L’utopie des technopoles radieuses – Revue Z

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    https://www.zite.fr/technopoles-radieuses

    Le modèle technopolitain fondé sur la recherche-innovation s’est imposé à toutes les grandes villes. À l’origine conçues comme un moyen de dépasser les contradictions d’une économie fondée sur la consommation de masse et la destruction de la nature, ces « villes de la connaissance » en sont devenues le principal moteur. Comment passe-t-on du « small is beautiful » au nouveau gigantisme industriel ?

    Texte : Celia Izoard
    Illustrations : Florent Grouazel

    Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans qu’une ville française annonce un projet de technopole scientifique. Les technopoles suscitent un intérêt égal dans les administrations centrales ou décentralisées, les collectivités locales, les chambres de commerce… La fièvre s’est emparée de tous ces acteurs qui ne rêvent plus que de fertilisation croisée. » Voici ce que l’on pouvait lire dans un article consacré aux technopoles en … 1985. Dans le même numéro de la revue Autrement1, le journaliste Philippe Merlant publie un petit lexique du jargon technopolitain : pépinière, synergie, transfert, incubateur, fertilisation, brassage, réseau… Tous les mots qui comptent triple aujourd’hui, mots qui justement renvoient à tout sauf au passé, évoquant plutôt une course échevelée vers l’avenir ou la science-fiction, sont déjà présents dans leur sens actuel. À l’entrée « innovation », le journaliste écrit que le terme est « déjà un has been ».

    Has been, l’innovation ? Trente ans plus tard, le mot est dans toutes les bouches. Elle est devenue l’autre nom du développement, le maître-mot de la restructuration des territoires. L’innovation est sacro-sainte. L’innovation est le nom de ce qu’il faut faire. Le modèle de la technopole, loin d’être une simple mode, s’est imposé comme avatar quasi hégémonique du capitalisme. Un peu partout, avec les mêmes mots d’ordre et les mêmes moyens, on reconvertit les « bassins » industriels en « vallées » de la connaissance.

    Dans les années 1970, la technopole a fait figure d’utopie née de la critique de la société industrielle : critique de la bureaucratie, de la hiérarchie, de l’urbanisation galopante et de la pollution. Quand Pierre Lafitte, ingénieur général des mines, sénateur des Alpes-Maritimes, fonde en 1968 la première technopole française, Sophia-Antipolis, ce grand campus verdoyant au large de Nice se veut « un Quartier latin aux champs, un lieu de réflexion, de création, mais aussi de défoulement où scientifiques et ingénieurs côtoient les artistes2 ». On ne travaillerait plus à la chaîne, on « créerait » dans l’ambiance décontractée de campus ombragés, véritables « zones vertes pour matière grise ». Libérés de l’asphyxie des grands groupes, les citoyens deviendraient de petits entrepreneurs libres de s’associer et de s’entraider sur des « projets ».

    C’est au début des an–nées 1980 que le modèle de la Silicon Valley voit consacrée sa victoire économique et idéologique en France. Philippe Merlant note que l’idée de la technopole bénéficie, pour réconcilier toute une génération de soixante-huitards avec l’entreprise, de sa « filiation avec les mythes californiens des années 1970 ». « Faut-il s’étonner, écrit-il, que cette génération, nourrie de l’idéologie gauchiste et massivement reconvertie dans les secteurs de la com’, ait été le principal vecteur médiatique de l’intérêt des technopoles ? »

    Étrange ironie. On constate aujourd’hui que l’essor de ce modèle fondé sur la micro-électronique et l’informatique, loin de permettre une sortie par le haut du capitalisme industriel, lui a au contraire permis de prendre une ampleur inégalée. Loin de conduire à une sortie du travail à la chaîne, cette nouvelle étape lui donne au contraire une impulsion inouïe : sur toute la surface du globe, les usines se multiplient pour produire puces électroniques, i-Pad et autres i-Phone « développés » par les chercheurs et les entrepreneurs de toutes les Silicon Valley du monde. L’observateur des technopoles est, à bien des égards, du « bon côté » de la division internationale du travail : il y a longtemps qu’on ne produit plus de puces de silicium dans la baie de San Francisco et que la mine de Mountain Pass, en Californie, ne lui fournit plus de terres rares. En partie invisibilisées par cette conversion des anciennes puissances industrielles à la soi-disant « économie immatérielle », l’exploitation et la pollution intrinsèques à ce modèle n’ont jamais été aussi générales et aussi démesurées.

    #Technopoles #Silicon_Valley

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    Le modèle technopolitain fondé sur la recherche-innovation s’est imposé à toutes les grandes villes. À l’origine conçues comme un moyen de dépasser les contradictions d’une économie fondée sur la consommation de masse et la destruction de la nature, ces « villes de la connaissance » en sont devenues le principal moteur. Comment passe-t-on du « small is beautiful » au nouveau gigantisme industriel ?

    #technopole #urbanisme #industrie #critique_techno #Célia_Izoard #Revue_Z