• Alain Brossat : « Rogue state » - Les aventures d’un concept pourri – ACTA
    https://acta.zone/rogue-state-les-aventures-dun-concept-pourri

    « Rogue », « rogue state », ce sont les expressions magiques qui permettent aux États-Unis de s’émanciper de toutes les conventions et traités internationaux, de faire fi des principes élémentaires du droit international. La Charte des Nations Unies, mais aussi la Constitution des États-Unis, fixent des restrictions distinctes à ce type d’intervention militaire contre une souveraineté étrangère, un type d’intervention qui ranime dangereusement le traditionnel droit de conquête que le droit international s’attache si vigoureusement à récuser (pour des raisons évidentes) après la Seconde guerre mondiale. « Rogue state », c’est le sauf-conduit que la puissance hégémonique s’accorde à elle-même et qui permet de court-circuiter toutes ces fastidieuses (et toujours incertaines) procédures passant, notamment, par des votes en Assemblée générale ou au Conseil de sécurité des Nations Unies.

  • Le Covid-19, un virus capitaliste : entretien avec Rob Wallace – ACTA
    https://acta.zone/le-covid-19-un-virus-capitaliste-entretien-avec-rob-wallace

    Ce que nous voyons sous l’administration Trump, c’est l’effondrement de l’exceptionnalisme américain, même en tant qu’idéologie. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont pris en charge la gestion du système capitaliste mondial en imposant leur puissance politique et militaire dans le monde entier pour protéger les profits de leur bourgeoisie et de ceux qui s’alignent sur elle.

    Dans le cadre de leur domination impériale, les États-Unis avaient l’habitude de s’occuper des épidémies. Le CDC (Centers for Disease Control & Prevention) était l’un des bras de cette opération, qui consistait principalement à garder les pandémies potentielles sous contrôle et hors des États-Unis.

    Le CDC a progressivement pris conscience que ce n’était qu’une question de temps avant qu’un virus ne traverse le bouclier américain, et il a commencé à alerter les administrations sur ce type de menaces. Mais Trump a ignoré les mémos que le CDC avait envoyés à plusieurs administrations.

    Le fait même que Trump ait réussi à gagner la présidence est en soi un signe de la faiblesse de l’ensemble de l’establishment politique, républicain et démocrate. Ils n’ont pas été capables de le « filtrer » et d’assurer la gestion continue de l’empire.

    La responsabilité de l’émergence de Trump incombe clairement au Parti démocrate. Sous la direction d’Obama, la situation de la grande majorité de la population s’est dramatiquement détériorée, en particulier dans les régions abandonnées par les investissements capitalistes, notamment les greniers à blé agricoles et les zones anciennement industrialisées du Midwest.

    Dans ces régions, les maladies de désespoir comme l’addiction aux opiacés ont explosé. Il suffit de regarder les comtés où le taux de ces maladies est élevé. Ces comtés sont passés d’Obama en 2012 à Trump en 2016, en particulier dans le Midwest et le Sud.

    Ils sont passés à Trump parce que les politiques néolibérales des démocrates les avaient abandonnés, les laissant se débrouiller seuls. Prenez Obamacare. Même si vous avez une assurance sur l’un des marchés, vous devez quand même payer des primes, des co-paiements et des franchises énormes. Pire encore, Obamacare n’aide même pas les 28 millions de personnes qui ne sont pas encore assurées ou les 44 millions d’autres qui sont sous-assurées.

    De telles conditions de chômage et de détérioration du niveau de vie, ainsi que toute la colère et le désespoir qui les accompagnent dans certains milieux, font de la politique fasciste un choix judicieux. Surtout s’il y a peu d’alternatives à gauche. En ce sens, Trump est un symptôme aigu de l’incapacité totale du Parti démocrate à répondre aux besoins réels des gens.

    Trump a profité de cette situation et a fait peu de cas de toutes les institutions qui dirigeaient l’empire, y compris le CDC. Il l’a transformé en une unité de propagande politique au point qu’elle est incapable de faire face à une épidémie majeure, même à l’intérieur de nos propres frontières. Les États-Unis commencent à montrer les caractéristiques d’un État-nation en faillite.

  • Ratonnades anti-arméniennes organisées par des fascistes turcs – ACTA
    https://acta.zone/ratonnades-anti-armeniennes-organisees-par-des-fascistes-turcs

    Les participants à ces expéditions punitives n’ont pas fait mystère de leur appartenance aux Loups Gris (ou a minima de leur sympathie pour cette organisation). De quoi parle-t-on ?

    Les #Loups_Gris sont une organisation armée néo-fasciste, anti-communiste et panturque, fondée à la fin des années 1960 par Alparslan Türkeş (ancien colonel de l’armée turque et hitlérien revendiqué). Ils se signalent par un virulent racisme anti-arménien, anti-kurde, anti-grec et antisémite. Leur signe de ralliement – pouce, majeur et auriculaire joints – est clairement identifiable (voir image d’illustration). En cinquante ans d’existence les Loups Gris se sont rendus responsables de la mort de plusieurs milliers de personnes à travers des assassinats et massacres visant en particulier les membres des minorités ethniques, les syndicalistes, militants de gauche et combattants révolutionnaires – sur le sol turc aussi bien qu’à l’étranger.

    (...)

    Les médias français, dans leur couverture des événements d’hier soir à Dijon, se sont la plupart du temps contentés d’évoquer sans plus de précisions des « groupes de Turcs » déambulant dans les rues en criant « Allah Akbar » le soir de l’attentat islamiste ayant coûté la vie à trois personnes au sein de la basilique Notre-Dame de Nice. Ce faisant ils invisibilisent, au profit d’une propagande islamophobe facile, la nature politique réelle de ces ratonnades et le contexte international dans lequel elles s’inscrivent.

  • Poissy : un policier mis en examen pour le meurtre d’Olivio Gomes, Sihame Assbague, journaliste indépendante – ACTA
    https://acta.zone/poissy-un-policier-mis-en-examen-pour-le-meurtre-dolivio-gomes

    Dans la nuit du 16 au 17 octobre 2020, Olivio Gomes, un homme noir de 28 ans, a été tué par un policier blanc à Poissy. Les trois balles qui l’ont touché, notamment au niveau de l’omoplate et de l’épaule gauche, lui ont été fatales. D’après nos informations, confirmées par Le Parisien – dans un article qui constitue, par ailleurs, un cas d’école du « journalisme de préfecture » 1 -, le policier tireur a été mis en examen pour « homicide volontaire » . Une qualification très rare dans ce genre d’affaires. Il a également été placé sous contrôle judiciaire et fait l’objet d’une interdiction d’exercer la profession, de se rendre dans les Yvelines et de porter une arme.

    À Argenteuil, où Olivio a grandi, et dans le quartier Beauregard à Poissy, où il vivait, la nouvelle a été accueillie avec soulagement. Mais les questions et frustrations demeurent. La tristesse d’avoir perdu un être cher, un « exemple, aimé de tous » , se mêle à la colère froide suscitée par les circonstances de ce crime et son traitement médiatique.

    En effet, quelques heures seulement après le décès de ce père de famille, se fondant sans recul sur la version officielle, de nombreux journaux titraient « un chauffard abattu par un policier » et faisaient mention d’une « folle course-poursuite » . Tous ont repris la thèse selon laquelle le policier aurait agi en état de « légitime défense » face à un conducteur qui, nous a-t-on dit, voulait lui « foncer dessus » . Problème ? Tout ceci est mis en cause par les récits de deux témoins oculaires, passagers de sa voiture au moment des faits. Et les premiers éléments de l’enquête leur donnent plutôt raison.

    Que s’est-il passé ?

    https://seenthis.net/messages/882860

    #Olivio_Gomes #police #bac #mass_media #presse #Justice #blame_the_victim #criminalisation

  • Naples : nuit de révolte contre l’état d’urgence et le couvre-feu – édito d’Infoaut https://www.infoaut.org/editoriale/napoli-una-rivolta-per-non-morire, traduit par ACTA
    https://acta.zone/naples-nuit-de-revolte-contre-letat-durgence-et-le-couvre-feu

    À Naples, vendredi soir, des milliers de personnes ont participé à une manifestation spontanée contre le nouveau couvre-feu annoncé par le président régional Vincenzo De Luca, suivie de plusieurs heures de combats de rue et d’attaques contre des bâtiments publics. Les médias ont immédiatement cherché à y déceler la mainmise des fascistes, des Ultras ou même de la Camorra. Alors que depuis la révolte s’est étendue à plusieurs autres villes d’Italie, nous avons traduit l’édito de nos camarades d’Infoaut qui revient sur la première nuit d’émeute napolitaine, en s’attachant à déconstruire le « confortable récit raciste et colonial » de la presse mainstream.

