• L’informatique quantique est confrontée à une réalité dure et froide : les experts affirment que le battage médiatique est omniprésent et que les applications pratiques sont encore loin
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    L’informatique quantique a fait couler beaucoup d’encre au cours de la dernière décennie et les entreprises ont été incitées à investir ou à augmenter leurs dépenses dans le domaine. Cependant, de nombreux experts affirment que la technologie est loin d’être mature et que les attentes à son égard sont exagérées. En d’autres termes, la révolution de l’ordinateur quantique pourrait être plus éloignée et plus limitée que beaucoup ont été amenés à le croire jusqu’ici. Les experts mettent en garde contre le battage médiatique intense autour de la technologie et invitent les entreprises à faire preuve de prudence. D’autres sont sceptiques à l’égard de l’avenir de la technologie.

    Les experts dénoncent le battage médiatique autour de l’informatique quantique

    L’informatique quantique est annoncée comme l’une des prochaines grandes révolutions de l’industrie technologique. Les ordinateurs quantiques sont présentés comme une solution à un large éventail de problèmes, tels que la modélisation financière, l’optimisation de la logistique et l’accélération de l’apprentissage automatique. Certains des calendriers les plus ambitieux proposés par les entreprises d’informatique quantique suggèrent que ces machines pourraient avoir un impact sur les problèmes du monde réel dans une poignée d’années seulement. Des acteurs tels qu’IBM et Google déploient des efforts considérables pour voir émerger cette technologie.

    Toutefois, de plus en plus de voix s’élèvent contre ce que beaucoup considèrent comme des attentes irréalistes à l’égard de cette technologie. Victor Galitski, physicien russo-américain et théoricien dans les domaines de la physique de la matière condensée et de la physique quantique, déclarait déjà en 2021 que les médias exagèrent les capacités des ordinateurs quantiques. Il estime aussi que les entreprises naissantes dans le domaine essaieraient juste de profiter de la manne quantique pendant qu’elle dure. Galitski avait même déclaré que les investisseurs dans les entreprises d’informatique quantique étaient victimes d’un schéma de Ponzi intellectuel.

    Plus récemment, d’autres experts éminents se sont également prononcés sur la question. Yann LeCun, pionnier de l’IA et lauréat du prix Turing 2018, a déclaré que la technologie est un sujet scientifique fascinant. Néanmoins, le chercheur en IA a ajouté qu’il est sceptique quant à la possibilité de fabriquer des ordinateurs quantiques qui soient réellement utiles. LeCun n’est pas un expert de l’informatique quantique ; il dirige le laboratoire dédié à la recherche en IA chez Meta (Facebook Artificial Intelligence Research - FAIR). Mais sa position reflète celle de nombreuses personnalités de premier plan dans ce domaine qui appellent également à la prudence.

    Oskar Painter, responsable du matériel quantique chez Amazon Web Services (AWS), affirme qu’il y a actuellement "un énorme battage médiatique" dans l’industrie et qu’il peut être difficile de faire le tri entre ce qui est optimiste et ce qui est complètement irréaliste. En mai, Matthias Troyer, chercheur technique chez Microsoft qui dirige les efforts de l’entreprise en matière d’informatique quantique, a cosigné un article dans "Communications of the ACM" suggérant que le nombre d’applications pour lesquelles les ordinateurs quantiques pourraient apporter un avantage significatif est beaucoup plus limité que ce que certains auraient voulu faire croire.

    Le battage médiatique exagère les capacités réelles des ordinateurs quantiques

    À en croire les experts, l’informatique quantique n’est pas une solution magique à tout comme certains médias et entreprises le laissent penser. Troyer a déclaré : « nous avons découvert au cours des dix dernières années que de nombreuses propositions ne fonctionnaient pas. Nous avons ensuite trouvé des raisons très simples à cela ». La principale promesse de l’informatique quantique est la capacité de résoudre des problèmes beaucoup plus rapidement que les ordinateurs classiques, mais le degré exact de rapidité varie. Selon Troyer, il existe deux applications pour lesquelles les algorithmes quantiques semblent offrir une accélération exponentielle.

