Erreur 404

/03

  • Confinement : n’écoutez pas Beauvau, sortez à vélo ! - Par Thibault Prévost | Arrêt sur images
    https://www.arretsurimages.net/articles/confinement-necoutez-pas-beauvau-sortez-a-velo

    Contrairement aux déclarations des ministères, reprises par les médias, le vélo en tant qu’activité de loisir est parfaitement légal durant le confinement. Les verbalisations n’ont aucune base légale.

    • Interdit pour le sport, le vélo est autorisé pour les déplacements justifiés pendant le confinement
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/25/interdit-pour-le-loisir-ou-le-sport-le-velo-est-autorise-pour-les-deplacemen

      Face à ce flou, les forces de l’ordre pratiquent une verbalisation à géométrie variable. Confiné dans la bourgade de Jullouville (Manche), Eric se déplace seul, à vélo, pour faire les courses et porter les poubelles, soit 2 kilomètres au total. Samedi 21 mars, il a été interpellé par les gendarmes qui lui ont indiqué que, quel qu’en soit le motif, la pratique du vélo était interdite. « Les déplacements dérogatoires doivent se faire à pied ou en voiture », lui ont assuré les gendarmes. A Carquefou (Loire-Atlantique), au bord de l’Erdre, la gendarmerie a verbalisé un homme qui utilisait un vélo pour se rendre chez son médecin, à l’occasion d’une visite trimestrielle, rapporte le quotidien Ouest-France. « C’est considéré comme du sport », argumentent les forces de l’ordre. A Brest, les pouvoirs publics estiment qu’il faut encourager les déplacements en voiture, car le vélo « donnerait de mauvaises idées à ceux qui ne travaillent pas », rapporte un témoin.

    • L’article semble avoir été libéré de son paywall.

      Pourquoi en est-on si sûr ? Tout simplement parce que le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, qui remplace le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 et fixe plus précisément les règles du confinement, ne fait nulle part mention d’une interdiction - ce qui n’est pas interdit explicitement est donc, par définition, autorisé. Sont autorisés les « déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie », dit le texte. Aucune restriction sur le mode de déplacement - rollers, trottinette, char à voile, vélo, licorne... tout est permis.

      Dès le 18 mars, au lendemain de la mise en confinement du pays, CheckNews se fend d’un article limpide sur la question, assorti d’un coup de téléphone au ministère de l’Intérieur qui confirme que le vélo est bel et bien autorisé... lorsqu’il est « nécessaire pour le bon équilibre personnel ». Une précision qui n’a, rappelons-le, aucune valeur juridique. Et pourtant, ce 24 avril 2020, sur le site du gouvernement dédié au coronavirus, il est encore écrit noir sur blanc -section « Sports »- qu’il est « interdit de pratiquer le vélo pour les loisirs (...) sauf pour les enfants : ils peuvent faire du vélo s’ils sont accompagnés par un adulte qui les accompagne à pied », mais - section « Sorties et déplacements » - que la pratique « est autorisée uniquement pour les cas prévus dans l’attestation dérogatoire : aller au travail, faire des achats de première nécessité ». Qu’a-t-il bien pu se passer pour engendrer une telle confusion ? Réponse : les ministères de l’Intérieur et des Sports ont diffusé de fausses informations, la Fédération français de cyclisme a relayé et plusieurs médias ont suivi. Et le ministère des Transports a regardé ailleurs.

      #incurie

      Et quand tu penses qu’ensuite le vélo va être le moyen de transport privilégié (svp faites du vélo) car les transports en commun sont un bouillon de culture et que les voitures particulières sont impraticables comme solution collective (embouteillages)...

    • Dont acte : le lendemain, Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, glisse un conseil aux Français sur Twitter (et face caméra) : « Si vous souhaitez faire de l’exercice, préférez la course à pied ! »

      Le troufion qui part patrouiller sans avoir lu le texte de loi préalablement, c’est déjà mauvais signe. Mais la ministre-Véolia...

      Le 24 avril, épilogue. Olivier Schneider publie (sur Twitter, évidemment) le « mémoire-défense » (la réponse) du ministère de l’Intérieur, qui confirme tout ce que défend la FUB : rien n’interdit le vélo, peu importe le motif, et des tweets « ne sauraient tenir lieu de Journal officiel », car « destinés au public et non à des juristes ». Pour décrire ces six semaines de confusion orchestrées par ses communicants, le ministère parle d’une « brève incertitude ». Rien, en revanche, sur la marche à suivre pour les centaines de cyclistes verbalisés par erreur de 135 euros d’amende. La suite se réglera au Conseil d’Etat, dans une quinzaine de jours. En attendant, le message n’est toujours pas passé dans les Hauts-de-Seine, et le visuel de Beauvau continue à faire la loi sur Twitter...

  • « Il faut se serrer un peu plus la ceinture » : quand chômage partiel rime avec fiche de paie amputée, Bertrand Bissuel, Julie Carriat
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/18/il-faut-se-serrer-un-peu-plus-la-ceinture-quand-chomage-partiel-rime-avec-fi

    A l’arrêt du fait de l’épidémie due au coronavirus, près de 9 millions de salariés en chômage partiel voient leurs revenus baisser. « Le Monde » a récolté les témoignages de certains d’entre eux.

    Thierry a beau s’y être préparé, le manque à gagner qu’il vient de subir lui a causé une petite émotion. Cadre dans un restaurant de la région parisienne, il ne travaille presque plus depuis la mi-mars, l’établissement qui l’emploie ayant dû fermer ses portes, comme tous les « lieux, recevant du public, non indispensables à la vie du pays ». Thierry a, du même coup, basculé en « activité partielle », dispositif plus connu sous le nom de chômage partiel ou chômage technique. Un changement de situation synonyme de salaire amputé : pour le mois de mars, « l’écart est de 340 euros net », affirme-t-il, soit environ « 10 % » de sa rémunération habituelle.

