Erreur 404

/03

  • Coronavirus : « Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire »
    #Covid-19#migrant#migration#France#expulsion
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/20/coronavirus-sauvegardons-les-droits-fondamentaux-pendant-la-crise-sanitaire_

    Si rien n’est fait pour les accompagner, les personnes isolées subiront le plus durement la crise sanitaire, estiment dans une tribune au « Monde » Jacques Toubon, Adeline Hazan et Jean-Marie Burguburu.

  • Bruno Latour : « La crise sanitaire incite à se préparer à la mutation climatique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/25/la-crise-sanitaire-incite-a-se-preparer-a-la-mutation-climatique_6034312_323

    Ce qui autorise l’enchaînement des deux crises, c’est la réalisation soudaine et douloureuse que la définition classique de la société – les humains entre eux – n’a aucun sens. L’état du social dépend à chaque instant des associations entre beaucoup d’acteurs dont la plupart n’ont pas forme humaine. Cela est vrai des microbes – on le sait depuis Pasteur –, mais aussi d’Internet, du droit, de l’organisation des hôpitaux, des capacités de l’Etat, aussi bien que du climat. Et bien sûr, malgré le barouf autour d’un « état de guerre » contre le virus, celui-ci n’est que l’un des maillons d’une chaîne où la gestion des stocks de masques ou de tests, la réglementation du droit de propriété, les habitudes civiques, les gestes de solidarité, comptent exactement autant pour définir le degré de virulence de l’agent infectieux.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Bruno Latour : « L’apocalypse, c’est enthousiasmant »

    Une fois pris en compte tout le réseau dont il n’est qu’un maillon, le même virus n’agit pas de la même façon à Taïwan, Singapour, New York ou Paris. La pandémie n’est pas plus un phénomène « naturel » que les famines d’autrefois ou la crise climatique actuelle. Il y a bien longtemps que la société ne tient plus dans les étroites limites du social.

    Faites l’expérience de pensée : imaginez que le président Macron soit venu vous annoncer, avec le même ton churchillien, un train de mesures pour laisser les réserves de gaz et du pétrole dans le sol, pour stopper la commercialisation des pesticides, supprimer les labours profonds, et, audace suprême, interdire de chauffer les fumeurs à la terrasse des bars… Si la taxe sur l’essence a déclenché le mouvement des « gilets jaunes », là, on frémit à la pensée des émeutes qui embraseraient le pays. Et pourtant, l’exigence de protéger les Français pour leur propre bien contre la mort est infiniment plus justifiée dans le cas de la crise écologique que dans le cas de la crise sanitaire, car il s’agit là littéralement de tout le monde, et pas de quelques milliers d’humains – et pas pour un temps, mais pour toujours.

    La situation est tragiquement inverse dans la mutation écologique : cette fois-ci, l’agent pathogène dont la virulence terrible a modifié les conditions d’existence de tous les habitants de la planète, ce n’est pas du tout le virus, ce sont les humains ! Et pas tous les humains, mais certains, qui nous font la guerre sans nous la déclarer. Pour cette guerre-là, l’Etat national est aussi mal préparé, aussi mal calibré, aussi mal dessiné que possible car les fronts sont multiples et traversent chacun d’entre nous. C’est en ce sens que la « mobilisation générale » contre le virus ne prouve en rien que nous serons prêts pour la suivante. Il n’y a pas que les militaires pour être toujours en retard d’une guerre.

    #Coronavirus #Biopolitique #Non_humains #Climat

  • Ne pas porter de masque pour se protéger du coronavirus est une « grande erreur », affirme un scientifique chinois haut placé
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/31/ne-pas-porter-de-masque-pour-se-proteger-du-coronavirus-est-une-grande-erreu

    George Gao, le directeur général du Centre chinois de contrôle et de préventions des maladies, a répondu aux questions du journaliste Jon Cohen, qui le sollicitait depuis deux mois. Dans cet entretien publié par la revue américaine « Science », il revient notamment sur la gestion de la crise par la Chine.
    Propos recueillis par Jon Cohen

    Les scientifiques chinois, en première ligne de la lutte contre l’épidémie de coronavirus 2019 (#Covid-19) dans leur pays, ne sont guère accessibles pour les médias étrangers. Comprendre l’épidémie et lutter contre elle est une tâche écrasante, et répondre aux sollicitations de la presse, et surtout à celles des journalistes hors de Chine, n’est pas une priorité. Cela faisait deux mois que Science tentait d’interroger George Gao, le directeur général du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies. La semaine dernière, il a donné suite [à la mi-mars].

    George Gao est à la tête d’une agence de 2 000 employés (soit un cinquième des effectifs des Centers for Disease Control and Prevention [son équivalent aux Etats-Unis]), et il reste lui-même un chercheur très actif. En janvier, l’équipe dont il faisait partie a été la première à isoler et à séquencer le SARS-CoV-2, ou coronavirus 2, du syndrome respiratoire aigu sévère, qui cause la maladie appelée Covid-19. Il est le coauteur de deux études publiées dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine (NEJM) qui ont eu un large retentissement : elles fournissaient pour la première fois des aspects épidémiologiques et cliniques détaillés de l’infection. Il a aussi publié trois articles sur le Covid-19 parus dans [la revue scientifique médicale britannique] The Lancet.
    Son équipe a également apporté une importante contribution à une mission conjointe formée de chercheurs chinois et internationaux qui, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a publié un rapport décisif après avoir effectué une tournée en Chine pour mieux comprendre la réponse donnée à l’épidémie.
    Après des études vétérinaires, George Gao a obtenu un doctorat en biochimie à Oxford et s’est spécialisé en immunologie et en virologie comme postdoctorant dans cette université britannique puis à Harvard. Ses travaux de recherche portent sur les virus à enveloppe (entourés d’une fragile membrane lipidique protectrice), dont fait partie le SARS-CoV-2, et leurs mécanismes d’entrée dans les cellules et de transmission interespèces.

    George Gao a répondu à nos questions sur plusieurs jours et par divers moyens (SMS ainsi que messagerie et conversations téléphoniques). L’entretien qui suit en est le condensé, édité à des fins de clarté et de concision.

    Quels enseignements peuvent tirer les autres pays de la gestion du Covid-19 par la Chine ?

    La distanciation sociale est la stratégie fondamentale dans le contrôle de toutes les maladies infectieuses, et plus encore des infections respiratoires. D’abord, nous avons déployé des « stratégies non pharmacologiques », dans la mesure où nous ne disposons d’aucun inhibiteur ou médicament spécifique, ni de vaccin. Deuxièmement, il faut faire en sorte d’isoler tous les malades. Troisièmement, placer en quarantaine les cas contacts : nous avons consacré beaucoup de temps à leur identification et à leur isolement. Quatrièmement, interdire tous les rassemblements. Et cinquièmement, restreindre les déplacements, d’où l’instauration de la quarantaine, ou « cordon sanitaire », comme on dit en français.

    Le confinement a débuté en Chine le 23 janvier à Wuhan puis fut étendu à des villes voisines de la province du Hubei. D’autres provinces chinoises ont mis en place des mesures moins strictes. Comment la coordination de ces dispositifs s’est-elle faite, et quel rôle ont joué les « contrôleurs » de quartier chargés de surveiller leur application localement ?

    Il faut avant tout que les mesures soient comprises et fassent consensus. Pour cela, il faut une forte volonté politique, aussi bien à l’échelon local que national. Il faut que contrôleurs et coordinateurs impliquent étroitement la population. Les contrôleurs doivent connaître l’identité des cas contacts, mais aussi des cas présumés. Les contrôleurs de proximité doivent être très vigilants, leur rôle est essentiel.

    Quelles sont les erreurs commises actuellement par d’autres pays ?

    La grande erreur aux Etats-Unis et en Europe est, à mon avis, que la population ne porte pas de masque. Ce virus se transmet par les gouttelettes respiratoires, de personne à personne. Les gouttelettes jouent un rôle très important, d’où la nécessité du masque – le simple fait de parler peut transmettre le virus. De nombreux individus atteints sont asymptomatiques, ou ne présentent pas encore de symptômes : avec un masque, on peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s’échapper et d’infecter les autres.

    Il existe d’autres mesures de lutte contre l’épidémie. La Chine fait ainsi un usage intensif des thermomètres à l’entrée des commerces, des immeubles et dans les stations des transports en commun.
    En effet. Partout où vous allez en Chine, il y a des thermomètres. La prise de température généralisée permet de ne pas laisser entrer quiconque présente de la fièvre. Car la stabilité de ce virus dans l’environnement est une question-clé, qui reste à ce jour sans réponse. S’agissant d’un virus à enveloppe, on est tenté de penser qu’il est fragile et particulièrement sensible à la température ou à l’humidité des surfaces. Cependant, des résultats obtenus aux Etats-Unis et des études chinoises laissent penser qu’il serait très difficile à détruire sur certaines surfaces. Il pourrait être capable de survivre dans de nombreux environnements. Sur ce point, nous attendons des réponses scientifiques.

    A Wuhan, des personnes testées positives mais peu atteintes par la maladie ont été placées en quarantaine dans des infrastructures ad hoc, avec interdiction de recevoir la visite de leurs proches. Est-ce une démarche dont devraient s’inspirer les autres pays ?

    Les personnes infectées doivent être isolées. Le Covid-19 ne peut être enrayé qu’à condition de faire disparaître les sources d’infection. C’est pour cela que nous avons construit des hôpitaux de campagne et aménagé des stades en hôpitaux.

    De nombreuses questions demeurent autour de l’émergence de la maladie en Chine. Des chercheurs chinois font état d’un premier cas apparu le 1er décembre 2019. Que dites-vous de l’enquête du « South China Morning Post » [quotidien hongkongais] qui estime, sur la base d’un rapport interne de l’Etat chinois, que des cas s’étaient déclarés en novembre déjà, avec un premier cas le 17 novembre ?

    Il n’existe aucune preuve solide de l’existence de foyers épidémiques dès le mois de novembre. Nous poursuivons nos recherches pour mieux comprendre les origines de la maladie.

    Les autorités sanitaires de Wuhan ont établi un lien entre de nombreux cas et le marché de fruits de mer de Huanan, qu’elles ont fait fermer le 1er janvier. Leur hypothèse était qu’un virus s’était propagé chez l’homme à partir d’un animal ayant été vendu, et peut-être découpé aussi, sur ce marché. Dans votre article paru dans la « NEJM » cependant, où vous faites notamment un historique de la maladie, vous affirmez que quatre des cinq premiers patients infectés n’avaient aucun lien avec le marché de Huanan. Considérez-vous ce marché comme le berceau probable de la maladie, ou bien comme une fausse piste, une chambre d’amplification plutôt que le foyer premier ?

    C’est une excellente question. Vous travaillez comme un véritable détective. D’emblée, tout le monde a pensé que ce marché était à l’origine de la maladie. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est là que le virus est apparu, ou seulement un endroit où il a trouvé à se propager. Deux hypothèses subsistent, c’est à la science de trancher.

    La Chine a été critiquée également pour avoir tardé à partager le génome du virus. C’est le « Wall Street Journal » qui, le 8 janvier, a rendu publique l’existence d’un nouveau coronavirus ; l’information n’est pas venue des équipes de chercheurs de l’Etat chinois. Pourquoi ?

    Le Wall Street Journal avait vu juste. L’OMS avait été informée du séquençage, et je crois que quelques heures seulement se sont écoulées entre la parution de l’article et l’annonce officielle. Pas plus d’une journée en tout cas.

    Pourtant, on peut voir dans une base de données de génomes viraux en accès libre que le premier séquençage proposé par des scientifiques chinois date du 5 janvier. Trois jours se sont donc écoulés pendant lesquels vous saviez forcément qu’il s’agissait d’un nouveau coronavirus. Cela ne changera plus le cours de l’épidémie aujourd’hui, mais il faut reconnaître que quelque chose est arrivé avec l’annonce du séquençage.

    Je ne le crois pas. Nous nous sommes empressés de partager l’information avec la communauté scientifique, mais c’est un sujet de santé publique, et nous devions donc attendre l’annonce des pouvoirs publics. Personne ne veut provoquer une panique, n’est-ce pas ? Et personne, nulle part dans le monde, n’aurait pu prédire que ce virus allait entraîner une pandémie. C’est la première pandémie de l’histoire qui ne soit pas causée par un virus influenza [virus de la grippe].

    Il a fallu attendre le 20 janvier pour que des équipes chinoises déclarent officiellement avoir des preuves d’une transmission interhumaine. Pourquoi, selon vous, les épidémiologistes en Chine ont-ils eu tant de mal à voir ce qu’il se passait ?

    Nous n’avions pas encore de données épidémiologiques détaillées. Et nous étions confrontés depuis le début à un virus violent et sournois. C’est la même chose en Italie et dans le reste de l’Europe, et aux Etats-Unis. « C’est juste un virus », voilà ce que les scientifiques, comme tous les autres, se sont dit au début.

    La propagation est aujourd’hui extrêmement ralentie en Chine, où les nouveaux cas seraient pour l’essentiel importés. Vous confirmez ?

    Tout à fait. Pour l’heure, nous n’avons plus de transmission locale, mais notre problème vient désormais des cas importés. Un très grand nombre de personnes infectées arrivent désormais en Chine.

    Que se passera-t-il quand la vie normale reprendra son cours en Chine ? Pensez-vous qu’une part suffisante de la population a été infectée, de telle sorte qu’une immunité collective éloigne le virus ?

    L’immunité collective n’est pas encore atteinte, c’est une certitude. Mais nous attendons des résultats plus probants des recherches d’anticorps, qui nous diront exactement combien de personnes ont été infectées.

    Quelle stratégie, alors ? Gagner du temps en attendant que des traitements efficaces soient mis au point ?

    Exactement, et nos scientifiques planchent à la fois sur un vaccin et sur des médicaments.

    Pour de nombreux chercheurs, le remdesivir serait le plus prometteur des médicaments actuellement à l’étude. Quand pensez-vous avoir des résultats d’essais cliniques pour la Chine ?

    En avril.

    Des équipes chinoises ont-elles mis en place des modèles animaux suffisamment solides pour l’étude de la pathogenèse et les tests de médicaments et de vaccins ?

    Pour l’heure, nous utilisons à la fois des singes et des souris transgéniques possédant des récepteurs de l’ACE2, qui sont les points d’entrée du virus chez l’homme. La souris est un modèle très largement utilisé en Chine dans l’évaluation des traitements médicamenteux et des candidats vaccins, et je crois que deux études chez le singe devraient paraître prochainement. Je peux vous dire en tout cas que notre modèle simien est au point.

    Que pensez-vous du nom de « China virus », ou « Chinese virus » [virus chinois, de Chine], employé par le président américain Donald Trump pour désigner le nouveau coronavirus ?

    Parler de virus chinois est vraiment une mauvaise idée. Ce virus vient de la planète Terre. Il n’est pas l’ennemi d’un individu ou d’un pays en particulier : c’est notre ennemi à tous.

    Jon Cohen est journaliste au magazine Science. Spécialisé dans la biomédecine, il est reconnu pour sa couverture des épidémies (VIH/sida, SRAS, Ebola). Il a également fait de nombreux reportages sur la génétique, la recherche sur les primates, l’évolution, le bioterrorisme, le financement de la recherche, l’éthique, la biologie reproductive, les batailles de crédit et les médias eux-mêmes. Ses articles ont été récompensés notamment par l’Académie nationale des sciences des Etats-Unis et la Société américaine de microbiologie.
    La référence exacte de cet article initialement paru dans la revue américaine Science est : « Not wearing masks to protect against coronavirus is a ‘big mistake’, top Chinese scientist says », Jon Cohen, 27 mars 2020, Science (doi : 10.1126/science.abb9368), https://www.sciencemag.org/news/2020/03/not-wearing-masks-protect-against-coronavirus-big-mistake-top-chinese-sc. Nous le republions avec la gracieuse autorisation de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), qui édite cette revue. Cette traduction n’est pas une version officielle du texte, elle n’a pas été relue par le personnel de l’AAAS, ni jugée conforme par l’AAAS. Pour fin de vérification, merci de se reporter à la version originale anglaise publiée par l’AAAS.

  • Coronavirus : « Une classification systématique d’une population en fonction d’un critère de santé est dangereuse »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/26/coronavirus-une-classification-systematique-d-une-population-en-fonction-d-u

    Le comité CARE, mis en place par le président de la République, doit inclure des spécialistes des libertés fondamentales, observe l’avocate Zoé Vilain, dans une tribune au « Monde », pour éviter une surveillance généralisée des citoyens et de leur vie privée. Depuis le 17 mars 2020, toute personne sur le territoire français doit être en mesure de justifier le motif de sa sortie, et depuis le 24 mars, l’heure à laquelle elle a quitté son domicile. Le gouvernement envisagerait désormais un contrôle massif (...)

    #Google #algorithme #smartphone #géolocalisation #[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données_(RGPD)[en]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR)[nl]General_Data_Protection_Regulation_(GDPR) #BigData #santé #surveillance #métadonnées (...)

    ##[fr]Règlement_Général_sur_la_Protection_des_Données__RGPD_[en]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_[nl]General_Data_Protection_Regulation__GDPR_ ##santé ##ICO-UK

    • Décret n° 2020-356 du 27 mars 2020 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « DataJust »
      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=8B2997ECAD85AEB6E9AB37994EEDF6E1.tplgfr38s

      ce décret autorise le ministre de la justice à mettre en œuvre, pour une durée de deux ans, un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « DataJust », ayant pour finalité le développement d’un algorithme destiné à permettre l’évaluation rétrospective et prospective des politiques publiques en matière de responsabilité civile et administrative, l’élaboration d’un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels, l’information des parties et l’aide à l’évaluation du montant de l’indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre afin de favoriser un règlement amiable des litiges, ainsi que l’information ou la documentation des juges appelés à statuer sur des demandes d’indemnisation des préjudices corporels. Le décret définit les finalités du traitement, la nature et la durée de conservation des données enregistrées ainsi que les catégories de personnes y ayant accès. Il précise enfin les modalités d’exercice des droits des personnes concernées.

    • Suite et fin de la tribune de Zoé Vilain (Avocate associée du cabinet 1862 Avocats et présidente Europe et responsable de la protection des données personnelles de Jumbo Privacy, une application mobile qui permet aux utilisateurs de regagner le contrôle de leur données)

      Le gouvernement envisagerait désormais un contrôle massif des données de santé des Français notamment grâce aux pratiques de « #backtracking » permettant d’identifier non seulement les personnes atteintes du #Covid-19, mais également les personnes en contact avec celles-ci.

      Ce contrôle massif reviendrait à une véritable stratégie numérique d’identification des personnes en raison de leurs données de santé. Les #données_de_santé font l’objet d’une protection particulièrement renforcée depuis la création de textes juridiques portant sur la protection de la vie privée et des données personnelles en étant classée comme données dites « sensibles », depuis l’origine.

      Cette protection dans les textes, nécessaire notamment pour que tout individu atteint d’une pathologie, puisse vivre une vie normale, s’illustre par l’interdiction de tout traitement des données de santé relatives à personne identifiée ou identifiable, et leur commercialisation, selon l’article 9 du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

      La tentation d’exploiter les données de santé des citoyens
      Le RGPD prévoit cependant quelques exceptions à cette interdiction, qui pourrait servir de base à cette stratégie numérique d’identification des personnes. En effet, il prévoit que les traitements de données personnelles de santé peuvent être autorisés si le traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public à condition que la règle de droit prévoyant ce traitement soit proportionnée à l’objectif poursuivi, respecte l’essence du droit à la protection des données et prévoit des mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne concernée (article 9.2).

      Cette obligation est notamment rappelée dans un communiqué du Comité européen de la protection des données du 19 mars 2020 portant « Déclaration sur le traitement des données personnelles dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 ». La tentation d’exploiter les données de santé des citoyens est grande en période de crise sanitaire comme la nôtre, surtout au vu des outils technologiques à disposition en 2020.
      Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : « 

      La Chine aurait endigué une grande partie du virus en contrôlant de manière systématique les données mobiles de ses citoyens, notamment en obligeant les personnes à préciser leur température et leur état de santé, en utilisant les caméras de vidéosurveillance pour traquer avec qui les personnes auraient pu être en contact. Des applications auraient même pu être utilisées pour vérifier la proximité de ces personnes, avec des personnes infectées. Les citoyens chinois seraient maintenant classifiés selon trois couleurs indiquant leur risque de contamination : rouge, jaune et vert.

      Pas au détriment du respect des libertés fondamentales

      La Chine n’est pas la seule à avoir mis ce genre de contrôle en place. L’Italie, Israël, la Corée du Sud mettraient en place des contrôles massifs afin de surveiller l’expansion du virus dans leur territoire grâce à l’exploitation des images de #vidéosurveillance, des données de #géolocalisation et les #données_bancaires, pour contrôler les mouvements de leur population.

      Le Royaume-Uni serait en négociation avec Google, qui fait l’objet de plusieurs plaintes pour violation du RGPD devant l’Information Commissioner’s Office (ICO), l’équivalent britannique de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), pour avoir accès aux données de localisation des Anglais, afin de contrôler le respect du confinement.

      Emmanuel Macron a annoncé le 24 mars avoir créé un comité d’analyse, de recherche et d’expertise (CARE) composé exclusivement de scientifiques, afin de se prononcer sur l’utilisation des données de santé des personnes sur le territoire français pour faire face à la pandémie actuelle. A l’ère du numérique et du big data, l’utilisation de la technologie et des données semble inévitable et fondamentale pour lutter contre un virus comme le Covid-19 et faire en sorte que la crise soit la plus courte possible. Mais cela ne doit pas se faire au détriment du respect des libertés fondamentales. Quelles seront les décisions prises par le gouvernement et fondées sur cette classification de la population ?

      Des décisions générales ou personnalisées ?

      Cette classification aura-t-elle pour objet de donner lieu à des décisions générales de santé publique ? Ou, au contraire, visera-t-elle à prendre des décisions personnalisées en fin de crise, pour décider quelles sont les personnes qui auront le droit de sortie de confinement en fonction de leur exposition à des personnes contaminées ? Allons-nous privilégier les personnes exposées, et donc potentiellement immunisées, pour les embauches à des postes à plus haut risque (livreur, caissiers, etc.) au cas où le Covid-19 reviendrait ?

      Cette stratégie numérique d’identification fait naître beaucoup trop d’interrogations pour qu’elle ne fasse pas l’objet d’une réflexion approfondie du cadre légal sans lequel elle ne devrait pas exister. Nous ne savons pas combien de temps cette crise sanitaire va durer. Une classification systématique d’une population en fonction d’un critère de santé est dangereuse, et cela ne peut se faire sans l’appui et l’avis d’experts juridiques, dont le travail est de vérifier que les mesures prises sont proportionnées et prises dans le respect des libertés fondamentales des personnes concernées. N’attendons pas la fin de la crise où nos données de santé seront potentiellement exploitées, pour demander le respect de nos droits au respect de la vie privée.

      Oui, pour sauver l’#économie, la tentation est grande de trier la main d’oeuvre selon son statut sérologique afin que soient assurées des tâches indispensables mais aussi la performance de nos fleurons industriels et productifs (airbus, bagnole, logisitique, ...).
      Assignation à résidence et contrôle de la mobilité, en même temps.

      #Travail #contrôle

    • Face au Covid-19, le choix entre santé ou libertés est un faux dilemme, Le Monde, Editorial
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/30/face-au-covid-19-le-choix-entre-sante-ou-libertes-est-un-faux-dilemme_603488

      Lutter contre une pandémie qui détruit des vies humaines et menace la planète de déstabilisation est une priorité absolue. Mais les dispositifs d’exception ne sont acceptables que s’ils sont provisoires.