    Nous avons écrit à chaud sur Facebook à propos de ce qu’il se passait à Naples : « Les rues de cette nuit étaient peut-être spontanées, contradictoires, ambiguës, stratifiées, comme la société dans laquelle nous vivons, comme son revers. Mais à Naples, ce soir, s’est brisée l’hypocrisie derrière laquelle se cache l’incompétence de ceux qui nous gouvernent, l’échec de ce modèle économique face au virus, la violence qu’ont dû endurer ceux qui pendant des mois ont été abandonnés ».
    Comme prévu, l’aboiement médiatique contre ceux qui sont descendus dans la rue ne s’est pas fait attendre. La fumée des gaz lacrymogènes ne s’était toujours pas dissipée que les commentateurs politiques émettaient déjà des hypothèses sur la mainmise de la Camorra et des fascistes, proposant le fétiche habituel des ultras coupables de tous les maux du monde, associant les manifestations d’hier aux No Mask, alors même que le message porté dans la rue était totalement différent. Et une grande partie de la gauche de ce pays s’est blottie dans ce confortable récit raciste et colonial. Un récit linéaire qui, sans rien saisir des tensions, des contradictions et des instances du mouvement, signifie : au fond, ce sont les Napolitains habituels.

    Exorciser la rébellion.

    Le problème est qu’à notre époque, chaque fois que surgit un phénomène autonome de conflictualité sociale prolongée, qu’il s’agisse des Forconi ou des Gilets jaunes, celui-ci apparaît sous des formes impures, ambivalentes et contradictoires. Souvent se retrouvent dans la rue des personnes qui, théoriquement du moins, sont censées avoir des intérêts opposés, et plus souvent encore, ces contradictions se consomment justement dans la rue. Il est donc beaucoup plus facile de les considérer comme des phénomènes fascistes simplement parce que Roberto Fiore [fondateur et dirigeant du mouvement néofasciste Forza Nuova] essaie de s’en approprier la paternité avec un tweet depuis son confortable fauteuil à Rome, ou comme des actions coordonnées par la Camorra (sans que l’on sache clairement dans quel but), plutôt que d’essayer de les comprendre et d’y prendre part pour contribuer à leur évolution.

    Comme quelqu’un l’a noté à juste titre sur Facebook, le récit mainstream est assez similaire à celui qui avait été fait il y a quelques années devant la crise des déchets. La responsabilité de la crise est mise sur le dos de la population qui, inquiète pour sa santé, se rebelle contre l’incompétence et la corruption des institutions et des entreprises privées, puis finalement apparaît comme par magie l’infiltration du crime organisé dans les manifestations pour les délégitimer et les réduire à un phénomène de pure délinquance. Un scénario déjà vu qui se répète chaque fois que les gens ne s’adaptent pas à la gestion de l’urgence par le haut.

    Oui, car depuis des mois, nous entendons répéter dans le jargon martial que « nous sommes en guerre contre le Covid ». Mais comme on sait, la guerre est la plus hypocrite des activités humaines. Les colonels à la recherche d’un consensus facile crient à travers les écrans que c’est de notre faute si le virus se propage. Pendant ce temps, les « soldats » de cette guerre continuent d’être envoyés au front avec des chaussures en carton et une pétoire pour deux. Une guerre hypocrite, comme nous le disions, dans laquelle le problème serait ce que les gens font entre 23 heures et 5 heures du matin (ils dorment la plupart du temps) et non le fait qu’ils tombent malades au travail, dans les transports, à l’école, à l’hôpital et même dans les files d’attente pour se faire tester. Voilà donc le couvre-feu, encore un mot d’état de siège, revenu en quelques semaines dans le langage commun, encore une mesure ad hoc pour ne pas perdre la face au vu de l’augmentation des infections et en même temps pour ne pas contrarier les vrais coresponsables de cette situation, ceux qui depuis des mois demandent de tout rouvrir à tout prix, ceux qui veulent maintenant licencier à tout prix : les patrons de la Confindustria et ce ramassis de bandits qui dans notre pays s’appellent des entrepreneurs.

    Non, nous ne sommes pas devenus « agambeniens » du jour au lendemain, nous croyons toujours, encore plus face à ce qui s’est passé, qu’il ne s’agit pas d’une simple grippe, que la première tâche pour nous est de prendre soin de nous-mêmes et des autres afin que le virus ne se propage pas. Nous pensons que cela ne doit pas se faire par obéissance envers le pouvoir établi, mais par amour pour les faibles et les opprimés, pour ceux qui sont abandonnés, pour ceux qui souffrent dans la lutte contre le virus. Parce que nous savons très bien que c’est nous, ceux d’en bas, qui payons le plus dans cette crise causée par l’économie mondialisée, les privatisations, la dévastation de l’environnement, la transformation de la santé en marchandise. Mais prendre soin de soi et des autres signifie ne pas ignorer d’un geste égoïste ceux qui ont perdu leur emploi dans cette crise, ceux qui risquent de perdre leur maison et leurs proches. Cela signifie se battre à leurs côtés, car tant que la gestion de l’urgence sera uniquement aux mains du politique, tant que les seuls à faire entendre leur voix seront les industriels, alors c’est nous qui compterons dans nos rangs les morts et les malades, que ce soit du Covid ou de la faim. Il est temps de revenir à l’idée que la santé est un fait social global et que la rébellion est le symptôme que quelque chose doit changer.

  • « D’une aspiration utopique à un programme réalisable » : Entretien avec Kristian Williams sur l’abolition de la police – ACTA
    https://acta.zone/dune-aspiration-utopique-a-une-programme-realisable-entretien-avec-kristian-w

    Dans votre livre, vous évoquez la police comme « l’ennemi naturel de la classe des travailleurs ». Quel est le rôle de la police aux USA dans la répression des mouvements sociaux ?

    Je paraphrasais George Orwell, qui a lui-même envisagé le problème sous deux angles : d’abord en tant que membre de la police impériale en Birmanie, puis en tant que simple ouvrier, clochard et milicien dans l’Espagne révolutionnaire.

    Il est intéressant de noter que James Baldwin – qui apparaît de plus en plus comme l’écrivain américain le plus important – a également décrit la police comme l’ennemi de la population noire, et ce, pour des raisons similaires à celles d’Orwell. Baldwin se préoccupait principalement de la race, et Orwell de la classe, mais ils virent tous deux la police œuvrer contre les aspirations des opprimés et des exploités.

    Dans l’histoire des États-Unis, cela remonte aux patrouilles d’esclaves, puis ça s’est développé simultanément selon des logiques de race et de classe. On le perçoit ainsi dans la répression du mouvement ouvrier, la police jouant les briseurs de grève, espionnant les syndicats, assassinant les responsables syndicaux. Et on observe sensiblement la même chose dans la répression policière du mouvement des droits civiques, puis du mouvement Black Power, et aujourd’hui du mouvement Black Lives Matter.

    Compte tenu de cette histoire, je soutiens que c’est à cela que servent véritablement les forces de police. Leur origine et leur développement ont beaucoup moins à voir avec la criminalité qu’avec la préservation de la répartition des pouvoirs existante – c’est-à-dire la perpétuation des inégalités. Si elles peuvent y parvenir en appliquant la loi, elles le feront ; mais elles le feront tout aussi volontiers en l’enfreignant.

    Vous avez aussi dans votre livre cette formule « Community policing + militarization = counterinsurgensy » (police de proximité + militarisation = contre-insurrection). Pouvez-vous l’expliquer et développer ?

    On pense souvent qu’il faut que la police choisisse entre une approche aimable, éclairée et de proximité, ou une approche militaire plus dure et redoutable. Je pense que c’est une erreur. J’ai constaté dans mes recherches que ces deux tendances se sont toutes deux développées dans les années 60 et 70 en réponse au mouvement social de l’époque, en particulier au mouvement des droits civiques, et qu’elles ont été observées au sein des mêmes services. En creusant, je me suis rendu compte qu’il s’agissait de deux aspects d’une même stratégie, en réalité d’une transposition de la contre-insurrection sur le plan intérieur.

    La contre-insurrection, qui est véritablement la science de la guerre contre-révolutionnaire, admet l’utilisation d’une puissance de feu supérieure [à celle des ennemis], mais elle prend en considération que celle-ci ne sera jamais suffisante pour pacifier une société inégalitaire. La dimension politique est plus importante que la dimension militaire, et les gouvernements doivent par conséquent gagner la légitimité et le soutien de la population, s’ils veulent assurer leur capacité à gouverner.

  • 20 août 1998 : Clinton bombarde une usine pharmaceutique au Soudan – ACTA
    https://acta.zone/20-aout-1998-clinton-bombarde-une-usine-pharmaceutique-au-soudan

    Les États-Unis soutenaient que l’installation d’Al Shifa était connectée à Oussama Ben-Laden et l’aidait à se procurer des armes chimiques. Lorsqu’il devint clair que cela était faux et que l’usine ne produisait que des médicaments, l’administration US à bloqué l’enquête de l’ONU sur l’incident. Les États-Unis ne se sont jamais excusés ni n’ont jamais payé aucune compensation pour ce crime.