    La première consiste à factoriser de grands nombres, ce qui pourrait permettre de casser le chiffrement à clé publique sur lequel repose actuellement Internet. L’autre consiste à simuler des systèmes quantiques, ce qui pourrait avoir des applications en chimie et en science des matériaux. Des algorithmes quantiques ont été proposés pour une série d’autres problèmes du monde réel, notamment l’optimisation, la conception de médicaments et la dynamique des fluides. Cependant, les chercheurs en informatique quantique affirment que les prétendus gains de vitesse annoncés ne sont pas toujours au rendez-vous, se limitant parfois à un gain quadratique.

    Cela signifie que le temps nécessaire à l’algorithme quantique pour résoudre un problème est la racine carrée du temps nécessaire à son homologue classique. Troyer affirme que ce gain peut rapidement être annulé par l’énorme surcharge de calcul qu’impliquent les ordinateurs quantiques. La manipulation d’un qubit est beaucoup plus compliquée que la commutation d’un transistor et est donc beaucoup plus lente. Cela signifie que pour les petits problèmes, un ordinateur classique sera toujours plus rapide, et le moment où l’ordinateur quantique prend de l’avance dépend de la rapidité avec laquelle la complexité de l’algorithme classique augmente.

    Troyer et ses collègues ont comparé un simple GPU Nvidia A100 à un futur ordinateur quantique fictif tolérant aux erreurs, doté de 10 000 qubits logiques et de portes beaucoup plus rapides que les appareils d’aujourd’hui. Le chercheur de Microsoft affirme qu’ils ont découvert qu’un algorithme quantique avec une vitesse quadratique devrait fonctionner pendant plusieurs siècles, voire des millénaires, avant d’être plus performant qu’un algorithme classique sur des problèmes suffisamment importants pour être utiles. Pourtant, IDC prévoit que les dépenses des clients en informatique quantique passent de 412 millions de dollars en 2020 à 8,6 milliards en 2027.

    Les défis techniques des ordinateurs quantiques sont encore loin d’être résolus

    Les ordinateurs quantiques disponibles aujourd’hui sont hautement sujets aux erreurs. Il s’agit d’un problème fondamental que les chercheurs peinent à résoudre. Ces machines sont appelées ordinateurs NISQ (noisy intermediate scale quantum) et certains affirment qu’elles pourraient encore être utilisées à bon escient. Mais Painter explique qu’il est de plus en plus admis que c’est peu probable et que les systèmes de correction des erreurs quantiques seront essentiels à la réalisation d’ordinateurs quantiques pratiques. Les qubits quantiques sont hautement sensibles et temporaires, ce qui rend difficile la construction d’un ordinateur quantique fonctionnel.

    Pour résoudre le problème des erreurs, la principale proposition consiste à répartir l’information sur de nombreux qubits physiques afin de créer des "qubits logiques" plus robustes, mais cela pourrait nécessiter jusqu’à 1 000 "qubits physiques" pour chaque qubit logique. Certains ont suggéré que la correction quantique des erreurs pourrait même être fondamentalement impossible, bien qu’il ne s’agisse pas d’un point de vue dominant. « Quoi qu’il en soit, la réalisation de ces systèmes à l’échelle et à la vitesse requises reste un objectif lointain », note Painter. Les approches testées au cours des dernières années n’ont pas donné des résultats probants.

    « Étant donné les défis techniques qui restent à relever pour réaliser un ordinateur quantique tolérant aux erreurs et capable d’exécuter des milliards de portes sur des milliers de qubits, il est difficile de fixer un calendrier, mais j’estimerais qu’il faudra au moins une décennie pour y parvenir », ajoute Painter. Par ailleurs, la course à la technologie quantique semble avant tout être une question d’affirmation de sa suprématie technologique, que ce soit au niveau des entreprises privées ou même des gouvernements. Pour Galitski, il semble que le gouvernement américain injecte de l’argent dans le quantique juste parce que la Chine semble faire de même.

    La Chine investirait dans le domaine de l’informatique quantique pour rivaliser les États-Unis et l’UE. Cette même logique s’appliquerait aussi aux grandes entreprises telles que Google, IBM, Microsoft et Rigetti. Dans le cas des startups, l’objectif serait d’avoir une technologie avec le label quantique dans leur portefeuille, ce qui pourrait attirer des investisseurs peu méfiants, qui n’ont aucune idée de ce qui se passe, mais ne veulent simplement pas manquer les efforts de transformation du monde par le quantique. Galitski et d’autres chercheurs appellent les différents acteurs de l’informatique quantique à ne pas faire de promesses au-delà du possible.