    Thierry ne se lamente pas, conscient du fait qu’il se situe en haut de l’échelle des revenus. Mais il va essuyer une perte financière plus importante sur avril, puisque cette période-là sera intégralement chômée. « Je suis locataire et n’ai donc pas de crédit immobilier à rembourser, confie cet homme, encarté à Force ouvrière (FO). Mais si mes ressources sont diminuées pendant trois ou quatre mois, je vais commencer à rencontrer des difficultés. »

    Aujourd’hui, ils sont près de 9 millions à relever, comme Thierry, de l’activité partielle, soit près d’un salarié du privé sur deux. Une situation sans précédent, en France. Le gouvernement a voulu faire jouer ce mécanisme au maximum, afin que les patrons conservent, autant que possible, leur main-d’œuvre durant la récession déclenchée par la pandémie due au coronavirus. Dans cette optique, les règles ont été revues en profondeur, le but étant de bâtir le système « le plus protecteur » d’Europe, selon la formule de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Grâce à ce dispositif, cofinancé par l’Etat et par le régime d’assurance-chômage (Unédic), les salariés perçoivent une indemnité correspondant, en moyenne, à 84 % de leur salaire net. L’employeur peut, s’il le souhaite, mettre la main à la poche pour compenser la différence et assurer, ainsi, le maintien de la paye.

    Un filet de sécurité, mais des limites

    Si le filet de sécurité dressé par l’exécutif préserve une large part du pouvoir d’achat des personnes concernées, il comporte des limites. Ainsi, certaines composantes de la rémunération du salarié ne sont pas prises en considération pour fixer le montant de l’indemnité d’activité partielle : parmi elles, il y a l’intéressement, la participation et les « primes ou indemnités ayant le caractère de remboursement de frais professionnels » – par exemple, la prime de panier, précise Patrick Bordas, vice-président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.

    Maçon coffreur dans une entreprise de travaux publics, Ibrahim indique, lui, avoir perdu un peu plus de 200 euros sur sa paye du mois de mars – période durant laquelle il a chômé plusieurs jours. Un manque à gagner qu’il impute à la non-prise en compte de la prime de panier et de l’indemnité de transport. « Ça a des conséquences sur mon budget », souligne ce délégué syndical CGT, père de six enfants et dont l’épouse est sans profession. Il envisage « de supprimer certaines dépenses », sans trop savoir lesquelles à ce stade : peut-être cessera-t-il de participer au règlement des assurances des voitures appartenant à ses fils.

    Dans certains cas, les baisses de ressources s’avèrent plus importantes, à en croire les propos de salariés qui ont répondu à un appel à témoignages lancé sur Lemonde.fr. Salarié d’un grossiste pour la restauration dans les pays de la Loire, Lkif est au chômage partiel depuis le 14 avril. Sa rémunération fixe – 1 350 euros par mois – lui sera payée à 100 %, grâce à un coup de pouce de son employeur. En revanche, faute de clients, il fait son deuil des quelque 500 euros mensuels de commission qu’il empoche habituellement. « On [le salarié porte parole du patron, un must pour Le Monde] a trois emprunts à payer, jusqu’à quand ça va durer ? Je ne vais pas toucher mon salaire d’avant-crise avant plusieurs mois », présage-t-il. Pour autant, il estime ne pas être « à plaindre ». Sa compagne travaille, ce qui permet au couple de faire face aux mensualités de ses crédits, non négligeables, de 1 400 euros en tout.

    En activité partielle depuis le 23 mars, Mathilde, elle, a demandé à sa banque de décaler de trois mois les remboursements d’un prêt immobilier. « Ils me réclamaient presque 1 000 euros de frais de dossier pour accepter ma requête, j’ai refusé », raconte cette commerciale dans un laboratoire pharmaceutique, qui continue, du coup, à honorer ses créances.
    Il arrive que des ménages cumulent les manques à gagner. Assistante maternelle à proximité de Toulouse, Pascale perçoit 300 euros de moins qu’à l’accoutumée. Pour son conjoint, employé 39 heures par semaine, la perte se monte à un peu plus de 800 euros, notamment parce que le travail effectué à partir de la 36e heure a été exclu du calcul de l’indemnité en mars – ce qui ne devrait, toutefois, plus être le cas par la suite (la réglementation ayant très récemment évolué). Au total, les revenus du couple dégringolent de plus de 1 000 euros. Et la banque « refuse de me décaler les mensualités » d’un emprunt immobilier, soupire-t-elle.

    « Il y a une diminution de salaire, bien évidemment, mais pas de diminution des loyers ou des charges, donc il faut se serrer un peu plus la ceinture », abonde Pauline, 28 ans, responsable de salle dans un restaurant d’Annecy, qui est passée de 1 800 à 1 650 euros en mars. Désormais, il faut tenir les comptes au cordeau, entre la location du logement (650 euros par mois) et les achats plus fréquents de produits alimentaires, puisqu’elle ne mange plus avec ses collègues, avant le service. Si l’envie de retourner à son poste la tenaille – « les journées sont très longues » –, elle craint aussi le pire pour la saison d’été, plusieurs événements, dont le Festival international du film d’animation, ayant été annulés.

    « C’est un vol »

    Dans le monde de l’hôtellerie-restauration, les incidences du passage au chômage partiel sont fortes, observe Nabil Azzouz (FO) : les pourboires non déclarés échappent au calcul de l’indemnité. Et s’agissant des salariés dont la paye est indexée sur le chiffre d’affaires de leur société, le préjudice pourrait, là aussi, être important, complète M. Azzouz.
    Parfois, le chômage partiel n’a rien de chômé : sous pression de leur hiérarchie, des personnes poursuivent leurs missions
    Cependant, une rémunération amoindrie n’entraîne pas forcément des sacrifices supplémentaires. « Depuis que je suis au chômage partiel, je gagne 100 euros de moins que d’ordinaire, mais je ne le ressens pas », confie Laura, 27 ans, rédactrice dans une agence de relations presse en Ile-de-France. Avec le confinement, certaines dépenses ont disparu : l’abonnement aux transports en commun, les achats de livres… Elle en viendrait même à conclure qu’elle « épargne plus qu’avant ». Ce qui ne l’empêche pas d’être inquiète pour l’avenir : l’inactivité pourrait se prolonger « au moins jusqu’à l’été », relate-t-elle, et des « rumeurs » de licenciements économiques commencent à circuler parmi le personnel.