    L’usine Al Shifa était spécialisée dans les traitements contre le malaria et la tuberculose ainsi que dans les médicaments vétérinaires. Werner Daum, ambassadeur allemand au Soudan de 1996 à 2000 écrivit dans un article que l’attaque « provoqua probablement des dizaines de milliers de morts » civils soudanais.

    En 1998 le Soudan faisait face à une situation de grande pauvreté ainsi qu’à de lourdes sanctions, et était donc incapable d’importer des médicaments coûteux pour compenser la destruction de l’usine Al Shifa, qui fournissait des médicaments vitaux à bas prix. Au Soudan, cet incident est largement considéré comme un acte de terrorisme.

  • Mobilisations féministes : contre Darmanin... et tous les autres – ACTA
    https://acta.zone/mobilisations-feministes-contre-darmanin-et-tous-les-autres

    Cette séquence féministe, radicale et salutaire, nous invite ainsi à nous confronter à la question du pouvoir, de ceux qui en bénéficient, et à l’impunité systématique qui y est rattachée. La nomination d’un homme accusé de viol (mais l’on pourrait aussi bien dire : d’un violeur) au gouvernement n’est pas qu’un symbole : elle ne dit pas seulement quelque chose, elle est aussi la perpétuation tout à fait concrète de la culture du viol. La figure publique possède en effet un rôle symbolique fondamental, encore plus lorsqu’il s’agit de ceux qui nous gouvernent : elle porte en elle les aspirations et les traits forts de ce qu’elle représente. Avec l’accès de Polanski ou Darmanin à des nominations parmi les plus prestigieuses de leurs domaines respectifs (politique, culturel), c’est bien la culture du viol elle-même qui se retrouve non pas intégrée – elle en est consubstantielle – aux sommets l’État, mais officiellement, ouvertement affichée et légitimée.

    #culture_du_viol

  • Ramasser de plus belle – ACTA
    https://acta.zone/ramasser-de-plus-belle

    Les femmes ont tendance à avoir des taches prédéterminées dans la plupart des cas qui sont généralement les moins physiques, comme la cueillette des tomates. Et cela, bien que nécessaire, ne leur suffit pas et elles doivent en faire d’autres, plus dures. Par exemple, ça m’est arrivé de voir des femmes âgées en surpoids nettoyer et porter un chariot très lourd. Les femmes sont aussi celles qui s’entraident le plus entre elles et qui s’entendent le mieux avec tout le monde. Après, pour elles comme pour nous, les tâches les plus fatigantes dépendent aussi de la monotonie et de la répétition du travail, qui sont très fatigantes mentalement. Il y par exemple certains emplois pour lesquels vous êtes tout le temps tout seul. Après, il y a beaucoup de femmes parce que dans leur pays d’origine, elles se sont consacrées à l’agriculture et parce que dans le travail agricole, la cueillette, c’est l’un des moins fatigants physiquement. En plus pour celles qui ont des enfants, elles n’ont pas d’autre choix que de s’en occuper, même si elles doivent perdre leur travail et leur salaire de la journée, car les pères s’occupent très rarement des petits.

  • « Les violences policières ne sont qu’une partie des problèmes suscités par l’existence de la police »
    https://acta.zone/les-violences-policieres-ne-sont-quune-partie-des-problemes-suscites-par-lexi

    À l’heure où des manifestations massives animent les États-Unis contre les violences policières racistes, résonne le slogan « abolish the police ». En France, les revendications autour de la police visent en général davantage l’arrêt de certaines pratiques policières (clé d’étranglement, plaquage ventral, contrôles au faciès, etc.) que l’abolition de l’institution policière elle-même. Nous avons sollicité Gwenola Ricordeau, professeure assistante en justice criminelle à la California State University, Chico, auteure de "Pour elles toutes. Femmes contre la prison" (Lux, 2019) pour nous éclairer sur cette revendication et ses implications concrètes. Source : (...)

    • En général, on trouve parmi les propositions réformistes – dont l’argumentation est très bien démontée par le groupe abolitionniste états-unien Critical Resistance – une meilleure formation des policiers. Cette proposition est problématique car elle contribue à développer les budgets qui leur sont alloués et la recherche tend à prouver que la formation des policiers n’a pas beaucoup d’effets sur la réalité de leur travail, mais surtout cela peut contribuer à renforcer leur sphère d’activités. L’exemple le plus souvent utilisé aux États-Unis est celui de la formation des policiers à la prise en charge des personnes ayant des troubles psychiques. C’est un enjeu important car ces personnes sont surreprésentées parmi les victimes de crimes policiers et de plus en plus de forces de police forment leurs personnels aux contacts avec ces personnes. Le problème, c’est que de plus en plus, plutôt que de faire appel à des personnels de soins ou à des membres de la communauté qui auraient des ressources à apporter lorsqu’une personne se met en danger ou met en danger autrui, il y a l’appel à la police. C’est évidemment le même type de questions que pose, par exemple, le fait de former davantage les policiers à l’accueil des femmes victimes de violences.

  • Brésil : mémoires ruinées et survie – ACTA
    https://acta.zone/bresil-memoires-ruinees-et-survie

    Le Brésil est désormais le nouvel épicentre de l’épidémie de Covid-19 avec une aggravation dramatique de la situation sanitaire et une augmentation inquiétante du nombre de décès. Dans l’article qui suit, Alexis Munier-Pugin et Victor Bastos éclairent la gestion criminelle de cette épidémie par le gouvernement de Jair Bolsonaro : minimisation voire négation de sa gravité, priorité absolue de la croissance économique sur la santé et la préservation de la vie, mépris des mesures de confinement, sous-évaluation des chiffres. Le Brésil n’effectue que 4 300 tests pour 1 million de personnes (contre 87 000 pour l’Espagne, et 64 000 pour l’Italie, à titre de comparaison), tandis que les autorités ont officiellement permis l’inhumation et la crémation des cadavres sans certificat de décès.

    L’article s’intéresse ensuite au révisionnisme historique qui caractérise le bolsonarisme, en particulier sa réhabilitation ouverte de la dictature militaire et son rapport mythologique au passé colonial, afin d’en identifier la cohérence stratégique. De la persécution des indigènes par les colons européens à celle des opposants sous la dictature jusqu’au régime actuel, une continuité nécropolitique : effacer les traces, faire disparaître les corps.

  • Micrologies policières et crise de régime. Sur Gazer, mutiler, soumettre de Paul Rocher
    https://www.contretemps.eu/violences-policieres-crise-regime

    Tailler dans la chair. Choquer les esprits. Marquer à jamais des vies. De quoi la brutalisation croissante du maintien de l’ordre est-elle le nom ? Que se cache-t-il derrière la diffusion d’abord et l’usage massif ensuite d’armes dites non létales de la part de la police et de la gendarmerie ? Comment expliquer la nouvelle escalade de ces crimes d’État depuis quelques temps dans l’espace public français ? De quelle façon éclaircir la couverture épaisse d’enfumage idéologique qui l’entoure ?

    Le livre sort aujourd’hui, et donc :

    Cet article a été rédigé avant le début du grand mouvement états-unien et international déclenché par l’assassinat de George Floyd.

    #maintien_de_l'ordre #violences_policieres #armes_non-létales

    • Violences policières : “Le ministère de l’Intérieur organise l’opacité sur le nombre de blessés”
      D’abord expérimentées dans les colonies et les quartiers populaires, banalisées aujourd’hui, les armes "non létales" aggravent les violences policières.
      Interview de Paul Rocher par Olivier Tesquet autour du livre : Gazer, mutiler, soumettre aux éditions la fabrique :

      https://www.telerama.fr/idees/violences-policieres-le-ministere-de-linterieur-organise-lopacite-sur-le-no

      Elles sont censées neutraliser et irriter plutôt que tuer, et font exploser le nombre de blessures irréversibles… Dans un essai percutant, “Gazer, mutiler, soumettre”, en librairie le 5 juin, l’économiste Paul Rocher examine la généralisation de l’utilisation des armes dites non létales par les forces de l’ordre. Plaidant pour un contrôle citoyen de l’équipement de la police.

