n’est pas au prix de la déontologie que nous pouvons viser « une vie bonne avec et pour l’autre dans des institutions justes », mais bien plutôt avec elle pour fondement et pour référence.

    Le jeune Dürrenmatt, dont nous fêterons le centenaire en janvier prochain, l’exprimait dans un texte de 1950 dans lequel il se demandait quel serait l’avenir de la Suisse dans l’Europe en train de se construire. J’en cite quelques phrases qui me paraissent encore d’actualité et qui me serviront de conclusion :
    « Seule une Suisse qui garantit aux réfugiés toute la protection et toute l’aide possibles a un droit d’exister. C’est notre premier devoir politique de penser d’abord aux autres, puis à nous. Nous ne pouvons jamais faire assez pour les exilés, car nous justifions ainsi notre existence. Chaque cuillérée de soupe que nous leur donnons a plus de valeur que tous les discours de nos pères de la patrie et de nos professeurs. […] Aucun État ne repose autant sur la justice que la Suisse. Ce n’est qu’en justice qu’une liberté est possible qui ne soit pas le règne de l’arbitraire. La justice est la plus haute tâche de la Suisse. […] Nous devons comprendre que nous sommes à un tournant de l’histoire. Une Suisse future n’est pensable que comme l’État le plus social du monde, sinon elle sera mentionnée occasionnellement comme une curiosité dans l’enseignement de l’histoire des générations futures. »[7]
    Pierre Bühler,
    Neuchâtel/Zurich

    [1] Publiée en anglais en 1971, elle a paru en traduction française en 1987 (Paris, Éd. du Seuil ; 667 pages !).

    [2] Paris, Éd. du Seuil 1990.

    [3] Carola Rackete, Handeln statt Hoffen. Aufruf an die letzte Generation, Munich, Droemer, 2019 : Pia Klemp, Lass uns mit den Toten tanzen. Roman, Augsburg, MaroVerlag, 2019.

    [4] Cf. l’excellent dossier à ce sujet dans la Gazette de Vivre ensemble #5 que nous venons de recevoir.

    [5] Paris, Éd. du Seuil, 2020.

    [6] Ces appels peuvent être lus sur le site www.asile.ch.

    [7] Friedrich Dürrenmatt, Meine Schweiz. Ein Lesebuch, Zurich, Diogenes, 1998, p. 240-241 (trad. P. Bühler)

    https://asile.ch/2020/05/06/pierre-buhler-asile-et-coronavirus-entre-deontologie-et-teleologie
    #migrations #réfugiés #covid-19 #applaudissements #économie #école_à_la_maison #fermeture_des_frontières #sauvetage_en_mer #droit_marin #Etat_de_droit #Dürrenmatt

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  • Pierre Bühler | Asile et coronavirus : l’actualité au prisme de l’éthique
    https://asile.ch/2020/05/06/pierre-buhler-asile-et-coronavirus-entre-deontologie-et-teleologie

    Pierre Bühler, contributeur régulier de la revue Vivre Ensemble, nous livre une analyse fine de la gestion de la crise sanitaire vis-à-vis des populations de personnes exilées. Il scrute ainsi l’actualité de ces dernières semaines en nous aidant à la comprendre à travers le prisme de principes philosophiques éclairants. De la situation dans les camps […]

  • Récit | Visite en Bosnie pour épauler les associations locales
    https://asile.ch/2020/05/05/recit-visite-en-bosnie-pour-epauler-les-associations-locales

    « Terminus Bosnie », c’est sous ce terme intriguant que le Forum civique européen (FCE) a organisé une journée d’information à Berne, le 27 novembre 2019. De retour d’une visite en éclaireurs, le FCE avait fait venir des représentantes de la société civile de Bosnie- Herzégovine et de Croatie pour parler du drame qui s’y […]

  • Portait | De RMNA à meilleur apprenti genevois, le parcours d’Anbesa
    https://asile.ch/2020/05/05/portait-de-rmna-a-meilleur-apprenti-genevois-le-parcours-danbesa

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    Anbesa Gebretsadik a la victoire modeste, mais il est déterminé et enthousiaste. En formation en ferblanterie, il vient de remporter le concours Geneva Skills 2020, qui voit s’affronter les apprentis genevois sur des tâches spécifiques, exigeant savoir-faire et rapidité. Anbesa a eu la chance de rencontrer quelques bonnes personnes au cours de sa vie à […]

  • Témoignage | En quarantaine car vulnérable, il reçoit une décision Dublin
    https://asile.ch/2020/05/04/temoignage-en-quarantaine-car-vulnerable-il-recoit-une-decision-dublin

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    En arrivant en Suisse, j’imaginais enfin pouvoir poser mes valises. Je ne pensais pas avoir de problème avec les accords de Dublin. Je n’imaginais pas non plus le bruit et l’agressivité régnant dans le centre pour réfugiés dans lequel j’ai été placé. C’était comme revenir dans le contexte violent de mon pays. Ensuite, j’ai été […]

  • Documentaire | “Déplacer les montagnes” …chez vous en direct
    https://asile.ch/2020/05/04/documentaire-deplacer-les-montagnes-chez-vous-en-direct

    La première, spéciale confinement, du documentaire réalisé par Isabelle Mahenc et Laetitia Cuvelier “Déplacer les montagnes” sera diffusée en direct le mercredi 6 mai à 18h00. Pendant plus d’un an (entre 2017 et 2018), les deux réalisatrices ont filmé les rencontres entre les personnes exilées qui arrivent après un long périple et celles qui les accueillent […]

  • Covid-19 | Accès à l’éducation pour les jeunes exilés pendant la crise sanitaire
    https://asile.ch/2020/05/01/covid-19-acces-a-leducation-pour-les-jeunes-exiles-pendant-la-crise-sanitaire

    Dans une lettre ouverte, Solidarité sans frontières, le syndicat ssp, l’Union des étudiant-e-s de Suisse et Vivre Ensemble appellent les écoles et les départements de l’instruction publique et de la formation à prendre des mesures concrètes en faveur des enfants, adolescent-e-s et jeunes adultes exilés. En différenciant les besoins des jeunes logeant dans des centres […]

  • SantéPsy | Prendre soin de sa santé mentale : conseils en plusieurs langues
    https://asile.ch/2020/04/30/santepsy-prendre-soin-de-sa-sante-mentale-conseils-en-plusieurs-langues

    https://asile.ch/wp-content/uploads/2020/04/Capture-d’ecran-2020-04-30-a-14.04.38.png

    Santépsy.ch est la campagne d’information et de promotion de la santé mentale menée par les Cantons latins en partenariat avec la Coraasp (Coordination romande des associations d’actions pour la santé psychique). Afin de soutenir la population en cette période particulière, la campagne Santépsy.ch a créé et mis en ligne sur son site une nouvelle rubrique […]

  • VE 177 | Covid-19 et asile, en ligne
    https://asile.ch/2020/04/30/ve-177-covid-19-et-asile-en-ligne

    Le nouveau numéro de la revue Vivre Ensemble propose un focus spécial sur l’asile au temps du Covid-19. Les mesures de confinement et de fermeture des frontières pour lutter contre la propagation du virus ont en effet eu un impact important sur la situation des personnes migrantes, en Suisse et dans le monde. Dans ce numéro, […]