      Editorial du « Monde ». Confinement généralisé au domicile, rassemblements prohibés, couvre-feux, parcs surveillés par des drones. Jamais en temps de paix les démocraties n’ont enduré pareilles entorses aux principes qui les fondent : les libertés publiques. Qui aurait imaginé, voici quelques semaines encore, que l’Europe serait plongée dans un climat digne de George Orwell, qui plus est très largement accepté ?

      La liberté d’aller et venir, celle de se réunir ont été mises entre parenthèses, les prérogatives des Parlements rognées, les droits des salariés amputés. Des prévenus sont jugés et parfois privés de liberté sans avocat. L’exécutif s’est donné le droit de restreindre des libertés individuelles, prérogative réservée en temps normal aux juges en vertu du principe fondamental de la séparation des pouvoirs.

      Sous l’effet de la sidération et de la peur, des mesures aussi radicales que le confinement général, la fermeture des institutions non vitales et le placement en quarantaine sont largement acceptées et même approuvées. Personne ne peut contester la réalité d’un « état d’urgence sanitaire » et la nécessité de mesures exceptionnelles pour juguler la pandémie. Le débat de l’heure porte plutôt sur le fait de savoir si ces restrictions n’auraient pas dû être imposées plus tôt. Ce qui conduit à interroger les relations complexes entre information scientifique, conscience de l’opinion et décision politique.

      Lutter contre une pandémie qui détruit des vies humaines et menace la planète de déstabilisation est une priorité absolue. Il faut donc approuver sans réserve les mesures sanitaires, promouvoir leur mise en œuvre et accepter les sanctions infligées aux contrevenants. Ne serait-ce que par respect et par soutien aux personnels de santé exténués.

      L’« effet cliquet »

      Cela ne dispense pas de s’interroger sur le monde d’après et le risque d’une banalisation de dispositifs d’exception qui ne sont acceptables que s’ils sont provisoires. Or l’expérience du passé nourrit l’inquiétude. Une fois la contrainte mise en œuvre, il est rare que le législateur revienne à des textes plus libéraux. Adoptée au début de la guerre d’Algérie, la loi de 1955 sur l’état d’urgence a été actualisée et adaptée, jamais abrogée. Les dispositions prises en 2015 face au terrorisme ont été versées dans le droit commun.

      L’état d’urgence sanitaire est une première dans nos démocraties. Mais la menace d’une nouvelle pandémie restera gravée dans les esprits. La tentation sera donc grande pour les gouvernements de transformer le provisoire en définitif. Il faudra se garder d’un tel « effet cliquet », en particulier dans le domaine du #droit_du travail, de la #procédure_pénale et des #libertés_publiques.

      L’urgence sanitaire doit devenir le laboratoire des bonnes méthodes de prévention et de traitement des pandémies, pas celui de mesures liberticides. Le risque s’annonce particulièrement fort en matière de surveillance individuelle. L’utilisation à grande échelle par la Chine des smartphones pour obliger les individus à communiquer leur température, repérer les déplacements des malades et identifier leurs contacts, donne un avant-goût de l’inquiétante évolution que la pandémie peut accélérer.

      Or la banalisation du recueil des données de santé, si elle peut renforcer un régime autoritaire, peut aussi être mise au service de la santé publique, de la connaissance des risques et de la prévention individuelle et collective des maladies. Entre santé et libertés, nous ne sommes pas contraints de choisir. Menace vitale, le Covid-19 défie aussi la démocratie.

  • Libertés numériques : « La gouvernance algorithmique est d’une efficacité redoutable »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/29/libertes-numeriques-la-gouvernance-algorithmique-est-d-une-efficacite-redout

    La mise en place d’un mode de régulation sociale par algorithme impose deux conditions dans les démocraties : l’algorithme doit être transparent et débattu par tous ceux qui le subiront ou en bénéficieront, avertit, dans une tribune au « Monde », le chercheur Hugues Bersini. S’il ne s’agissait déjà que de la seule utilisation devenue vitale du réseau Internet et de toutes les applications de communication qu’il supporte, il n’aura échappé à personne combien les technologies du numérique nous sont devenues (...)

    #GitHub #Wikipedia #algorithme #smartphone #éthique #BigData #copyright #discrimination (...)

    ##GAFAM

  • https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_739903/lang--fr/index.html

    Selon un rapport préliminaire d’évaluation des effets de l’épidémie sur le monde du travail à l’échelle mondiale, publié par l’OIT le 18 mars, le chômage mondial pourrait augmenter de près de 25 millions et des millions de personnes pourraient être poussées vers le sous-emploi et la pauvreté au travail.

  • Claude Got : « Nous n’avons pas encore intégré les méthodes qui ont réduit la mortalité en Chine »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/28/claude-got-nous-n-avons-pas-encore-integre-les-methodes-qui-ont-reduit-la-mo

    Quand le bilan de l’épidémie du Covid-19 sera terminé, l’insuffisance de dispositifs de protection personnelle apparaîtra comme l’erreur de gestion la plus grave. Minimiser l’intérêt des masques pour l’ensemble des personnes exposées a été une manœuvre pour réduire la faute des pouvoirs publics qui n’ont pas maintenu le stock de masques commandé par [l’ancienne ministre de la santé] Roselyne Bachelot, en 2009

    • Je repense depuis quelques jours à mon projet de voile laïque. En tout cas je vais pouvoir ressortir avec une voilette en plus de mon foulard de braqueuse comme ca je me touche pas le visage. Je verrai bien toute la population en abaya. Ca me ferai bien marrer de voire tous ces coqs gaulois élécteurs du FN contraint de porter le voile.
      #voile_laïque

    • La seconde erreur a été de dénigrer les méthodes de protection dites « artisanales » permettant d’attendre le retour à une production professionnelle suffisante. Il fallait définir les méthodes et les produits utilisables, validés par des spécialistes avant la fin du mois de février. La Chine a fait le bon choix d’associer le confinement dans les habitations et l’obligation d’être protégé par un masque. Elle a su mettre en œuvre plusieurs choix dans un délai très court que ce soit dans la fabrication d’hôpitaux ou le passage de 10 millions à 100 millions de masques par jour. Nous n’avons pas eu cette réactivité.

      https://www.craftpassion.com/face-mask-sewing-pattern

    • oui mais en france « On est les plus forts » ce gvt viriliste préfère dire « allez donc à la guerre à poil, les habits faits à la maison ne servent à rien, d’ailleurs les habits ne servent que quand vous êtes morts. Et puis on a #Geodis, mieux que les avions de l’armée car ils souspayent leurs ouvriers et d’ici 3 mois vous les aurez vos masques (#oupas) »

      tu as vu https://seenthis.net/messages/835160
      A propos de Geodis
      https://lemediapresse.fr/social/derriere-les-profits-records-de-geodis-la-souffrance-de-ses-ouvriers

      #engraissement_en_vue
      #profiteurs_de_guerre

    • Le vrai danger, c’est que le képi qui fait les contrôles, il voit le type, il va illico être persuadé qu’il le prend pour un con. (Et comme tu sais, le képi, il aime pas qu’on le prenne pour une con.)

    • Cent fois oui. Mais depuis le CHU de Grenoble (pour pallier la #pénurie) et de multiples initiatives venus d’en bas (masques fabriqués un peu partout, y compris à domicile, pour soi, les proches, voire au delà, fabrication avec imprimante 3D de visières de protection pour des soignants, de pièces de rechange pour des respirateurs), des initiatives émergent, circulent, se diffusent, par exemple :

      Distribution de repas à la Cantine des Pyrénées [ et de masques par les mêmes ] , publié le 23 mars.
      https://paris-luttes.info/distribution-de-repas-a-la-cantine-13688

      Utilisons ce temps libre pour imaginer la société de demain.
      La #Cantine_des_Pyrénées avait sous la main des masques FFP2, en grande quantité, et nous en avons distribué 30 000 à des structures de soin et du personnel soignant. Mais il en faudra bien plus.

      Ces apports immanents à la société sont d’ailleurs souvent cités par les personnels soignants ("les seuls masques qu’on a c’est des dons", « on demande et ou on nous apporte des repas », tandis que d’autres effectuent des gardes sans autre nourriture que celle qu’ils apportent individuellement, etc.).

      Si le retard de la star up nation persiste (et se reproduit, cf la pénurie de médicaments indispensables qui s’annonce), les institutions les plus officielles doivent désormais s’en mêler, suivre le mouvement, sans que cela fasse l’objet d’une politique effective (on est loin loin loin du raout Raoult).

      Téléchargez AFNOR Spec – Masques barrières version 1.0
      https://telechargement-afnor.org/masques-barrieres?_ga=2.21063035.130567097.1585335913-61532588

      AFNOR met à disposition de tous un référentiel de fabrication de masques, dit « #masques_barrières ». Pensé pour les néofabricants de masques et les particuliers, il permet de concevoir un masque destiné à équiper toute la population saine et complète la panoplie des indispensables gestes barrières face à l’épidémie de Coronavirus.

    • Testing the efficacy of homemade masks: would they protect in an influenza pandemic? - PubMed - NCBI (2013)
      https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24229526

      CONCLUSION:

      Our findings suggest that a homemade mask should only be considered as a last resort to prevent droplet transmission from infected individuals, but it would be better than no protection.

    • ah c’est bizarre moi je n’ai pas de blocage sur cet article (et je ne suis pas abonnée).

      PostEverything
      Perspective

      Simple DIY masks could help flatten the curve. We should all wear them in public.

      by Jeremy Howard

      Jeremy Howard is a distinguished research scientist at the University of San Francisco, founding researcher at fast.ai and a member of the World Economic Forum’s Global AI Council.

      March 28, 2020 at 8:18 p.m. GMT+1

      When historians tally up the many missteps policymakers have made in response to the coronavirus pandemic, the senseless and unscientific push for the general public to avoid wearing masks should be near the top.

      The evidence not only fails to support the push, it also contradicts it. It can take a while for official recommendations to catch up with scientific thinking. In this case, such delays might be deadly and economically disastrous. It’s time to make masks a key part of our fight to contain, then defeat, this pandemic. Masks effective at “flattening the curve” can be made at home with nothing more than a T-shirt and a pair of scissors. We should all wear masks — store-bought or homemade — whenever we’re out in public.

      At the height of the HIV crisis, authorities did not tell people to put away condoms. As fatalities from car crashes mounted, no one recommended avoiding seat belts. Yet in a global respiratory pandemic, people who should know better are discouraging Americans from using respiratory protection.

      Facing shortages of the N95 masks needed by health-care workers, the U.S. surgeon general announced on Feb. 29 that masks “are NOT effective in preventing general public from catching #Coronavirus,” despite significant scientific evidence to the contrary. This is not just a problem in the United States: Even the World Health Organization says, “you only need to wear a mask if you are taking care of a person with suspected 2019-nCoV infection.”

      There are good reasons to believe DIY masks would help a lot. Look at Hong Kong, Mongolia, South Korea and Taiwan, all of which have covid-19 largely under control. They are all near the original epicenter of the pandemic in mainland China, and they have economic ties to China. Yet none has resorted to a lockdown, such as in China’s Wuhan province. In all of these countries, all of which were hit hard by the SARS respiratory virus outbreak in 2002 and 2003, everyone is wearing masks in public. George Gao, director general of the Chinese Center for Disease Control and Prevention, stated, “Many people have asymptomatic or presymptomatic infections. If they are wearing face masks, it can prevent droplets that carry the virus from escaping and infecting others.”

      My data-focused research institute, fast.ai, has found 34 scientific papers indicating basic masks can be effective in reducing virus transmission in public — and not a single paper that shows clear evidence that they cannot.

      Hospitals battling coronavirus are short on vital supplies. This aid group is rushing to help.

      Direct Relief provides aid to global hotspots during disasters. Now they are responding to the coronavirus outbreak at home, as U.S. hospitals appeal for help. (Ray Whitehouse, Julia Weissman, Nicholas Weissman/The Washington Post)
      Studies have documented definitively that in controlled environments like airplanes, people with masks rarely infect others and rarely become infected themselves, while those without masks more easily infect others or become infected themselves.

      Masks don’t have to be complex to be effective. A 2013 paper tested a variety of household materials and found that something as simple as two layers of a cotton T-shirt is highly effective at blocking virus particles of a wide range of sizes. Oxford University found evidence this month for the effectiveness of simple fabric mouth and nose covers to be so compelling they now are officially acceptable for use in a hospital in many situations. Hospitals running short of N95-rated masks are turning to homemade cloth masks themselves; if it’s good enough to use in a hospital, it’s good enough for a walk to the store.

      I’m an ER doctor. The coronavirus is already overwhelming us.

      The reasons the WHO cites for its anti-mask advice are based not on science but on three spurious policy arguments. First, there are not enough masks for hospital workers. Second, masks may themselves become contaminated and pass on an infection to the people wearing them. Third, masks could encourage people to engage in more risky behavior.

      None of these is a good reason to avoid wearing a mask in public.

      Yes, there is a shortage of manufactured masks, and these should go to hospital workers. But anyone can make a mask at home by cutting up a cotton T-shirt, tying it back together and then washing it at the end of the day. Another approach, recommended by the Hong Kong Consumer Council, involves rigging a simple mask with a paper towel and rubber bands that can be thrown in the trash at the end of each day.

      Masks used to ward off coronavirus show up on Hong Kong beaches
      Many Hong Kong residents have been wearing masks during the global coronavirus outbreak, but now discarded masks are washing up on area beaches. (Reuters)
      It’s true that masks can become contaminated. But better a mask gets contaminated than the person who is wearing it. It is not hard to wash or dispose of a mask at the end of the day and then wash hands thoroughly to prevent a contaminated mask from spreading infection.

      The virus makes us weigh the value of a life. We can’t know if we’ve gotten it right.

      Finally, the idea that masks encourage risky behavior is nonsensical. We give cars anti-lock brakes and seat belts despite the possibility that people might drive more riskily knowing the safety equipment is there. Construction workers wear hard hats even though the hats presumably could encourage less attention to safety. If any risky behavior does occur, societies have the power to make laws against it.

      Many authorities still advise only people with symptoms to wear masks. But this doesn’t help with a disease like covid-19, since a person who does not yet show symptoms can still be contagious. A study in Iceland, where there has been unprecedented levels of testing, found that “about half of those who tested positive [for covid-19] are nonsymptomatic,” according to Iceland’s chief epidemiologist, Thorolfur Gudnason. In fact, in early February, National Institute of Allergy and Infectious Diseases Director Anthony S. Fauci warned there was strong evidence that covid-19 spreads even among people without symptoms. If we all wear masks, people unknowingly infected with the coronavirus would be less likely to spread it.

      I also have heard suggestions that widespread usage of masks in the West will be culturally impossible. The story of the Czech Republic debunks this notion. Social media influencers campaigning to encourage DIY mask creation catalyzed an extraordinary mobilization by nearly the whole population. Within three days, there were enough masks for everyone in the country, and most people were wearing them. This was an entirely grass-roots community effort.

      When social distancing requirements forced a small bar in Prague to close, its owner, Štefan Olejár, converted Bar Behind the Curtain into a mask manufacturing facility. He procured sewing machines from the community and makes about 400 cotton masks per day. The bar employs 10 people, including a driver who distributes the masks directly to people who are not able to leave their homes.

      There are “mask trees” on street corners around the country, where people hang up masks they have made so others can take them.

      The most important message shared in the Czech Republic has been this: “My mask protects you; your mask protects me.” Wearing a mask there is now considered a prosocial behavior. Going outside without one is frowned on as an antisocial action that puts your community at risk. In fact, the community reaction has been so strong that the government has responded by making it illegal to go out in public without a mask.

      When I first started wearing a mask in public, I felt a bit odd. But I reminded myself I’m helping my community, and I’m sure in the coming weeks people who don’t wear masks will be the ones who feel out of place. Now I’m trying to encourage everyone to join me — and to get their friends to wear masks, too — with a social media campaign around #masks4all.

      Community use of masks alone is not enough to stop the spread. Restrictions on movement and commerce need to stay in place until hospital systems clearly are able to handle the patient load. Then, we need a rigorous system of contact tracing, testing and quarantine of those potentially infected.

      Given the weight of evidence, it seems likely that universal mask wearing should be a part of the solution. Every single one of us can make it happen — starting today.

    • Not wearing masks to protect against coronavirus is a ‘big mistake,’ top Chinese scientist says | Science | AAAS
      https://www.sciencemag.org/news/2020/03/not-wearing-masks-protect-against-coronavirus-big-mistake-top-chinese-sc

      (après ça je vais arrêter de spammer seenthis à propos de l’utilité des #masques ; je pense qu’on en est tous et toutes convaincues)

  • Coronavirus : les centres de rétention administrative se vident

    Bâtonniers, associations, contrôleur général des lieux de privation de liberté réclament la fermeture des CRA, alors que les risques de contamination sont élevés et les expulsions de plus en plus illusoires.

    « On va s’apercevoir qu’on peut vivre sans politique de lutte contre l’immigration irrégulière. » Dans la bouche d’un cadre du ministère de l’intérieur, la remarque a de quoi faire sourire. Depuis plusieurs jours, les centres de rétention administrative (CRA) se vident un à un. D’après les données de plusieurs associations, jeudi 19 mars au soir, environ 360 personnes en situation irrégulière se trouvaient encore enfermées, soit trois fois moins que la veille, alors que la capacité de rétention avoisine les 1 500 places sur le territoire, réparties sur une vingtaine d’établissements.

    Le plus grand de France, au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), était par exemple à moitié vide avec moins de 120 personnes retenues jeudi soir, tandis qu’elles étaient au nombre de neuf dans le CRA de Coquelles (Pas-de-Calais), sept à Bordeaux et deux à Metz. Certains établissements ont même fermé cette semaine, parmi lesquels ceux d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), de Geispolsheim (Bas-Rhin) ou de Guadeloupe. « Dans un mois ou deux, ils seront tous vides », prédit le cadre de la police.

    Sollicité, le ministère de l’intérieur n’a pas donné suite, mais la principale explication à ce phénomène tient aux décisions de remise en liberté prises par les juges des libertés et de la détention, amenés à se prononcer sur les prolongations de placements.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/21/les-centres-de-retention-administrative-se-vident_6033939_3224.html
    #détention_administrative #rétention #France #asile #migrations #réfugiés #coronavirus #centres_de_rétention_administrative

    • #Assignation_à_résidence avant #expulsion : les obligations de pointage doivent être suspendues

      Face au confinement, des personnes étrangères sont placées devant un dilemme : se déplacer en préfecture ou au commissariat pour respecter le pointage dans le cadre des procédures d’expulsion – s’exposant ainsi elles-mêmes ainsi que les autres au risque de propagation du virus – ou interrompre le pointage, au risque d’être déclarées « en fuite » par l’administration.

      Depuis le 16 mars, la France entière est placée en confinement, avec des restrictions de circulation prévues par un décret du même jour. Conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé de du conseil scientifique, l’objectif prioritaire des autorités françaises est en effet de réduire les risques de transmission du virus et de protéger toute la population, notamment les plus vulnérables.

      Par décret du 20 mars, les personnes étrangères qui faisaient l’objet, avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, d’une mesure d’expulsion (obligation de quitter le territoire, décision de transfert Dublin) assortie d’une assignation à résidence (AAR), ont pourtant appris que le confinement ne leur est pas complètement applicable.

      Prévue à l’article L.561-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers, l’AAR « expulsion » prévoit en effet une obligation de pointer régulièrement (jusqu’à une présentation quotidienne, dimanches et jours fériés compris) auprès d’un commissariat ou d’un guichet de préfecture pour démontrer que la personne ne cherche pas à se soustraire à la surveillance de l’administration et à l’exécution de son renvoi du territoire. Le non-respect de cette obligation peut avoir de lourdes conséquences pour les personnes : peine de prison pouvant aller jusqu’à 3 ans et interdiction judiciaire du territoire.

      Il est aberrant que le gouvernement n’ait pas exempté ces personnes de déplacement dans le contexte actuel, alors même que les appels à la « responsabilité collective » et les slogans « sauvez des vies, restez chez vous » sont de mise dans le discours public et sur les réseaux sociaux.

      Les personnes concernées font face à une situation d’autant plus incompréhensible que l’exécution à court terme des mesures d’expulsion apparaît illusoire : les frontières se ferment les unes après les autres partout dans le monde. Quel intérêt à maintenir le contrôle sur ces personnes durant cette période, puisqu’elles sont de toute façon confinées comme une grande partie de la population ?

      Sur le terrain, tout le monde est désemparé face à l’injonction paradoxale : certaines préfectures (Loiret) interrogées par La Cimade affirment que les personnes doivent continuer à se présenter, sous peine d’être considérées « en fuite », alors que d’autres (Bouches du Rhône) indiquent que leurs guichets sont fermés et que les présentations doivent cesser. Les personnes étrangères comme les services de l’État ne savent donc plus à quel saint se vouer.

      Les personnes concernées – notamment beaucoup de familles avec enfants mineurs – sont soumises à une double anxiété, bien compréhensible : celle relative à la protection de leur santé et celle d’être exposées à des déclarations « en fuite » qui vont complexifier leur parcours administratif, voire des sanctions pénales légales en cas de non-respect des pointages.

      La Cimade demande donc au ministre de l’intérieur de prendre sans délai une instruction pour suspendre l’exécution des assignations à résidence en cours, afin de ne pas rajouter inutilement du stress aux personnes concernées et de mettre enfin pleinement en œuvre les consignes sanitaires nécessaires à la préservation de toute la collectivité.

      https://www.lacimade.org/assignation-a-residence-avant-expulsion-les-obligations-de-pointage-doiven

    • Le Conseil d’État refuse la fermeture des centres de rétention : protection au rabais pour les étrangers

      Par une ordonnance du 27 mars 2020, le juge des référés du Conseil d’État, saisi par l’ADDE, La Cimade, le GISTI, le SAF et le CNB, vient de refuser la fermeture temporaire des centres de rétention administrative pour cause d’épidémie de COVID-19. Le Conseil d’État impose cependant au Ministère de l’intérieur des limites dans l’utilisation de ces lieux de privation de liberté.

      L’ADDE, La Cimade, le GISTI, le SAF et le CNB regrettent que le Conseil d’État ait refusé de tirer les conséquences nécessaires de l’exceptionnelle gravité de l’épidémie de COVID-19, qu’il a pourtant longuement soulignée, et ceci, alors même que la Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, le Défenseur des droits, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et le bureau de la Commission nationale consultative des droits de l’homme appellent à libérer tous les migrants en rétention administrative pendant la crise du COVID-19.

      Le juge des référés reconnaît pourtant que le droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

      Il considère en outre que le placement ou le maintien en rétention d’étrangers faisant l’objet d’une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l’objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l’autorité administrative lorsque les perspectives d’éloignement effectif du territoire à brève échéance sont inexistantes.

      Il ressort donc de cette décision qu’aucune rétention administrative n’est désormais possible en dehors du cas où le départ des personnes concernées peut être organisé à brève échéance.

      Cela suppose que l’administration soit en possession du passeport en cours de validité de la personne placée en rétention ou que la délivrance d’un laisser-passer consulaire soit donnée comme imminente et certaine, que les frontières du pays de destination soient ouvertes au transport international de voyageurs en provenance de France et qu’un mode de transport soit immédiatement disponible pour un départ effectif à brève échéance.

      La majorité des personnes actuellement encore enfermées en rétention ne remplissent pas ces conditions et doivent être libérées, leur expulsion étant impossible à brève échéance.

      Cela suppose également que le nombre de personnes enfermées dans les centres de rétention administrative soit drastiquement réduit, afin d’éviter toute forme de promiscuité qui serait manifestement incompatible avec la lutte contre l’épidémie, et que les personnes retenues ainsi que le personnel des centres de rétention aient un accès constant et effectif aux moyens d’hygiène permettant d’éviter la propagation du COVID-19.

      Nos organisations constatent que tel n’est pas le cas et rappellent que les centres de rétention ne sont pas destinés au confinement sanitaire des personnes qu’ils renferment.