    • POLITIQUE DE L’ARME NON LÉTALE
      https://acta.zone/politique-de-larme-non-letale-entretien-avec-paul-rocher

      Les noms de George Floyd et d’Adama Traoré ont récemment remis en avant la question des violences et des crimes policiers des deux côtés de l’Atlantique. Ils ont aussi conduit à s’interroger sur les méthodes qu’emploient les forces de l’ordre dans nos démocraties néolibérales. C’est à cela que s’attache Paul Rocher dans un livre qui paraît aujourd’hui aux éditons La fabrique, et en particulier à la croissance affolante de l’usage des armes dites non létales dans nos démocraties occidentales. Retraçant la généalogie coloniale de ces armes, il montre combien l’extension progressive de son usage à quasiment l’ensemble de la population correspond au type spécifique d’hégémonie induit par les régimes néolibéraux. Pour autant, il montre aussi combien l’autodéfense populaire qui circule des luttes des banlieues aux Gilets jaunes en passant par la ZAD et le cortège de tête esquisse la possibilité d’un front dont le mot d’ordre pourrait être le « contrôle populaire de l’armement ».

      Dans ton livre tu pointes un paradoxe apparent de la catégorie d’« arme non létale » : le fait que le caractère « non létal » de ces armes est loin d’être assuré. Tu soulignes également que la présentation de l’« arme non létale » comme incapacitante mais non meurtrière encourage leur utilisation démesurée par les forces de police. Pourquoi alors avoir décidé de consacrer un ouvrage spécifiquement à ce type d’arme – en d’autres termes, pourquoi n’avoir pas écrit une « politique de l’arme » tout court ?

      Depuis l’irruption des Gilets Jaunes la question des violences policières ne cesse d’alimenter le débat public. Le journaliste David Dufresne a recensé plus de 800 blessés, dont plus de 300 à la tête, deux décès, 25 éborgnés, 5 mains arrachées, et le chiffre réel est sans doute plus élevé. Ces blessures ont été infligées par des armes non létales, dont l’utilisation a explosé ces dix dernières années. Pour prendre un exemple des statistiques mobilisées dans le livre, en 2018 les forces de l’ordre ont tiré environ 480 fois plus sur des manifestants qu’en 2009 pour atteindre le chiffre extrêmement élevé de 19 071 tirs sur des civils. Inversement, d’autres armes comme le pistolet ne font en principe pas partie de l’arsenal du maintien de l’ordre et leur utilisation est relativement stable sur la même période. Il y a donc une spécificité des armes non létales.

      Récemment, nous avons vu l’augmentation d’articles de presse mettant en cause des membres individuels des forces de l’ordre sur la légalité d’un tir, la proportionnalité de certains coups de matraque ou la nécessité d’envoyer massivement du gaz lacrymogène dans une situation donnée. La documentation de ces phénomènes est évidemment très importante mais elle reste à la surface d’un phénomène plus profond. L’objectif de Gazer, mutiler, soumettre est d’expliquer la logique profonde qui anime l’escalade de la violence par armes non létales. Pour faire cela j’ai appliqué la théorie de l’arme à un ensemble de données statistiques et qualitatives. Cette théorie postule d’interroger dans quelle mesure les caractéristiques propres d’un outil ont des implications sur l’action dont il est le moyen. Dans cette perspective, une arme n’est pas seulement un moyen rendant possible la poursuite d’un but, c’est aussi une contrainte qui pèse sur cette poursuite. Dans le livre je montre comment la qualification de « non létal » mène à la brutalisation du maintien de l’ordre. Au passage le mythe d’un instrument technologique garantissant un maintien de l’ordre plus humain vole en éclats. Donc une idée centrale est la suivante : La disponibilité des armes non létales conduit les forces de l’ordre à frapper, à gazer et à tirer davantage et plus vite.

      D’ailleurs, tout au long du livre tu insistes sur le fait qu’étudier les armes non létales permet de mettre en lumière « l’autonomie relative des forces de l’ordre. » Qu’entends-tu par là et qu’est-ce que cela implique dans notre rapport à l’État ? En quel sens ce type d’arme influe-t-il sur les comportements policiers ?

      Dans la mesure où l’arme non létale façonne le comportement de son utilisateur les actions de ce dernier ne peuvent pas être pleinement comprises sous angle exclusif de l’exécution des ordres. Dans le débat public les violences policières ont souvent été imputées au gouvernement qui aurait donné les ordres. Ces analyses sont justes mais n’épuisent pas la question. En réalité, et c’est assez bien étudié, les forces de l’ordre disposent d’une marge de manœuvre propre dans l’exécution des ordres. Et cela est d’autant plus le cas lorsque les forces de l’ordre assurent des interventions complexes et peu prévisibles comme à l’occasion des manifestations et savent que des sanctions en cas de violences documentées sont rares.

      On sait aussi que membres des forces de l’ordre ne sont pas des citoyens modèle, ils sont imprégnés de conceptions stéréotypées qui peuvent avoir des conséquences considérables. Herbert J. Gans, ancien président de la prestigieuse American Sociological Association , insiste sur une sorte de prophétie auto réalisatrice policière : l’anticipation de révoltes par les policiers augmente d’autant leur niveau de violence. Dans cette lignée, la sociologie de la police a identifié un autre phénomène important, à savoir que le niveau de violence employé par la police varie en fonction de son public.

      Dans le premier chapitre, tu reviens sur les origines militaires (et donc aussi coloniales) des armes non létales. En quoi l’apparition et la généralisation de ce type d’arme relèvent-elles également d’un choix tactique des forces colonisatrices – et non, comme cela est parfois présenté, par un souci éthique ? Comment le passage de ces armes « non létales » des colonies aux métropoles a-t-il été géré par les forces répressives ?

      Pendant la Première guerre mondiale les armes chimiques, dont le gaz lacrymogène, sont utilisées pour la première fois à grande échelle, et cela notamment dans le cadre de la guerre des tranchées pour asphyxier ou contraindre les soldats ennemis de sortir des tranchées pour mieux pouvoir les abattre. Rien de très éthique et les soldats en gardent un souvenir terrible qui décrédibilise cette arme. En 1925, le gaz lacrymogène sera interdit en guerre. Par contre, la domination coloniale n’étant pas considérée comme un conflit militaire entre deux puissances souveraines le recours au gaz lacrymogène s’y développe, notamment pour faire face au développement des insurrections anticoloniales. Winston Churchill vantait les mérites de cette arme pour répandre une « terreur salutaire » auprès des peuples colonisés. A nouveau, ce n’est pas le souci étique qui guide le choix de l’arme mais son efficacité politique.

      Dans les pays les plus riches les armes non létales font leur retour opérationnel au cours des années 1960. A l’époque, en France mais aussi dans d’autres pays comme les États-Unis les mobilisations populaires s’intensifient et placent les gouvernements devant une contradiction : Comment éviter de céder politiquement sans pour autant tuer des personnes, ce qui décrédibiliserait fortement le soutien à l’ordre établi ? La réponse se trouve dans le développement d’armes non létales. Les fabricants d’armes commencent à commercialiser de nouveaux types de gaz lacrymogène et de nouvelles armes comme le pistolet à impulsion électrique et les fusils à balles en caoutchouc qui vont rapidement causer des morts aux États-Unis, en Irlande ou en Palestine.

      Les armes que les forces de l’ordre utilisent aujourd’hui ont été mis en place à partir des années 1990. Sans entrer dans les détails du livre, l’histoire des armes non létales nous renseigne que leur développement répond toujours à une crise du maintien de l’ordre établi.


      Nnoman / Collectif Oeil

  • Un long chemin - Hypothèses pour une autonomie organisée – ACTA
    https://acta.zone/un-long-chemin-hypotheses-pour-une-autonomie-organisee

    De nombreuses analyses à chaud ont déjà été produites sur les origines de la crise sanitaire, sa gestion, ses conséquences pour les classes populaires et la nécessité de s’auto-organiser pour y faire face. Désormais, il est établi que la crise protéiforme, sanitaire mais aussi politique, sociale et économique que nous traversons, est dans son origine, son développement, sa gestion, ses conséquences, proprement capitaliste. Cela se décline à la fois dans les rapports entre mode de production et destruction de l’environnement1et dans une gestion politique de la pandémie qui privilégie le marché au détriment de la santé et plus largement un contexte de destruction des services publics amorcé depuis des décennies.

    L’accélération et la densité des crises générées par le capitalisme complique toujours plus sa capacité à produire l’illusion d’une viabilité et laisse penser qu’il y aura toujours moins de répits dans les temps à venir, les crises étant déjà un état permanent pour les peuples qui affrontent l’impérialisme ou qui subissent de plein fouet la destruction de leur contexte écologique. La dynamique mortifère et autoritaire dans laquelle le capitalisme continue de nous enfoncer révèle autant les enjeux propres à sa survie en tant que forme d’organisation sociale, que la nécessité de nous structurer pour pouvoir le détruire. Plus que jamais il faut agir en fonction de l’urgence planétaire, tout en partant de l’expérience des luttes sans brûler les étapes d’un processus de recomposition pour l’offensive globale. Ce texte fait donc quelques propositions à partir de notre expérience récente et de la crise actuelle, sans fatalisme ni optimisme béat, mais avec la conviction forte que les peuples sont plus que jamais en mesure de renverser l’état des choses existant.