    Parfois, le chômage partiel n’a rien de chômé. Sous la pression de leur hiérarchie, des personnes sont contraintes de poursuivre leurs missions, en dépit des mises en garde répétées de Mme Pénicaud qui a martelé que de telles pratiques étaient contraires à la loi.
    Cadre dans une entreprise de rachat de crédits, Christophe, qui témoigne sous un prénom d’emprunt, se souvient du jour où son supérieur lui a annoncé qu’il était désormais en activité partielle : « Il m’a demandé directement de continuer à faire avancer les projets, pour qu’on ne soit pas en perte de vitesse. » Occupant une position élevée dans la société, il a protesté mais continue, toutefois, de travailler, à son domicile, pendant les siestes de ses enfants, par conscience professionnelle. Avec ce dispositif financé par des deniers publics, « ils ont limité la casse, fortement », dit-il, mais en agissant de manière « immorale ».

    « C’est un vol au détriment de la collectivité », renchérit Nathalie, employée dans une société de services à la personne, dont le prénom a été modifié. En théorie, elle est au chômage partiel à 90 % mais dans les faits, elle consacre beaucoup plus de temps à son métier : « Il n’y a pas d’injonction directe, mais l’entreprise fonctionne avec une culture du “travailler plus”. C’est un choix qui est fait, au nom de la sauvegarde des emplois, mais ce n’est pas honnête car aucun cadre clair n’a été posé. »

    Consultant dans un cabinet de conseil parisien, spécialisé en santé et sécurité au travail, Nicolas, qui témoigne également sous un prénom d’emprunt, se trouve dans une situation similaire. « Les choses sont dites à l’oral, il est conseillé à tout le monde de travailler, même durant ses congés, RTT, et au chômage partiel », rapporte-t-il, en dénonçant une « organisation hypocrite et opportuniste ». « Il y a un intérêt bien compris entre les consultants et les associés, qui est de dire : “Vous continuez à bosser parce que sinon, la boîte se casse la gueule”, ajoute-t-il, amer. On l’accepte parce qu’on comprend pourquoi c’est fait, mais sur le principe, ça choque. »

    Le chômage partiel en deux chiffres
    8,7 millions
    C’est le nombre de personnes concernées par une demande de chômage partiel déposée par leur employeur, à la date du 14 avril. Quelque 732 000 entreprises avaient accompli une démarche en ce sens, selon les services du ministère du travail.
    84 %
    C’est la part que représente l’indemnité allouée à la personne au chômage partiel, par rapport à son salaire net. Autrement dit, sa rémunération est amputée de 16 %. Il s’agit d’une moyenne, le pourcentage pouvant varier selon les situations, comme le montrent des simulations faites pour Le Monde par l’ordre des experts-comptables. Ainsi, dans l’hypothèse où la personne n’a pas du tout travaillé au cours du mois, la somme qui lui est versée correspond à 100 % de son salaire net, si elle est au smic. Pour un individu touchant 2 000 euros brut par mois, l’indemnité d’activité partielle représente 88,6 % de sa rémunération nette, soit une perte de 179,80 euros. Dans le cas d’un salarié payé 3 000 euros brut par mois, le manque à gagner équivaut à 17 % de son salaire net, soit près de 408 euros.

    30 mars 2020 : Coronavirus : le chômage partiel entraîne une perte de revenus de 1,2 milliard par mois pour les ménages, selon l’OFCE
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/30/coronavirus-le-chomage-partiel-entraine-une-perte-de-revenus-de-1-2-milliard

    (...) Parmi les éléments étudiés par les économistes de l’OFCE figure l’impact du dispositif de chômage partiel, sollicité vendredi 27 mars par 220 000 entreprises pour 2,2 millions de salariés au total. Ce chiffre pourrait plus que doubler et atteindre 5,7 millions d’employés − soit 21 % de l’emploi salarié en France − si l’ensemble des entreprises touchées par la baisse de l’activité économique déposent une demande de chômage partiel auprès des services du ministère du travail.

    Au global, selon les calculs de l’OFCE, ce dispositif représente, pour les salariés, un « manque à gagner » de 1,2 milliard d’euros pour un mois de chômage partiel. Soit, en moyenne, pour un salarié, 216 euros en moins sur la fiche de paie. Sous réserve que « les entreprises ne compensent pas les pertes de revenus des salariés », précise l’Observatoire.

    En effet, si le gouvernement a fait le choix d’indemniser à 100 % les salariés qui touchent le smic, ceux au-dessus du smic, eux, ne touchent que 84 % de leur salaire net dans la limite de 4,5 smic. Mais chaque employeur conserve, bien évidemment, la latitude de prendre à sa charge cette perte de revenus pour ses salariés. Le coût pour les finances publiques du dispositif atteindrait, lui, 12,7 milliards d’euros par mois, chiffre auquel il faut ajouter une perte de cotisations sociales de 8,7 milliards, soit un total de 21,4 milliards d’euros mensuels.

    Une aide proratisée

    L’OFCE a également examiné la situation des salariés des entreprises dont la fermeture a été ordonnée par le gouvernement (commerces non alimentaires, hôtels, restaurants…). Ils représentent un effectif de total 2,4 millions de personnes, dont 2 millions de salariés. Pour eux, le chômage partiel se traduit par une baisse globale de revenus de 349 millions d’euros par mois de chômage, soit environ 175 euros par mois pour chaque salarié concerné. Le coût pour les finances publiques, lui, est de 3,8 milliards d’euros d’indemnités versées et de 2,4 milliards de cotisations sociales non versées, soit 6,2 milliards d’euros par mois.
    Les personnes employées en contrats courts (CDD, fins de mission d’intérim…) pourront toucher une indemnisation, à condition d’avoir travaillé suffisamment longtemps

    A noter que la baisse de l’activité, qu’elle soit imposée du fait du confinement ou non, impacte également environ 1,2 million de personnes dont le statut n’ouvre pas droit au chômage partiel. Une partie d’entre elles est non salariée. Elles peuvent alors prétendre − si elles remplissent les conditions − au fonds de solidarité créé par Bercy. Selon les dispositions présentées lundi 30 mars, une aide forfaitaire de 1 500 euros sera versée aux personnes dont l’activité a été totalement arrêtée. Celles qui ont subi une perte d’au moins 50 % de leur chiffre d’affaires toucheront une indemnité proratisée, à concurrence de 1 500 euros.

