Miguel Amorós, Minuit dans le siècle, 2012

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  • Miguel Amorós, Minuit dans le siècle, 2012
    Notes contre le Progrès

    Récapitulons. Dans un premier temps, le concept moderne de Progrès a été le fruit de la défaite de la religion par la Raison. Cependant, la victoire de la Raison n’était qu’apparente, c’est à dire qu’elle n’était pas la victoire de l’humanisation. Nous avons déjà parlé de la dégradation de la Raison en un instrument de pouvoir. Maintenant, nous allons parler des conséquences de cette dégénérescence pour la nature. [...]

    La nouvelle conscience écologique des dirigeants vient rentabiliser la destruction elle-même, qui est inévitable, puisqu’elle s’inscrit dans le mode de production et de consommation dominant. Aujourd’hui, le Progrès est repeint en vert pour transformer ses nuisances en nouveaux marchés ; il ne peut revêtir d’autre costume puisque les nécessités incontournables de son fonctionnement l’obligent à une surexploitation ressources terrestres. Au royaume de la marchandise, tout a un prix, de l’air que nous respirons aux paysages que nous visitons ; mais désormais le prix doit être écologique. Les dirigeants convertis à l’écologie doivent intégrer le coût de quelques dommages collatéraux de la catastrophe dans le prix final si l’on ne veut pas altérer les fondements de la société industrielle. Si cela devait arriver, pour eux, ce serait la fin du Progrès, mais pour nous, le Progrès est la fin.

    Une traduction inédite et un texte disponible également en anglais et en espagnol.

    https://sniadecki.wordpress.com/2020/02/01/amoros-minuit-fr

    #Miguel_Amorós #progrès #critique_techno #écologie #scientisme

    • Après qu’un certain niveau de ce Progrès vénéré a été atteint – ce qui a conduit à la première guerre mondiale et la montée du nazisme –, ses effets négatifs ont à ce point dépassé ses effets positifs qu’il constitue une menace pour la survie de l’espèce humaine : dans l’étape ultérieure du développement, la finalité ultime de ce Progrès s’est révélée être la fin de l’humanité ; d’abord matérialisée par les armes nucléaires, l’État policier et l’industrialisation de la vie, et enfin par la pollution et le réchauffement climatique. Si l’histoire se poursuit le long de la route tracée par l’hybris progressiste dans toutes ses variantes, l’aboutissement en sera la désolation, pas l’Eden du consommateur heureux ni le paradis communiste.

      #progressisme #hybris #Histoire

      Dans un monde quantitatif, la raison technique place les actes réflexes au-dessus de l’intelligence, la performance au-dessus du sens et le calcul au-dessus de la vérité ; de sorte que lorsqu’on parle d’ « intelligence artificielle », ce n’est pas parce que les artefacts sont devenus capables de penser, mais parce que la pensée humaine est devenue mécanique.

      […]

      Le rejet d’une histoire téléologique ne signifie pas non plus le rejet de l’histoire. La contestation de l’éthique scientifique n’implique pas de remettre en cause la science en tant que telle, pas plus que l’inanité du système éducatif n’exclut la nécessité de l’instruction. C’est simplement le constat que l’histoire n’est écrite nulle part et n’est pas orientée vers un but, que les lois historiques ne sont pas figées puisque l’histoire de l’humanité est un processus de devenir plus que de consommation

      Difficile d’être moins messianique :p
      #sens_de_l'Histoire (ou pas) #téléologie