      Puisque le Conseil d’État a pris sa décision en considération des « circonstances particulières du temps présent » (point 14), chacune des organisations signataires se réserve la possibilité de le saisir de nouveau, seule ou conjointement avec d’autres organisations, en fonction de l’évolution des circonstances.

      Au-delà de cette décision, nos organisations comme de nombreuses autorités administratives indépendantes réitèrent leur demande au ministère de l’intérieur de fermer les centres de rétention au regard de la crise sanitaire et compte tenu de l’impossibilité d’exécuter les expulsions de la plupart des personnes visées.

      https://www.lacimade.org/presse/le-conseil-detat-refuse-la-fermeture-des-centres-de-retention-protection-a

    • CENTRE DE RETENTION DE #CORNEBARRIEU : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME DEMANDE DES COMPTES AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

      Depuis le début du confinement, trois personnes retenues ont été successivement placées à l’isolement au #CRA de Cornebarrieu en raison de suspicion de #contamination au #COVID-19.

      Lundi 23 mars 2020, la Cour d’appel de Toulouse a remis en liberté 13 étrangers retenus au centre.

      Pour faire droit à leurs demandes, la Cour prenait acte de ce que le retour des intéressés à destination de leurs pays d’origine respectifs était rendu impossible par la situation sanitaire mondiale et la fermeture de nombreuses frontières.

      Pourtant aujourd’hui, 6 personnes sont toujours retenues dans ce centre.

      Cinq d’entre elles avaient vu leurs demandes de mise en liberté rejetées par le juge des libertés et de la détention puis par la Cour d’appel de Toulouse les 20 et 21 mars dernier.

      Les 26 et 27 mars 2020, elles ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour demander leur libération immédiate, se fondant sur le caractère arbitraire de leur maintien en rétention en l’absence de toute possibilité de retour dans leurs pays d’origine et invoquant le traitement inhumain et dégradant caractérisé par un enfermement incompatible avec le respect des mesures de prévention de l’Organisation mondiale de la santé de nature à leur faire courir un
      risque accru de contamination au virus.

      La Cour européenne a laissé au gouvernement français jusqu’au 31 mars prochain pour s’expliquer sur les raisons et les conditions du maintien en rétention de personnes pour lesquelles il n’existe aucune perspective de retour.

      En parallèle, le 26 mars, un nouvel étranger était placé au centre de rétention à sa sortie de détention.

      Rien n’indique que des précautions particulières aient été prises alors l’intéressé était préalablement incarcéré à la maison d’arrêt de Seysses dans un contexte de surpopulation carcérale particulièrement propice à la propagation du virus.

      Cela démontre une fois de plus, qu’aucune mesure particulière n’est prise afin d’éviter la propagation du virus au centre, faisant courir un risque accru de contamination aux personnes retenues.

      Sans attendre la réponse de la Cour, l’ensemble des étranger.e.s placé.e.s en centre de rétention devront être immédiatement remis.e.s en liberté.

      Fait à Toulouse,
      Le 27 mars 2020

      https://www.cercledesvoisins.org/blog/index.php/rubriques/activite/comuniques/3305-centre-de-retention-de-cornebarrieu-la-cour-europeenne-des-dr

    • Coronavirus : Appel aux associations de la part des prisonniers du CRA de #Mesnil_Amelot

      La majorité des prisonniers du CRA de Mesnil Amelot sont en #grève_de_la_faim depuis deux jours (le 30 mars) pour demander la libération immédiate de tout le monde.
      Voici leur communiqué :
      https://abaslescra.noblogs.org/on-demande-notre-liberation-immediate-et-la-fermeture-du-centre-

      Ils ont également écrit un appel aux associations de soutien aux sans-papiers, qu’ils demandent de relayer au maximum :
      https://abaslescra.noblogs.org/appel-des-prisonniers-du-mesnil-amelot-en-lutte-aux-associations

      voici le texte :

      « Je vous écris au nom de tous les détenus du CRA2 du Mesnil-Amelot. On demande à la CIMADE ainsi qu’à toutes les associations de soutiens aux sans-papiers de nous défendre, de faire une demande auprès de la préfecture de la fermeture du CRA. On demande a l’ADE, l’association de défense des étrangers de nous défendre parce qu’on est jugé sans avocat, sans voir le juge. En fait on est jugé sans notre présence ou notre dossier.
      A toutes ces associations : s’il vous plait, aidez nous. On a peur de la suite. »

      –-> reçu via la mailing-list de Migreurop, le 01.04.2020

    • Solidarité aux prisonniers du Mesnil Amelot et de #Vincennes : appel à harceler les préfectures en ces temps de confinement !

      Le 30 mars au matin tous les prisonniers du bâtiment 9 et 10 et quelques prisonniers du bâtiment 11 du CRA du Mesnil Amelot ont entamé une grève de la faim pour exiger leurs libération immédiate ; les prisonniers de Vincennes sont également mobilisés. La situation dans ces prisons pour sans papiers, comme dans toutes les autres en France, est très dure :
      parloirs fermés, dégradation des problèmes sanitaires, aucune mesure sanitaire prise. Nous devons manifester notre solidarité aux personnes enfermées. Le confinement nous empêche de nous rassembler devant les CRA pour manifester cette solidarité, mais en envoyant massivement des mails aux adresses des préfectures on peut montrer qu’on est au courant de ce
      qui se passe à l’intérieur des CRA et qu’on est toujours là ; c’est aussi une manière de ralentir leur sale travail en saturant leurs boites mails et, si on est vraiment nombreux.euses, qui sait, en faisait bugger leur système ?

      On vous propose d’à partir du VENDREDI 3 AVRIL À 11H, de participer collectivement à l’envoi d’un e-mail (texte plus bas) aux adresses ci-dessous :

      pref-eloignement@seine-saint-denis.gouv.fr
      pref-eloignement@val-de-marne.gouv.fr
      pref-eloignement@hauts-de-seine.gouv.fr
      pref-astreinte-eloignement@seine-et-marne.gouv.fr

      Il faut envoyer le texte à chaque adresse séparément. Les envois collectifs finissent directement dans les spams. Copiez le texte dans le corps du message. Changer l’objet du mail peut être également une bonne technique.

      L’idée est de reproduire l’envoi de ces mails TOUS LES JOURS de 11H à 12H !

      Brisons le silence, ne laissons pas isolés les prisonniers en lutte !

      Texte à envoyer :
      “Au CRA du Mesnil Amelot, les retenus ont entamé une grève de la faim depuis le 30 mars pour protester contre l’enfermement et les conditions qui empirent avec le coronavirus ; les retenus de Vincennes restent également mobilisés. A l’intérieur comme à l’extérieur, on continuera à lutter contre vos politiques racistes et contre les CRA qui tuent, torturent, tabassent.

      On demande la libération immédiate de tous les retenus et la fermeture du CRA.

      Le communiqué des retenus :

      Y a tous le bâtiment 9, 10 qui fait grève de la faim, et quelques
      personnes du bâtiment 11.
      On demande notre libération immédiate et la fermeture du centre. On a
      peur de la contamination du coronavirus. Il y a encore de nouvelles
      arrivées Ici il n’y a pas d’hygiène, donc c’est plus risqué que dans
      d’autre endroit.
      On a contacté la CIMADE, et on lui demande de faire une DML pour tout le
      monde (demande de remise liberté).
      Y a pas de vol, y a rien ici. Pourquoi on est là encore ?
      Y a des gens qui se coupent pour sortir d’ici. La police est encore
      violente avec nous. Depuis qu’on est en grève de faim les policiers
      n’ont toujours pas répondu.
      On veut que des journalistes nous contacte, et que la préfecture décidé
      de nous libérer le plus rapidement possible.
      Les retenus de Mesnil-Amelot le 30 mars 2020

      https://abaslescra.noblogs.org/solidarite-aux-prisonniers-du-mesnil-amelot-et-de-vincennes-appe

    • Des témoignages audios et écrits de retenus des CRA de Mesnil-Amelot et Oissel

      Dans cette émission de l’actu des luttes, plusieurs témoignages de retenus des CRA de Mesnil-Amelot ou une grève de la faim à eu lieu la semaine dernière et de Oissel. Les prisonniers de Oissel parlent le lendemain du jour où le Conseil d’Etat explique que : “les conditions de fonctionnement des CRA dans ces circonstances particulières ne sauraient caractériser une carence dans l’accès au soins ou à la mise à disposition de produits d’hygiène dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19”.

      Voici ce qu’il se passe au centre de Oissel : tous les retenus sont malades et au lit. Ils expliquent qu’ils n’ont même plus la force de lutter contre leurs conditions d’enfermement. Voici le témoignage (sous le lien vers la radio) de deux d’entre eux. Ils devaient parler à plus nombreux mais n’avaient pas la force.

      Plus récemment, le 5 avril, un prisonnier de Oissel à donné quelques nouvelles de la situation ;

      “On est obligé de partager les cigarettes a 3 ou 4.”

      ” Ca va pas. On est 8 personnes, y a eu 3 libérations (un sénégalais, un tunisien et un géorgien). Je sais pas pourquoi ils ont été libéré, ils ont été voir le JLD et après ils ont été libéré .Hier ils ont ramené deux nouveaux, de prisons. Un à Renne et un à Caen. Ca va pour eux pour le moment c’est le début.
      Pour nous c’est trop compliqué. Les toilettes et les douches sont chambre.
      On a pas de france d’asile on a pas d’ofii. Ils viennent une fois par semaine. Mais une fois par semaine c’est pas beaucoup. On a obtenu le droit que les familles viennent poser de l’argent et que la paf le ramene. Mais si t’as pas de famille ou que ta famille peut pas venir à Oissel ? Parce que le centre il est loin de tout.
      Ils appellent sur les cabines pour savoir qu’est ce qui ce passe, c’est tout. Ils ont dit que tout le monde il va sortir, on sait pas.
      La situation est pas bien là. Ils nettoient juste les couloirs, et pas les chambre.”

      Retranscription du témoignage des prisonniers de Oissel qui parlent pendant l’émission :

      « Tout le monde ici on est malade, ya pas à manger, ya pas de femme de ménage, ya pas pour acheter quelque chose [L’Offi]. On est pas des humains ou je sais pas moi. […] L’Offi est pas là, il a dit il vient pas jusqu’à la fin du Coronavirus. On est malade, tout le monde il est malade, moi je suis malade. Même les policiers ils ont dit « on vient pas à la prochaine semaine ». On vient pas ? On reste ici tout seul ? ou je sais pas moi si y’a possibilité de rentrer chez nous chez nos familles ? On reste ici, 14 tous les détenus qui viennent de prison. Y’a pas de libération, les albanais, les géorgien ils ont été libéré un peu mais les noirs et les arabes pas de libération. On reste ici je sais pas pourquoi. Même les frontières pour nous ramener dans nos pays elles sont fermés pendant deux mois ou jusqu’à quatre mois peut-être je sais pas moi. Pour le Ramadan aussi je sais pas comment ça va etre.. Y’a pas de femme de ménage, ici l’odeur dans les cellules… […] je te passe mon ami. »

      « C’est bon je peux y aller ? Bon vas y moi je suis là depuis deux mois je sors de prison et peut importe ce que j’ai fait. Je fais du sport et tout, et au fur et à mesure que les jours passent je commence à me sentir mal et tout. J’ai commencé à voir différents symptômes sur les autres qui était là, ça veut dire des éternuements, des maux de tête, des écoulements du nez. Tous ces symptômes là qui ressemble au Corona tu vois ? Et on est tous ensemble dans la même pièce, quand on regarde la télé et y en a un qui va éternuer tout le monde va attraper le microbe, indirectement. Même au niveau de la ventilation y’a pas de ventilation ici y’a rien pour aérer, tous les microbes reste ensemble c’est comme ça que le microbe va se propager. Jour après jour j’ai vu tout se dégrader ici au niveau de notre santé, à l’heure ou je parle là j’ai mal à la gorge, j’ai mal à la tête je peux même plus faire mon sport. La situation c’est vraiment de pire en pire jour après jour. La santé de tout un chacun se dégrade. Même les policiers ils sont ni gantés ni masqué, eux aussi ils ont il éternuent, ils ont des écoulements, ils sont toujours avec du papier jetable. Ils se torchent tout le temps.Et suite à cela, on parle à moins d’un mètre de distance. Ça veut dire on a contracté le virus comme ça du Corona. Y’a un mec encore qui est arrivé ce matin de prison, ils sont systématiquement masqué, tu vois ? On a jamais vu notre santé se dégrader aussi vite ça veut dire que vraiment la maladie elle est ici et même la nuit on dort pas on arrive pas à dormir. Et que ça a éternue, et que il y a des maux de ventre, et que y’a des réels symptôme du Corona.

      […]

      La situation à l’heure actuelle : quand je parle là j’ai du mal à parler du mal à expliquer. Pour te faire comprendre un peu la dangerosité et la gravité de la situation actuellement au centre de Oissel…

      Tu disais tout à l’heure que là actuellement tout le monde est dans son lit la main sur la tête…

      J’ai fait un tour là dans le bâtiment tout le monde est… Tout le monde on dirait des cadavres. Tout le monde est K.O., tu vois que ça va vraiment pas, tu vois qu’il y a un virus qui les démange. Vraiment c’est un dérangement. Voilà tout le monde se fait démanger par le virus du Corona.

      Ça veut dire que hier, quand le conseil d’État à dit que les conditions en CRA, au niveau de l’hygiène ne justifient pas la libération des retenus c’est que..

      C’est vraiment ça, ils sont pas d’accord pour fermer l’établissement parce que déjà, de un c’est un vrai business pour eux, tout un chacun qui est venu ici, pour acheter des cigarettes, il faut dépenser, pour acheter des… pour tout faut dépenser. Ça veut dire tous les jours ils s’enrichissent et pendant ce temps notre santé elle se dégrade. Voilà c’est vraiment la réalité des choses de ce qui se produit actuellement au centre de Oissel.

      Quand hier j’ai fait une demande de remise en liberté, je l’ai fait à 16h 30. J’ai eu la requête qui rejette ma demande de mise en liberté à 19h 13 pile poil. C’est écrit noir sur blanc : « ne peut pas être libéré car ne présente pas de positivité du Coronavirus à l’heure actuelle ». Ce qui est strictement faux ! Vraiment aucun test de PCR ou de sérologie n’a été fait pour prouver que untel n’a pas de Corona et ne peut pas être libéré. Vraiment, c’est vraiment du faux noir sur blanc.

      […]

      Et du coup pour revenir là-dessus depuis les derniers jours il y a vraiment eu aucune libération ?

      Il y a eu quelques libération mais c’est les mecs du Maroc, la frontière elle a été fermée et il a été libéré. Mais sinon depuis il y a eu aucune libération. En fait les mecs qui ont été libérés c’est pour des raisons administratives, mais tous ceux qui sont là pour des raisons juridiques c’est-à-dire ceux qui sort de taule, non. [au CRA tout le monde est là pour des raison administratives (sans-papiers), mais les nouvelles personnes qui arrivent en ce moment en CRA sont le plus souvent des détenus qui viennent de finir leur peine de prison]

      C’est si divisé ? Ceux qui sortent de taule ils restent et ceux qui sortent pas de taule sont libérés ? Y’a personne là qui est dans le CRA, qui s’est fait choper dans la rue ou des trucs comme ça ?

      Exactement c’est que des taulards, que des mecs qui sortent de taule.

      Parce que dans les autres CRA c’est pas du tout si clair que ça, Genre au Mesnil-Amelot. ou à Vincennes il y en a qui sont là depuis avant le confinement et les interdictions de parloir et tout, et il y en a d’autres qui sont arrivés de taule depuis et qui ont été libérés.

      Ah, mais à Oissel c’est vraiment comme ca. En tout cas ici, la situation c’est pire, c’est grave, tout ce qu’on attend ici c’est un cadavre. Je crois qu’il faut qu’on crève d’abord et après… pour l’instant la plupart des gens ils ont les symptômes du Corona.

      Et du coup les équipes médicales tout ça les infirmières les médecins y’a rien ?

      Déjà y a pas de médecin OK ? Après il y a une infirmière, quand t’as mal, quand on a des symptômes tout ça, elle donne des doliprane c’est tout elle peut rien faire d’autre. Même elle, elle te dit : « Mais moi je suis en bas de l’échelle, même moi-même. Et moi aussi je peux vous contaminer parce que je vais chez moi, je vais voir mes enfants, je vais dehors et après je suis parmi vous tous les jours. »

      Et avec France Terre D’Asile [l’association présente dans le centre en temps normal] ça se passe comment ?

      On a plus de visites, on les voit plus, on les reçoit au téléphone. Que des coups de fil que des coups de fil. Mais le problème c’est qu’on utilise tous le même téléphone [cabines téléphoniques du centre] ça veut dire que quand y’a un mec qui décroche, qui parle, et qu’il y a un autre mec qui prend le téléphone après, et ben ya tous les microbes laissées par le premier mec. Et ainsi de suite ,et ainsi de suite, le virus, il se propage entre les divers mecs qui sont ici. Même pas de désinfectant pour nettoyer les cabines.

      Il y a autre chose que tu veux raconter ?

      Bah moi ça fait un moment que je suis là et personnellement je vois que ma santé elle se dégrade, jour après jour. Là je vous parle avec difficulté d’habitude je suis plus lucide que ça. Je peux même plus faire mon sport. Et même les fenêtres ici tout est fermé, tout. Y’a rien qui est aéré ya pas de vent qui sort dehors pour pouvoir aérer la cellule. Ça veut dire on est tous comme si on était dans un sac-poubelle fermé quoi ! Enfermé avec le virus qui se multiplient au lieu qu’il soit… Ouais ben j’ai dis ce que j’avais à dire. À l’heure ou je parle là j’ai mal à la tête et je vais… Je suis au bout là, vraiment je suis au bout, c’est la première fois que j’arrive au bout comme ça. Je suis vraiment à bout de souffle, et le nez qui coule, j’ai mal à la gorge, je suis vraiment en burnout comme ils disent…

      https://abaslescra.noblogs.org/des-temoignages-audios-et-ecrits-de-retenus-des-cra-de-mesnil-am

    • L’inégalité des vies en temps d’épidémie

      Exposés à un niveau élevé de risque de contamination, détenus et retenus sont des confinés forcés. Le « sens des responsabilités et de la solidarité » prôné par Emmanuel Macron s’arrête-t-il aux portes des établissements pénitentiaires et des centres de rétention surpeuplés ?

      En appelant, lundi, au « sens des responsabilités et de la solidarité » des Français, le président de la République leur a demandé de rester chez eux avec pour seul objectif de les « protéger face à la propagation du virus ». Il a également évoqué l’engagement de l’État « pour les plus précaires, pour les plus démunis, pour les personnes isolées ». A aucun moment, il n’a toutefois mentionné celles et ceux qui, en dehors des personnels soignants, se trouvent dans la situation la plus exposée parce qu’ils sont enfermés dans des établissements pénitentiaires ou des centres de rétention administrative. Il y a en effet aujourd’hui deux sortes de confinement, en France comme ailleurs : le confinement volontaire, qui protège, car il permet d’éviter les contacts avec des personnes possiblement infectées, et le confinement forcé, qui fragilise, car il rassemble en grand nombre, dans un même espace restreint, des personnes qui ne peuvent quasiment pas éviter la proximité des compagnons et des compagnes qu’on leur impose.

      Les conditions d’enfermement dans les prisons exposent à un risque particulièrement élevé. Au 1er janvier, on comptait 70 651 personnes détenues, dont 3 157 femmes, soit 10 000 de plus que dix ans auparavant, pour 61 080 places opérationnelles. La surpopulation affecte essentiellement les 40 848 personnes emprisonnées dans les 133 maisons d’arrêt, où la densité atteint 138%. En réalité, la suroccupation des cellules est bien plus forte que ce qu’indique ce taux en raison de celles réservées à des prisonniers devant rester seuls, souvent pour raison de santé. Presque toutes les cellules sont doublées, c’est-à-dire ont deux lits superposés, et dans 1 614 d’entre elles, on a été obligé d’ajouter un matelas. Dans neuf mètres carrés, trois détenus doivent alors cohabiter, bien que l’encellulement individuel soit inscrit dans la loi depuis 1875, ait été réitéré dans la loi pénitentiaire de 2009 et ait fait l’objet de rappel par la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut ajouter que près d’un tiers de ces prisonniers sont des prévenus, autrement dit sont présumés innocents dans l’attente de leur procès, et que les deux autres tiers sont pour la plupart condamnés à de courtes peines, correspondant à des délits mineurs.
      Des enfermements non justifiés

      Parallèlement, ce sont chaque année plus de 45 000 étrangers, dont des enfants, qui se trouvent placés dans les 50 centres et locaux de rétention administrative, avec la perspective d’un éloignement du territoire ou d’une décision de justice qui les libérera. Depuis la loi du 10 septembre 2018, la durée maximale de rétention est passée de 45 à 90 jours, conduisant à un doublement du nombre de personnes retenues plus d’un mois et à un accroissement de moitié du nombre de places en métropole. Les conditions d’enfermement sont très dures, dans des bâtiments parfois délabrés et suroccupés, ne respectant pas des règles minimales d’hygiène. Les tensions résultant de ces conditions génèrent de fréquentes violences, automutilations et suicides. Victime d’une surenchère à l’expulsion, au demeurant inefficace, la population retenue dans ce dispositif comprend des ressortissants étrangers ayant de fortes attaches en France et des demandeurs d’asile affectés par la procédure de Dublin. Plus de la moitié est libérée par le juge judiciaire ou le juge administratif, preuve que l’enfermement ne se justifiait pas.

      Détenus et retenus sont ainsi des confinés forcés que leur enfermement dans des lieux surpeuplés expose à un niveau élevé de risque de contamination. Qu’un cas survienne, et c’est toute la population détenue ou retenue qui se trouve menacée. Mais pas seulement elle. Les personnels pénitentiaires, en détention, et les forces de l’ordre, en rétention, de même que l’ensemble des agents qui interviennent dans ces institutions sont eux aussi très vulnérables en raison de leurs contacts fréquents avec les détenus et les retenus. Les surveillants et, parfois, les policiers sont les premiers à se plaindre des conditions dans lesquelles ils travaillent, qui sont également les conditions dans lesquelles vivent les détenus et les retenus. Ils se sentent légitimement pénalisés par l’indignité du traitement fait à ceux qu’ils ont la charge de garder. Pour tous, le risque de contamination n’est assurément pas imaginaire.

      Les premiers cas de Covid-19 sont apparus à Fresnes, deuxième établissement pénitentiaire français par sa taille, avec 2 200 prisonniers pour 1 700 places. Un détenu âgé a développé une forme grave et au moins quatre membres du personnel ont fait l’objet d’un dépistage positif. On imagine sans peine l’inquiétude de la centaine de détenus confinés et la colère des autres prisonniers condamnés à une suroccupation des cellules plus grande encore. Et ce d’autant que les parloirs sont réduits, les promenades limitées, les activités sportives annulées, les visites d’avocats plus rares, et les sorties en permission difficiles, sinon impossibles. On se souvient que les restrictions apportées en Italie aux visites des familles avaient conduit à des mutineries faisant douze morts.

      La situation en France peut également devenir explosive, alors que plusieurs centaines de surveillants sont déjà en quarantaine, rendant les conditions de travail de leurs collègues plus contraignantes et les conditions de l’incarcération des prisonniers plus dégradantes encore. Quant aux centres de rétention administrative, plusieurs cas de Covid-19 y sont également apparus et la Cimade y a interrompu son activité en interpellant le ministre de l’Intérieur sur le danger encouru.
      Sortir de la spirale punitive

      Les solutions à cette situation intenable sont simples. Si elles étaient mises en œuvre, elles protégeraient les détenus et les retenus de la propagation de l’infection et donneraient à la France l’occasion de sortir de la spirale punitive dans laquelle elle s’est engagée depuis plusieurs décennies, tandis que les Pays-Bas, l’Allemagne, le Portugal inversaient la tendance.

