La protection de l’État de droit pour tou.te.s - Civil | Dalloz Actualité
▻https://www.dalloz-actualite.fr/node/protection-de-l-etat-de-droit-pour-toutes
Par Collectif de femmes juristes
Femmes, féministes, juristes et, pour certaines, pénalistes, tout aussi viscéralement attachées à la présomption d’innocence et au « droit à l’oubli » organisé par les règles de prescription, promptes à dénoncer l’arbitraire et la surenchère répressive, sommes obligées de réagir à la tribune (Une inquiétante présomption de culpabilité s’invite trop souvent en matière d’infractions sexuelles) d’un collectif d’avocates qui nous a profondément heurtées, tant sur un plan juridique qu’en raison de la violence, même involontaire, à l’encontre de celles qui ne présenteraient pas les attributs de ce que serait une « bonne victime ». Nous ne saurions dire ce qui serait, de l’amour ou de la haine, la pire des aliénations, mais l’injustice ressentie par celles qui, à tort ou à raison mais avec tout de même quelques motifs de le croire, pensent ne plus avoir que des tweets ou des hashtags pour se faire entendre en est assurément une.
Puisque la justification de cette tribune est la défense des principes fondamentaux du droit, nous nous sentons tenues d’apporter quelques précisions sur leur sens et leur portée, pour qu’ils ne soient pas utilisés à tort et à travers.
Outre qu’elle n’a jamais supposé pour exister une présomption de non-crédibilité des victimes, la présomption d’innocence est une règle qui n’a de sens que dans la sphère de l’enquête et du procès pénal. C’est une règle de preuve, qui vient rappeler que la charge de la preuve de la culpabilité repose sur l’accusation et que le doute doit profiter à la personne mise en cause, prévenue ou accusée. Il appartient donc en premier lieu aux professionnel·les de justice qui concourent à la procédure – magistrat·es, services d’enquête – de la respecter et d’en tirer les conséquences. Une loi de 1993, afin de renforcer le droit à un procès équitable et éviter que l’opinion influe sur d’éventuelles décisions juridictionnelles dans le cas d’affaires médiatiques, a néanmoins introduit une disposition dans le code civil (C. civ., art. 9-1) ; il s’agit d’une action en réparation civile ouverte aux personnes mises en cause dans une enquête pénale, à l’encontre de toute personne la présentant publiquement comme coupable, alors même qu’elle n’aurait pas été définitivement condamnée. Autrement dit, pas d’enquête pénale en cours, pas d’enjeu autour de la présomption d’innocence. Il est donc singulier que le cas Polanski ait été estimé pertinent pour illustrer une insupportable atteinte au principe cardinal de la présomption d’innocence, puisque, précisément, il a été définitivement condamné pour les faits commis au préjudice de Samantha Geimer et qu’aucune enquête pénale n’est en cours s’agissant des autres faits dénoncés du fait de la prescription.
en réaction à Une inquiétante présomption de culpabilité s’invite trop souvent en matière d’infractions sexuelles
►https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/08/justice-aucune-accusation-n-est-jamais-la-preuve-de-rien-il-suffirait-sinon-