Femmes artistes, de l’ombre à la lumière ?
Rencontres femmes d’histoire 2020 animées par Nassira El Moaddem
C’était hier. Elle a été question des artistes plasticiennes, photographe et danseuse. @mad_meg aurait dû participer mais a eu un empêchement.
Nous avons appris à l’ouverture des conférences, qu’à partir de 2021 la Mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité ne renouvellera pas sa participation financière aux rencontres au prétexte qu’elles seraient hors sujet. Elles sont pourtant en plein dedans. Pour rappel, les rencontres de l’année dernière avait pour thème les agricultrices ▻https://seenthis.net/messages/755605
Cela est un coup dur pour l’association alors que la secrétaire d’état chargée de l’égalité entre les femmes et hommes et de la lutte contre les discriminations est du Mans (mais Le Mans n’est pas macronien).
Brouhaha dans la salle. La pause déjeuner a été l’occasion pour les Rosie qui participent actuellement à toutes les manifestations (et dont le groupe s‘étoffe manif après manif) de s’organiser et faire leur performance sur le plateau du palais des congrès avant la reprise de la seconde session.
Maintenant le programme de la journée
Une première et brillante présentation de Martine Lacas ▻https://www.babelio.com/auteur/Martine-Lacas/130575) et un retour historique sur les peintres femmes de la fin du XVIIIe au début du XIXe, une période où les femmes avaient une place reconnue.
Martine Lacas prépare actuellement une exposition, qui aura lieu au musée du Luxembourg, de femmes artistes de cette même période.
Des questionnements : femme artiste ou artiste femme ?
Des déconstructions sur le genre et le genre : les « grands » sujets (fresques historiques) et les « petits sujets » (scènes de la vie quotienne) ; les sentiments, la sensualité et l’émotion, etc. Et des exemples qui contredisent les clichés.
Par ailleurs, elle a cité plusieurs Geneviève Fraisse, qui semble nourrir sa propre réflexion.
Ensuite, Matylda Taszycha , commissaire d’expo et critique d’art, nous a présenté l’association AWARE dont elle est responsable scientifique. L’association s’est donné pour mission redonner une place aux artistes femmes du XXe siècle.
Voici le site ►https://awarewomenartists.com
Elle a évoqué au passage l’activisme des Guerillas Girls ▻https://www.guerrillagirls.com
Pour la dernière présentation de la matinée, Aymar du Chatenet , journaliste, éditeur et amateur d’art nous a parlé de Nadia Léger dont il vient de publier une monographie, « Nadia Léger, l’histoire extraordinaire d’une femme de l’ombre » (monographie un peu chère pour les finances d’une femme artiste). ▻https://www.decitre.fr/livres/nadia-leger-9782365901376.html
Une œuvre impressionnante occultée par celle de son mari.
Nadia Khodossievitch est née en Biélorussie en 1904. Elle rejoint les suprématistes à Smolensk et part pour Paris avec son mari le peintre polonais Stanisław Grabowski en 1925. Elle y rencontre Fernand Léger, devient son élève puis sa maîtresse, sa femme (après son divorce) et en vient à diriger l’atelier de son mari. À la mort de ce dernier, elle fonde le musée Fernand-Léger où sont exposées les œuvres de Fernand.
L’œuvre de Nadia recouvre les différentes palettes de l’art moderne, y compris, en fervente communiste qu’elle était, le réalisme soviétique.
Si la publication de la monographie de Nadia Léger a été très remarquée par les professionnel·les de l’art et les institutions artistiques, aucune rétrospective des œuvres de l’artiste femme n’est à ce jour en projet, pas même au musée Fernand-Léger !
Ici un entretien avec l’auteur
▻https://www.gazette-drouot.com/article/aymar-du-chatenet-la-memoire-de-nadia-leger/9425
Une question restée sans réponse au moment du débat avec le public, du mari ou de la femme a influencé l’autre ? Ce qui est certain, d’après du Chatenet, est que Nadia Léger avait un vrai talent et un style personnel.
Pause !
Des élèves de l’école des beaux arts du Mans ont lu des textes de Virginie Despentes, Virginia Woolf, Gina Pane (qui a enseigné aux beaux-arts du Mans), Marguerite Duras, et d’autres.
Une table ronde réunissait Scarlett Coten, Cécile Proust et Sana Yazigi.