    Restent enfin les personnes employées en contrats courts (CDD, fins de mission d’intérim, fin de période d’essai…), soit entre 140 000 et 150 000 personnes, qui ne peuvent non plus prétendre au chômage partiel. A condition d’avoir travaillé suffisamment longtemps, elles pourront toucher une indemnisation de l’assurance-chômage. Mais ce « seront, au final, les plus impactés », souligne Bruno Ducoudré, économiste à l’OFCE. L’organisme de prévision prévoit d’analyser plus en détail dans les jours qui viennent les conséquences du choc économique dû au confinement et à la baisse d’activité sur les revenus des ménages.

    Rappel, sous peu on aura au moins 11,1 millions de salariés payés hors emploi : Les salariés en arrêt de travail pour garde d’enfants et les personnes vulnérables vont passer au chômage partiel
    https://seenthis.net/messages/844741

    #chômage_partiel #revenu_garanti

    • Coronavirus : déjà 11 milliards de pertes de revenus pour les ménages en France
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/21/coronavirus-deja-11-milliards-de-pertes-de-revenus-pour-les-menages-en-franc

      Cette dégradation du pouvoir d’achat, pour l’instant due à l’arrêt de l’activité, risque de s’amplifier dans les mois à venir.

      Si la crise économique liée à l’épidémie de coronavirus est d’une ampleur inégalée, elle ne pèse encore que peu, en France, sur les ménages. Les 120 milliards d’euros perdus depuis le début du confinement, le 17 mars dernier, n’ont affecté les particuliers qu’à hauteur de 11 milliards d’euros, selon les scénarios établis par les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Soit 7 % du total. Les entreprises, elles, « perdent » environ 35 % du total, tandis que l’Etat essuiera, via le déficit public, le reste de l’ardoise.

      « Pour les ménages, cela représente une perte de pouvoir d’achat d’environ 50 euros par semaines, soit 400 euros sur la totalité de la période de confinement » , précise Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE. Un chiffre moyen, qui recouvre une grande hétérogénéité de situations : les salariés au smic bénéficient dans le dispositif du chômage partiel du maintien intégral de leur salaire, ceux au-dessus du smic touchent 85 % de leur rémunération.

      Une « cassure »

      Les indépendants, à eux seuls, qui se rémunèrent directement avec leur activité, participent pour 2 milliards d’euros à cette baisse des revenus. Les salariés en fin de contrat court, ou en fin de mission d’intérim, et dont la mission n’a pas été renouvelée du fait de la crise voient eux leur revenu pris en charge par l’assurance-chômage – dans la mesure où les droits leur sont ouverts, et pour une durée variable.

      « Nous estimons que 460 000 personnes vont se retrouver sans emploi à l’issue du confinement, précise Bruno Ducoudré, économiste à l’OFCE. Parmi elles, environ 180 000 personnes en contrat court, et 288 000 personnes qui étaient en période d’essai, par exemple, ou qui sont licenciées – éventuellement pour d’autres raisons que le Covid-19. » Enfin, une dernière catégorie de personnes subit une amputation significative de leurs revenus – ce sont celles qui subsistaient en partie grâce à « l’économie grise » , comme le dit Xavier Timbeau, c’est-à-dire ce qui est à la frontière de la légalité et dont le nombre est par nature difficile à évaluer.

      « Seul le recul de l’inflation (importée notamment) permet d’amortir le choc et de redonner un peu d’oxygène à la dépense des ménages » , estime l’institut Xerfi.
      Toutefois, pour les ménages français, ce recul relativement faible du pouvoir d’achat risque de n’être que temporaire. En sortie de crise, l’arrêt des mesures de soutien aux entreprises, et notamment du chômage partiel, peut donner un coup d’accélérateur à la dégradation des revenus, notamment avec l’arrivée des premières défaillances d’entreprises ou des plans de licenciement. L’institut Xerfi fait l’hypothèse d’une « forte cassure de la dynamique du pouvoir d’achat des ménages » sur l’année 2020. « En 2019, le gain de pouvoir d’achat avait été de 1,9 % en moyenne » , rappelle-t-il. « En 2020, le pouvoir d’achat devrait reculer de près de 1 %. On observe donc un ralentissement de 2,5 à 3 points du pouvoir d’achat entre 2019 et 2020. Ce dernier pourrait stagner encore en 2021. »

      Xerfi explique cette « cassure » par plusieurs éléments : au chômage partiel, déjà cité, qui va entamer de 0,9 point le pouvoir d’achat des ménages et à la forte dégradation du revenu des indépendants, il faut ajouter les heures supplémentaires et les primes perdues, et enfin le recul de l’emploi à venir. « Seul le recul de l’inflation (importée notamment) permet d’amortir le choc et de redonner un peu d’oxygène à la dépense des ménages » , conclut Xerfi. Ajoutons à cela l’impact des politiques salariales à venir, qui seront « fragilisées » , de même que l’emploi, par la récession, comme le souligne Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management.

      Or, si ces dernières années l’Etat a soutenu le pouvoir d’achat, notamment par les baisses d’impôt, le scénario à venir pourrait fort bien être différent. « Le rôle massif de la dépense publique en 2020 pour soutenir le pouvoir d’achat ne peut qu’être temporaire » , analyse Olivier Vigna, chef économiste chez HSBC France. « Prévus pour atteindre des niveaux record en 2020, déficit public et dette publique devront revenir ensuite sur des trajectoires plus soutenables, ce qui rendra l’évolution du pouvoir d’achat tributaire des choix fiscaux à venir. » Au programme de l’année, il faudra sans doute prévoir un retour du débat sur le partage des richesses entre les entreprises et les salariés et les politiques de redistribution.

      #travailleurs_indépendants #économie_grise

    • Les jeunes sont les premiers et les plus touchés par les effets de la récession
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/21/les-jeunes-sont-les-premiers-et-les-plus-touches-par-les-effets-de-la-recess


      Hassan, étudiant confiné dans sa chambre de la residence Evariste Galois, à Villeneuve d’Ascq (Nord), le 18 avril 2020. Sarah Alcalay pour Le Monde

      Les secteurs très affectés par les mesures de confinement sont aussi ceux qui emploient beaucoup de 18-25 ans. Les étudiants récemment diplômés vont également en pâtir.