      Dans les prisons, il faut appliquer la loi qui impose l’encellulement individuel et que plusieurs rapports parlementaires récents ont rappelée. Si le ministère de la Justice considère qu’il y a 13 887 détenus en surnombre et 21 075 prévenus en attente de jugement, auxquels s’ajoutent plus de 20 000 condamnés à des peines de moins d’un an d’emprisonnement, souvent de quelques mois, il est facile de comprendre que beaucoup de ces détenus n’ont pas leur place en prison, notamment dans les conditions épidémiologiques actuelles. Plusieurs pays européens ont cherché et trouvé des alternatives aux courtes peines d’emprisonnement, ce que la France applique d’ailleurs elle-même lorsque les condamnés sont des hommes politiques.

      Dans les centres de rétention, on doit se souvenir que les personnes enfermées ne sont accusées d’aucun autre délit que de ne pas être en situation régulière, ce qui se révèle de surcroît parfois inexact. La libération des personnes retenues, que certains centres ont commencée et que l’Observatoire de l’enfermement des étrangers demande, est une décision de bon sens, car il n’y a de toute façon plus moyen de les éloigner du territoire faute de transport possible.
      Exposés à l’infection

      La question se pose donc. L’Etat français peut-il continuer à se désintéresser du sort des personnes qu’il emprisonne, souvent sans les avoir jugées, et qu’il retient, souvent sans fondement juridique ? La vie des détenus et des retenus a-t-elle moins de valeur que celle des autres membres de la société pour qu’on accepte de les exposer à une infection dont on protège le reste de la population ? Le « sens des responsabilités et de la solidarité » s’arrête-t-il aux portes des établissements pénitentiaires et des centres de rétention ?

      Le gouvernement n’a pris aucune mesure en faveur de ces populations exposées que sont les détenus et les retenus. Mais il dit s’appuyer sur l’avis des chercheurs. Que les membres de son Conseil scientifique exigent donc que toutes les vies soient protégées de manière égale.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/03/18/l-inegalite-des-vies-en-temps-d-epidemie_1782169

    • Personnes migrantes en centres de rétention et campements. #Désencamper pour protéger

      La situation inquiétante des centres de rétention et des campements montre la dangerosité de l’encampement pour la sécurité sanitaire des personnes migrantes, ce que confirme en creux l’intervention « urgentiste » de l’État qui concède un accès partiel et provisoire des exilé⋅e⋅s aux droits humains pendant la pandémie.

      Qu’en est-il du confinement comme protection sanitaire pour des populations qui vivent déjà une première sorte de confinement, leur enfermement dans les centres de rétention, les hotspots (en Grèce) ou les nombreux campements et bidonvilles ? Dans ces lieux de mise à l’écart et de promiscuité forcée, leurs occupants vivent « dans des conditions d’exiguïté et d’insalubrité particulièrement préoccupante » selon le Communiqué conjoint du Haut-commissariat des Nations unies pour les Droits de l’Homme (HCDH), de l’Organisation internationale des migrations (OIM), du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 31 mars 2020. Et le même communiqué poursuit : « Compte tenu des conséquences mortelles qu’aurait une épidémie de Covid-19 dans ce contexte, ils devraient être libérés sans délai. » Les premiers signes de diffusion du Covid-19 sont révélés début avril aussi bien dans les hotspots grecs qu’en France dans les campements et les Centres de rétention administrative (CRA). C’est cette urgence qui a motivé l’état des lieux présenté ici, une pièce au dossier de la dangerosité de l’encampement.

      Ce texte ne fait pas l’état d’une enquête de terrain, mais du recueil d’informations le plus à jour possible (début avril 2020) auprès des aidants et intervenants dans les CRA, les campements et les bidonvilles, principalement dans les régions parisienne et calaisienne.
      CRA, mineurs isolés et demandeurs d’asile

      Concernant les CRA, plusieurs décisions de justice ont libéré les retenus car, en l’absence d’expulsion possible, la rétention « en attente » d’expulsion ne se justifiait plus. Seule exception notable encore fin mars : le CRA de Paris-Vincennes avec une cinquantaine de personnes retenues. Si l’on constate ainsi une diminution de la population retenue en CRA (soit un total de 120 occupants environ pour 1 500 places), on note aussi que l’administration ne veut pas prendre de décision officielle telle que la fermeture de ces centres. La responsabilité de libérer les personnes retenues en rétention a ainsi été laissée aux juges (les Juges de la liberté et de la détention – les JLD). Les centres de rétention se sont donc vidés progressivement au gré de décisions judiciaires parfois contradictoires.

      La fermeture des CRA est une urgence évidente : plusieurs personnes par chambre, les réfectoires pleins, plus de personnels de nettoyage à cause du confinement, pas de masques ni de gel hydro-alcoolique. De nombreuses recommandations vont dans ce sens : Défenseur des droits, contrôleure générale des lieux de privation de libertés (CGLPL), Commissaire aux Droits de l’Homme de l’Union européenne. Des demandes de fermeture des CRA ont été faites par le Groupe d’information et de soutien aux immigrés (Gisti), le Syndicat des avocats de France, la Cimade et le Conseil national des barreaux — fermeture refusée par le Conseil d’État. Il est intéressant d’observer que, dans l’attente d’une reprise du cours « normal » des activités, l’administration semble décidée à ne mettre en rétention que les personnes sortant de prison, et ainsi de ne pas remettre en cause l’ensemble du dispositif. Cependant, début avril, des grèves de la faim de « retenus » ont lieu dans plusieurs CRA, dont ceux de Mesnil-Amelot et de Oissel. Dans ce dernier centre en particulier, les occupants déclarent être malades et ont peur.

      Concernant les démarches de la demande d’asile, presque toutes les procédures ont été suspendues. Les Guichets uniques pour demandeurs d’asile (Guda) ferment, par manque de moyens pour se protéger, et les entretiens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) sont annulés et reportés. Étonnamment, à ce jour, l’obligation de pointage dans les commissariats et gendarmeries est maintenue pour les demandeurs d’asile faisant l’objet d’une procédure d’expulsion vers un autre État membre de l’Union européenne dans le cadre de la Convention Dublin, ce qui est contradictoire avec les recommandations concernant le confinement et a été contesté par différentes associations et journaux.

      Pour ce qui concerne les mineurs isolés, il y a une contradiction entre les déclarations faites au niveau national et leur mise en œuvre aux échelles locales. Depuis le 16 mars 2020, l’évaluation de minorité et de prise en charge via la Croix rouge est suspendue jusqu’à nouvel ordre. Officiellement, l’accès à leur accueil provisoire d’urgence se fait « via les commissariats ». En fait, département par département, les choses se passent plus mal. Ainsi, par exemple le 25 mars à Paris, 7 jeunes primo-arrivants ont trouvé la Croix rouge fermée, ont été conduits dans différents commissariats qui ne pouvaient rien faire… Le foyer d’urgence les a fait attendre, leur a finalement dit de retourner vers les commissariats… et ils ont passé la nuit dehors. Cette situation semble généralisée, et l’abandon concerne en premier lieu les personnes non reconnues mineures.
      Les campements
      À Paris

      Concernant les migrants à la rue et/ou en campements (déboutés, « dublinés », ou primo-arrivants sans aucun titre) dans la région parisienne, il est important de comprendre la situation actuelle au regard des dernières évolutions depuis début novembre 2019. Plus de 3 000 migrants se trouvaient à ce moment-là au nord de Paris entre Porte de la Chapelle et Porte d’Aubervilliers. Cette situation était le résultat de quatre années d’un « cycle infernal » de formation de campements, démantèlement, dispersion policière, reformation de campements, etc., dans des conditions sanitaires très dégradées. De novembre 2019 à février 2020, il y a eu trois séquences d’évacuation, un mot d’ordre de « fermeté » de la Préfecture de Police et un dispositif policier important visant à « évincer » les personnes qui arrivaient et à « contenir sur leur camp » celles qui étaient déjà installées.

      En février, un campement s’est reconstitué à Aubervilliers au bord du canal Saint-Denis. Au deuxième jour de confinement, le 17 mars, environ 500 personnes y étaient enfermées, dans une grande promiscuité, sans eau, ni sanitaires, ni nourriture. La police refoulait de force les personnes voulant en sortir. Selon l’ONG Médecins du Monde (MDM), aucun respect des « gestes barrières » n’était possible, ce qui signifiait une mise en danger des personnes et de leurs contacts. Le 24 mars, sur décision de la Préfecture d’Île-de-France, environ 730 personnes ont été mises à l’abri, principalement dans des gymnases, et pour une part dans des hôtels. Durant l’évacuation, aucune précaution sanitaire n’a pu être instaurée, laissant les 700 personnes collées les unes aux autres pour monter dans les bus, non désinfectés, etc.

      Si cette mise à l’abri est un soulagement, il faut cependant noter que, parmi les dispositifs d’hébergement retenus, les gymnases créent une nouvelle forme de promiscuité et facilitent la circulation du virus entre les personnes. Par ailleurs, des inquiétudes existent sur les moyens dont disposent les gestionnaires de ces centres pour protéger les personnes et pour les équipes associatives d’accompagnement. Il paraît important de faire des tests systématiques de dépistage du Covid-19 dans ces lieux.

      Enfin, on estime entre 50 et 100 le nombre de personnes ayant « raté » l’évacuation et restant à la rue sans prise en charge, étant donnée la suspension des dispositifs habituels. Elles se réunissent par petits groupes dans des micro-campements le long des canaux de l’Ourcq et Saint-Denis.
      Dans le Calaisis

      Dans la région littorale du Nord, la situation est contrastée entre les différentes communes de la région d’une part, et les villes de Calais et Grande-Synthe d’autre part.

      Ce qui se passe à Ouistreham est vu comme « l’exemple à suivre » bien qu’en l’absence d’une intervention de l’administration : la soixantaine de personnes exilées présentes dans la ville sont hébergées depuis fin mars dans un centre de vacances géré pour l’occasion par la Croix Rouge.

      D’une manière générale, dans plusieurs petites communes du littoral du Nord, où sont dispersées de nombreuses personnes exilées en petits groupes, la situation semble bien maîtrisée par un tissu associatif actif de longue date, très présent, et des hébergeurs qui offrent des logements quand c’est nécessaire. Cela concerne notamment les communes de Quernes, Saint-Hilaire Cottes, Angres, Cherbourg, Steenvoorde, où l’accueil et la mise en sécurité des personnes migrantes s’y fait localement sans intervention de l’État.

      À Calais et Grande-Synthe, en revanche, la situation est marquée par l’existence ancienne et répétée de campements dispersés dans la ville et ses alentours. Ils abritent de 800 à 1 000 personnes à Calais, et 500 à 600 à Grande-Synthe. Les conditions sanitaires sont dramatiquement insuffisantes, en particulier l’accès à l’eau, au savon, etc. Jusqu’au début du mois d’avril, il n’y a eu aucun signe des autorités, les collectifs, associations et ONG travaillant seules, et beaucoup ont dû cesser leurs activités compte tenu de leur propre confinement.

      Plusieurs cas de Covid-19 ont été diagnostiqués fin mars et début avril dans les campements de Calais, mais il a fallu attendre le 3 avril pour que la Préfecture du Pas-de-Calais annonce le démarrage d’une opération de « mise à l’abri », étalée sur deux semaines. Au 8 avril, 200 personnes avaient été effectivement sorties des campements de rue et réparties dans divers centres d’accueil. Enfin, c’est le 6 avril que la préfecture annonçait à Grande-Synthe le début de la mise à l’abri des personnes en campements.
      La situation des bidonvilles en région parisienne

      Il existe à ce jour à Paris et en région parisienne, six bidonvilles (ou « campements roms »), regroupant environ 370 personnes. Elles sont aidées dans la limite des possibilités actuelles par des voisins et des associations (Restos du cœur, Secours catholique) mais leurs conditions sanitaires dans le cadre du confinement inquiètent.

      D’autres données à jour, fin mars, sur l’ensemble des bidonvilles en France métropolitaine, réunies par la cellule de crise Covid-19 du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, montrent de nombreuses situations inquiétantes en campements (concernant un total d’environ 15 000 personnes) sur le plan sanitaire, d’accès à l’eau, à l’hygiène, etc. Il existe une forte mobilisation associative autour de ces campements mais la situation devient plus critique à cause du confinement des résidents et des aidants eux-mêmes, notamment pour la fourniture d’aides, alimentaire entre autres.
      Conclusion. Dangerosité de l’encampement

      Les populations exilées, circulant en Europe et en France et en situation précaire sont en grande majorité des personnes plutôt jeunes et robustes. Si elles sont, en principe, à moindre risque face au coronavirus, elles ont été considérablement fragilisées par leurs parcours migratoires. Dans tous les instants de la vie quotidienne des campements, le manque de moyens d’hygiène et de protection (eau, savon, mais aussi masques, lunettes, lingettes, etc.) représente un risque majeur pour ces exilé⋅e⋅s comme pour les aidants.

      Le confinement social et politique (l’encampement des migrants) ne représente évidemment pas une sécurité sanitaire pour les personnes, ce que les autorités publiques françaises reconnaissent implicitement lorsqu’elles « désencampent » celles et ceux qui ont été maintenus dans ces situations de mise à l’écart. Faute d’anticipation, elles le font dans l’urgence au moment où apparaissent les premiers cas de contamination.

      Ce qui est en train de se passer dans les hotspots des îles grecques donne effectivement à réfléchir. L’inquiétante propagation du virus, qui y entraîne davantage d’enfermement pour environ 40 000 exilé⋅e⋅s enfermé⋅e⋅s — une « double peine » selon certains commentateurs —, montre la dangerosité de ces dispositifs d’encampement du point de vue de l’accès aux soins et aux droits humains en général.

      Les mesures de mises à l’abri prises récemment par les autorités montrent que dès qu’il y a une volonté politique, les solutions de relogement et mise en sécurité sont rapidement possibles. L’administration française a aussi décidé de renouveler pour trois mois tous les titres de séjour qui arrivaient prochainement à expiration, ce qui revient à concéder un court accès aux droits humains, limité dans le temps et sans remise en cause du traitement habituel.

      Cependant l’attitude « urgentiste » de l’État semble avoir pour unique souci de ne pas étendre la crise sanitaire dans ou à partir des lieux de confinement habituels des migrants, mais sans remettre en cause le dispositif de leur rétention (CRA) et de leur maintien à l’écart (campements). Il en résulte un processus de désencampement partiel et inachevé, beaucoup de personnes restant livrées à elles-mêmes ou maintenues dans des conditions sanitaires et d’accès aux droits inquiétantes.
      Pour aller plus loin

      Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), « Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser », blog de l’OEE, 18 mars 2020.
      Julien Mucchielli, « Les centres de rétention se vident, l’administration persiste », Dalloz actualités, 25 mars 2020.
      Communiqué de presse conjoint du HCDH, de l’OIM, du HCR et de l’OMS, « Les droits et la santé des réfugiés, des migrants et des apatrides doivent être protégés dans le cadre des efforts de lutte contre la Covid-19 », 31 mars 2020.
      Note d’information de la Cimade, « Rétention : comment la Cimade agit-elle en période de confinement ? », 6 avril 2020.
      Babels, De Lesbos à Calais : comment l’Europe fabrique des camps (sous la direction de Yasmine Bouagga), éditions Passager clandestin (Bibliothèque des frontières), 2017.

      http://icmigrations.fr/2020/04/07/defacto-018-01
      #désencampement #Paris #Calais #CRA

    • Fermeture des CRA : en temps de confinement, plus que jamais une exigence impérieuse !

      Dès le 18 mars 2020, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) [1] appelait le gouvernement à faire immédiatement cesser l’enfermement des personnes étrangères retenues dans les centres et locaux de rétention administrative, dans les zones d’attente et au poste de police de Menton pont Saint-Louis. Il soulignait déjà que leur libération s’imposait dans le contexte de lutte contre la pandémie du Covid 19 : d’une part, parce que la fermeture des frontières et la mise à l’arrêt du trafic aérien privent la rétention de sa justification – expulser les étranger.es –, d’autre part parce que ces lieux de privation de liberté sont propices à la propagation rapide du virus [2].

      Dans de nombreux cas, les juges chargé·es de vérifier les conditions d’enfermement des personnes retenues ont précisément refusé, pour ces deux raisons, de les maintenir en rétention [3].

      Le gouvernement est resté sourd à ces alertes : de nombreuses personnes ont continué d’être retenues ou placées dans des CRA, le plus souvent après avoir été transférées depuis un établissement pénitentiaire où elles avaient définitivement purgé leur peine. C’est pourquoi plusieurs organisations membres de l’OEE, accompagnées du Conseil national des barreaux (CNB), ont saisi le Conseil d’État d’une requête en référé liberté afin de voir ordonner la fermeture des centres de rétention administrative (CRA).

      Dans son ordonnance du 27 mars, le Conseil d’État a rejeté cette requête. Accordant un crédit inconditionnel aux affirmations du ministre de l’intérieur, il a considéré :
      – qu’il n’y avait "pas de carences dans l’accès aux soins des personnes retenues"
      – que des instructions avaient été diffusées pour "l’observation des mesures d’hygiène et une répartition spatiale de l’occupation à l’intérieur des centres" [4].

      Les informations et témoignages recueillis depuis lors sur la situation dans les CRA montrent que le Conseil d’État a entériné le principe d’une « protection au rabais pour les étranger.es » [5]. Les retenu·es aux CRA de Oissel et du Mesnil Amelot, les représentant·es des associations intervenant au CRA de Vincennes ou de soutien aux personnes qui y sont retenues, les député·es et élu·es qui ont visité les CRA de Cornebarrieu et du Mesnil-Amelot, [6] tous et toutes apportent un démenti formel aux assurances du ministre et établissent clairement :
      – que les retenu·es sont maintenu·es dans une promiscuité et dans des conditions d’hygiène déplorables, incompatibles avec les recommandations de distanciation sociale et de protection individuelle ;
      – que les mesures sanitaires de prévention contre la diffusion du Covid-19 ne sont pas et ne peuvent pas être mises en place compte tenu de la configuration des lieux et des modalités de fonctionnement des centres ;
      – que ni les retenu·es, ni les personnels de service, ni les effectifs de police ne sont doté·es de masques et de produits désinfectants ;
      – que la mise en danger de contamination de l’ensemble des personnes présentes est permanente ;
      – que plusieurs cas de contamination au Covid 19 ont au demeurant été confirmés, notamment de trois personnes retenues au CRA de Vincennes, dont une depuis le 7 mars.

      Dans son ordonnance du 27 mars, le Conseil d’État a également justifié l’inconcevable refus du gouvernement de fermer les centres de rétention au motif que l’administration avait pu procéder, dans la période récente, à des expulsions "en dépit des restrictions mises par de nombreux Etats à l’entrée sur leur territoire et de la très forte diminution des transports aériens". Depuis lors et selon nos informations, aucune expulsion n’a été réalisée - à l’exception d’une expulsion vers le Brésil … depuis la Guyane - faute de vols disponibles ou d’accord des pays de renvoi. Que les personnes encore retenues dans les CRA soient, ou non, d’ancien·nes détenu·es n’y changera rien : leur expulsion reste impossible et leur rétention privée de base légale.

      Les lettres ouvertes, les pétitions, les interpellations directes des préfets se multiplient. Les personnes retenues, excédées et désespérées, s’organisent pour lutter collectivement contre cette aberration. Il faut se rendre à l’évidence : l’obstination du gouvernement défie tous les principes aussi bien que le bon sens. Ni les centres et locaux de rétention ni les zones d’attente, ne sont des centres de confinement. En y maintenant coûte que coûte et côte à côte, dans des conditions matérielles honteuses, des étranger·es qu’il ne pourra pas expulser, le personnel assurant les services de livraison et d’entretien des locaux et des effectifs de police qui vont et viennent quotidiennement - tou·tes et tous privé·es des dispositifs de protection qu’il recommande ailleurs - il brave les principes de précaution sanitaire élémentaires et expose toutes ces personnes à des risques de contamination majeurs.

      C’est ce qu’a déjà admis, le 15 avril, le juge des référés du tribunal administratif de Paris en estimant que « le préfet de police (…) entretient le foyer de contamination qui a été récemment identifié au sein de ce centre, et méconnaît de ce fait les impératifs de santé publique qui s’imposent à lui en vertu de l’état de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population ».

      L’état d’urgence sanitaire doit agir comme un révélateur : les CRA et autres lieux où sont parqués les étranger·es, sont incompatibles avec le respect des droits. Sans plus attendre, leur fermeture s’impose. Mais au-delà de la période de crise que nous traversons, qui en démontre de façon criante le caractère discriminatoire et mortifère, il faut en finir avec l’enfermement administratif des étranger·es.
      Paris, le 16 avril 2020

      ANNEXES
      (1) TÉMOIGNAGES

      Témoignages de retenus aux CRA de Oissel (29 mars)
      – « Ici tout est fermé, tout. Y’a rien qui est aéré ya pas de vent qui sort dehors pour pouvoir aérer la cellule. Ça veut dire on est tous comme si on était dans un sac-poubelle fermé quoi ! Enfermés avec le virus qui se multiplie. On utilise tous le même téléphone [cabines téléphoniques du centre], ça veut dire que quand y’a un mec qui décroche, qui parle, et qu’il y a un autre mec qui prend le téléphone après, et ben y’a tous les microbes laissées par le premier mec. Et ainsi de suite, et ainsi de suite, le virus, il se propage. Même pas de désinfectant pour nettoyer les cabines ».
      – « Il n’y a pas de médecin. Il y a une infirmière, quand t’as mal, quand on a des symptômes tout ça, elle donne des doliprane c’est tout, elle peut rien faire d’autre. Même elle, elle te dit : « Mais moi je suis en bas de l’échelle. Et moi aussi je peux vous contaminer parce que je vais chez moi, je vais voir mes enfants, je vais dehors et après je suis parmi vous tous les jours. »

      Témoignages de retenus au CRA du Mesnil-Amelot, 30 mars
      « On a peur de la contamination du coronavirus. Il y a encore de nouvelles arrivées. Ici il n’y a pas d’hygiène, donc c’est plus risqué que dans d’autres endroits. Y a pas de vol, y a rien ici. Pourquoi on est là encore ? »

      Visite du député européen Manuel Bompard au CRA de Cornebarrieu, 2 avril
      « (...) l’organisation physique des bureaux ne permet absolument pas aux agents, pourtant nombreux, de respecter les distances sociales nécessaires. J’ai ensuite constaté qu’aucun des membres du personnel nous accueillant ne portait de masque. Ce ne sera finalement le cas d’aucune des personnes que j’ai croisées au cours de la visite. Aux dires des gardiens, seul le personnel médical du centre, que je n’ai pas pu rencontrer, dispose d’un tel équipement qui lui a été fourni par le centre hospitalier de Toulouse. Il m’a été indiqué que les sous-traitants travaillant sur les lieux ne disposaient pas non plus de protocoles sanitaires particuliers. Les salariés de l’entreprise en charge de la préparation et de la livraison des repas ne disposent par exemple pas de masques. Seule la personne servant les repas en dispose d’un … qu’elle s’est procuré elle-même (…) Bref, j’ai pu constater sur place que les conditions sanitaires n’étaient pas acceptables. Elles constituent bien sûr une mise en danger des retenus, mais aussi des personnes travaillant sur les lieux. »

      Témoignage de retenu au CRA du Mesnil-Amelot, 6 avril
      Y a des gros problèmes sanitaires : c’est sale. Y a des gens qui toussent donc c’est bizarre comme ambiance ici. On vit tous dans le même pays mais pas dans la même situation. On confine les gens dehors. Ici, le coronavirus le virus n’existe pas : vous mangez dans la salle à manger où vous êtes plus de 25. Les policiers sont en face de vous et ne sont pas masqués. Ils viennent de l’extérieur eux. Tous les jours il y a des gens qui arrivent.