Scarlett Coten est photographe, trente ans de carrière derrière elle, vit au RSA malgré le prestigieux prix Leica reçu en 2016 qui n’a débouché, en France, sur aucune proposition d’exposition ou de publication. Soutenue financièrement par sa famille dont elle a perçu une avance sur héritage, la caf lui réclame 10 000 euros de remboursement.
Elle a beaucoup travaillé comme reporter dans les pays arabes. Sa perception des hommes qu’elle y a croisé au cours de ses voyages, loin des stéréotypes de nos journaux, lui ont donné envie de faire des portraits de jeunes hommes qu’elle a choisi
précisément pour ces raisons ▻http://www.scarlettcoten.com/mectoub
Elle a ensuite poursuivi son expérience aux États-Unis ▻http://www.scarlettcoten.com/plan-americain
N’attendant plus rien de la France quant à voir son travail exposé ou publié, c’est aux États-Unis que sera édité un livre de photographies regroupant ces deux séries sous le titre Look at me.
Les expo du Festival international de la photographie d’Arles sont à plus de 95 % masculines. Pour les 50 ans de la manifestation, la pression a été si forte de la part des photographe et de l’opinion publique que la parité a dû être respectée.
Cécile Proust est chorégraphe, performatrice et féministe. Et l’une des femmeuses ▻http://femmeuses.org/modxFem/index.php?id=1
Selon Cécile, la création chorégraphique a été largement dominée par les femmes jusque dans les années 1980 où la création d’institutions (autre que l’Opéra) sous Mitterrand a été l’occasion pour des hommes, venus de la danse mais aussi des arts plastiques, de s’imposer au point d’être aujourd’hui en situation de légère domination.
Elle nous a présenté cette vidéo amusante (ce n’est pas tout à fait la même, dommage elle est coupée) d’une performance et écriture inclusive Prononcez FénanOQ ▻http://femmeuses.org/modxFem/index.php?id=58
Scarlett et Cécile pensent que des quotas doivent être imposés pour donner aux artistes femmes la place qu’elles méritent.
La dernière présentation était celle de Sana Yazigi , graphiste syrienne installée au Liban à cause de la guerre. Elle est co-fondatrice du site d’archives des œuvres picturales de la Révolution syrienne Creativememory, en arabe, anglais et français.
▻https://creativememory.org/fr/archives
On y trouve les œuvres classées par genre (affiches, dessins, caricatures…), une carte de la Syrie où sont situés les artistes, le contexte dans lequel l’œuvre a été réalisée, un travail énorme.
Ici un entretien qu’elle a donné a onorient
▻http://onorient.com/sana-yazigi-la-memoire-creative-de-la-revolution-syrienne-27705-20190404
Ensuite nous avons regardé le film de Tim Burton Big eyes qui relate l’imposture d’un #grand_homme s’attribuant le travail de sa femme
▻http://www.premiere.fr/film/Big-Eyes
Alors madame la secrétaire d’état chargée de l’égalité entre les femmes et hommes et de la lutte contre les discriminations, Femmes d’histoire est vraiment hors sujet ?
Et comme toujours en France, la journée s’est terminé par un banquet ! Non, mais par un pot très sympa partagé avec l’association, les intervenantes et le public.
J’aurai pu apporter mon témoignage qui aurait confirmé ce qui a été dit : la galère pour gagner sa vie comme artiste femme, les portes qui se ferment à partir de quarante ans, les résidences d’artistes réservées à celleux qui font partie du réseau qui va bien.
L’hiver dernier, je discutais au téléphone avec une « copine » qui me demandais, classique, comment j’allais. Je n’allais pas bien, j’avais de grosses galères de fric, je ne pouvais plus payer mon logement, et l’autre de me répondre d’un ton très léger « oh, mais tu as l’habitude, c’est pas grave ». Je ne sais pas si c’est grave, qu’est-ce qui est grave exactement mais sa réponse m’a choqué et m’a fait violence. Non, on ne s’habitue pas et je dirais même de moins en moins en vieillissant parce que oui, je fatigue plus vite à vivre au jour le jour. Finalement c’est une vraie amie qui m’a sortie d’affaire (et je la remercie grandement) mais la situation reste très précaire.
Malgré cela, dès que j’aurais un peu moins de dettes, je donnerai un peu de sous à l’association pour que la manifestation perdure avec ce même souci de qualité des interventions.