      Si les jeunes sont les moins touchés par la pandémie, ils sont en première ligne de la crise économique. Ils sont particulièrement employés par les entreprises qui ont dû fermer à cause du confinement : restaurants, commerces, centres de loisirs… Au Royaume-Uni, par exemple, 30 % des employés de moins de 25 ans travaillent dans ces secteurs, contre seulement 13 % des plus de 25 ans, selon l’Institute for Fiscal Studies (IFS), un centre d’études économiques. En France, la situation est similaire.

      « Contrairement à la crise de 2008, qui a aussi touché la finance ou les services professionnels, l’effet est cette fois-ci plus concentré sur les moins qualifiés, les bas salaires et les plus jeunes » , explique Xiaowei Xu, auteure de l’étude de l’IFS.

      Non-renouvellement des CDD

      Le deuxième effet négatif pour les jeunes est qu’ils vont entrer sur le marché du travail au pire moment. Les quelque 700 000 personnes qui vont sortir cette année de formation en France seront les premières victimes de la hausse inévitable du chômage, et leur carrière professionnelle va être durablement affectée. « Lorsque l’entreprise fait face à des chocs, elle essaie de conserver les salariés qualifiés et arrête d’embaucher » , rappelle Camille Landais, professeur à la London School of Economics.

      « La première forme de régulation de l’entreprise en période de crise est le non-renouvellement des CDD et des contrats d’intérim : or, les jeunes sont massivement représentés sur ces postes » . Cet effet s’était fait durement ressentir lors de la crise financière de 2008-2009, lorsque le taux de chômage des 15-24 ans avait augmenté de moitié, atteignant un niveau record de 26,2 % fin 2012.

      Les études au long cours montrent également que démarrer sa vie professionnelle sur fond de crise est pénalisant sur le long terme. Les enquêtes « Génération » menées par le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) à partir d’un échantillon représentatif de jeunes quittant le système éducatif à tout niveau de formation permettent de suivre leur trajectoire sur le marché du travail jusqu’à sept ans. Leurs conclusions sont sans appel. « On assiste à un ralentissement de la dynamique professionnelle, plus de temps passé au chômage et une trajectoire de stabilisation plus lente vers un CDI » , résume Florence Lefresne, directrice générale du Céreq et docteure en économie du travail.

      Baisse des salaires médians

      Ainsi, au bout de sept ans de vie active, les jeunes qui sont sortis en 2010 − qui ont donc vécu la crise de 2008 − avaient passé 73 % de leur temps en emploi, contre 80 % pour les jeunes sortis de formation en 1998. Pour 13 % des jeunes de 2010, la trajectoire professionnelle a été dominée par le chômage, contre 7 % seulement pour les jeunes de 1998. Seuls 55 % des jeunes de 2010 ont vu leur trajectoire se stabiliser sur un CDI, contre 66 % de ceux de la génération 1998. Toutefois, comme le précise la directrice du Céreq, « l’érosion de la norme du CDI dans le recrutement des jeunes tient sans doute autant de la transformation structurelle du marché du travail que de la crise elle-même » .

      Le choc a été observé de la même façon outre-Manche. Après la crise de 2008, les salaires médians réels ont baissé pour toutes les tranches d’âge pendant quelques années, avant de se redresser et de revenir à peu près au même niveau en 2019. Une exception : ceux qui ont aujourd’hui une trentaine d’années, et qui étaient en début de carrière il y a une décennie. Leur salaire médian demeure d’environ 7 % inférieur à leur niveau de 2008.
      Cet impact de la crise sur les carrières professionnelles n’est pas uniforme pour tous les jeunes. « Il y a de fortes chances que la crise amplifie les écarts observés entre les sans-diplôme et les diplômés , souligne Florence Lefresne. Il ne faut pas oublier que les non-diplômés sont plus durablement atteints en période de crise et connaissent une période plus longue d’exclusion du marché du travail. »

      A titre d’exemple, un non-diplômé de la génération 2010 a passé moins de la moitié des sept premières années de vie active en emploi. A cet égard, l’évolution des dispositifs d’apprentissage, qui sont très dépendants de la bonne santé des entreprises, jouera un rôle crucial. « L’impact de la crise actuelle sur les moins diplômés dépendra pour beaucoup des dispositifs de formation, en particulier des possibilités de maintenir et d’accroître les places en apprentissage, en dépit de la chute de l’activité » , ajoute Mme Lefresne.

      #jeunes #revenu

    • Chômage partiel, hôtellerie-restauration, tourisme
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/22/coronavirus-macron-en-deplacement-en-bretagne-les-ministres-rendent-leur-cop

      ...#hôtellerie-restauration, où 9 salariés sur 10 sont au chômage partiel, et le #BTP, où 93 % des salariés sont également au chômage partiel, a (...) détaillé [la manageure Pénicaud].

      A l’issue du conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a dit ne « pas confirmer » l’hypothèse d’une réouverture des cafés-bars-restaurants pour le 15 juin, dans l’attente du plan d’aide promis par le gouvernement pour ce secteur sinistré. (...)

      Les embauches dans le secteur privé ont connu une baisse mensuelle historique au mois de mars, selon les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) : le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois dans le secteur privé, hors intérim, a plongé de 22,6 % le mois dernier.

      Lors d’une audition par la commission des affaires sociales du Sénat, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a prévenu que l’épidémie de Covid-19 allait faire exploser le déficit de la Sécurité sociale à plus de 41 milliards d’euros, « du jamais-vu », même au plus fort de la crise financière en 2008. Le record de 2010 (28 milliards) est effacé et ce montant, « qui peut donner le tournis » , reste de surcroît « une hypothèse favorable », compte tenu notamment de probables annulations de cotisations dans « certains secteurs » , comme la #restauration, l’#hôtellerie ou le #tourisme, a précisé M. Darmanin.

    • Je suis depuis peu en emploi dans une association. On va passer au chômage technique partiel, 3/5 de mai à août compris, avec rémunération complétée par l’asso pour nous laisser à 100 % de la rémunération. Je suis en CDD et j’ai un peu peur que ça grève mes droits au chômage pour plus tard...

      Et puis surtout notre activité n’a pas baissé avec la pandémie, on a annulé un truc massif de l’activité de l’association mais ça prend aussi plein de temps et c’est remplacé par d’autres trucs. Les revenus de l’asso ne sont pas impactés, on n’a pas de clients à servir qui auraient disparu (la baisse est à craindre plus tard, avec la récession économique).

