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  • #Viols : la croisade du Dr Mukwege
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    Au Congo-Kinshasa, le viol est une arme de guerre. Le gynécologue Denis Mukwege, qui en treize ans a opéré plus de 40 000 femmes violées et mutilées dans l’est du pays, dénonce ce crime contre l’humanité, au péril de sa vie

    On a voulu tuer le docteur Denis Mukwege. On a voulu faire taire celui qui, depuis des années, se révèle l’infatigable défenseur des femmes violées du Congo. Un homme plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel de la paix et que la communauté internationale a déjà récompensé de distinctions prestigieuses. Un gynécologue de 57 ans, qui, dans son hôpital de Panzi, près de Bukavu, a déjà accueilli et opéré, en l’espace de treize années, plus de 40 000 femmes violées et mutilées de sa région – oui, 40 000, le chiffre est effroyable. Et qui, inlassablement, mais avec de plus en plus de tristesse, arpente le monde et s’empare de toutes les tribunes qui lui sont offertes – ONU, Sénat américain, Parlement européen, Maison-Blanche, Downing Street… – pour dénoncer ce qu’il qualifie de crime contre l’humanité.

    • Las de parler dans le vide. Las de vouloir secouer en vain les consciences. Las de raconter à toutes sortes d’auditoires la tragédie des femmes du Congo sans que rien se passe. Las de décrire les viols et tortures effroyables, de citer des chiffres à donner le tournis (500 000 femmes violées en seize ans, dit-il), sans qu’aucune volonté politique internationale ne s’exprime pour prendre de vraies mesures. Las aussi de recevoir des prix et des hommages sans que les organisations gouvernementales n’envisagent de solutions autres que médicales.

      Cela le stupéfie. Comment est-il possible qu’on ne l’entende pas ? « Comment est-il pensable que les acquis de la civilisation reculent à ce point et qu’on reste inerte ? » On a toutes les preuves, photos, témoignages, et rien n’y fait, se désole-t-il. « On ne pourra pas dire, comme on l’a fait à d’autres heures sombres de l’histoire, que la communauté internationale ne savait pas. Elle sait ! » Alors pourquoi n’agit-elle pas ? « Pourquoi cette solidarité des hommes, sous toutes les latitudes, qui trouvent normal que la femme souffre comme si c’était dans sa nature, comme si le viol de milliers de femmes était moins grave que la mort d’un seul homme ? » Il secoue la tête, les épaules voûtées, les yeux pleins de désarroi. « Beaucoup d’hommes ont l’impression que le viol n’est qu’un rapport sexuel non souhaité. Mais ce n’est pas ça ! C’est une destruction ! Et cela fait seize ans que cela dure au Congo ! Seize ans de destruction de la femme, seize ans de déstructuration de toute une société. Et cela ne fait que croître ! »