      Selon l’Assfam, à propos de la situation au CRA de Vincennes, 9 avril
      « Une personne retenue vient d’être testée positive au Covid-19 dans les CRA de Paris-Vincennes, où 54 personnes sont encore enfermées (…) La santé et la vie des personnes retenues sont mises en danger dans ces centres, où les mesures sanitaires de prévention et protection contre le Covid-19 ne sont pas, et ne peuvent pas, être mises en place ».
      (Infomigrants, 10 avril)

      Plainte déposée par l’association Sôs Soutien Ô sans-papiers à propos de la situation dans le CRA de Vincennes, 10 avril
      « Les conditions sanitaires dans ce centre sont déplorables. Il n’y a pas de gel hydroalcoolique et quelques masques sont arrivés il y a trois jours seulement. Le confinement et la distance entre les retenus sont impossibles à respecter du fait de la configuration des lieux.
      Au vu de la chronologie, il est plus que probable que la majorité des personnes infectées l’ont été pendant leur séjour au centre de rétention. Il est d’ailleurs surprenant qu’aucun retenu n’ait été hospitalisé malgré la présence de plusieurs facteurs de comorbidité tels que des affections respiratoires chroniques. Les retenus ne disposent pas d’un réel accès aux soins et n’ont pas la possibilité de recourir aux services d’un interprète ».

      Visite de deux élus, Pascal Troadec et Éric Coquerel, au CRA du Mesnil-Amelot, 12 avril
      Les élus ont également eu confirmation que les consignes minimales de sécurité ne peuvent être observées. Personne ne porte de gants ni de masques, ni les retenus ni les policiers. L’adjoint avait emporté avec lui soixante masques, il raconte que les fonctionnaires étaient aussi contents que les retenus de les récupérer. « Par ailleurs, nous avons pu vérifier que, dans plusieurs cellules, les hommes sont à deux, voire à trois. Dans la salle de télévision, impossible d’observer les distances et je ne vous parle pas du risque de transmission dans les toilettes avec leur état. »
      (Mediapart, 13 avril)
      (2) DÉCLARATIONS, APPELS ET PÉTITIONS POUR LA FERMETURE DES LIEUX D’ENFERMEMENT ADMINISTRATIF DES PERSONNES ÉTRANGÈRES

      Commissaire aux droits de l’Homme Conseil de l’Europe
      La Commissaire appelle à libérer les migrants en détention administrative pendant la crise du Covid-19
      https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-calls-for-release-of-immigration-detainees-while-covid-19-crisis-c

      Tribune : Coronavirus : « Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire »
      Par Jacques Toubon, Défenseur des droits, Adeline Hazan, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Burguburu, Président de de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme.
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/20/coronavirus-sauvegardons-les-droits-fondamentaux-pendant-la-crise-sanitaire_

      Défenseur des droits
      Covid-19 - Face aux risques de contamination, le Défenseur des droits demande la fermeture des centres de rétention administrative
      https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/actualites/2020/03/covid-19-face-aux-risques-de-contamination-le-defenseur-des-droit),

      Contrôle général des lieux de privation des libertés
      Situation sanitaire des prisons et centres de rétention administrative : le CGLPL demande la prise de mesures pour la protection des personnes privées de liberté
      https://www.cglpl.fr/2020/situation-sanitaire-des-prisons-et-centres-de-retention-administrative-le-cglp

      États généraux des migrations de Rouen
      Pétition pour la fermeture du Centre de Oissel et de tous les CRA
      https://www.change.org/p/préfecture-de-la-seine-maritime-fermeture-des-centres-de-rétention-administr

      Cercle des Voisins du Centre de Rétention de Cornebarrieu
      Fermez les Centres de Rétention !
      https://www.change.org/p/emmanuel-macron-fermez-les-centres-de-rétention-557ca213-75a5-4c64-9710-bbbf

      Le Paria
      Urgent : Fermez les centres de rétention administratives !
      https://fermez-les-cra.wesign.it/fr

      Appel de mail bombing par A bas les CRA
      Les prisonniers des CRA crient Liberté, faisons de même !
      https://abaslescra.noblogs.org/les-prisonniers-des-cra-crient-liberte-faisons-de-meme

      Communiqué des retenus du CRA du Mesnil-Amelot, 12 avril
      https://leparia.fr/urgent-appel-de-sos-emeutes-et-repression-au-centre-de-retention-du-mesnil-a
      (3) QUESTIONS ÉCRITES AU GOUVERNEMENT DES PARLEMENTAIRES EN FAVEUR DE LA FERMETURE DES CRA

      Question écrite n° 28344 de M. Michel Larive
      Date de dépôt : 14/04/2020
      étrangers - Rétention des étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA)

      Question écrite n° 28343 de Mme Elsa Faucillon (GDR) sur le CRA de Vincennes
      Date de dépôt : 14/04/2020
      étrangers - Fermeture des centres de rétention

      Question écrite n° 28109 de M. Ugo Bernalicis (LFI)
      Date de dépôt : 07/04/2020
      lieux de privation de liberté - Situation des centres de rétention administrative face à l’épidémie de covid-19

      Question écrite n° 27839 de M. Adrien Quatennens (LFI)
      Date de dépôt : 31/03/2020
      lieux de privation de liberté - Risques sanitaires pour les personnes retenues au sein des CRA

      Question écrite n° 27712 de Mme Muriel Ressiguier (LFI)
      Date de dépôt : 24/03/2020
      santé - Covid-19 : faire face à l’urgence !

      Situation des personnes migrantes retenues dans les centres de rétention administrative du territoire français
      Question n° 15149 posée par Mme Esther Benbassa (CRCE)
      En attente de réponse du Ministère de l’intérieur

      Fermeture des centres de rétention administrative et épidémie de Covid-19
      Question n° 15230 posée par Mme Laurence Cohen (CRCE)
      En attente de réponse du Ministère de l’intérieur
      (4) INTERPELLATIONS DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

      lors de son audition le jeudi 9 avril dernier
      par la mission d’information Covid-19 de l’Assemblée nationale

      M. Bertrand Pancher (député Libertés et de Territoires de la Meuse) : Par ailleurs, pourquoi continuez-vous, en cette période de crise, à vous acharner sur les migrants ? Quelle logique guide votre action ? Les CRA continuent de fonctionner alors qu’il est impossible de renvoyer quiconque à l’étranger ; ils contribuent donc à propager la maladie. Au CRA de Vincennes, une personne a été testée positive au coronavirus, tandis qu’on a remis en liberté son voisin de chambre, hospitalisé quelques semaines auparavant. Une telle inconséquence est dramatique. De même, le Gouvernement n’a pas suspendu l’obligation de pointer dans les préfectures pour les personnes assignées à résidence. Il n’a pas non plus prolongé les visas de court séjour des personnes dont la santé réclame des soins urgents. Je ne saurais, enfin, ne pas évoquer la situation catastrophique de Mayotte, où l’eau se vend au marché noir.

      M. Pierre Dharéville, député GDR des Bouches-du-Rhône : S’agissant des étrangers, lorsque des procédures judiciaires ne sont pas envisagées et en l’absence de perspectives d’éloignement du territoire, il paraît incompréhensible de poursuivre les mesures de placement et de maintien en rétention.

      [1] Organisations membres de l’OEE : ANAFE, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), COMEDE, Droits d’urgence, FASTI, Genepi, GISTI, La Cimade, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF)

      [2] OEE, Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser, 18 mars 2020

      [3] Cour d’appel de Rouen, 31 mars 2020 : « la privation de liberté ne peut perdurer sans perspective minimum d’éloignement. Au surplus, M. X se trouve en France où le virus est actif et la pandémie n’a pas atteint son pic ; il est placé en rétention depuis le 23 mars 2020 après avoir été détenu depuis le 27 février 2020 en maison d’arrêt où les mesures contre la contamination ne sont pas optimales ».

      [4] Conseil d’État, ordonnance du 27 mars 2020, Gisti et autres, N° 439720.

      [5] ADDE, CIMADE, GISTI, SAF et CNB, Le Conseil d’État refuse la fermeture des centres de rétention : une protection au rabais pour les étrangers, 30 mars 2020

      [6] Voir le détail de leurs témoignages et déclarations en annexe

      https://www.gisti.org/spip.php?article6370

    • COVID–19 : Le #Défenseur_des_droits recommande à nouveau la fermeture immédiate de tous les centres de rétention administrative en activité

      Dès le 18 mars, le Défenseur des droits faisait part au ministre de l’Intérieur de son inquiétude au sujet de la situation des personnes étrangères actuellement retenues dans les centres de rétention administrative (#CRA). Il l’interrogeait sur la pertinence et la légalité du maintien en activité de ces centres alors que les perspectives d’éloignement de ces personnes avaient disparu à court terme du fait de la fermeture des frontières.

      Le Défenseur des droits relevait que les étrangers retenus et les personnels intervenant en centres de rétention se trouvaient, du fait de la promiscuité inhérente aux lieux et de l’impossibilité d’y mettre pleinement en œuvre les gestes barrières préconisés, exposés à un risque sanitaire particulièrement élevé. Il demandait au ministre de l’Intérieur de procéder à la fermeture immédiate de tous les CRA ainsi qu’à la libération des étrangers encore retenus, dans l’attente de l’amélioration du contexte sanitaire français.

      Le 21 mars, le Défenseur des droits réitérait cet appel à la fermeture provisoire des lieux de privation de liberté conjointement avec la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, et le président de la CNCDH, Jean-Marie Burguburu.

      Le 25 mars, le Défenseur des droits défendait cette même position devant le juge des référés du Conseil d’Etat dans le cadre d’un contentieux introduit par plusieurs associations (Décision n° 2020-82 du 25 mars 2020).

      Par ordonnance du 27 mars, le Conseil d’Etat considérait que la situation ne portait pas une atteinte suffisamment grave aux droits à la vie et à la santé pour justifier la fermeture temporaire de l’ensemble des CRA, notamment parce que le nombre des nouveaux placements en rétention devait devenir marginal à l’avenir et que la carence dans l’accès aux soins des étrangers retenus ou dans la mise à disposition de produits d’hygiène n’était pas avérée.

      Depuis cette date, d’une part, les placements se sont poursuivis dans des proportions non marginales, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le ministre de l’Intérieur dans son courrier au Défenseur des droits en date du 9 avril, d’autre part, la situation sanitaire n’a cessé de se dégrader et plusieurs étrangers et personnels du CRA de Vincennes ont été testés positifs au COVID-19, si bien que le tribunal administratif de Paris, par décision du 15 avril 2020, a reconnu la carence des autorités et leur a enjoint de ne plus placer d’étrangers, pour une durée de 14 jours, dans le centre de Vincennes.

      Cette carence atteste que les mesures de protection fixées par le ministre de l’Intérieur et mises en œuvres dans les CRA sont insuffisantes pour éviter la propagation du virus. Or, ces mesures étant sensiblement les mêmes d’un CRA à l’autre, le choix des autorités de reporter les placements en rétention vers le centre du Mesnil-Amelot apparait comme une option dangereuse pour la santé des personnes retenues comme des personnels qui y travaillent.

      Les constats opérés par la CGLPL lors de ses visites du 15 et 17 avril aux CRA de Vincennes et du Mesnil-Amelot confortent les informations portées à la connaissance du Défenseur des droits ainsi que son analyse.

      Dans la mesure où Il existe aujourd’hui, dans l’ensemble des CRA français, un risque indéniable de contamination, tant pour les retenus que pour les personnels, portant au droit à la vie et à la protection de la santé une atteinte disproportionnée et alors même qu’il n’existe pratiquement aucune perspective d’éloignement à bref délai, le Défenseur des droits, par une nouvelle décision n°2020-96 du 18 avril 2020 :

      Réitère ses recommandations tendant à la fermeture de tous les CRA encore en activité et à la libération de tous les étrangers actuellement retenus dans l’attente de l’amélioration du contexte sanitaire français. Cette fermeture devrait intervenir immédiatement s’agissant du CRA du Mesnil-Amelot, la situation dans ce centre étant tout à fait préoccupante.

      Demande, à défaut :

      L’arrêt immédiat de tous les placements en rétention administrative dans tous les CRA
      Le renforcement des mesures prises pour protéger les étrangers encore retenus ainsi que l’ensemble des personnels mobilisés pour assurer la surveillance et le suivi médical de ces personnes ainsi que l’entretien des locaux :
      Distribution à tous et en quantité suffisante de masques, gels hydro-alcooliques, et tenues de protection adéquates ;
      Tests de toutes les personnes susceptibles d’avoir été exposées au virus ;
      Isolement systématique de toutes les personnes symptomatiques dans des conditions dignes et de nature à garantir un plein accès aux soins ;
      Libération et, le cas échéant, prise en charge médicale des personnes testées positives au COVID-19.

      https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2020/04/covid-19-le-defenseur-des-droits-recommande-a-nouveau-la-fermetur

  • Coronavirus : l’urgence absolue de créer des structures de prise en charge des patients peu symptomatiques, Franck Nouchi
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/27/coronavirus-l-urgence-absolue-de-creer-des-structures-de-prise-en-charge-des

    Les spécialistes de santé publique s’alarment : le risque, en confinant chez eux les malades peu graves, est de transmettre le virus à leur famille, créant ainsi des milliers de « clusters » intrafamiliaux. Il faut, d’urgence, organiser leur accueil dans des centres d’hébergement ou des hôtels.

    C’est un patient parmi des milliers d’autres. Il se présente à l’hôpital. Fiévreux, il tousse, a mal à la gorge et une légère difficulté pour respirer. Le médecin qui le reçoit porte un masque. Il lui explique qu’on ne peut pas lui faire de test, les instructions étant qu’on les réserve aux malades graves et aux personnels de santé. Il ajoute : « Vous souffrez très probablement d’une infection à coronavirus. Votre état ne nécessitant pas d’hospitalisation, je vais vous prescrire du paracétamol et des masques de protection. Vous irez les retirer à la pharmacie près de chez vous. De retour à votre domicile, faites attention à bien respecter les mesures barrières. Mais, rassurez-vous, à votre âge, vous ne risquez rien. »
    A la pharmacie, la pharmacienne est désolée : « Pas de masque, je n’ai pas été livrée. Et on les réserve de toute façon aux personnels de santé. »

    De retour chez lui, le patient informe le reste de sa famille de la situation. Il est étiqueté « cas probable ». Vu ses symptômes, on doit se comporter avec lui comme s’il était atteint du #Covid-19. L’épouse, les deux enfants et la belle-mère du patient accusent le coup. Dans leur trois-pièces, la belle-mère dort sur le canapé-lit du salon. Vivant seule et pas très en forme, inquiète des mesures de confinement, elle s’était réfugiée près de sa fille et de ses enfants, qui l’ont accueillie sans problème, puisque ça ne « devait pas durer plus de quinze jours ».

    Plus de 42 000 confinés à domicile

    Anecdotique cette histoire ? Nullement. Des dizaines de milliers de personnes malades mais ne nécessitant pas d’hospitalisation immédiate sont aujourd’hui #confinées_à_domicile, où elles sont prises en charge par des médecins libéraux. Déjà 42 000 au 22 mars, selon l’estimation de Santé publique France dans son rapport hebdomadaire. Combien depuis ? Combien la semaine prochaine ? Il existe des situations de logement bien pires que celle-là, en Seine-Saint-Denis par exemple.
    Les spécialistes de santé publique sont unanimes : le risque en renvoyant chez eux ces malades peu graves, c’est qu’ils transmettent le virus à plusieurs membres de leur famille, créant ainsi des centaines, des milliers de « clusters » intrafamiliaux.

    C’est bien ce qui s’est passé en Chine, avant que les Chinois ne reprennent le contrôle de la situation. En ouvrant des #structures_intermédiaires permettant de mettre en #quarantaine ce type de patients, et en coupant du reste de la Chine et du monde la totalité de la province du Hubei. Le rapport de la mission d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (#OMS) envoyée en Chine à la mi-février décrit parfaitement les mesures mises en œuvre. Les experts indépendants, américains et européens (aucun Français), étaient tellement impressionnés par les succès chinois que leur coordinateur, le Canadien Bruce Aylward, a tenu une conférence de presse dès son retour, le 24 février. Pour que tous les pays puissent comprendre à la fois les difficultés rencontrées par la Chine, et comment elle a su y faire face, le rapport intégral a été mis en ligne deux jours plus tard. Force est de constater que ce rapport a fait très peu d’émules, en particulier en Europe.

    Voir cette chronologie de l’émergence du corona virus
    https://seenthis.net/messages/834457

    Attention aux illusions d’optique

    Par rapport à d’autres pays européens qui recensent plus de cas (mais qui font plus de #tests), la situation de la France pourrait, à première vue, paraître légèrement plus favorable. Rien n’est moins sûr. Nous ne savons pas combien de personnes âgées sont mortes dans les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad). Contrairement aux pays asiatiques, nous faisons face à une grave pénurie de #masques_de_protection. Attention donc aux illusions d’optique. Pour autant, serions-nous condamnés aux centaines de milliers de morts que prédisent les modélisateurs ?
    En France, disait-on dans les années soixante-dix, « on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». Aujourd’hui, des idées novatrices, originales, il n’est que temps d’en avoir. Et, pour ce faire, en regardant ce que font nos voisins, l’Espagne en particulier, qui ne cesse, pour désengorger des hôpitaux débordés, d’ouvrir des structures intermédiaires d’accueil.

    A Madrid, l’hôtel Gran Colon a été le premier à ouvrir une telle #structure_médicalisée. Initiative d’autant plus intéressante que cet établissement est situé à dix minutes à pied de l’hôpital Gregorio-Marañon, le plus grand de la capitale. D’autres établissements – une quarantaine pour l’heure – ont ouvert ou vont ouvrir dans la capitale espagnole. Au total, 9 000 lits devraient être mis à disposition.

    Parmi ces #hôtels reconvertis en centres médicalisés figurent même des établissements classés 5 étoiles. Ainsi du Cotton House Hotel, au centre de Barcelone, qui a décidé de mettre à disposition 83 chambres. Pour s’occuper des malades, il aura, selon la direction, « un personnel qui a reçu une formation spécifique pour la protection de la santé ». « Le personnel de nettoyage, de restauration et de blanchisserie qui travaillera dans cet hôtel a l’expérience du secteur sanitaire public et privé de Barcelone », ajoute-t-on, avant de conclure : « Ce virus, nous l’arrêterons unis. »

    Une question de justice sociale

    L’effort de « guerre » demandé aux Français et aux entreprises pourrait trouver dans cet exemple espagnol une source d’inspiration stimulante. Déjà, le groupe hôtelier Accor a mis à disposition des chambres pour les personnels soignants et un hôtel pour des personnes sans-abri. Il faut aller beaucoup plus loin. Les chambres et studios de pratiquement tous les hôtels des grandes villes sont assez grands pour accueillir ce type de patients. Ils sont équipées en réseaux Wifi et télévisions de manière à pratiquer la télémédecine.

    A priori, il n’y a aucune raison pour que la plupart des personnes symptomatiques, ou des patients guéris à l’hôpital mais devant respecter quinze jours de quarantaine, ne soient pas volontaires pour se rendre dans ce type d’établissement ; ne serait-ce que pour ne pas risquer de contaminer leurs proches (ce qui est inévitable, sauf pour les familles qui ont au moins une pièce par personne et deux salles de bains).
    C’est donc – aussi – une question de justice sociale. Tous les patients qui disposent de vastes logements où ils peuvent s’isoler facilement n’ont d’ailleurs pas besoin d’y aller et préféreront sûrement rester chez eux, ce qui ne pose pas de problème.

    Les 40 000 médecins et infirmières qui se sont portés volontaires pour la réserve sanitaire pourraient être affectés préférentiellement à la surveillance médicale de ces lieux d’accueil. Resterait à organiser la logistique, distribution de repas en particulier. Là encore, les hôtels et les municipalités espagnoles nous montrent la voie à suivre.

    660 000 chambres d’hôtel inoccupées

    Il y a là une urgence absolue. Si l’on ne fait rien, les hôpitaux des régions les plus touchées seront débordés au point qu’ils ne pourront même plus servir de lieux de consultation pour ces patients « suspects ». Un engrenage infernal s’ensuivra, avec la multiplication de ces contaminations intrafamiliales ou entre amis.
    Les pouvoirs publics, les grands groupes hôteliers, les groupes de services d’aide à la personne doivent se mobiliser sans tarder. Chaque journée de perdue, ce sont des milliers de contaminations qui auraient pu, qui auraient dû être évitées. Il y a aujourd’hui en France 660 000 chambres d’hôtel inoccupées.

    Il y a deux jours, en regardant la télévision, les Français ont certainement dû être frappés par une image : visitant le nouvel hôpital militaire de campagne de Mulhouse, le chef de l’Etat avait revêtu un masque de protection. Cette image insolite rappelait à chacun la #pénurie qui frappe le pays. Rien de plus normal évidemment que de voir le président de la République ainsi doté de matériel de protection. Mais, n’ergotons pas à l’infini : il n’y a, aujourd’hui, pas de masque pour tout le monde alors qu’il en faudrait. Il n’y en a même pas pour les personnes professionnellement les plus exposées au virus. Ces dernières n’ont pas le choix : médecins, infirmiers, aides-soignants, policiers, caissiers de supermarché, éboueurs, etc., leur présence est requise. En revanche, un patient suspect de coronavirus, non seulement sa présence n’est pas requise à son domicile s’il vit dans une relative promiscuité avec son entourage, mais elle est dangereuse.

    • La mise à l’isolement des malades atteints du Covid-19 dans des hôtels reste rare en France
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/09/la-mise-a-l-isolement-des-malades-atteints-du-covid-19-dans-des-hotels-reste

      DÉCRYPTAGES La Mairie de Paris souhaite la mise en place de solutions d’hébergement pour éviter que les personnes infectées contaminent leurs proches. Près de Perpignan, le recours à une structure hôtelière permet déjà de libérer des lits à l’hôpital.

      Pour contrôler l’épidémie de Covid-19, la France n’a jusqu’à présent pas fait le choix d’isoler les personnes contaminées dans des structures hôtelières. L’idée semble pourtant faire son chemin : dans un courrier adressé lundi 6 avril au premier ministre, Edouard Philippe, la Mairie de Paris a proposé de « faciliter la mobilisation de sites dédiés et d’hôtels » pour héberger les Parisiens touchés par le virus et qui « ne peuvent être confinés chez eux dans des conditions satisfaisantes pour protéger leur entourage d’une contamination ».

      A l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, on ne ferme pas la porte à une telle solution, déjà mise en œuvre dans d’autres pays. Si le sujet n’est pas identifié comme prioritaire, on assure qu’une « réflexion active » est menée de manière à « être capable de répondre le jour J », si une telle décision devait être prise.

      Si des patients atteints du Covid-19 ont été mis à l’isolement dans des hôtels ces dernières semaines, à travers le pays, c’est d’abord pour soulager des hôpitaux sous forte tension. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a ainsi annoncé le 5 avril l’ouverture de 38 places dans les locaux du centre national d’entraînement de la Fédération française de tennis, dans le 16e arrondissement de Paris, afin d’accueillir des patients « dont l’état de santé ne nécessite plus d’hospitalisation mais qui ne peuvent pas encore rentrer à domicile pour des raisons de contagiosité de leur entourage ».

      Objectif affiché : libérer des lits d’hospitalisation. « Ce n’est pas la mission de l’hôpital de contrôler l’épidémie, il n’a pas les moyens de mettre en œuvre un plan d’isolement des malades à grande échelle », souligne Bruno Riou, le directeur médical de crise de l’AP-HP, qui regrette qu’un tel concept, « essentiel », « n’ait pas été mis en place en France ».