    [...] Historiquement, de nombreuses organisations de solidarité de plus ou moins grande échelle ont accompagné les pratiques des mouvements révolutionnaires. Mais ceux-ci l’ont fait sans confondre buts et moyens : la solidarité et l’entraide sont des moyens pratiques, parmi d’autres, qui doivent permettre de détruire le système produisant les inégalités. De notre point de vue, l’auto-défense est avant tout un repli tactique mais ne peut se substituer à la perspective de rassembler durablement en vue de socialiser la santé et les moyens de production. Dans ce cadre, nos pratiques restent assignées à occuper l’espace laissé vacant par l’État, et à devoir composer avec des moyens contraints par les rapports asymétriques dans lesquels elles se déploient. Elles ne pourront jamais que constituer une « offre » concurrente et inégale face à l’État ou oeuvrer à la construction de zones libérées partiellement de celui-ci. Elles n’impliquent aucunement une prise de conscience de la nécessité de le détruire, et laissent de côté le fait que les zones « libérées » sont bien vite reconquises, détruites, absorbées par la logique expansive du capital. Autant qu’il n’y a pas de mécanicité entre accroissement de l’antagonisme de classe et situation révolutionnaire, l’idée de la « contagiosité » des formes d’auto-organisation vers le communisme est pour nous un non-sens. Prise comme une perspective politique stratégique, l’auto-organisation se limite à la possibilité de subversions parcellaires des conditions de la reproduction de la force de travail, mais échoue à penser la réappropriation des moyens de production, et ne peut se substituer à l’autonomie politique de la classe comme condition révolutionnaire.

    Il n’y a pas de mécanicité entre le durcissement de l’antagonisme de classe, les révoltes qu’il induit, l’auto-organisation, et la victoire5 : sacraliser le moment de l’explosion ou de la subversion comme horizons et potentiels points de bascule nous empêche de penser les outils qui puissent permettre un dépassement, et de nous atteler à leur développement. Notre incapacité à bâtir un cadre culturel d’organisation commun se traduit aujourd’hui très concrètement par la résurgence et la prolifération de théories conspirationnistes et crypto-fascistes entourant le virus et la classe politique, d’une critique morale sur sa corruption, avec pour seule perspective qu’une fois le confinement fini, nous reprenions la rue et renversions ce gouvernement. Cette incapacité à produire l’idée commune d’un dépassement et à s’organiser pour celui-ci nous effraie. Les exemples récents que furent les révoltes dans les pays arabes, par-delà les spécificités de chacune d’elles, nous rappellent ce que signifie une insurrection qui défait un gouvernement mais ne peut s’attaquer au système qui le produit, et de la réaction inévitable qu’elle appelle, que l’on voit germer aujourd’hui à l’aune de cette crise mais aussi depuis de nombreuses années, dans le souhait du retour d’un État national fort.

    Pour penser cette riposte, il ne faut donc ni céder au sentiment de puissance des temps forts du mouvement social, lorsqu’il se radicalise et se fait déborder spontanément, ou bien à la satisfaction tirée des luttes locales et spécialisées. Même quand celles-ci excèdent la forme groupusculaire, toutes ces pratiques au mieux regroupées dans la forme de la constellation ou du réseau, seront vouées à l’éternel cycle de décomposition/recomposition une fois les mouvements sociaux passés, les liens affinitaires défaits, ou lorsque la gestion des forces uniquement vues par le bas nous fera inévitablement stagner ou nous épuiser. L’aspect diffus de ce qui compose aujourd’hui l’autonomie face à l’événement historique, vu ce qui se profile en termes de crise financière et de restauration autoritaire du pouvoir, nous pousse à envisager qu’il n’y ait même plus de possibilités de recomposition, mais plutôt un anéantissement total.

    #antagonimse #solidarité #autonomie

  • Covid-19 : Stratégies écologistes en temps de pandémie – ACTA
    https://acta.zone/covid-19-strategies-ecologistes-en-temps-de-pandemie

    Nous sommes en effet entrés dans un âge de catastrophes globales. Un monde de sécheresses et d’incendies, d’ouragans et d’inondations, de tsunamis et d’accidents nucléaires, de zoonose et de pandémie. Le virus Sars-CoV-2 est une intrusion non humaine dans nos existences sociales ; elle a mis au jour un nouveau gouvernement de la catastrophe dans lequel les États se coordonnent pour limiter la pandémie par le sacrifice des libertés politiques et l’exposition différenciée à la misère, à la maladie et à la mort. Le gouvernement de la catastrophe globale est le confinement planétaire. Évidemment, tou·te·s n’y ont pas droit, pas dans les mêmes conditions. Face au retranchement national sécuritaire, on a cependant vu apparaître le sens de solidarités qui ne se situent pas seulement en dehors des États, mais contre eux.

    Un peu partout des Brigades ont vu le jour, des réseaux de solidarité se sont constitués, des soutiens ont été apportés. En tant qu’écologistes, il est nécessaire de se joindre à ces expériences, de les poursuivre et de contribuer à les étendre. À cet égard, Écologies en Lutte entend initier un travail de coopération entre les réseaux de solidarité nés pendant la pandémie et les expériences agraires, rurales et territoriales qui devront permettre d’assurer l’autonomie alimentaire et la résilience des villes. Les luttes des habitant·e·s de la métropole passent par l’autonomie environnementale et la solidarité avec les travailleur·se·s agricoles, saisonniers ou permanents, d’ici ou d’ailleurs. La constitution d’un nouveau régime de solidarités écosystémiques impose des manières plus collectives d’habiter la terre qui préservent l’écologie du vivant.

    #écologies_en_lutte #covid_19

    • Contre les bullshit jobs, les écologistes doivent défendre les travaux nécessaires à la reproduction sociale. Cette perspective implique la transformation radicale de l’organisation du travail. Dans l’immédiat, et au regard des formes que prend le gouvernement capitaliste de la crise, elle passe par une revalorisation des activités reproductives, en termes de salaires, de conditions et de réduction du temps de travail.

      #salaire #travail

  • Par-delà l’État peste – Alberto Toscano - ACTA
    https://acta.zone/alberto-toscano-par-dela-letat-peste

    Alors que l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière notre dépendance vis-à-vis des institutions étatiques quant aux enjeux de santé collective et que l’on assiste à la remise au goût du jour des hypothèses keynésiennes de restructuration du capitalisme, Alberto Toscano interroge l’ambivalence de ce regain de « désir pour l’État ». Empruntant un détour par la philosophie classique occidentale, il propose l’hypothèse d’un double biopouvoir seul à même de réactualiser l’hypothèse révolutionnaire aujourd’hui.

    Il est courant, lorsque l’on commente des crises de diverses natures, de constater leur capacité à faire surgir soudainement ce que la reproduction apparemment paisible du statu quo laisse inaperçu, à révéler les coulisses, à arracher les œillères qui d’ordinaire recouvrent nos yeux, etc. Le caractère, la durée et l’ampleur de la pandémie de Covid-19 illustrent de manière particulièrement complète cette vieille vérité apocalyptique. De l’exposition différentielle à la mort engendrée par le capitalisme racial à la mise en avant du travail de soins, de l’attention portée aux conditions létales d’incarcération à la baisse de la pollution visible à l’œil nu, les révélations catalysées par la pandémie semblent aussi illimitées que son impact continu sur nos relations sociales de production et de reproduction.

    La dimension politique de notre vie collective n’y fait pas exception. Les états d’alerte et d’urgence se multiplient, de véritables dictatures sanitaires voient le jour (notamment en Hongrie), l’urgence sanitaire est militarisée, et ce que The Economist nomme un « coronopticon » est bêta-testé de façon variable sur des populations paniquées1. Et pourtant, il serait bien trop simple de se contenter de fustiger les différentes formes d’autoritarisme médical qui sont apparues sur la scène politique contemporaine. En particulier pour ceux investis dans la préservation d’un avenir émancipateur au lendemain de la pandémie, il est crucial de réfléchir à la profonde ambivalence envers l’État que cette crise met en évidence.
    Nous sommes témoins d’un désir généralisé pour l’État – d’une demande à ce que les autorités publiques agissent rapidement et efficacement, qu’elles financent correctement la « ligne de front » épidémiologique, que les emplois, les moyens de subsistance et la santé soient garantis face à une interruption sans précédent de la « normalité ». Et, corrigeant une conception progressiste et pleine d’espoir, selon laquelle toute répression est d’origine verticale ( top-down ), il y a aussi une demande ambiante à ce que les autorités publiques punissent rapidement ceux qui ont un comportement imprudent ou dangereux.

