La loi « Paris–Lyon–Marseille » : un scrutin opaque, complexe et peu démocratique

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  • Municipales : la loi « Paris–Lyon–Marseille » : un scrutin opaque, complexe et peu démocratique

    La loi n°82-1170 du 31 décembre 1982, dite « PLM »
    (Paris–Lyon–Marseille), a fixé un statut particulier aux trois plus
    grandes villes françaises. Une loi qui offre aux élections municipales
    un mode de scrutin comparable à la présidentielle américaine.

    Le vote se déroule en effet par secteurs (comparables aux différents
    états américains) ; des secteurs correspondant aux arrondissements à Paris (sauf les quatre premiers qui sont aujourd’hui regroupés), à
    Lyon et à des paires d’arrondissements à Marseille.

    Lyon et Marseille deviennent de fait des collectivités territoriales à
    statut particulier. Paris, elle, est à la fois une commune et un
    département, et dispose d’un statut dérogatoire antérieur à 1982.

    (…)

    Mais, au-delà de l’habillage administratif, les raisons de cette
    réforme sont aussi éminemment politiques. En effet, Gaston Defferre
    aurait imaginé ce nouveau mode de scrutin afin d’assurer sa réélection incertaine – à la mairie de Marseille en 1983. Coté parisien, cette loi permettait au pouvoir mitterrandien en place d’affaiblir la
    puissance de Jacques Chirac, maire de la capitale et nouveau leader de l’opposition. Deux excellentes raisons donc de faire passer cette loi et de lui offrir les habits de la proximité et de la décentralisation.
    Concrètement, cette loi crée un modèle d’organisation à deux niveaux : le niveau central, qui correspond au Conseil de Paris ou aux conseils municipaux de Lyon et Marseille d’une part, et le niveau des secteurs.

    Ainsi à Paris, depuis 2019, sont élus 120 conseillers de Paris et 254
    conseillers d’arrondissements sur 17 secteurs mais aussi des
    conseillers métropolitains pour le Grand Paris. À Lyon sont élus, 73
    conseillers municipaux et 148 conseillers d’arrondissements dans 9
    secteurs. Et enfin à Marseille, 101 conseillers municipaux et 174
    conseillers d’arrondissements dans 8 secteurs.

    (…)

    En France, le scrutin correspond peu ou prou à cela. Même si ce
    scrutin mixte réservé aux grandes villes en France est un peu plus fin
    que la présidentielle américaine. En effet, sur le secteur, la liste
    arrivée en tête du suffrage reçoit la moitié des sièges de
    conseillers, l’autre moitié étant distribuée proportionnellement aux
    scores obtenus, incluant la liste en tête. Une liste qui obtient plus
    de 50 % des suffrages se voit donc accorder au moins 75 % des sièges au conseil municipal. Aux USA, il suffit de gagner de 0,1 % un État pour que celui-ci (ses grands électeurs) passe en totalité dans un camp.

    (…)

    L’anomalie du mode de scrutin réside en fait dans la prime qui est
    donnée aux territoires par rapport au total des suffrages obtenus. En
    effet, avec un scrutin classique, il est nécessaire de recueillir 50 %
    +1 des suffrages, dans la loi PLM, il est nécessaire de compter 50 %
    +1 des conseillers municipaux. Autrement dit, l’idée est de gagner la
    moitié des secteurs rapportant le plus de conseillers municipaux.

    À Paris, par exemple, le 15ᵉ arrondissement peut rapporter jusqu’à 18 conseillers et 36 conseillers d’arrondissements (soit en tout 54) ;
    c’est un secteur très important qu’il est donc stratégique de séduire.
    Gaspard Gantzer, qui a fait campagne sur son seul nom ou quasi, avant de rejoindre Agnès Buzin et LREM, avait d’ailleurs fait un travail de fond dans ce seul arrondissement très porteur.

    Plus généralement, dans ce mode de scrutin, des écarts très différents en voix peuvent, d’une circonscription à l’autre, produire le même écart en sièges : toutes les voix n’ont donc alors pas le même
    poids.Ce qui écorne le principe selon lequel les bulletins de vote se
    valent.

    (…)

    Sur des territoires aussi vastes et disparates que Marseille, Paris ou
    Lyon tout doit être fait pour que l’autorité du maire, tout en
    respectant et renforçant les contre-pouvoirs, s’exerce le plus
    facilement sur l’ensemble du territoire : la loi PLM ne le permet pas.
    Elle favorise une stratégie électorale pensée géographiquement.

    (…)

    On comprend aussi pourquoi cette élection fige quelque peu la donne ; une fois en place, le maire met son attention sur les secteurs lui permettant de conserver la mairie, et peut la conserver. Juste en
    préservant son capital spatial (…).

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