      L’équipe salariée craint que dans cette asso en récession continue depuis des années (démographie assez âgée) cet épisode fasse partie d’un mouvement continu de baisse de la masse salariale. Faire financer par l’État une baisse de productivité pendant la pandémie (les premières semaines on n’a pas fait nos heures, entre les difficultés de concentration et les soucis techniques), c’est réglo, mais en profiter pour faire raquer pour deux mois d’été moins actifs, ça l’est beaucoup moins. Donc on se retrouve à dire non quand on nous demande d’assurer des tâches...

      Et moi je flippe à mort parce que j’ai choisi de ne pas faire de démarche pour renouveler mon revenu garanti (marre d’être une machine à bouffer-chier mon AAH dans un environnement social dont la qualité ne doit qu’à mes efforts) et c’est pile au moment où je n’ai plus aucune chance de retrouver un boulot. J’avais imaginé cette possibilité mais trouver enfin à me caser quelques mois à ma 93e candidature à un boulot de larbin, ça m’avait regonflé le moral et je retombe d’un peu haut.

    • La crise sanitaire entraîne déjà des chiffres du chômage
      catastrophiques

      https://www.mediapart.fr/journal/economie/280420/la-crise-sanitaire-entraine-deja-des-chiffres-du-chomage-catastrophiques

      Sur le front de l’emploi, les mauvaises nouvelles étaient attendues, mais la gravité de la situation a de quoi inquiéter même les plus blasés des experts. Lundi 27 mars, la Dares – la direction statistique du ministère du travail – a exceptionnellement dévoilé les statistiques des inscriptions à Pôle emploi pour le mois de mars, alors que le gouvernement avait décidé de publier ces chiffres seulement tous les trimestres. La situation est totalement hors du commun : fin mars, Pôle emploi a décompté 246 100 personnes de plus inscrites en un mois dans sa catégorie A, celle qui recense les chômeurs n’ayant effectué aucune activité durant le mois.

      Cette hausse mensuelle de 7,1 % est un record, du jamais vu depuis la création de ce décompte statistique en 1996. Au total, l’effectif des catégories A, B, C (qui comprennent des demandeurs d’emploi ayant un peu travaillé le mois précédent) a augmenté de 177 500 personnes en un mois (+ 3,1 %). C’est là aussi une situation inédite, de loin : pour trouver le « record » précédent, il faut remonter à avril 2009, en pleine crise économique déclenchée par le secteur des subprimes aux États-Unis, et la hausse était deux fois moindre, de 86 300 personnes.

      [...] Dans Le Parisien, Muriel Pénicaud reconnaît être « inquiète pour l’emploi » mais « refuse » tout pronostic, arguant de la bonne dynamique de l’emploi jusqu’au début de l’année et promettant des mesures supplémentaires, notamment pour les jeunes. Elle annonce aussi qu’une réflexion avec les partenaires sociaux va s’engager sur les règles de l’assurance-chômage.

      En guise de mesure d’urgence, la ministre a annoncé que, comme en avril, les allocations des chômeurs arrivant en fin de droit seraient reconduites pour le mois de mai. Le second volet de la réforme de l’assurance-chômage, qui devait entrer en vigueur le 1er avril, particulièrement dur pour les plus précaires des demandeurs d’emploi, est quant à lui toujours annoncé comme étant reporté au 1er septembre.

      De quoi exactement vont discuter le gouvernement et les partenaires sociaux ? Mystère.
      En tout cas, il n’est pour l’heure pas question d’abandonner ce second volet de la réforme. Encore moins d’annuler la première partie de la réforme, mise en place en novembre, et qui devait toucher négativement 710 000 personnes en un an.

      [...] Dans une note publiée ce mardi 28 avril en fin de journée, l’Unédic, qui gère le régime, a rendu publics ses calculs. Et l’addition est à l’aune du tsunami qui s’annonce pour l’emploi : cataclysmique. La baisse des cotisations pourrait coûter à l’assurance-chômage 3,5 milliards d’euros entre mars en juin, quand la facture du versement des allocations supplémentaires s’élèverait à plus de 1,3 milliard. Des sommes auxquelles il faut ajouter un milliard d’euros par semaine pour financer le chômage partiel, et encore une centaine de millions hebdomadaires pour assurer le transfert des arrêts maladie vers le chômage partiel.

      Le chômage partiel se doit d’être involontaire : si les enfants peuvent être accueillis à l’école garderie, c’est zéro euro
      https://fr.news.yahoo.com/coronavirus-pas-chomage-partiel-si-refusez-envoyer-enfants-ecole-0853

      « A partir du 1er juin, les parents devront fournir une attestation à leur employeur pour justifier que l’établissement scolaire de leur enfant n’est pas en mesure de l’accueillir. Sans ce justificatif, ils n’auront plus droit au chômage partiel. »

  • Coronavirus : le recours au chômage partiel vire parfois au casse-tête, Bertrand Bissuel et Raphaëlle Besse Desmoulières
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/30/coronavirus-le-recours-au-chomage-partiel-vire-parfois-au-casse-tete_6034885

    220 000 sociétés, employant 2,2 millions de salariés, avaient déposé un dossier vendredi 27 mars, un afflux accompagné de nombreux couacs et d’embouteillages en série.

    Stéfany Guessard ne décolère pas. A la tête d’un institut de beauté près de Lille, cette chef d’entreprise de 43 ans bataille depuis plus d’une semaine pour faire passer ses deux salariées au chômage partiel. Dès le 13 mars, devant l’avalanche de rendez-vous annulés par des clientes, elle s’était rendue sur la plate-forme numérique prévue à cet effet par le ministère du travail pour créer son espace personnel et engager les démarches. Mais faute de s’être vu communiquer des codes – sésame indispensable –, elle n’a pas pu aller plus loin.

