Petit monde des César

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  • Petit monde des César
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    Que d’encre a coulé à propos de la sinistre cérémonie des César, et de ses suites polémiques façon bataille d’Hernani contemporaine. Cette cérémonie est pourtant, à l’origine, la nécessaire et joyeuse autopromotion d’un cinéma national qui résiste à la broyeuse hollywoodienne à coup de subventions et grâce à un volontarisme culturel étatique. Mais cette année, la cérémonie des César est devenu ce lieu clair obscur, entre le monde d’hier qui ne veut pas mourir et ce nouveau monde empêché, ce lieu où surgissent les monstres.

    C’est heureux de célébrer le cinéma français, c’est bien de continuer de produire, construire et développer une création libre, loin des canons de l’entrainement de masse. Mais, pour que cela reste possible, il va sans doute falloir faire exploser l’entre soi et la déconnexion d’une bourgeoisie du 7e art, qui ne vit que par et pour son nombril figé dans la peur des mandarins et la vénération des idoles factices...

    • Un sentiment de dégoût et d’incrédulité devant une mascarade interminable où tout sonnait faux. C’était à la fois un sommet de lâcheté et de ringardise. Toute la cérémonie a reposé sur l’incapacité et le refus à nommer : nommer la situation de crise où se trouve l’industrie du cinéma, nommer Adèle Haenel et son courage d’avoir été la première à parler en France, nommer jusqu’au patronyme de Polanski, avalé par Daroussin, ou moqué sous les sobriquets de Popol ou d’Atchoum. On a parlé d’antisémitisme à l’endroit de Polanski, qui lui-même a joué sur l’ambigüité, obscène, d’une comparaison de son cas avec celui de Dreyfus. Moi, je parlerais plutôt, plus globalement, de collaboration bien française. Personne n’a eu, sur scène, un mot mémorable, un geste de solidarité. Personne n’a osé mettre les pieds dans le plat. L’absence de réflexion et d’engagement atteignait un niveau inédit. Il y avait quelque chose d’ahurissant à voir se développer dans l’atmosphère cette conspiration du silence qui, à constamment tourner autour du pot, transformait la soirée en une célébration du vide et du non-dit. Non-dit très clair pour tout le monde : un homme accusé de viol par douze femmes était nominé douze fois. Comme si une telle énormité devait passer en douce, l’air de rien. À tout prendre, j’aurais préféré que quelqu’un dise tout haut : ce choix, nous l’assumons.
      Cette soirée – et ce n’est un paradoxe qu’apparent – était en réalité ce qui pouvait arriver de pire à Roman Polanski, grand cinéaste mille fois primé, qui n’avait pas besoin de ce énième hochet à sa carrière. Car l’Académie a réussi un triple exploit : insulter le juif, célébrer le violeur et décrédibiliser la parole des femmes. On connaît la formule : « Qui ne dit rien consent ». Cette soirée, entre aphasie et babil inconsistant, était celle du consentement feutré de toute une communauté à l’ordre ancien. Le palmarès final a eu la valeur d’un choix de société sans ambigüité...

      https://www.humanite.fr/laure-murat-la-posture-dadele-haenel-fait-leffet-dune-declaration-de-guerre