      « Anticipation »

      Dans les Pyrénées-Orientales, depuis le 26 mars, c’est un hôtel de la périphérie de Perpignan qui accueille des malades atteints du Covid-19 ou des patients présentant les symptômes de la maladie. Ils sortent d’une hospitalisation ou ils sont envoyés par un des onze centres Covid du département des Pyrénées-Orientales. « L’initiative vient des médecins du centre hospitalier de Perpignan qui estimaient que de nombreux lits étaient occupés par des patients qui auraient pu les libérer. Ils invoquaient un besoin impératif d’avoir le plus grand nombre de lits disponibles en anticipation de la vague attendue », explique Philippe Chopin, le préfet du département.

      Les médecins libéraux, présents dans les centres Covid qui accueillent et diagnostiquent – sans toutefois toujours tester – la maladie, témoignaient aussi de la difficulté, et du risque, à laisser repartir des malades potentiels. « De nombreux malades expliquaient leurs difficultés à se confiner dans de bonnes conditions, trop nombreux dans des logements trop petits. Il fallait un lieu de confinement où ils puissent se reposer, se soigner sans risque pour eux et pour les autres », ajoute M. Chopin. D’autant plus que la ville de Perpignan a, un temps, représenté un cluster dynamique de la maladie, avec des risques de propagation rapide, notamment dans les quartiers populaires.

      La préfecture a alors cherché un hôtel avec une coursive extérieure qui permette aux malades de pouvoir s’aérer et discuter entre eux sans risque. Après avoir essuyé quelques refus, le choix s’est porté sur un établissement de 70 chambres de la chaîne Première Classe. Les malades y sont acheminés par ambulance. La grande majorité d’entre eux sortent d’hospitalisation et sont toujours porteurs du virus, les autres ayant été orientés là par les centres Covid.

      « Le dispositif, tout à la fois sanitaire et solidaire »

      Les employés de l’établissement, hormis le veilleur de nuit qui est resté à son poste, ont été remplacés par des bénévoles de la Fédération française de sauvetage et de secourisme (FFSS) qui assurent la logistique du dispositif. Deux membres de l’association sont présents en permanence pour apporter à manger aux malades, débarrasser, s’occuper d’eux. Médecins du monde s’assure de la partie médicale avec un médecin et une infirmière présents en permanence.

      « C’est une opération inédite qui a beaucoup intéressé le ministère. Un consul de Suisse est même venu voir comment cela fonctionnait. Le dispositif, tout à la fois sanitaire et solidaire, fonctionne grâce à un partenariat entre l’Etat, qui paye l’hôtel, le conseil départemental, qui fournit les repas, Médecins du monde et la FFSS », se félicite encore le préfet. Les coûts du dispositif, répartis entre différentes structures, devraient être limités, selon la préfecture, qui réglera la facture hôtelière, à 35 euros la nuit pour chaque chambre.

      Après avoir compté jusqu’à vingt-deux chambres occupées, l’hôtel accueillait, mardi, moins d’une dizaine de patients. « Ils ne sont pas là en vacances, mais, à part deux personnes qui ont quitté le dispositif [les malades sont volontaires], tous se félicitent de l’initiative. Ils sont bichonnés, ont la télévision dans la chambre. Mais les visites sont interdites, ils sont là quand même sur instruction médicale », précise M. Chopin.

  • Raphaël Kempf : « Il faut dénoncer l’état d’urgence sanitaire pour ce qu’il est, une loi scélérate »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/24/raphael-kempf-il-faut-denoncer-l-etat-d-urgence-sanitaire-pour-ce-qu-il-est-

    A travers cet oxymore de l’état d’exception « de droit commun », le premier ministre fait donc l’aveu que ces mesures ont vocation à se normaliser et que les discours d’apaisement sur le caractère temporaire et exceptionnel de ces mesures ne sont qu’une rhétorique rapidement remise en cause par les faits.

  • Bruno Latour : « La crise sanitaire incite à se préparer à la mutation climatique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/25/la-crise-sanitaire-incite-a-se-preparer-a-la-mutation-climatique_6034312_323

    Le philosophe explique que « l’exigence de protéger les Français pour leur propre bien contre la mort est infiniment plus justifiée dans le cas de la crise écologique que dans le cas de la crise sanitaire ».
    [...]
    Comme si l’intervention du virus pouvait servir de répétition générale pour la crise suivante, celle où la réorientation des conditions de vie va se poser à tout le monde et pour tous les détails de l’existence quotidienne qu’il va falloir apprendre à trier avec soin. Je fais l’hypothèse, comme beaucoup, que la crise sanitaire prépare, induit, incite à se préparer à la mutation climatique. Encore faut-il tester cette hypothèse.

    #Paywall : un.e abonné.e de ce formidable canard par ici ?
    #Latour #Covid-19 #Réchauffement-climatique

    • Le philosophe explique que « l’exigence de protéger les Français pour leur propre bien contre la mort est infiniment plus justifiée dans le cas de la crise écologique que dans le cas de la crise sanitaire ».

      La coïncidence imprévue entre un confinement général et la période du carême est quand même assez bienvenue pour ceux à qui on a demandé, par solidarité, de ne rien faire et qui se trouvent à l’arrière du front. Ce jeûne obligé, ce ramadan laïque et républicain peut être une belle occasion pour eux de réfléchir sur ce qui est important et ce qui est dérisoire…
      Comme si l’intervention du virus pouvait servir de répétition générale pour la crise suivante, celle où la réorientation des conditions de vie va se poser à tout le monde et pour tous les détails de l’existence quotidienne qu’il va falloir apprendre à trier avec soin. Je fais l’hypothèse, comme beaucoup, que la crise sanitaire prépare, induit, incite à se préparer à la mutation climatique. Encore faut-il tester cette hypothèse.
      Le virus n’est que l’un des maillons d’une chaîne
      Ce qui autorise l’enchaînement des deux crises, c’est la réalisation soudaine et douloureuse que la définition classique de la société – les humains entre eux – n’a aucun sens. L’état du social dépend à chaque instant des associations entre beaucoup d’acteurs dont la plupart n’ont pas forme humaine. Cela est vrai des microbes – on le sait depuis Pasteur –, mais aussi d’Internet, du droit, de l’organisation des hôpitaux, des capacités de l’Etat, aussi bien que du climat. Et bien sûr, malgré le barouf autour d’un « état de guerre » contre le virus, celui-ci n’est que l’un des maillons d’une chaîne où la gestion des stocks de masques ou de tests, la réglementation du droit de propriété, les habitudes civiques, les gestes de solidarité, comptent exactement autant pour définir le degré de virulence de l’agent infectieux.

      Une fois pris en compte tout le réseau dont il n’est qu’un maillon, le même virus n’agit pas de la même façon à Taïwan, Singapour, New York ou Paris. La pandémie n’est pas plus un phénomène « naturel » que les famines d’autrefois ou la crise climatique actuelle. Il y a bien longtemps que la société ne tient plus dans les étroites limites du social.
      L’extension des pouvoirs et le pin-pon des ambulances
      Ceci posé, il n’est pas clair pour moi que le parallèle aille beaucoup plus loin. Car enfin, les crises sanitaires ne sont pas nouvelles, et l’intervention rapide et radicale de l’Etat ne semble pas jusqu’ici beaucoup innover. Il suffit de voir l’enthousiasme du président Macron pour endosser la figure de chef d’Etat qui lui manquait si pathétiquement jusqu’ici. Beaucoup mieux que les attentats – qui ne sont malgré tout que des affaires de police –, les pandémies réveillent, chez les dirigeants comme chez les dirigés, une sorte d’évidence – « nous devons vous protéger » « vous devez nous protéger » – qui recharge l’autorité de l’Etat et lui permet d’exiger ce qui, en toute autre circonstance, serait accueilli par des émeutes.

      Mais cet Etat, ce n’est pas celui du XXIe siècle et des mutations écologiques, c’est celui du XIXe siècle et de ce qu’il est convenu d’appeler le « biopouvoir ». Pour parler comme le statisticien regretté Alain Desrosières, c’est l’Etat des bien nommées statistiques : gestion des populations sur un quadrillage territorial vu de haut et mené par un pouvoir d’experts. Exactement ce que nous voyons ressusciter aujourd’hui – à cette seule différence qu’il est répliqué de proche en proche, au point d’être devenu planétaire.
      L’originalité de la situation présente, me semble-t-il, c’est que, en restant claquemuré chez soi alors que, dehors, il n’y a plus que l’extension des pouvoirs de la police et le pin-pon des ambulances, nous jouons collectivement une forme caricaturale de la figure du biopouvoir qui semble sorti tout droit d’un cours du philosophe Michel Foucault. Il n’y manque même pas l’oblitération des très nombreux travailleurs invisibles obligés de travailler quand même pour que les autres puissent continuer à se terrer chez eux – sans oublier les migrants impossibles à fixer. Mais justement, cette caricature est celle d’une époque qui n’est plus la nôtre.

      Un abîme immense
      C’est qu’il y a un abîme immense entre l’Etat capable de dire « je vous protège de la vie et de la mort », c’est-à-dire de l’infection par un virus dont la trace n’est connue que par les savants et dont les effets ne sont compréhensibles que par le recueil des statistiques, et l’Etat qui oserait dire « je vous protège de la vie et de la mort, parce que je maintiens les conditions d’habitabilité de tous les vivants dont vous dépendez ».

      Faites l’expérience de pensée : imaginez que le président Macron soit venu vous annoncer, avec le même ton churchillien, un train de mesures pour laisser les réserves de gaz et du pétrole dans le sol, pour stopper la commercialisation des pesticides, supprimer les labours profonds, et, audace suprême, interdire de chauffer les fumeurs à la terrasse des bars… Si la taxe sur l’essence a déclenché le mouvement des « gilets jaunes », là, on frémit à la pensée des émeutes qui embraseraient le pays. Et pourtant, l’exigence de protéger les Français pour leur propre bien contre la mort est infiniment plus justifiée dans le cas de la crise écologique que dans le cas de la crise sanitaire, car il s’agit là littéralement de tout le monde, et pas de quelques milliers d’humains – et pas pour un temps, mais pour toujours.
      L’agent pathogène dont la virulence terrible modifie les conditions d’existence de tous, ce n’est pas du tout le virus, ce sont les humains !
      Or on sent bien que cet Etat-là n’existe pas. Et ce qui est plus préoccupant, c’est qu’on ne voit pas comment il se préparerait à passer d’une crise à l’autre. Dans la crise sanitaire, l’administration a le rôle pédagogique très classique, et son autorité coïncide parfaitement avec les vieilles frontières nationales – l’archaïsme du retour aux frontières européennes en est la douloureuse preuve.

      Pour la mutation écologique, le rapport est inversé : c’est l’administration qui doit apprendre d’un peuple multiforme, à des échelles multiples, à quoi peut bien ressembler l’existence sur des territoires entièrement redéfinis par l’exigence de sortir de la production globalisée actuelle. Elle serait tout à fait incapable de dicter des mesures depuis le haut. Dans la crise sanitaire, c’est en effet le brave peuple qui doit réapprendre, comme à l’école primaire, à se laver les mains et à tousser dans son coude. Pour la mutation écologique, c’est l’Etat qui se retrouve en situation d’apprentissage.

      Mais il y a une autre raison que la figure de « la guerre contre le virus » rend incompréhensible : dans la crise sanitaire, il est peut-être vrai que les humains pris en bloc « luttent contre » les virus – même si ceux-ci ne s’intéressent nullement à nous et vont leur chemin de gorge en nez en nous tuant sans nous en vouloir.
      La situation est tragiquement inverse dans la mutation écologique : cette fois-ci, l’agent pathogène dont la virulence terrible a modifié les conditions d’existence de tous les habitants de la planète, ce n’est pas du tout le virus, ce sont les humains ! Et pas tous les humains, mais certains, qui nous font la guerre sans nous la déclarer. Pour cette guerre-là, l’Etat national est aussi mal préparé, aussi mal calibré, aussi mal dessiné que possible car les fronts sont multiples et traversent chacun d’entre nous. C’est en ce sens que la « mobilisation générale » contre le virus ne prouve en rien que nous serons prêts pour la suivante. Il n’y a pas que les militaires pour être toujours en retard d’une guerre.

      Mais enfin, on ne sait jamais, un temps de carême, fût-il laïque et républicain, peut entraîner des conversions spectaculaires. Pour la première fois depuis des années, des millions de gens, bloqués chez eux, retrouvent ce luxe oublié : du temps pour réfléchir et discerner ce qui les fait d’habitude s’agiter inutilement en tous sens. Respectons ce long jeûne imprévu.

    • Il y a peut-être des choses intéressantes dans ce fatras (je n’en suis pas certain), mais je trouve ça épouvantablement beurk…

      Pour la première fois depuis des années, des millions de gens, bloqués chez eux, retrouvent ce luxe oublié : du temps pour réfléchir et discerner ce qui les fait d’habitude s’agiter inutilement en tous sens. Respectons ce long jeûne imprévu.

      Il y a aussi la prison. C’est chouette la prison. C’est vraiment chouette que les taulards retrouvent ce luxe oublié : du temps pour réfléchir et discerner ce qui les fait d’habitude s’agiter inutilement en tous sens.

  • « De la crise du coronavirus, on peut tirer des leçons pour lutter contre le changement climatique »
    François Gemenne,
    Chercheur en science politique
    Anneliese Depoux,
    Spécialiste de la santé publique

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/18/de-la-crise-du-coronavirus-on-peut-tirer-des-lecons-pour-lutter-contre-le-ch

    Quatre leçons

    1 Tout d’abord, si la menace du coronavirus nous inquiète autant, et davantage que celle du changement climatique, c’est sans doute d’abord parce que nous craignons de contracter le virus nous-mêmes. Le virus représente un danger concret, proche et immédiat.

    A l’inverse, nous avons encore l’impression que le changement climatique se produira d’abord pour les autres, dans le futur et ailleurs. Nous ne craignons pas de contagion liée au changement climatique, et nous le traitons donc à distance. Cette distanciation sociale, c’est nous, chercheurs, qui l’avons en partie créée. Avec des modèles climatiques calibrés sur des horizons à long terme et des cartes qui pointaient vers l’Afrique subsaharienne ou l’Asie du Sud-Est comme les régions les plus touchées.

    Même si elle reflète une réalité scientifique, cette communication crée une distance entre ceux qui doivent agir pour lutter contre le changement climatique et les impacts de celui-ci. Ce que la crise du coronavirus nous suggère, c’est que nous devrions abandonner les objectifs à long terme pour nous concentrer sur des buts plus immédiats : le but des mesures de confinement ne consiste pas à limiter la surmortalité dans dix ou vingt ans, mais bien à freiner la propagation de l’épidémie, ici et maintenant. C’est cela qui permet de légitimer les mesures drastiques de confinement.

    Des mesures perçues comme temporaires
    2*Ensuite, les impacts du changement climatique sur la santé publique demandent à être davantage mis en évidence. De nombreux travaux montrent que l’argument de santé publique est l’un de ceux qui résonnent le plus fort auprès des populations et qui sont les plus enclins à induire des changements de comportement.

    Or, on connaît les impacts dramatiques du changement climatique sur la santé, notamment sur les maladies infectieuses. Ces impacts restent insuffisamment soulignés dans notre communication sur le climat.

    *3 En troisième lieu, il nous faut aussi nous interroger sur la temporalité des mesures : si celles-ci sont acceptées par la population, à défaut d’être parfaitement mises en œuvre, c’est parce qu’elles sont perçues comme temporaires. Si ces mesures étaient annoncées comme permanentes, nul doute qu’elles généreraient davantage de débat et de contestation.

    Pour cette raison, nous croyons qu’il faut éviter de parler du changement climatique comme d’une « crise » : une crise est par nature éphémère, et suppose ensuite un retour à la normale. Le changement climatique est une transformation irréversible : il n’y a pas de retour à la normale, pas de baisse de la température ou du niveau des océans – en tout cas pas avant très longtemps.

    De même, les mesures que nous devons prendre pour endiguer le changement climatique ne peuvent être temporaires : elles devront être des transformations permanentes de nos économies et de nos modes de vie. C’est pourquoi il faut absolument éviter de nous bercer de l’illusion que les mesures prises en réaction au coronavirus pourraient être simplement transposées pour lutter contre le changement climatique : si nous acceptons les mesures drastiques prises pour contrer la pandémie, c’est parce que nous savons qu’elles seront temporaires.

    4 Enfin, l’éducation est souvent présentée comme un outil essentiel de la lutte contre le changement climatique : si tous les citoyens disposaient d’une connaissance suffisante du phénomène, on suppose volontiers qu’ils en prendraient alors la mesure et agiraient en conséquence. Les mesures contre le coronavirus, pourtant, n’ont pas été demandées par les citoyens, mais imposées par les gouvernements, alors que les citoyens n’avaient guère de connaissances médicales ou épidémiologiques. La lutte contre le changement climatique aura également besoin de mesures décidées verticalement : si nous attendons que chacun prenne les mesures qui s’imposent, nous risquons d’attendre longtemps.

    Le nécessité d’une solidarité planétaire
    Le changement climatique et la pandémie du coronavirus présentent de nombreuses caractéristiques communes : l’ensemble des pays du monde, ou presque, sont touchés, et les scientifiques recommandent la mise en place urgente de mesures drastiques. Dans les deux cas, les réponses mises en œuvre ont d’abord pour but de protéger les plus vulnérables.

    En cela, c’est une remarquable leçon de solidarité. Mais cette solidarité reste pour l’instant confinée aux frontières nationales, qui d’ailleurs se ferment de plus en plus : il n’y a pas une gestion mondiale de la crise, mais une myriade de gestions nationales, souvent très différentes d’un pays à l’autre. Le changement climatique nous demande une solidarité au-delà des frontières, et pas uniquement à l’intérieur de celles-ci : on peut questionner l’utilité de fermer les frontières pour ralentir la propagation du virus, mais il est certain que les émissions de gaz à effet de serre ne s’arrêteront pas aux frontières.

    Et surtout, les mesures de lutte contre le coronavirus sont des mesures imposées par l’état de nécessité : nous ne les avons pas choisies, nous les subissons. Les mesures pour lutter contre le changement climatique devront être choisies. Comment passer de l’un à l’autre, du subi au choisi ? Tout l’enjeu est là. Car les réponses à la crise du coronavirus sont aussi un appel à retrouver le sens du commun. Et elles nous montrent qu’il est possible de prendre des mesures radicales et urgentes face à un danger imminent. Puissions-nous en tirer les leçons qui s’imposent dans le combat contre le changement climatique.

  • « La limitation de la casse économique ne doit pas prévaloir sur la limitation de la #casse_sanitaire »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/20/la-limitation-de-la-casse-economique-ne-doit-pas-prevaloir-sur-la-limitation

    La limitation de la casse économique ne doit pas prévaloir sur la limitation de la casse sanitaire »
    TRIBUNE
    Collectif

    Pour que le confinement soit efficace, des fonctionnaires de la santé, des affaires sociales et de l’économie appellent le gouvernement à imposer aux entreprises non essentielles l’arrêt de leur activité.

    Tribune. Depuis désormais quelques semaines, nous savons que la progression de la pandémie du Covid-19 (coronavirus) est inéluctable et qu’elle aura des conséquences gravissimes. Pourtant, malgré un discours martial, notre gouvernement temporise. L’urgence est cependant bien là : tant qu’il est encore temps, arrêtons l’économie ordinaire.

    Emmanuel Macron et Edouard Philippe affichent une prise de conscience de la gravité de la crise mais, « en même temps », ils ne se donnent pas les moyens de tout faire pour l’arrêter

    Dans une économie de « guerre » contre le virus, comme le répètent les pouvoirs publics, ne devraient plus exister que trois objectifs : équiper les personnes qui sont devant, approvisionner celles qui sont derrières, et protéger tout le monde. C’est tout le paradoxe de l’utilisation de cette image par Emmanuel Macron et Edouard Philippe : ils affichent une prise de conscience de la gravité de la crise mais, « en même temps », ils ne se donnent pas les moyens de tout faire pour l’arrêter.

    On le sait, les mesures de confinement sont le seul outil efficace dont nous disposons pour lutter contre la propagation de l’épidémie. Certes, le confinement a été partiellement mis en place, mais celui-ci repose sur une ligne directrice annoncée très clairement : la « responsabilité individuelle ». Les salariés non indispensables à l’économie ne sont pas tenus de s’arrêter, et l’impossibilité de télétravail est même un des motifs de laissez-passer officiel. Des travailleurs du bâtiment, de l’industrie, des banques, de l’artisanat sont encouragés à venir sur leur lieu de travail alors que leur activité n’a rien d’essentiel dans la crise que nous vivons. Chaque activité professionnelle présentielle maintenue fragilise pourtant le dispositif de « distanciation sociale » mis en place.

    Tension à son paroxysme
    Dans le même temps, on laisse les travailleurs des secteurs essentiels – agroalimentaire, traitement des déchets, chaînes logistiques alimentaires – continuer à travailler sans sécuriser leurs modalités de travail. Le maintien de ces activités renforce les inégalités déjà présentes habituellement : là où la majorité des cadres peut télétravailler, les autres salariés sont sommés de se rendre sur leur lieu de travail. Cette décision accroît en outre la tension, aujourd’hui à son comble, sur les biens sanitaires de première nécessité : masques, gel hydroalcoolique, gants, etc.

    Lire aussi Coronavirus : suivez la propagation de la pandémie en France et dans le monde
    Cette tension arrive à son paroxysme chez les soignants. Dans les hôpitaux, les cabinets médicaux du pays, tous n’ont qu’une seule demande : pouvoir exercer leur métier sans se mettre en danger, et donc sans mettre en danger leurs patients. Ils et elles demandent des masques. Ceux-ci n’arrivent – au mieux – qu’au compte-gouttes et avec retard, accroissant encore la tension et le risque. On ne sait jamais quand, on ne sait jamais combien. Et tant que n’existera pas un discours clair au plus haut niveau de l’Etat, cela sera toujours trop tard et pas assez. Le dire devient urgent et indispensable : nous allons devoir gérer une pénurie grave. Et tous les moyens disponibles vont devoir être orientés vers la santé.

    Trois mesures pourraient être prises immédiatement
    Il est urgent d’inverser les priorités : la limitation de la casse économique ne doit pas continuer à prévaloir sur la limitation de la casse sanitaire. Trois mesures pourraient pourtant être prises immédiatement :

    Réquisitionner les moyens de production des entreprises capables de produire masques, gels hydroalcooliques, respirateurs et autres matériels sanitaires.
    Définir les secteurs d’activité qui ne sont pas essentiels à la vie de la nation et imposer aux entreprises concernées l’arrêt de leur activité le temps d’enrayer l’épidémie.
    Contrôler strictement le respect des règles sanitaires et des mesures de protection des salariés dans les entreprises et les services essentiels à la vie de la nation.
    Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que le gouvernement est vraisemblablement conscient qu’il faudra finalement s’y résoudre. Mais il retarde ses décisions et les prend au compte-gouttes, comme si gagner un jour ou deux d’ouverture des magasins ou un tour d’élections municipales avait la moindre importance et ne mettait pas gravement la population en danger.

    Nous avons déjà changé de monde et le gouvernement fait mine de ne pas le voir

    Nous avons déjà changé de monde et le gouvernement fait mine de ne pas le voir. Que les Bourses dévissent n’a aucune espèce d’importance : pendant cette crise, le marché est à l’arrêt et c’est la logistique qui a déjà pris le dessus afin d’organiser la distribution à la population des biens de première nécessité. Que la production et la consommation décrochent est une évidence, cela devrait devenir un quasi-objectif : plus nous resterons chez nous, plus nous ferons plonger l’activité économique, mais surtout plus vite nous contrôlerons l’épidémie.

