Note sur le coup d’État en Bolivie par Emyn Ona
Le 27 février 2020, John Curiel et Jack Williams, deux chercheurs du “Election Data and Science Lab” du MIT ont publié dans la section “Monkey Cage” du Washington Post [1, 2, 3, 4] un article d’analyse des résultats électoraux publiés par l’Organe Électoral Bolivien à partir du 20 octobre. En comparant les données publiées avant et après la pause dans la publication des résultats, interruption qui a été utilisée par l’opposition pour soutenir la thèse d’une fraude électorale, ils concluent à l’impossibilité de démontrer de manière statistique une quelconque fraude [5], qualifient de « profondément défectueuses » l’analyse statistique et les conclusions du rapport de l’OEA [6] qui a servi de justification au coup d’État, et concluent que la victoire de Morales au premier tour est très probable.
Les élections d’octobre 2019 ayant été annulées par l’Assemblée Législative, des nouvelles élections présidentielles et législatives auront lieu le 3 mai. Evo Morales n’a été autorisé à se présenter ni pour les présidentielles ni comme sénateur. Son parti, le MAS-IPSP, est en tête des sondages avec plus de 30 % d’intentions de votes pour le binôme Luis Arce, ex-ministre de l’économie, et David Choquehuanca, ex-ministre des affaires étrangères. La droite est divisée avec trois candidats de poids à peu près équivalent autour de 15 % : Carlos Mesa, qui maintient sa candidature d’octobre 2019 ; Jeanine Añez, la présidente de facto soutenue par le riche Samuel Doria Medina, et Luis Fernando Camacho, le leader « civique » de Santa Cruz. Il est possible que les deux derniers s’allient avant l’élection. Jeanine Añez utilise la police et la justice pour persécuter et emprisonner à tout va les personnalités du MAS. Il est fort probable qu’un autre coup d’État ait lieu en cas de victoire du MAS [7].
L’Union Européenne a soutenu l’OEA et l’hypothèse d’une fraude électorale dès le 20 octobre, a appelé Morales a « accepter » un second tour, et a accompagné le gouvernement d’Añez lors de son processus de « pacification » du pays. Le parlement européen a rejeté une motion qui cherchait à qualifier les évènements en Bolivie de coup d’État. Au niveau français, Amélie de Montchalin a déclaré que la France « considère que Jeanine Añez a été désignée présidente par intérim en Bolivie. » [8]
Références :
[1] Article du Washington Post :
▻https://www.washingtonpost.com/politics/2020/02/26/bolivia-dismissed-its-october-elections-fraudulent-our-research-foun
[2] Version sans paywall de l’article du Washington Post :
▻https://web.archive.org/web/20200228011117/https://www.washingtonpost.com/politics/2020/02/26/bolivia-dismissed-its-october-elections-fraudulent-our-research-found-n
[3] Article scientifique des chercheurs du MIT (PDF) :
▻https://jackrw.mit.edu/sites/default/files/documents/Bolivia_report-short.pdf
[4] Article sur Le vent se lève :
▻https://lvsl.fr/des-coups-detat-a-lere-de-la-post-verite
[5] “The OAS’s claim that the stopping of the trep during the Bolivian election produced an oddity in the voting trend is contradicted by the data.”
[6] ▻https://www.oas.org/en/media_center/press_release.asp?sCodigo=E-085/19
[7] ▻https://twitter.com/BOmereceMAS/status/1234478826048061440
[8] Maurice Lemoine, Medelu
▻http://www.medelu.org/Les-petits-telegraphistes-du-coup-d-Etat-qui-n-existe-pas