    Compte tenu de l’étroitesse de nos imaginaires et de notre rhétorique politiques – mais aussi, je dirais, de la nature même de l’État – ce désir s’exprime, dans une très large mesure, en termes martiaux. Nos oreilles sont abruties par les déclarations de guerre contre le coronavirus : le « vecteur en chef » américain, comme l’a bien nommé Fintan O’Toole2, tweete que « l’ennemi invisible sera bientôt en pleine retraite », tandis qu’un Premier ministre britannique en convalescence parle d’un « combat que nous n’avons jamais mené contre un ennemi que nous ne comprenons pas encore tout à fait ». Des analogies nationalistes à l’« esprit du Blitz » sont proposées, tandis que des pouvoirs législatifs de temps de guerre sont promulgués temporairement pour nationaliser des industries afin de produire des ventilateurs et des équipements de protection individuelle.
    Bien sûr, faire la guerre à un virus n’est finalement pas plus convaincant que de mener la guerre contre un nom (par exemple le terrorisme), mais c’est une métaphore profondément ancrée à la fois dans notre réflexion sur l’immunité et l’infection, et dans notre vocabulaire politique. Comme en témoigne l’histoire de l’État et de notre perception de celui-ci, il est souvent extrêmement difficile de distinguer le médical du militaire, que ce soit au niveau de l’idéologie ou de la pratique. Pourtant, de même que la détection des clusters capitalistes derrière cette crise ne nous dispense pas de faire face à nos propres complicités3, de même le fait de fustiger l’incompétence et la malveillance politiques qui sévissent dans les réponses au Covid-19 ne nous dispense pas de faire face à notre propre désir contradictoire pour l’État.
    L’histoire de la philosophie politique peut peut-être apporter un éclairage partiel sur notre situation difficile. Après tout, le nexus entre l’aliénation de notre volonté politique au profit d’un souverain et la capacité de ce dernier à préserver la vie et la santé de ses sujets, notamment face aux épidémies et aux fléaux, est à l’origine même de la pensée politique occidentale moderne – qui, pour le meilleur et pour le pire, continue de façonner notre sens commun. La meilleure illustration en est peut-être la maxime inventée par l’homme d’État et philosophe romain Cicéron, puis adoptée au début de la période moderne – c’est-à-dire à l’époque de la gestation de l’État capitaliste moderne – par Thomas Hobbes, Baruch Spinoza, John Locke et l’insurgé niveleur William Rainsborowe4 : Salus populi suprema lex (Que le salut du peuple soit la loi suprême). Dans ce slogan d’une simplicité trompeuse, on peut identifier une grande partie de l’ambivalence portée par notre désir d’État – il peut être interprété comme la nécessité de subordonner l’exercice de la politique au bien-être collectif, mais il peut aussi légitimer la concentration absolue du pouvoir dans un souverain qui monopolise la capacité de définir à la fois ce qui constitue la santé et qui est le peuple (ce dernier pouvant facilement se transformer en une ethnie ou une race).

    Revisiter notre histoire politique et nos imaginaires politiques à travers le slogan de Cicéron, plutôt, disons, qu’à travers une focalisation unique sur la guerre comme sage-femme de l’État moderne, est particulièrement instructif à notre époque de pandémie. Prenez un exemplaire du Léviathan de Thomas Hobbes (1651) et regardez la célèbre image qui orne probablement sa couverture (dans l’original, c’était le frontispice, qui faisait face à la page de titre). Vous serez probablement frappé par la façon dont Hobbes a demandé à son graveur de représenter le souverain comme une tête regardant au-dessus d’un corps politique composé de ses sujets (tous regardant vers l’intérieur ou vers le haut du roi). Ou bien vous pouvez parcourir le paysage pour observer l’absence de travail dans les champs et les signes lointains de la guerre (barrages routiers, navires de guerre à l’horizon, panaches de fumée de canon). Ou encore, vous pouvez vous promener autour des icônes du pouvoir séculier et religieux disposées à gauche et à droite de l’image. Ce que vous risquez de manquer, c’est que la ville sur laquelle se dresse l’Homme artificiel de Hobbes est presque entièrement vide , à l’exception de quelques soldats en patrouille et de quelques figures inquiétantes portant des masques d’oiseaux, difficiles à distinguer sans grossissement. Ce sont des médecins de la peste. La guerre et les épidémies sont le contexte de l’incorporation de sujets désormais impuissants dans le souverain, ainsi que de leur isolement dans leurs foyers en temps de conflit et de contagion. Salus populi suprema lex .

    [...] En d’autres termes, lorsque la santé des populations et leur reproduction sociale sont profondément empêtrées dans les impératifs de l’accumulation – ceux-là mêmes qui déterminent la contribution de l’agrobusiness à la crise actuelle et l’abandon des grandes entreprises pharmaceutiques pour l’atténuer – l’État peut être intrinsèquement incapable de penser comme un épidémiologiste. [...]

    #État #désir_d'État #salut_public #biopouvoir #double_pouvoir #double_biopouvoir #Alberto_Toscano

    • [...] est-il possible d’imaginer des formes de santé publique qui ne seraient pas simplement synonymes de santé de l’État, des réponses aux pandémies qui n’enracineraient pas davantage notre désir et notre collusion avec les monopoles souverains du pouvoir ? Pouvons-nous éviter la tendance apparemment irréductible à traiter les crises comme des occasions d’élargir et d’approfondir encore les pouvoirs de l’État, alors que le peuple est absent et isolé ? L’histoire récente des épidémies en Afrique de l’Ouest a suggéré l’importance vitale des épidémiologistes qui pensent comme des communautés, et des communautés qui pensent comme des épidémiologistes5 – s’appuyant sur les économies morales et les observations locales pour remodeler le comportement social et corporel dans une direction préventive – tandis que la réflexion critique sur les limites des politiques de « confinement » sans la mise en place de « boucliers communautaires » va dans le même sens6.[...]

      Une piste spéculative pour commencer à séparer notre désir d’État de notre besoin de santé collective consiste à tourner notre attention vers les traditions de ce que nous pourrions appeler le « double biopouvoir », à savoir la tentative collective d’appropriation politique des aspects de la reproduction sociale, du logement à la médecine, que l’État et le capital ont abandonnés ou rendus insupportablement exclusifs, dans une « épidémie d’insécurité artificielle »7. La santé publique (ou populaire ou communale) n’a pas seulement été le vecteur de la prise de pouvoir récurrente de l’État, elle a aussi servi de point d’appui pour imaginer le démantèlement des formes et des rapports sociaux capitalistes sans s’appuyer sur le postulat d’une rupture politique dans le fonctionnement du pouvoir, sans attendre les lendemains révolutionnaires. Les expériences brutalement réprimées des Black Panthers avec des programmes de petits-déjeuners, le dépistage de la drépanocytose et un service de santé alternatif ne sont qu’un exemple parmi d’autres de ce type d’initiatives populaires anti-systémiques. Le grand défi pour le présent est de réfléchir non seulement à la manière dont de telles expériences politiques peuvent être reproduites dans diverses conditions sociales et épidémiologiques, mais aussi à la manière dont elles peuvent être étendues et coordonnées – sans pour autant renoncer à l’État lui-même en tant qu’arène de lutte et de revendications. Le slogan que les Black Panthers ont choisi pour leurs programmes est peut-être un contrepoids et un substitut approprié au lien hobbesien entre la santé, le droit et l’État. Survivre en attendant la révolution ( Survival Pending Revolution ).

      #santé_publique

  • Notes sur la reproduction sociale – Simona de Simoni - ACTA
    https://acta.zone/notes-sur-la-reproduction-sociale

    Avec le déclenchement de la pandémie de Covid-19, la contradiction entre une « logique capitaliste du profit » et une « logique de reproduction de la vie » semble avoir été poussée à sa limite. Si, dans ce contexte, la catégorie de la « reproduction sociale » a été mobilisée dans des nombreuses analyses, elle apparaît souvent floue, peu compréhensible, ou bien réduite à un secteur professionnel en particulier (celui du care). Au contraire, dans le féminisme critique contemporain, cette catégorie vise à produire une « théorie unitaire » du capitalisme : c’est-à-dire une théorie capable d’analyser conjointement les processus d’exploitation et d’oppression dans différents contextes mondiaux. 

    Dans ce texte – issu d’une intervention en dialogue avec Cinzia Arruzza (co-autrice de l’ouvrage Féminisme pour les 99%. Un manifeste), Simona de Simoni revient sur la généalogie de cette catégorie, sur sa place dans la pensée marxienne, ainsi que sur sa réappropriation par les féministes marxistes depuis les années 1970 pour analyser « l’ensemble des activités qui reproduisent quotidiennement la société et ses membres ». L’autrice esquisse enfin l’hypothèse d’un renversement subsomptif dans le capitalisme néolibéral contemporain : c’est-à-dire un renversement par lequel la réorganisation des besoins reproductifs devient la matrice principale des transformations de la sphère productive. Ce renversement appelle d’une part à élargir le concept de production, en intégrant la reproduction de la vie en tant que travail. De l’autre, à reconnaître dans l’organisation de la reproduction la matrice de l’organisation globale du capitalisme actuel.