    Les experts se montrent sceptiques quant à l’avenir de l’informatique quantique

    Un autre défi important est lié à la largeur de bande des données. La lenteur des vitesses de fonctionnement des qubits limite fondamentalement la vitesse à laquelle vous pouvez faire entrer et sortir des données classiques d’un ordinateur quantique. Selon Troyer, de Microsoft, même dans des scénarios optimistes, cette vitesse sera probablement des milliers ou des millions de fois plus lente que celle des ordinateurs classiques. En gros, cela signifie que les applications à forte intensité de données, telles que l’apprentissage automatique ou la recherche dans les bases de données, sont presque certainement hors de portée dans un avenir prévisible.

    Troyer affirme que les ordinateurs quantiques ne brilleront vraiment que sur les problèmes de petites données, avec des accélérations exponentielles. « Tout le reste est de la belle théorie, mais ne sera pas pratique », a-t-il ajouté. L’article publié par Troyer n’a pas eu beaucoup d’impact dans la communauté quantique, mais il a déclaré que plusieurs clients de Microsoft ont été satisfaits d’avoir obtenu des éclaircissements sur les applications réalistes de la technologie. Il a ajouté qu’un certain nombre d’entreprises ont réduit, ou supprimé, leurs équipes d’informatique quantique, notamment dans les secteurs de la finance et des sciences de la vie.

    Selon Scott Aaronson, professeur d’informatique à l’université du Texas à Austin, ces limites ne devraient pas vraiment surprendre les personnes qui ont suivi de près la recherche sur l’informatique quantique. « On entend dire que l’informatique quantique va révolutionner l’apprentissage automatique, l’optimisation, la finance et toutes ces industries, et je pense que le scepticisme a toujours été de mise. Si les gens commencent tout juste à s’en rendre compte, alors il faut s’en réjouir », explique-t-il. Si Aaronson pense que les applications pratiques sont encore loin, les progrès récents dans ce domaine lui donnent des raisons d’être optimiste.

    Mais même dans les domaines où les ordinateurs quantiques semblent les plus prometteurs, les applications pourraient être plus limitées qu’on ne l’espérait au départ. Ces dernières années, des articles rédigés par des chercheurs de l’entreprise de logiciels scientifiques Schrödinger et une équipe multi-institutionnelle ont suggéré que seul un nombre limité de problèmes de chimie quantique était susceptible de bénéficier d’accélérations quantiques. Toutefois, Troyer estime qu’il y a encore des raisons d’être optimiste. Malgré les limites actuelles des ordinateurs quantiques, le chercheur de Microsoft pense que leur impact pourrait encore changer la donne.

    « Nous parlons de l’âge de pierre, de l’âge de bronze, de l’âge de fer et de l’âge de silicium, les matériaux ont donc un impact énorme sur l’humanité », explique-t-il. L’objectif du scepticisme dont font preuve les experts n’est pas de diminuer l’intérêt pour l’informatique quantique, mais de s’assurer que les chercheurs se concentrent sur les applications les plus prometteuses de l’informatique quantique, qui ont le plus de chances d’avoir un impact.

    Source :
    https://cacm.acm.org/magazines/2023/5/272276-disentangling-hype-from-practicality-on-realistically-achieving-quantum-advantage/fulltext

  • Un supercalculateur de 14 petaflops installé à l’IDRIS (CNRS)

    La famille des supercalculateurs français a grandi d’une unité cette semaine. Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a acquis un nouveau supercalculateur par l’intermédiaire de la société publique GENCI (Grand équipement national de calcul intensif), qui est doté d’une puissance de 14 pétaflops. Le nouvel engin est conçu par l’américain Hewlett-Packard Entreprise (HPE) et sera installé à l’Idris, le centre national de calcul du CNRS, pendant le premier semestre 2020.

    Depuis l’année 2018, la France a pour objectif de devenir l’un des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle (IA). Pour cela, il est important qu’elle se donne les moyens de calculs et se munisse d’outils de recherche et de développement de l’IA.

    https://hpc.developpez.com/actu/291288/La-recherche-francaise-inaugure-Jean-Zay-un-supercalculateur-de-14-p