    Elle a frappé à toutes les portes, multipliant les coups de fil au service d’assistance téléphonique et les courriels à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) – l’administration qui instruit sa demande. Quand elle a fini par recevoir une réponse, on l’a renvoyée vers d’autres interlocuteurs. Dimanche 29 mars, sa situation n’avait toujours pas été débloquée. « Personne n’est capable de me trouver une solution, se désespère-t-elle. On se retrouve quand même très seuls. Et vu le nombre de demandes, le robinet va se fermer : premiers arrivés, premiers servis… »

    Son cas illustre les tourments rencontrés par des employeurs pour bénéficier de « l’activité partielle ». Ce dispositif, plus communément appelé « chômage partiel » ou « chômage technique », est l’une des armes que les pouvoirs publics ont dégainée afin d’amortir la crise déclenchée par l’épidémie de Covid-19. Il permet à des sociétés, confrontées à des difficultés passagères, de ralentir ou d’interrompre leur production. La rémunération du personnel est partiellement prise en charge par une allocation, financée par l’Etat et par l’Unédic, l’association paritaire qui gère le régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

    Une série de mesures viennent d’être édictées pour que ce système de soutien soit, provisoirement, plus généreux et étendu à des catégories qui n’y étaient pas éligibles jusqu’à présent. Concrètement, le salarié reçoit 84 % de son salaire net (parfois l’intégralité, si sa direction en décide ainsi) et l’employeur est dédommagé à 100 %, dans la limite de 4,5 smic. « Le but du chômage partiel, qu’on utilise massivement, c’est d’éviter les licenciements », a rappelé, dimanche, la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Il s’agit d’« éviter la casse sociale » tout en veillant à ce que les entreprises puissent, « demain, (…) repartir avec leurs compétences ».

    Message reçu cinq sur cinq du côté des patrons, qui se sont précipités vers les Direccte, afin de déposer un dossier. Vendredi soir, quelque 220 000 sociétés, employant au total 2,2 millions de salariés, s’étaient manifestées. Et le flux est loin de se tarir. « On est à plusieurs milliers de demandes par minute » , d’après Mme Pénicaud. Les principaux secteurs concernés sont « l’industrie, l’hébergement et restauration, la construction et le commerce non alimentaire », ainsi que « les garages, qui sont très touchés en ce moment ».

    De nombreux couacs et embouteillages

    Le flot de candidats à l’activité partielle s’est accompagné de nombreux couacs et d’embouteillages en série. A maintes reprises, les organisations patronales se sont émues que plusieurs de leurs adhérents voient leurs requêtes rejetées. « Des Direccte posent des conditions ou émettent des doutes, en se fondant sur des analyses qui ne sont pas conformes aux déclarations de la ministre », rapporte Alain Griset, le président de l’Union des entreprises de proximité (artisans, commerçants, professions libérales). Numéro un de la Confédération des petites et moyennes entreprises, François Asselin cite l’exemple d’une société qui n’arrive plus à fonctionner, une large partie de ses équipes étant absente : « Elle n’a pas obtenu le chômage partiel. Il lui a été dit de s’adresser à Pôle emploi pour pallier le manque de personnel », assure-t-il. « Ici et là, on a eu des Direccte qui ne répondaient pas de la même façon », soutient-on au Medef.

    Le ministère du travail objecte, de son côté, que, à la date du 25 mars, seules 28 requêtes avaient été repoussées de façon justifiée, en suggérant, au passage, que le patronat noircit un peu le tableau. Mais les cabinets d’experts-comptables, qui accomplissent les formalités pour des centaines de milliers de sociétés, constatent, eux aussi, qu’il y a des frottements, même s’ils demeurent minoritaires. « Beaucoup de dossiers ont été déposés simultanément, si bien que le site Internet des Direccte a été engorgé, créant une certaine inquiétude chez les employeurs qui est compréhensible car c’est le pronostic vital de leur entreprise qui est en jeu », confie Patrick Bordas, vice-président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. L’autre difficulté qui a pu se poser tient aux « positions parfois disparates de l’administration », ajoute-t-il : « Pour deux entreprises exerçant une activité identique, l’une peut voir son dossier accepté et l’autre non. Nous sommes en lien avec le ministère du travail pour œuvrer à l’harmonisation des pratiques. »

    La communication de l’exécutif, exhortant la population à rester chez elle tout en réclamant la poursuite de l’activité économique, a contribué à entretenir une certaine confusion, y compris au sein même des services déconcentrés de l’Etat. « Il y a eu des cafouillages au début », reconnaît un haut gradé d’une Direccte, d’autant que la ligne tracée au plus sommet de l’Etat « a suscité, entre collègues, des interprétations parfois contradictoires ». Des tâtonnements qui ont tourné à l’affrontement entre Mme Pénicaud et les entreprises du bâtiment : la ministre leur a reproché de basculer trop promptement en chômage partiel, ce qui a scandalisé les fédérations professionnelles du secteur. Les tensions sont finalement retombées, grâce à un accord conclu le 21 mars entre les parties en présence.

    Parallèlement, le ministère du travail s’évertue à rassurer les employeurs dont les démarches s’avèrent problématiques. « Toutes les demandes qui n’ont pas eu de réponse en 48 heures sont réputées acquises et on fera les contrôles a posteriori », a insisté Mme Pénicaud, dimanche. Depuis quelques jours, « le traitement des requêtes s’est fluidifié, avec des réponses qui parviennent plus rapidement », observe Mikaël Hugonnet, expert-comptable à Parthenay dans les Deux-Sèvres : « Même si les réponses sont hétérogènes sur le territoire national, nous pouvons estimer que dans environ 90 % des cas, elles sont positives, ce qui signifie tout de même qu’un dixième des dossiers est écarté. » Selon lui, il s’agit généralement « de sociétés qui ne sont pas concernées par les mesures de fermeture ordonnées par l’Etat et dont l’activité peut se poursuivre, aux yeux des Direccte, soit en mettant en place des mesures de protection, soit en recourant au télétravail, soit un mixte des deux ».