    Lire aussi Coronavirus : comment l’Europe est devenue l’« épicentre » de la pandémie
    Bien sûr, il faut soutenir les entreprises : elles sont la condition d’une reprise, demain. Le maintien des collectifs de travail est une nécessité. Le maintien de leur activité est également souhaitable, mais si et seulement si il n’aggrave pas la crise et ne met pas inutilement en danger la santé des travailleurs et des travailleuses. Dans tous les cas où l’activité doit se faire en présentiel et n’est pas strictement indispensable à la lutte contre la propagation du virus ou aux besoins essentiels de la population, il faut arrêter l’économie. Garantir totalement le maintien dans l’emploi, garantir les salaires, garantir tous les minima sociaux et revenus de remplacement, mais arrêter l’activité. Mettre l’économie sous perfusion, creuser la dette publique, mais endiguer la progression du virus.

    Inverser drastiquement nos priorités
    C’est un appel grave et solennel que nous faisons : prenons la mesure de la gravité de la crise qui est devant nous. Mettons de côté les croyances et les dogmes liés au « bon fonctionnement du marché », et mettons tout au service de la sortie de crise. Entrer réellement en guerre contre le virus nécessite d’inverser drastiquement nos priorités et de n’en conserver que trois : la santé, avant tout autre chose, l’approvisionnement, qui permet l’effort sanitaire et garantit une vie décente pour la population confinée, et la protection des personnes qui soignent et qui approvisionnent. Toute notre énergie doit être dirigée vers ces seuls objectifs, par exigence de justice et par souci d’efficacité. Toutes les autres activités ne sont pas seulement inutiles, elles sont dangereuses. Il est urgent de les arrêter.

    Léa Guessier est le pseudonyme d’un collectif de #fonctionnaires et de #hauts_fonctionnaires – tenus au devoir de réserve – en poste dans des ministères, collectivités et établissements publics des secteurs de l’#économie et des #finances, de la #santé et des affaires sociales, de la sécurité sociale, du #travail et de l’#emploi.

  • « Relocaliser n’est plus une option mais une condition de survie de nos systèmes économiques et sociaux »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/22/relocaliser-n-est-plus-une-option-mais-une-condition-de-survie-de-nos-system

    Pour les économistes Maxime Combes, Geneviève Azam, Thomas Coutrot et le sociologue Christophe Aguiton, « l’histoire n’est pas écrite » et il existe encore des moyens pour faire basculer la mondialisation du côté de la réduction des inégalités, expliquent-ils, dans une tribune au « Monde ».

    « Dans l’industrie pharmaceutique () 80 % des principes actifs des médicaments sont importés de Chine et d’Inde, contre 20 % il y a trente ans ». Photo : Le port de Busan (Corée du Sud) avec des conteneurs. Philippe Turpin / Photononstop

    Tribune
    En moins de deux mois, la pandémie due au coronavirus rebat déjà les cartes de la globalisation économique. L’allongement continu des chaînes d’approvisionnement et de la division internationale du travail depuis plus de trente ans, ainsi que leur fonctionnement à flux tendus, sont désormais perçues comme des sources de danger difficilement supportables et justifiables.

    L’industrie pharmaceutique, qui a délocalisé des pans entiers de son appareil productif au point que 80 % des principes actifs des médicaments sont désormais importés de Chine et d’Inde, contre 20 % il y a trente ans, est citée en exemple des secteurs à relocaliser. Ce terme de « relocalisation » est désormais dans tous les discours, y compris de ceux qui n’ont cessé d’oeuvrer depuis des années à l’approfondissement de la mondialisation néolibérale au nom de l’abaissement des coûts.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’emboîtement de quatre crises met en lumière les limites des marchés »

    Sans pour autant que le contenu même des choix d’investissement et de production ne soit interrogé, ne faut-il ajouter à la compétitivité-coût, qui a guidé les choix des investisseurs depuis des années, que le seul critère de « compétitivité-risque », comme cela est désormais évoqué ? Ou bien faut-il interroger le contenu même de ces productions, de leur mode de financement, de leur impact sur la planète et de la qualité des emplois qu’elles font vivre ?
    Le symptôme d’une mal-organisation du monde

    Les appels à la relocalisation et à la relance de l’économie ne sauraient, en effet, masquer le caractère intrinsèquement insoutenable du système productif mondial : dans son rapport « Global Resources Outlook to 2060 », l’ Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que l’extraction de ressources naturelles devra augmenter de 111% (150% pour les métaux et 135% pour les minéraux) pour alimenter une croissance annuelle mondiale de 2,8% d’ici à 2060. Relocalisé et relancé au nom de formes de protectionnisme revisités, un tel modèle économique n’en reste pas moins insoutenable et non-désirable.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La crise du coronavirus doit amener l’Europe à changer de logiciel économique »

    La crise du coronavirus apparaît, en effet, comme le symptôme d’une mal-organisation du monde qui ne peut que favoriser la prolifération d’événements incontrôlables prenant une dimension de déstabilisation systémique. Sans en être la cause profonde – qui réside dans l’envolée des inégalités et d’une bulle financière gonflée par les Banques centrales depuis dix ans – le coronavirus met le feu à une économie mondiale dramatiquement instable. Qu’en sera-t-il lorsque les dérèglements climatiques et l’effondrement écologique documentés par les scientifiques produiront leur plein effet, c’est-à-dire dès demain, et au plus tard après-demain ?

    Avoir confié aux seuls marchés financiers et entreprises multinationales la majeure partie de l’économie et de son financement, faisant de la seule rentabilité financière à court terme le critère de décision majeur, joue comme un facteur d’aggravation et d’emballement dans des situations défavorables telles qu’une crise sanitaire. Outre, une fragilité financière décuplée, le dumping social, écologique, fiscal tel qu’il a été organisé par trois décennies d’accords de libéralisation du commerce et de l’investissement, a clairement réduit les capacités de résistance et de résilience de nos systèmes économiques et sociaux mais également, on le voit, sanitaires.
    L’exigence d’une relocalisation des activités

    Tout comme les réponses à apporter aux dérèglements climatiques, les mesures sanitaires, économiques et sociales pour faire face à la pandémie du coronavirus devraient être à solidarité internationale obligatoire. On constate, au contraire, une prolifération de mesures nationales, pour ne pas dire nationalistes souvent contradictoires entre elles, consistant à organiser la compétition pour l’accès aux matériels médicaux (masques, tests de dépistage, machines respiratoires) et à pointer le danger que représentent le voisin chinois ou italien ou les réponses apportées par les autres pays.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Mireille Delmas-Marty : « Profitons de la pandémie pour faire la paix avec la Terre »

    L’exigence d’une relocalisation des activités pour réduire notre empreinte écologique et générer des emplois pérennes et de qualité, en faisant jouer la coopération et la solidarité internationale, devrait guider les choix structurels à prendre dans les semaines à venir. Relocaliser n’est plus une option mais une condition de survie de nos systèmes économiques et sociaux, mais aussi des populations. Il est temps de faire décroître les flux de capitaux et de marchandises et de réduire la place des secteurs toxiques pour la biosphère (énergies fossiles, chimie et agro-industrie, électronique, etc).

    Oublier l’un des termes de l’équation reviendrait à aggraver l’une ou l’autre des sources de déstabilisation mondiale actuellement à l’oeuvre : urgence écologique, migrations, guerres et tensions géopolitiques, montée des autoritarismes, ralentissement du commerce mondial, endettements et marchés financiers hors contrôle, crises sanitaires, sont autant de dimensions interdépendantes de la mondialisation auxquelles il faut essayer de répondre conjointement.
    Les indispensables régulations publiques

    Les forces anti-incendies le savent : quand le feu se déploie, il faut à la fois lutter sans relâche pour en limiter la propagation, mais aussi, et en même temps, s’assurer qu’il ne puisse pas reprendre, attisé par des foyers secondaires et des causes externes défavorables. Alors que les lobbys bancaires n’ont cessé de rogner les dispositifs prudentiels déjà insuffisants mis en place après la crise de 2008, ils profitent de la crise actuelle pour relancer leur travail de sape. Ce sont pourtant les régulations publiques qui permettent de naviguer par gros temps qui devraient être renforcées.

    L’histoire n’est pas écrite. Elle regorge de moments où des événements imprévus, des guerres, des chocs politiques ou des mouvements sociaux ont accéléré des processus en cours ou permis des bascules imprévisibles. Il est de notre responsabilité collective de faire basculer le monde du côté de la solidarité, de la soutenabilité, de la réduction des inégalités, en deux mots vers un monde vivable et désirable. Il faudra pour cela que nos sociétés retirent le pouvoir des mains des barons des affaires, des illuminés de la technoscience et de leurs représentants politiques.

    Les signataires : Maxime Combes, Geneviève Azam, Thomas Coutrot économistes et Christophe Aguiton sociologue et tous membres d’Attac France.

    #Coronavirus #Transition_écologique #Relocalisation

  • Les libertés publiques à l’épreuve du coronavirus
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/20/les-libertes-publiques-a-l-epreuve-du-covid-19_6033764_3232.html

    EnquêteLe coronavirus autorise la mise entre parenthèses d’un certain nombre de valeurs qui fondent le contrat social. Mais la liberté d’informer reste essentielle pour lutter contre la propagation de l’épidémie. La progression fulgurante de l’épidémie de Covid-19 le confirme chaque jour un peu plus : le respect des libertés publiques fondamentales des citoyens, principe au cœur des démocraties, est difficilement compatible avec la gestion sanitaire d’une crise de cette ampleur. « Tout le malheur des (...)

    #bracelet #législation #santé #surveillance

    ##santé

  • Comment ne pas apprendre les leçons sanitaires asiatiques

    Jean-François Delfraissy : « Nous avons une vision à quatre semaines » - ce monsieur est le président du conseil scientifique du gouvernement sur le COVIS-19
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/20/jean-francois-delfraissy-nous-avons-une-vision-a-quatre-semaines_6033854_324

    Parmi les stratégies envisageables, il y a celle qu’a appliquée la Corée du Sud. Elle associe une très large quantité de tests et un suivi des personnes testées positives en ayant recours à une application numérique permettant de tracer les individus, ce qui représente une atteinte aux libertés.
    [...]
    Pourquoi ne pas avoir mis en œuvre sans attendre cette stratégie ?

    Parce que nous en sommes incapables et que ce n’est pas l’enjeu dans la phase de montée de l’épidémie. Nous ne possédons pas les capacités de tester à la même échelle que la Corée du Sud. En France, environ 8 000 tests sont réalisés chaque jour. Les laboratoires privés vont s’y ajouter mais nous avons un énorme problème avec les réactifs utilisés dans les tests. Ces réactifs de base proviennent de Chine et des Etats-Unis. La machine de production s’est arrêtée en Chine et les Etats-Unis les gardent pour eux.

    Quand avez-vous perçu que notre système de soins aurait des difficultés à faire face à l’épidémie ?
    Au début de la crise sanitaire italienne. Des discussions avec des collègues scientifiques et des modélisations que j’ai pu consulter fin février-début mars m’ont convaincu des difficultés à venir.

    Autrement dit, les responsables sanitaires de notre pays ont mis un mois à comprendre ce qui se passait en Chine, et ont complètement ignoré les réponses mises en oeuvre en Asie, avec une efficacité certaine.
    Par ailleurs, notre système sanitaire se révèle totalement dépendant de fournisseurs qui, en tant de crises, sont eux mêmes à l’arrêt ou mettent en oeuvre une stratégie de réquisition - ce que la France a d’ailleurs décidé il y a quelques jours pour les masques.

    Et les masques justement ?
    Le dénigrement du masque en Europe suscite la consternation en Asie, par Brice Pedroletti, correspondant du Monde en Chine
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/21/le-denigrement-du-masque-en-europe-suscite-la-consternation-en-asie_6033926_

    Le port préventif du masque a contribué à juguler les contaminations dans les pays développés d’Extrême-Orient, où l’appel à ne pas en porter en France si l’on n’est pas malade est vu comme une grave erreur.
    Le confinement généralisé de la population en France, après l’Italie et l’Espagne, rend perplexes les pays développés d’Asie. Ceux-ci voient tout à coup des sociétés aux économies sophistiquées n’avoir comme seule solution pour contrer l’explosion des contaminations que de recourir à une méthode primitive, au coût économique immense, que seule la Chine autoritaire, la première touchée par l’épidémie, a dû mettre en œuvre.

    En serions-nous arrivés là si nous n’avions pas regardé de haut les mesures prophylactiques mises en place par les tigres asiatiques ? Celles-là même qui ont permis à Taïwan, Hongkong, la Corée du Sud et Singapour, et aussi, jusqu’à aujourd’hui le Japon, de se protéger d’une propagation exponentielle du virus. Voire, comme pour la Corée du Sud, de la juguler.

    Une telle riposte, aux allures de ratage, laisse aujourd’hui un goût amer à ces pays qui doivent désormais se barricader contre l’arrivée de personnes infectées, venues non plus de Chine directement, mais de pays contaminés dans un deuxième temps.

    Tous ces Etats asiatiques ont tiré des leçons de l’épisode de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) survenu en 2003, du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en 2015 et de plusieurs accès de grippe aviaire. Les aéroports de la région s’étaient alors dotés de caméras infrarouges mesurant la température des passagers, une mesure écartée en France au prétexte que « son efficacité n’est pas prouvée ». Les voyageurs ont pris l’habitude de remplir des formulaires de santé pour les remettre à des préposés en blouse blanche.

    Face à l’épidémie de Covid-19, ces protocoles ont été très vite activés et enrichis de nouveaux dispositifs, afin d’établir la traçabilité des personnes déclarées plus tard infectées. Des mises en quarantaine ont ciblé les individus venant de zones infectées, ainsi que des restrictions à l’entrée du territoire – du moins à Taïwan, Hongkong et Singapour.

    La mise à disposition de gels hydroalcooliques dans les lieux publics et la désinfection régulière des surfaces ont été la règle depuis le début. Enfin, les gouvernements se sont vite assurés que des masques étaient disponibles – tout en en réservant suffisamment, et de qualité supérieure, au personnel médical. Certains pays comme la Corée du Sud ont misé sur le dépistage massif, avec succès.

    Mode de confinement ambulant
    En France, comme dans le reste du Vieux Continent, cette chaîne prophylactique est largement incomplète, du moins vue d’Asie. Ainsi du port préventif du masque, qui n’est autre qu’un mode de confinement ambulant et individuel très largement présent dans la panoplie de la région.

    A Hongkong, le microbiologiste Yuen Kwok-yung qui conseille le gouvernement de la région autonome et a fait partie de la délégation de scientifiques qui a visité la ville chinoise de Wuhan en janvier, épicentre de l’épidémie, a immédiatement préconisé le port « universel » du masque du fait des caractéristiques du virus, très présent dans la salive : pour se protéger soi, mais aussi les autres, en raison de la contagiosité de personnes asymptomatiques ou ressentant peu de symptômes.

    Le masque relève en Asie du « bon sens » : une rame de métro bondée où des gens discutent entre eux, soupirent et toussent est le scénario idéal de propagation de l’infection. Dans les villes chinoises, il est ainsi devenu au plus fort de l’épidémie interdit de se déplacer sans masque – ce qui a permis d’autoriser les sorties, tout en régulant leur fréquence au niveau de chaque immeuble. « Vous voulez stopper l’épidémie ? Mettez un masque ! », a lancé Hu Shuli, la fondatrice du site d’information chinois Caixin, dans un édito daté du 19 mars à l’attention des Occidentaux.

    Née il y a des décennies au Japon, où c’est une politesse pour les gens se sentant malades d’en porter, la culture du masque s’est généralisée lors de la crise du SRAS dans toute l’Asie du Nord-Est. En Chine, la pollution de l’air en a fait un attribut normal du citadin, qui en fait des réserves chez lui.

    Aussi, les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), reprises par les pouvoirs publics en France, de n’en porter que si l’on est « malade » ont dérouté en Asie, tout comme l’argument selon lequel les différentes normes de masques rendent compliquée son utilisation.

    Résultat du déni initial
    Cela a nourri une culture du déni, et du dénigrement : des vidéos d’incidents montrant des Asiatiques conspués précisément parce qu’ils portaient des masques dans le métro à Paris ont profondément choqué en Asie. Comme le fait que le personnel en contact avec le public français – les policiers, les caissières, les serveurs et le personnel médical non urgentiste – susceptible de propager le virus n’en porte pas. Le port de masque est même parfois proscrit pour le personnel de vente en France par crainte de « faire fuir le client » – l’inverse de l’Asie où un vendeur sans masque indispose.

    L’autre argument mis en avant en Europe est de prévenir la pénurie de masques pour le personnel médical. Or, celle-ci a bien lieu, alors que la Chine a rétabli ses stocks et souhaite en livrer aux Etats européens. Les pays d’Asie ont connu des difficultés d’approvisionnement en masques en janvier. La Corée du Sud a mis en place des mesures de rationnement. D’autres ont dopé leurs productions face à la demande.

    A Hongkong, des fabriques ont surgi pour en confectionner. A Taïwan, des associations industrielles ont uni leurs forces pour monter soixante lignes de production en un mois. En Chine, General Motors et le constructeur de voitures électriques BYD ont décidé d’en fabriquer en masse. Une réponse dans l’urgence en forme de leçon pour l’Europe.

    Je pense qu’il faudra à un moment donné s’interroger sur les préjugés anti-chinois et anti-asiatiques qui sont derrière ce déni, où les habitants de ce continent sont vus comme sales, crachant partout, et mangeant des animaux sauvages, comme le pointe Anna Moï, écrivaine franco-vietnamienne, qui relate comment, à l’inverse, ce sont les touristes occidentaux comme porteurs insouciants du virus qui sont stigmatisés au Vietnam :

    Coronavirus : « Cela n’arrive qu’aux autres, aux pauvres, aux consommateurs de chauve-souris et autres animaux dégoûtants »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/22/coronavirus-cela-n-arrive-qu-aux-autres-aux-pauvres-aux-consommateurs-de-cha

    Nous ignorons les avertissements. Le fait de vivre en France nous immunise. Cela n’arrive qu’aux autres, aux pauvres, aux consommateurs de chauve-souris et autres animaux dégoûtants.
    [...]
    Après la patiente n° 17, on passe aux cas n° 39 puis n° 76, un Français de 52 ans. Sur l’ensemble des malades, vingt-deux sont des étrangers. La presse parle de progression exponentielle. La plupart des nouvelles contaminations ont pour origine des voyageurs venus du vieux continent.

    Sur la route du delta du Mékong, aux aires de repos, des vigiles armés de drapeaux rouges frénétiquement agités s’opposent au stationnement des cars de touristes occidentaux. Les hôtels et restaurants ferment les uns après les autres. Les bateaux de tourisme de la baie d’Halong sont interdits de croisière après que des passagers anglais ont été testés positifs au coronavirus sur une jonque. A Hanoï, les visiteurs d’origine caucasienne font profil bas.

    La discrimination a changé de visage.

    En France, pendant la même période, la contamination est également exponentielle. Neuf mille individus sont infectés par le virus. Tous ne sont pas des croqueurs de chauve-souris.

    #coronavirus #Asie #masques #tests #distance_sanitaire

  • Coronavirus : « Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/20/coronavirus-sauvegardons-les-droits-fondamentaux-pendant-la-crise-sanitaire_

    Tribune. Les mesures annoncées par le président de la République imposent à toute la population résidant en France un confinement et une « distanciation sociale » destinés à limiter les risques de propagation du virus Covid-19. Ces mesures, nécessaires, doivent être mises en œuvre en gardant à l’esprit les difficultés de la vie quotidienne qu’éprouvent les personnes les plus précaires et les plus fragiles, et l’exigence de garantir l’égalité de traitement de toutes et de tous comme le plein exercice des droits fondamentaux.

    Dans les circonstances que nous connaissons, les personnes enfermées, isolées, celles qui vivent à la rue, qui ont besoin d’aide sociale pour une partie de leurs besoins fondamentaux, seront les premières à subir une double peine si rien n’est fait pour les accompagner. Ces mesures jettent notamment une lumière cruelle sur les conditions de promiscuité qui prévalent dans les prisons et les centres de rétention administrative que l’hébergement collectif, une hygiène souvent défaillante et des locaux exigus risquent de transformer en foyers de propagation du virus que l’on voudrait combattre.

    Le risque sanitaire touche les hommes, les femmes et les mineurs qui y sont enfermés, ainsi que les professionnels qui les prennent en charge, eux-mêmes susceptibles de transmettre la maladie à leurs proches. En temps ordinaire déjà, nous n’avons de cesse de dénoncer les conditions d’enfermement qui prévalent dans les prisons et les centres de rétention administrative (CRA).

    Les mesures prises ne sont pas à la hauteur de la situation

    La Cour européenne des droits de l’homme a récemment condamné la France considérant les conditions de détention au sein de ses établissements surpeuplés comme un traitement inhumain et dégradant. Pendant la période du confinement toutes ces conditions sont aggravées : les sorties de cellule sont réduites, les soignants mobilisés ailleurs, les enseignants confinés chez eux, la « distanciation sociale » est impossible et les personnes fragiles ne peuvent pas être isolées.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Coronavirus : « Réduisons le nombre de personnes incarcérées pour de courtes peines ou en fin de peine »

    Le Défenseur des droits, la Contrôleure générale de lieux de privation de liberté et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, saisis par des personnes enfermées, par des associations et par des professionnels, ont déjà, chacun dans leur champ de compétence, alerté les ministres de la justice et de l’intérieur sur la situation des lieux d’enfermement. Des associations ou des organisations professionnelles ont également fait entendre leur voix. Des premières décisions ont été prises à la suite de ces interventions, mais elles ne sont pas encore à la mesure des risques encourus.

    Dans les prisons tout d’abord, où les contacts avec l’extérieur, familles et avocats, ont été suspendus, une aide de 40 euros pour le téléphone et la gratuité de la télévision ont été prévues. Et une régulation de l’occupation des maisons d’arrêt a été amorcée sous la forme d’un différé de la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement. Mais des contraintes nouvelles sont apparues : le travail, la scolarité, la formation et les activités sont suspendus et les associations ont cessé leurs activités. Les personnes détenues se trouvent donc souvent enfermées dans la promiscuité au moins vingt-deux heures sur vingt-quatre.

    Faire sortir les personnes vulnérables des maisons d’arrêt

    L’Etat ne peut pas plus longtemps surseoir à la recherche de l’encellulement individuel que la loi lui a, à de nombreuses reprises, imposé en vain. C’est la condition nécessaire pour que l’on puisse considérer que les personnes détenues sont confinées à l’instar de toute la population, et non simplement « entassées ».

    Pour cela, il faut réduire le nombre des personnes détenues dans les maisons d’arrêt à la fois en différant la mise à exécution des courtes peines, comme cela a été commencé, et en prenant de manière rapide et massive les mesures nécessaires pour faire sortir sans délai, et sans s’interdire les voies de la grâce ou de l’amnistie, les personnes détenues les plus proches de leur fin de peine, en particulier les mineurs et les personnes particulièrement vulnérables, dépendantes, ou souffrant de pathologies chroniques ou de troubles mentaux.

    Dans les CRA, les conditions de rétention méconnaissent toutes les directives des autorités sanitaires. Dans certains centres, aucune information n’est donnée à la population retenue, l’hébergement est organisé dans la promiscuité, la restauration collective est maintenue et toute protection, tant de la population retenue que des fonctionnaires de police, fait défaut.

    Dans un contexte de réduction drastique des vols internationaux, la perspective de reconduite des personnes retenues n’est plus envisageable à court terme ; dès lors la mesure de rétention elle-même se trouve dépourvue de fondement juridique car la loi n’autorise la rétention que pour la préparation d’un éloignement. Le maintien d’étrangers en rétention n’est donc pas seulement une prise de risque, c’est aussi une privation de liberté illégale.

    Un haut risque sanitaire

    Pourtant, le ministère de l’intérieur, alors même qu’il existe des « porteurs sains », persiste à envisager le placement en rétention des « étrangers en situation irrégulière qui ne présentent pas de symptômes évocateurs d’une infection par le covid-19 ». La rétention administrative est aujourd’hui une mesure à haut risque sanitaire dépourvue de fondement faute de possibilité d’éloignement.