    Introduction

    Avec le déclenchement de la pandémie mondiale et la mise en oeuvre de diverses politiques d’endiguement à l’échelle planétaire, la catégorie de la reproduction sociale a été remise au goût du jour dans de nombreuses analyses. En particulier, plusieurs théoriciennes et militantes féministes ont insisté sur cette question1. On pourrait dire, en fait, que celle-ci s’est imposée, que la propagation de l’épidémie a mis en lumière les caractéristiques et les contradictions inhérentes à la manière dont la reproduction sociale est organisée dans notre société.
    Tout d’abord, l’ampleur et la valeur sociale des « travaux reproductifs » ont émergé : c’est-à-dire tous ces travaux ultra-prolétarisées (tant sur le plan matériel que symbolique), fortement connotées en termes de genre2 et de race, qui permettent quotidiennement la reproduction de personnes et l’entretien d’individus non autonomes (qu’il s’agisse d’enfants, de personnes âgées, de malades ou d’handicapés). Au cours de l’urgence pandémique, ces travaux ont été célébrés de diverses manières par les autorités institutionnelles des différents pays et par les médias mainstream : des articles de journaux et des discours officiels ont parlé de héros, d’anges et de guerriers tandis que l’appareil idéologique et discursif qui accompagne historiquement le travail de reproduction et s’appuie sur diverses images de vocation et de sacrifice a été largement mobilisé.

    Cette reconnaissance superficielle n’a toutefois pas été accompagnée de mesures de protection et de soutien matériel adéquats : les travailleurs et les travailleuses impliqués sur le front de la reproduction sont et ont été exposés à de graves risques de contagion et à des rythmes de travail épuisants. Outre l’ensemble du secteur des soins externalisé dans les services publics ou privés, en raison de l’organisation privée et domestique de la quarantaine, le travail domestique (lui aussi fortement connoté en termes de genre) s’est intensifié avec des conséquences sociales désastreuses à court et moyen terme.

    Deuxièmement, des régimes de reproduction très différents dans les espaces urbains ont été mis en lumière, avec des taux de contagion répartis selon la race, la classe, la marginalité, le sexe, etc. Par exemple, la situation des prisonniers et des sans-abri a été emblématique. Plus généralement, la crise sanitaire a transformé les lieux de travail et d’habitation en véritables variables de survie, exposant certaines catégories à un risque de contagion beaucoup plus élevé que d’autres et, à moyen terme, à une détérioration des conditions de vie d’une grande partie de la population.

    Troisièmement, en raison du confinement de masse, on a assisté à une accélération assez impressionnante de la subsomption capitaliste de larges portions de la reproduction sociale au moyen de dispositifs numériques, ce qui exige une réflexion urgente sur la relation entre la reproduction, les processus d’extraction et la valorisation, ainsi que l’élaboration de pratiques de soustraction, de contre-utilisation et de « ré-endogénisation » de la reproduction. Un exemple clair de ce problème est fourni par le monde de l’éducation à tous les niveaux – de l’école primaire à l’université – et sa réorganisation à distance grâce à l’utilisation de plateformes numériques : dans le secondaire, par exemple, sans aucune discussion critique (ou très peu), les géants Google et Microsoft sont devenus les outils « naturels » pour faire face à l’urgence pandémique. Ainsi, la réponse du secteur de l’éducation à la crise pandémique tend à coïncider tout court avec sa subsomption approfondie à la logique du capitalisme et avec une forte endogénéisation du processus éducatif.

    Enfin, sur un plan plus général, la crise pandémique a mis en évidence la contradiction inhérente au processus de reproduction sociale : une tension profonde entre « vie » et « profit », entre la protection de la vie et la sécurité des travailleurs et des travailleuses d’une part, et la logique contraire de la production à tout prix d’autre part. À ce niveau, l’Italie est un exemple emblématique : la tragédie qui a submergé certains territoires de la région de Lombardie – en particulier Bergame et ses vallées – ne serait pas compréhensible sans une analyse du tissu productif de la région et sans la reconnaissance d’intérêts et de pressions économiques spécifiques (et donc de responsabilités connexes).

    Pour toutes ces raisons – d’autres pourraient être ajoutées ou explicitées – une réflexion sur la reproduction sociale est nécessaire et urgente. À cet égard, il est toutefois utile de prendre du recul et d’essayer de mieux définir ce que l’on entend par reproduction sociale. Il arrive souvent, en effet, que la formule apparaisse nébuleuse, peu compréhensible ou, au contraire, qu’elle se réduise à une sorte d’étiquette qui identifie un secteur professionnel.

    #reproduction_sociale #capitalisme

  • Contre l’état d’urgence sanitaire, pour un libre confinement – ACTA
    https://acta.zone/contre-letat-durgence-sanitaire-pour-un-libre-confinement

    [...] il nous est impossible de respecter scrupuleusement les règles du confinement, de rester cloîtrés devant Netflix, en constatant la guerre que les autorités livrent dehors. Face au gouvernement qui s’octroie le droit de juger qui peut encore sortir et pour quel motif, nous jugeons qu’il est nécessaire d’organiser des réseaux de solidarité et d’entraide à la hauteur de la situation. Si nous bravons les lois du confinement en sortant dans la rue pour nourrir la solidarité, nous veillons à le faire avec soin, pour ne pas répandre la contamination. C’est ce « soin » lui-même qui nous pousse à sortir. Penser le confinement libre c’est faire l’hypothèse qu’il nous est possible de se donner les moyens de mesurer collectivement et singulièrement les risques à prendre ou ne pas prendre, d’évaluer les situations afin de pouvoir s’organiser ensemble. [...]

    Collectif El Manba soutien migrants 13 / Collectifs habitants Maison blanche / Collectif 5 novembre / Assemblée de la plaine / Brigada de solidaritat populari marseille / Manifesten / Dar la Mifa / Maison du peuple Marseille / Précaires déters 13 / Squales Marseille

    Un point de vue salubre à compter parmi les pratiques d’une médecine sociale qui ne peut être l’apanage des institutions et des professionnels, malgré quelques assertions approximatives. Par exemple, leur manière de parler de la surmortalité dans un 93 (effectivement emblématique) en valeur absolue ( multi-séculaire anti-parisianisme marseillais oblige ?), sans savoir les détails plus fins qui sont produits ici : « la différence de mortalité devient de plus en plus marquée : 35% plus importants dans le 93 que sur Paris. »
    https://seenthis.net/messages/847816

    #soin #solidarité #confinement_libre #Marseille #médecine_sociale épidémiologie_populaire #amateurs
    #surmortalité dans la #société_d'abandon

  • Covid-19, crise du commandement capitaliste et contagion sociale. Comment intervenir ? – ACTA, Texte initialement publié sur le site Infoaut.
    https://acta.zone/covid-19-crise-du-commandement-capitaliste-et-contagion-sociale

    Le Covid-19 est l’incursion violente, rapide et incontrôlable d’un virus qui fragilise la santé de la population mondiale en se propageant par le contact humain dans les voies respiratoires. Il a déjà contaminé et tué des dizaines de milliers de personnes.

    En se propageant à travers les réseaux du commerce international, le Covid-19 a constitué d’emblée une crise sanitaire mondiale. Il a rendu visible les effets des coupes dans les investissements publics sur la qualité des services sanitaires, thérapeutiques et de prévention primaire ; le manque de stratégies de prévention et de formation épidémiologique des responsables institutionnels ; l’absence d’organisation structurée en « couloirs sanitaires », de réseaux d’assistance sur le territoire et de moyens de protection adéquats (tests de dépistage, équipements de protection) pour le personnel médical qui s’infecte à tout-va.

    Mais la crise sanitaire est en train de devenir ou est déjà devenue une crise « du social » : restrictions de mobilité et isolement humain ; propagation régulière et continue du virus le long des lignes de la productivité ; absence de réponses économiques (face à la faim et aux dettes) et de services pour la population (il suffit de penser au deuil sans l’encadrement rituel des funérailles). Elle deviendra une crise économique, avec un ralentissement de l’accumulation et de la production de valeur. Licenciements, faillites, saisies, compétition inter-capitalistes dans le transfert et l’absorption de la crise n’en sont que quelques aspects triviaux déjà visibles pour tout un chacun.