    Il en est évidemment de même dans les zones d’attente au sein desquelles les conditions sanitaires sont comparables, l’accès au juge non garanti et le refoulement impossible. Aucune autre mesure raisonnable que la fermeture provisoire des centres de rétention et la suspension des placements en zone d’attente n’est donc possible.

    Dans certains établissements de santé (établissements hospitaliers, Ehpad, etc.), même si la situation est différente, la nécessaire protection de la santé des aidants, du personnel soignant et des mandataires justifie, faute de matériel de protection suffisant, l’interruption ou l’espacement des soins, des services d’aide à la personne à destination des plus vulnérables ainsi que de la protection judiciaire des « majeurs protégés ».
    Un appel à des mesures urgentes

    La prise en compte des besoins de ces populations fragiles passe par l’octroi de moyens adaptés à bref délai pour remédier à des situations de grande détresse, et des visites de contrôle régulières des Agences régionales de santé.

    Enfin, au moment où des mesures coercitives visant au maintien à domicile sont prises sur l’ensemble du territoire national, sous peine de sanction, se pose la question du confinement et de la protection des personnes qui vivent à la rue, en campements, en bidonvilles. Les situations sont traitées très différemment selon les lieux du territoire : alors que des campements sont démantelés et conduisent à la circulation de personnes potentiellement infectées, d’autres sont au contraire confinés, empêchant les occupants d’accéder aux points d’eau et aux distributions de repas effectuées à l’extérieur, soit à leurs droits les plus fondamentaux.

    Dans ce contexte, le ralentissement voire la suspension des dispositifs d’accueil des mineurs non accompagnés pose des difficultés revêtant un caractère d’urgence absolue, que ces jeunes soient laissés à la rue, sans protection, ou confinés à l’hôtel, structure bien peu adaptée à leur prise en charge. En tout état de cause, la verbalisation de ces personnes, en l’absence d’attestations justifiant de leur sortie, est particulièrement inappropriée et injuste.

    Nous appelons à ce que les mesures urgentes prises pour répondre à la nature exceptionnelle de ce risque sanitaire soient proportionnées, et à ce que l’Etat mette en œuvre son devoir d’assistance pour assurer l’égale dignité de toutes et de tous.

    Jacques Toubon(Défenseur des droits), Adeline Hazan(Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté) et Jean-Marie Burguburu(Président de de la Commission nationale consultative des droits de l’homme)

  • Le revenu d’existence, pour « calmer le jeu en situation de crise »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/19/le-revenu-d-existence-pour-calmer-le-jeu-en-situation-de-crise_6033630_3232.

    Denis Consigny, promoteur du revenu universel de base, explique dans une tribune au « Monde » qu’une telle formule écarterait le risque de perdre sa rémunération lorsqu’une catastrophe bloque les circuits de l’économie.

    Tribune. Les effets économiques de la crise sanitaire que nous vivons mettent en évidence une aspiration à une sécurité collective, en quelque sorte une demande de robustesse de notre modèle économique et social face aux catastrophes, qu’elles soient industrielles, climatiques ou épidémiques, qui peuvent s’abattre sur nous.

    Jusqu’à présent, les différents projets de distribution de revenus ou de capitaux de façon universelle et inconditionnelle ont été essentiellement présentés sous l’angle de leur contribution à la lutte contre la pauvreté : dans une société hostile, où le moindre accident de cursus scolaire, de carrière professionnelle ou de vie familiale peut déboucher sur la précarité et l’exclusion, l’assurance pour chacun de pouvoir compter en toutes circonstances sur un minimum de ressources représenterait en effet un progrès considérable.

    Stress puis mort économique

    Mais l’aspiration sécuritaire qu’expriment nos concitoyens et qu’exploitent plus ou moins habilement les politiques ne se limite plus à la somme des cas particuliers de chacun. Nous vivons une période où les responsables en sont réduits à choisir entre relativement peu de morts moyennant beaucoup d’emplois détruits, et relativement peu d’emplois détruits moyennant beaucoup de morts.

    L’une des raisons de cette situation est que notre organisation sociofiscale ne prévoit pas de mode de fonctionnement dégradé : le seul vecteur de circulation de l’argent dans le corps social est l’activité économique instantanée, les différentes ponctions et redistributions n’intervenant qu’a posteriori, après un temps de réaction long et avec de faibles marges d’adaptation, régies par des mécanismes abscons.
    De plus, dans un système où l’argent-dette est majoritaire, tout ralentissement de la croissance a des conséquences délétères sur les situations des personnes physiques comme des personnes morales qui, sauf à disposer de réserves substantielles, se trouvent rapidement en situation de stress puis de mort économique.

    Minimum alimentaire vital

    Dans ce contexte, un revenu d’existence universel et inconditionnel présenterait en situation de crise l’avantage de permettre, aussi longtemps que nécessaire, de calmer le jeu. Il suffirait de porter son montant au niveau du minimum alimentaire vital et il serait alors possible de figer l’activité marchande, à l’exception des secteurs de la santé et de l’agroalimentaire. Et ce sans trop injurier l’avenir économique, c’est-à-dire sans obliger quiconque à « voler pour survivre », ni sans asphyxier les entreprises ayant des masses salariales prépondérantes dans leurs comptes d’exploitation : le versement des salaires et charges, mais aussi des loyers et échéances d’emprunts, pourraient ainsi être suspendus pendant la durée du confinement.
    Le revenu universel, une idée neuve en Europe : nos tribunes
    « Le revenu de base est passé de l’utopie philosophique à une possibilité concrète », par Chloé Bonifas, Camille Lambert et Nicole Teke, membres du Mouvement français pour un revenu de base
    « La fracture patrimoniale a des conséquences délétères sur notre société », Denis Consigny est ingénieur, président de l’Association intergénérations pour le capital universel (AICU)

    « En France, il s’agit avant tout d’une nécessaire réforme de l’impôt sur le revenu », par Marc de Basquiat, ingénieur et docteur en économie, fondateur de StepLine Conseil, président de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence
    « Le revenu universel permet de démocratiser le mérite, qui n’est pas une notion démocratique », entretien avec Martine Alcorta, élue écologiste indépendante au conseil régional de Nouvelle-Aquitaine.
    Idéalement, la sortie de trésorerie ponctuelle que subirait le Trésor public pourrait être compensée à court terme par la même quantité de création monétaire mise à sa disposition par la Banque centrale européenne (BCE), et à long terme par les rentrées fiscales préservées du fait de la moindre destruction des actifs et des emplois.
    Des dispositifs simples et pragmatiques comme le capital universel, le revenu d’existence ou le dividende universel permettraient de calmer le jeu et de rendre la croissance « différable », en ralentissant lorsque nécessaire les roues de hamsters dans lesquelles nous nous épuisons, obsédés que nous sommes par la perspective de nous voir rattrapés par la ligne rouge du découvert.

    Déconnecter la circulation de l’argent dans le corps social de l’activité économique immédiate n’est peut-être plus un objectif aussi irréaliste qu’il n’y paraît. Cela pourrait même s’imposer comme une nécessité…
    Denis Consigny(Ingénieur, administrateur de L’Association pour l’instauration d’un Revenu d’existence (AIRE) et président de l’Association intergénérations pour le capital universel /AICU)

    #revenu_d'existence

  • Coronavirus : les graves insuffisances françaises
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/19/coronavirus-les-graves-insuffisances-francaises_6033636_3232.html

    Franck Nouchi : Les autorités tentent de masquer les carences logistiques par des arguments scientifiques à géométrie variable, notamment sur l’usage des #masques et l’utilisation des tests de #dépistage.

    L’ex-ministre de la santé, Agnès Buzyn, ne croyait pas si bien dire en parlant de « mascarade ». Après celle qui a consisté à organiser un scrutin électoral à la veille du confinement général du pays, le terme paraît également adapté à certains propos de Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, dans l’interview qu’il a accordée au Monde. Invité par notre journaliste à commenter le grand nombre de députés aujourd’hui infectés par le coronavirus et les mesures qui ont été prises pour éviter autant que faire se peut la dissémination du virus, M. Ferrand a cette réponse :
    « Même si le terme [de cluster] n’a pas été utilisé, il ne s’agit pas de chicaner, nous avons bien eu un foyer épidémique il y a deux semaines, avant la trêve parlementaire. Des études épidémiologiques ont été menées pour savoir qui a fréquenté qui et remonter la piste afin de prévenir les personnes qui ont été en contact avec les malades. Aujourd’hui, la notion même de cluster a disparu puisque la phase 3 implique la circulation du virus sur l’ensemble du territoire. »

    D’un point de vue épidémiologique, cette déclaration est stupéfiante. « Nous avons bien eu un foyer épidémique », reconnaît le quatrième personnage de l’Etat. L’utilisation du passé est une aberration. C’est comme si l’on disait : « Nous avons bien eu un foyer épidémique dans l’Oise, après la contamination de plusieurs personnes à la base militaire de Creil. » Ou encore : « Nous avons bien eu un foyer épidémique à Mulhouse à la suite du rassemblement de 2 500 personnes appartenant à une paroisse évangéliste. » Ces deux clusters continuent à disséminer dans toute la France, et il y a malheureusement fort à parier qu’ils sont pour beaucoup dans la réalité de la situation épidémiologique très inquiétante que connaît aujourd’hui notre pays.

    Record de cas à l’Assemblée
    Il en va de même avec le cluster de l’Assemblée nationale. Avec au moins dix-huit cas en quelques jours et d’autres pas encore testés (soit déjà au moins 4 % de nos 577 députés), cela doit être un record national. Peut-on savoir s’il y a eu des cas secondaires, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Assemblée nationale ?
    On l’a bien fait pour les autres clusters. Le curé et le maire de la Balme-de-Sillingy (Haute-Savoie), le pasteur de Mulhouse et les premiers députés touchés ont livré un formidable exemple de courage et surtout de civisme : ils ont donné à leurs paroissiens, leurs administrés, leurs électeurs, le moyen de s’identifier eux-mêmes comme exposés au virus, puisqu’ils savent mieux que quiconque s’ils ont été en contact avec eux, sans attendre un coup de téléphone des agences régionales de santé (ARS), manifestement débordées. N’est-ce pas un exemple à suivre ?

    Il est encore temps, en adoptant les bonnes mesures, d’empêcher la généralisation de l’épidémie
    Au fond, tout se passe comme si les autorités politiques avaient accepté l’idée d’une dissémination généralisée et homogène du virus sur l’ensemble du territoire. Rien n’est plus dangereux ! Même Boris Johnson a fini par l’admettre. Certaines régions, certaines villes sont beaucoup plus touchées que d’autres. Il est encore temps, en adoptant les bonnes mesures, d’empêcher la généralisation de l’épidémie.
    Après nous avoir dit qu’il y aurait des masques pour tout le monde, on découvre aujourd’hui qu’il a pénurie. Et du coup, l’on entend dire que les masques, mis à part le cas particulier des personnels soignants, ne servent à rien. Ah bon ? Une famille confinée dont l’un des membres, atteint non gravement du coronavirus ou malade mais pas testé, à qui on a dit de rester chez lui, ne devrait pas en bénéficier ? Même à cinq dans un deux ou un trois-pièces ? Et dans les Ehpad ? Cela ne servirait à rien de fournir des masques aux personnes et aux pensionnaires susceptibles d’avoir été contaminés ? On pourrait multiplier les exemples.

    Qu’en est-il des tests de dépistage ?
    Même chose pour les tests. Après nous avoir dit qu’il n’y aurait pas de problème d’approvisionnement, on apprend qu’ils sont délivrés au compte-gouttes, et que de toute manière, puisque, le stade 3 est advenu, ils ne servent plus à rien pour les malades qui n’ont pas besoin d’être hospitalisés.
    Dans les institutions confinées, comme par exemple les Ehpad, les foyers pour jeunes ou encore les prisons, la pratique d’un test de dépistage permettrait pourtant d’isoler les personnes contaminées. Même si l’on sait très bien que beaucoup de progrès restent à accomplir en matière de fiabilité de ces tests (la proportion de faux négatifs est loin d’être négligeable). En Corée du Sud, les autorités sanitaires ont proposé un test de dépistage à des centaines de milliers de personnes – à ce sujet, on aimerait beaucoup comprendre comment ils ont fait. Alliée à d’autres mesures de santé publique très strictes, cette stratégie a porté ses fruits. L’épidémie est en passe d’être maîtrisée.

    Il faudrait, dès à présent, #réquisitionner des hôtels, des centres de vacances…
    Test ou pas test, la question de l’#isolement des personnes susceptibles d’avoir été infectées est fondamentale. De quelle manière ? Soit dans une pièce séparée, si la configuration spatiale du lieu le permet, soit, à la manière dont ont procédé les Chinois, dans une structure d’accueil intermédiaire placée sous la surveillance de personnels de santé. Il faudrait, dès à présent, réquisitionner des hôtels, des centres de vacances, de manière à y installer, et à isoler, des personnes infectées qui n’ont pas les moyens – ou la possibilité – de s’isoler à leur domicile. C’est le seul moyen d’éviter la multiplication de clusters intrafamiliaux ou institutionnels.

    Encore une fois, ce qui se passe en Chine, où l’épidémie semble, pour l’heure, s’être arrêtée (restons très prudents !) est à observer de près. Les seuls cas déclarés pour l’heure à l’Organisation mondiale de la santé sont des cas d’importations. Que font les Chinois ? Ils confinent ces personnes qui reviennent de pays étrangers, non pas chez elles – elles risqueraient de transmettre le virus à leurs proches –, mais dans une structure intermédiaire spécialement prévue à cet effet et placée sous surveillance médicale.

    En résumé : plutôt que d’appliquer rigoureusement les règles essentielles de la santé publique sur la base d’arguments épidémiologiques aujourd’hui bien connus, on masque de graves insuffisances matérielles logistiques par de soi-disant arguments médico-scientifiques à géométrie variable. La mascarade continue.

    • Même si le terme [de cluster] n’a pas été utilisé, il ne s’agit pas de chicaner, nous avons bien eu un foyer épidémique il y a deux semaines, avant la trêve parlementaire.

      R. Ferrand, président de l’Assemblée nationale

      <injures censurées>
      il y a 2 semaines, donc autour du 5 mars, jour où démarrait ici officiellement un foyer entraînant les mesures de confinement. Soit confirmation officielle du #foutage_de_gueule

    • Coronavirus : les errements gouvernementaux depuis 2014 dans la gestion des masques, 1er avril 2020
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/01/coronavirus-les-errements-gouvernementaux-depuis-2014-dans-la-gestion-des-ma

      En mai 2013, une note du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale établissait la marche à suivre pour la gestion des masques en cas de crise sanitaire. Mais un changement de doctrine a eu lieu en août 2014 concernant les stocks stratégiques.

      En visite, mardi 31 mars, dans une fabrique de masques près d’Angers, Emmanuel Macron a déclaré : « Ma priorité est de produire des masques pour les soignants, dans le médico-social et dans le social. Il faut que jamais les personnels soignants qui sont en contact ne manquent de masques. C’est ma priorité. Quand nous aurons touché les commandes de masques, quand nous aurons augmenté notre capacité de production de masques FFP2, nous pourrons étudier comment équiper tous les personnels soignants et ensuite peut-être l’élargir à d’autres métiers. (…) Progressivement, on élargira, parce qu’il y a bien sûr une forte demande . »

      En écoutant le chef de l’Etat, de nombreux Français ont dû se poser deux questions très simples. Mais pourquoi diable ne produisons-nous pas nous-mêmes nos propres masques ? Pourquoi avoir attendu la fin du mois de mars pour commander aux Chinois, les plus gros producteurs de masques de la planète, un milliard d’unités ?

      « Répondre à une double exigence »

      Pour comprendre cette situation de grave pénurie, il faut remonter au 16 mai 2013, à une note de dix pages émanant des services du « premier ministre – secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale », au titre explicite : « Doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». Référencé N° 241/SGDSN/PSE/PSN, ce document réévalue ce que doit être l’attitude des employeurs, publics ou privés, en de telles circonstances.

      En préambule, il est écrit :
      « [Une] maladie infectieuse hautement pathogène à transmission respiratoire est une menace sanitaire majeure à caractère exceptionnel vis-à-vis du strict cadre “de la santé et de la sécurité au travail”. Face à un tel risque affectant tous les travailleurs, indépendamment de leur statut (salariés, travailleurs indépendants) et de leurs activités, il revient aux pouvoirs publics d’apporter une réponse globale. »
      La doctrine précise :
      « Il s’agit de répondre de la façon la plus adaptée à une double exigence : l’obligation de protéger le travailleur d’une part, la nécessité d’assurer, selon les nécessités dépendant de la nature de l’activité et des circonstances, la continuité des activités socio-économiques, en particulier celle des secteurs d’importance vitale. »

      Toutes les mesures barrières – les mêmes que celles qui ont été énoncées par les responsables sanitaires depuis le début de l’épidémie due au coronavirus – sont détaillées.

      Trois situations spécifiques

      Le document rappelle aussi l’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) du 1er juillet 2011. On y lit en particulier que le HCSP « privilégie le port de masques chirurgicaux pour les personnels en contact avec le public et les personnes se rendant dans des lieux publics, dès lors que la situation le nécessite ». Le HCSP considère que le port du masque FFP2 doit être réservé aux personnels directement exposés à un risque élevé, notamment les professionnels de santé exécutant des actes à risque.

      Cela posé, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) pose un premier principe :
      « Une maladie infectieuse hautement contagieuse à transmission respiratoire sort du strict cadre “de la santé et de la sécurité au travail” dans la mesure où l’on a affaire à une menace sanitaire majeure. »

      Trois types de situations et de mesures spécifiques de prévention des risques et de protection sont envisagées en fonction des conditions dans lesquelles s’exerce l’activité de travail, depuis la suppression totale de contact jusqu’au port d’un équipement de protection individuelle type FFP2, en passant par la possibilité de mettre en place des dispositions limitant la transmission de la maladie.

      « Situation 1 : mesures de suppression du risque de dissémination des agents pathogènes :
      a) Arrêt de l’activité lorsque les conditions rendent difficiles la mise en place d’autres mesures de protection ;
      b) travail à distance (contact par téléphone avec les usagers…).

      Situation 2 : mesures de limitation du risque de dissémination des agents pathogènes :
      a) Distance de sécurité entre les personnes (supérieure à 1 mètre selon l’OMS) ;
      b) écran physique tel qu’un écran antiagression ;
      c) port d’un masque antiprojection (masque chirurgical) par les travailleurs et par les usagers à leur contact.

      Situation 3 : mesures de limitation du risque de transmission de la maladie :
      Mise en place d’une protection individuelle avec le port d’un masque FFP2 lorsqu’il y a contact étroit sans possibilité de mettre en place une autre mesure. »

      Fait essentiel, le SGDSN ajoute ceci : « En situation 2, dès lors qu’aucune autre mesure de limitation du risque de dissémination des agents pathogènes, parmi celles présentées en situation 2a [distance de sécurité] ou 2b [écran physique] ne peut être prise, l’employeur devra prendre les mesures d’organisation nécessaires pour que les travailleurs ne soient en contact qu’avec des personnes à qui l’on aura préalablement distribué des masques antiprojection et qui les porteront effectivement. Il revient, in fine, à chaque employeur d’examiner, pour les différents postes, de quelles situations ils relèvent et d’évaluer les mesures les plus adaptées. »

      Ratés dans l’exécution

      Une remarque : l’idée de faire distribuer les masques par les employeurs peut tout à fait se justifier, du moins en théorie. Cela évite les délais d’acheminement, la détermination du nombre de masques à distribuer, etc. Mais à écouter les plaintes des personnels soignants et de nombre de personnes exposées au risque de contamination, il y a eu, pour le moins, des ratés dans l’exécution depuis le début de la crise liée au coronavirus.

      Ces ratés apparaissent d’autant plus importants lorsqu’on lit la suite de la note du SGDSN en 2013, à propos de la question cruciale de la gestion des stocks :
      « Il revient à chaque employeur de déterminer l’opportunité de constituer des stocks de masques pour protéger son personnel. Le cas échéant, le dimensionnement des stocks est sous-tendu par :
      − la durée prévisible d’une épidémie (une à plusieurs vagues de huit à douze semaines pour la grippe)
      − la durée d’utilisation d’un masque ;
      − le caractère à usage unique des masques ;
      − le recensement des tailles de populations cibles ;
      − la fourniture gratuite en nombre suffisant ;
      − les capacités de fabrication et d’approvisionnement pendant une crise. »

      La doctrine précise en outre :
      « Les masques doivent être changés au minimum toutes les quatre heures, en fonction des recommandations du fabricant et chaque fois qu’ils deviennent mouillés ou après avoir quitté une zone à haut risque. Les paramètres de coût sont les suivants :
      – Acquisition : un masque chirurgical coûte environ dix fois moins cher qu’un masque FFP2 ;
      – stockage : le stockage des masques chirurgicaux est largement moins volumineux et donc moins coûteux que celui des masques FFP2, lesquels nécessitent en outre une gestion fine des dates de péremption. »

      Rappelons qu’en mars 2007 avait été adoptée la « loi relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur ». Entre autres dispositions, ce texte créait un nouvel établissement public, l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), dont la mission principale était « l’acquisition, la fabrication, l’importation, le stockage, la distribution et l’exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux mesures sanitaires graves », y compris bien sûr les vaccins et les fameux masques chirurgicaux et FFP2. Très vite, un stock de masques de protection avait été constitué (285 millions de masques de filtration de type FFP2 et 20 millions de boîtes de 50 masques chirurgicaux, soit un milliard de masques).

      Le 8 août 2014, la commission des finances du Sénat revenait sur les questions des stocks stratégiques, précisant qu’ils seront dorénavant « moins importants mais gérés de façon plus fiable ». S’agissant des masques, elle précise qu’« une nouvelle doctrine du SGDSN a d’ores et déjà établi que le stock national géré par l’Eprus concernerait désormais uniquement les masques de protection chirurgicaux à l’attention des personnes malades et de leurs contacts, tandis que la constitution de stocks de masques de protection des personnels de santé (notamment les masques FFP2 pour certains actes à risques) étaient désormais à la charge des employeurs ».

      Changement de doctrine

      La commission indiquait par ailleurs qu’il avait été décidé « de ne pas renouveler certains stocks arrivant à péremption, par exemple, en raison de la plus grande disponibilité de certains produits et de leur commercialisation en officine de ville ou du transfert de la responsabilité de constituer certains stocks vers d’autres acteurs (par exemple, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux pour les masques de protection FFP2 de leurs personnels) ». Le sénateur (Les Républicains) Francis Delattre sera l’une des rares personnalités politiques à s’inquiéter à l’époque de ce changement de doctrine.

      En janvier 2016, la loi de modernisation du système de santé décide d’intégrer les missions de l’Eprus au sein d’un nouvel établissement public baptisé Santé publique France, regroupant également l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Institut national de prévention pour la santé (INPS). Récemment interrogé par France Inter, Francis Delattre estime que ce changement dans l’organisation des structures a été une erreur : « On a dissous l’Eprus alors que c’était un outil efficace face à l’urgence sanitaire. L’Eprus était une administration de mission, une force de frappe disponible 24 heures sur 24 pour toute urgence sanitaire. C’était une petite unité avec un réseau capable de mobiliser en 48 heures 1 500 professionnels : brancardiers, chirurgiens, médecins, infirmiers… Une structure souple, solide qui fonctionnait en système commando. »

      Depuis 2016, la situation logistique ne s’est guère améliorée. Après des semaines d’atermoiements et de déclarations byzantines sur la non-efficacité des masques, il semble qu’enfin tout le monde, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, ait pris conscience des effets dramatiques de ces errements doctrinaux.
      Reste à comprendre : pour quelles raisons a-t-on décidé ces changements de stratégie ? Qui en a décidé ? Quels experts furent consultés ? Seule certitude : de nombreux morts – combien, on ne le sait évidemment pas encore – seront imputables à cette impéritie.