    Insister sur la crise du commandement capitaliste

    Mais une autre prise de conscience habite l’élite mondiale. « L’alternative – une destruction permanente de la capacité de production et donc de l’assiette fiscale – serait beaucoup plus préjudiciable pour l’économie et éventuellement la confiance dans le gouvernement »1. Tels sont les mots de Mario Draghi dans son vibrant appel à prendre conscience de l’état de guerre dans lequel nous nous trouvons, incitant les autorités à se débarrasser du dogme de l’équilibre budgétaire en injectant des centaines de milliards de dollars dans les veines du patient mourant formé par le corps socio-économique tout entier. Leur grande crainte est que la crise se transforme en effondrement, que ce soit la prise du Gouvernement sur les événements qui soit en jeu dans la contagion pandémique, c’est-à-dire l’organisation hiérarchique de la société en fonction de leur Économie. L’hypothèse qu’elle débouche sur une « crise » du commandement se manifeste dans l’incapacité systémique à penser des alternatives efficaces capables de réorganiser de façon durable et cohérente la production de biens en lien avec la reproduction sociale de l’être humain. Les propositions de voies de sortie venues du camp capitaliste et sagement esquissées par l’ancien président de la Banque centrale européenne, énoncent et renouvellent les causes de la crise actuelle. Davantage de dettes pour sauver le capital fictif, peut-être un peu d’helicopter money [NdT : en anglais dans le texte] pour permettre à la valeur de se réaliser sur le marché. Ainsi, le plan visant à « desserrer les cordons de la bourse » pour transformer une partie de la finance en revenu de consommation est le premier grand signe d’opposition des classes dominantes à l’effondrement de la civilisation capitaliste.

    Cependant, sous les latitudes plus ordinaires de la réalité sociale, celles où nous nous trouvons presque tous en quarantaine, au travail ou à l’hôpital, la crise de la reproduction capitaliste contenue dans la situation d’urgence soulève de nouvelles questions, auparavant ensevelies sous le flux continu de l’ordre social. C’est un peu comme un hamster qui cesse soudainement de tourner dans son manège, et découvre, stupéfait, une nouvelle perspective. Il remarque la cage, la scrute, jette un œil au dehors. Il essaie de comprendre à quoi ce dehors ressemble, avant même de penser à scier ses barreaux pour s’échapper. Dans cette « guerre contre le Covid-19 », le blocage partiel mais significatif de la reproduction capitaliste ouvre une nouvelle série d’expériences collectives et massifiées et de nouvelles dimensions de la vie sociale. Cette fois-ci, elles ne sont pas complètement dirigées par d’autres car elles condensent un travail humain et parce qu’elles sont « influencées » par la propagation du virus lui-même, comme élément d’ingouvernabilité. Par là, ces expériences peuvent contribuer à faire varier le cours de l’Histoire. C’est donc à ce niveau que nous devons réfléchir à une action commune à la hauteur de la tâche.

    L’hypothèse politique que nous proposons dans ces pages est de se saisir de l’urgence pandémique, comme destruction et comme opportunité, dans les termes subjectifs d’un sujet encore à construire : transformer l’objectivité de la crise en déstructuration du commandement capitaliste. C’est-à-dire faire ressortir et renforcer la nature antagoniste au système dominant présente dans les actions des sujets sociaux dans le cadre d’un affrontement qui a déjà commencé. Cet affrontement ne peut, à ce jour, être une question de pouvoir, de force, de combat frontal avec le camp adverse, de conflit d’autorité sur ce qu’est et qui décide dans l’état dit d’exception. Il ne peut en être ainsi, non pas parce qu’il s’agit d’une conception dépassée des rapports de force entre les classes, mais parce que le Sujet historique n’existe pas en tant que tel. Pour l’instant, il est matériellement dispersé sous la forme d’une présence au sein des ganglions de la reproduction sociale. Il existe en puissance, sous la forme de femmes et d’hommes engagés d’une certaine manière dans la lutte pour survivre à l’intérieur et contre l’urgence du Covid-19.

    #crise_sanitaire #crise_économique #reproduction_sociale #Commandement_capitaliste

  • « Je suis désolée d’appeler pour ça » : avorter en temps de confinement – ACTA
    https://acta.zone/je-suis-desolee-dappeler-pour-ca-avorter-en-temps-de-confinement

    Entretien avec Charlotte, militante salariée au Planning Familial

    Conditions de logement et de travail, accès aux soins et à l’éducation, la pandémie et sa gestion ont révélé et accru des inégalités multiples et systémiques. En ce qui concerne l’accès à la santé reproductive, les choses ne se passent pas de manière différente.

    En « première ligne » sur un numéro d’écoute dédié aux questions concernant les sexualités, la contraception et l’IVG, Charlotte, militante salariée du Planning Familial, nous a accordé un entretien.
    Il en ressort notamment que le droit à l’avortement, déjà largement menacé en temps normal, est davantage compromis en temps de crise sanitaire, mais aussi que les inégalités de classe face à ce droit se creusent. En ce sens, les scénarios à venir – avec notamment un dépassement massif des délais pour avorter en France et un risque de pérennisation des téléconsultations dans le domaine de la santé – sont très peu rassurants.

    Tu es coordinatrice du numéro vert du Planning Familial pour tout ce qui concerne les sexualités et la santé reproductive. En quoi consiste votre activité ? Comment les choses ont évolué depuis le début de la crise sanitaire, en termes de nombre d’appels et de leur contenu par exemple ?

    Je suis militante salariée à l’association du Planning Familial et je m’occupe du numéro vert porté par le Planning qui s’appelle « Sexualités, Contraception, IVG » (0800 08 11 11). Je suis coordinatrice mais également écoutante. Ce service s’appuie sur 15 plateformes téléphoniques régionales situées en métropole, en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion ; nous sommes plus de 180 écoutant.e.s à répondre aux appels du lundi au samedi, de 9h à 20h. Ce numéro existe depuis 5 ans maintenant et on n’a jamais eu autant d’appels ! On a enregistré une augmentation de 50% du nombre d’appels depuis le 16 mars, c’est-à-dire depuis le début du confinement en France. Les femmes et les quelques hommes qui appellent veulent des informations, une orientation ou une écoute principalement sur les questions de l’IVG, des tests de grossesse, de la contraception d’urgence et de la contraception en général. Les violences que les femmes subissent peuvent aussi être discutées, mais souvent dans un second temps, par exemple après des questions sur l’IVG.

    Comment avez vous réagi, qu’est-ce que vous avez fait, dans un premier temps ?

    Ce qu’on a fait dès le début du confinement a été d’actualiser notre annuaire, parce qu’on a un annuaire à jour avec toutes les structures qui pratiquent l’IVG, ou qui prescrivent la contraception. On a du le remettre à jour car certains hôpitaux ont arrêté de pratiquer les IVG pendant la crise sanitaire. Il y a les hôpitaux qui ont arrêté de faire les IVG en anesthésie générale, car les blocs sont occupés par les patients atteints du COVID19. Et il y a aussi certaines structures hospitalières qui ont décidé d’arrêter totalement les IVG par aspiration (autorisé en France jusqu’à 12 semaines de grossesse) parce que les médecins ne veulent pas pratiquer les IVG en anesthésie locale. Parce qu’en anesthésie locale on s’occupe beaucoup plus de la personne, on doit lui parler, on fait attention à son corps et à ses besoins. Alors qu’en anesthésie générale, on n’a pas à lui parler du tout. Ça demande un travail relationnel et d’écoute que certains médecins ne veulent pas prendre en charge. Certains centres ou cabinet médicaux qui pratiquaient les IVG par médicaments ont également fermé à cause du confinement. Majoritairement, les médecins qui font les IVG sont des femmes, qui ont parfois des enfants dont il faut s’occuper. Donc il a fallu refaire l’annuaire pour mieux orienter les femmes qui nous appellent et trouver les médecins qui pratiquent toujours l’IVG en ces temps de pandémie.

    En parallèle de ce travail, on a cherché à comprendre comment les structures qui continuent de pratiquer les IVG étaient en train de gérer la situation. Et les retours que nous avons eus, c’est que les femmes ne se déplacent pas pour avorter. Il y a une baisse significative des femmes qui vont avorter et c’est surtout flagrant sur les IVG pratiquées à l’hôpital.

    Donc d’un coté, on a constaté que nous avons une augmentation de 50% des appels, avec une grande majorité des appels qui concernent l’IVG, et de l’autre, les structures en ville ou hospitalières nous ont fait remonter que les femmes ne viennent pas avorter.

    On a alors essayé d’analyser, grâce aux remarques que chaque écoutant.e.s peut inscrire sur la fiche d’appel, les raisons de ce décalage. Et on a compris qu’il y avait plusieurs raisons : la première étant qu’on répète sans cesse aux gens qu’il ne faut pas sortir, qu’il faut attendre la fin du confinement. L’IVG est un soin urgent : se déplacer pour avorter est donc autorisé mais le gouvernement a mis longtemps à le dire et les femmes ne le savent pas forcément.

    #avortement #IVG #femmes #soin