    Les controverses continuent d’éclater, ici et là

    Si la procédure semble, petit à petit, se roder, les controverses continuent d’éclater, ici et là. Ainsi, la direction de SFR est accusée de rechercher un #effet_d’aubaine, après avoir exprimé son intention de placer au chômage partiel entre 40 % et 50 % de ses effectifs en France. Le groupe veut « faire des économies sur la masse salariale en les reportant sur les fonds publics », s’indigne le syndicat CGT au sein du groupe. L’UNSA, pour sa part, a écrit à Bruno Le Maire, ministre de l’économie, et à Mme Pénicaud pour dénoncer une initiative « proprement indécente » de la part de l’opérateur de télécommunications, qui a dégagé des « résultats exceptionnels » en 2019 et n’a donc pas besoin du soutien de la collectivité. Les dossiers déposés par des clubs de Ligue 1 de football ont également été accueillis par des froncements de sourcils. « Ce n’est pas très, très joli ni logique que le football utilise de l’argent public pour financer une partie des salaires des joueurs », a déclaré à l’AFP l’agent de joueurs Yvan Le Mée.

    Pour financer le recours au dispositif, quelque 8,5 milliards d’euros sont prévus (les deux tiers étant à la charge de l’Etat, le solde incombant à l’Unédic). Mais M. Le Maire a récemment admis que cette enveloppe sera sans doute insuffisante. Un pronostic confirmé par Bruno Ducoudré, de l’Observatoire français des conjonctures économiques. D’après lui, il faut plutôt tabler sur « une fourchette large » de « 10 à 20 milliards d’euros par mois de confinement », en tenant compte des aides allouées aux employeurs et des pertes de cotisations sociales. « Dans l’immédiat, il n’y a pas de problème à court terme : l’Etat peut faire face à ses engagements et soutenir massivement le pouvoir d’achat des salariés et les comptes des entreprises », estime M. Ducoudré.

    Malgré tous les efforts déployés par le gouvernement, « de nombreuses sociétés seront fragilisées et certaines disparaîtront », décrypte Gilbert Cette, professeur associé à l’université d’Aix-Marseille. « Le chômage va bien sûr augmenter, complète-t-il. Mais in fine, l’impact de cette crise sur l’emploi devrait être considérablement moins négatif que dans d’autres pays, par exemple les Etats-Unis. » Pour le moment, « il faut se féliciter des dispositions prises, qui vont réduire la casse, au prix, certes, d’un endettement public très fortement augmenté », conclut-il.

    #chômage_partiel

  • Nettoyage, entrepôts, livraisons… les travailleurs étrangers en première ligne face au coronavirus
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/27/nettoyage-entrepots-livraisons-les-travailleurs-etrangers-en-premiere-ligne-
    Un livreur à Paris, le 18 mars, jour 2 du confinement. Plusieurs syndicats et collectifs de livreurs ont demandé leur « arrêt immédiat », avant que les livreurs ne tombent comme des mouches », disent-ils dans un communiqué, publié jeudi 26 mars PHILIPPE LOPEZ / AFP

    Les secteurs du nettoyage, de la sécurité ou de la livraison recourent beaucoup aux travailleurs issus de l’immigration, parfois sans papiers. Et souvent sans protections.

    Hamidou Sow prend le bus, le RER et le métro tous les matins. Depuis la Seine-Saint-Denis, où il habite, il rejoint le sud de Paris. Ce Sénégalais de 38 ans travaille dans le nettoyage et son employeur ne lui a pas donné congé. Au contraire. Sur un chantier géré par un grand groupe de BTP, il récure bungalows, toilettes et espaces de restauration au quotidien.

    « Mercredi, on nous a fourni des gants, des masques, du gel hydroalcoolique », énumère-t-il. Alors, il se sent « un peu protégé ». Hamidou Sow est en cours de régularisation. Comme de nombreux travailleurs étrangers, il évolue dans des secteurs aujourd’hui fortement sollicités, malgré les consignes de confinement. « Les travailleurs étrangers, avec ou sans titre de séjour, sont en première ligne dans les activités de nettoyage, de ramassage et de tri de déchets, d’aide à la personne, d’agriculture ou de commerce, indispensables aujourd’hui », considère Marilyne Poulain, chargée des questions liées aux travailleurs sans papiers à la CGT.

    Mahamadou Kebbe, Franco-Malien de 33 ans, est agent de sécurité. Il travaille le week-end à l’accueil des urgences d’un hôpital de Seine-Saint-Denis. « C’est très compliqué, reconnaît-il. Je vois beaucoup de monde avec des symptômes du virus. Je regarde deux ou trois fois par jour ma température et j’ai décidé de ne plus faire de ronde dans les services. » Malgré la situation, l’employeur de Mahamadou Kebbe ne lui a pas fourni d’équipement de protection, faute de disponibilité. « Si l’hôpital ne nous en avait pas donné, on serait en danger », souligne-t-il.

    « Ils sont environ 70 là-dedans »
    Daouda (le prénom a été modifié) fait, lui, sans masque. Ce jeune Malien sans papiers travaille comme éboueur pour une grande intercommunalité d’Ile-de-France. « Pour le moment, personne n’est malade, ça se passe bien, se rassure-t-il. On nous a donné des savons et on se lave les mains avant et après le service. » Chauffeur de poids lourds dans la collecte des ordures ménagères dans le Val-de-Marne, Ousmane Sissoko a quant à lui eu des masques « au début ». « Mais là, on n’en a plus », confie ce travailleur malien, régularisé en 2009. Pour plus de prudence, son équipe s’organise : « On évite d’être trois dans la cabine du camion, il y en a un qui peut rester derrière », explique-t-il.

    « Les salariés les plus précaires sont exposés et ce ne sont pas des professionnels de la santé. Il faut que l’employeur prenne des dispositions », rappelle Rémi Picaud, représentant de la CGT-Commerce, soucieux notamment des conditions de travail dans les entrepôts logistiques des plates-formes de commerce en ligne. Farid (le prénom a été modifié), franco-algérien, travaille dans l’un d’eux, dans les Hauts-de-Seine, comme agent de sécurité. Il a été arrêté il y a quelques jours par son médecin. « Le collègue qui me remplace la nuit m’avait appelé depuis l’hôpital. Sa femme est malade et lui a un arrêt de quinze jours », justifie-t-il.

    Farid ne veut pas prendre de risque : « Je suis diabétique et j’ai des enfants en bas âge. » Il s’inquiète de l’absence de précautions prises pour les travailleurs de l’entrepôt. « C’est catastrophique, dit-il. Ils sont environ 70 là-dedans. Et j’en ai vu un seul avec un masque. Ils prennent tous les transports en commun. Les produits arrivent en vrac et ils les emballent avant de les réexpédier. C’est tous des étrangers. La plupart sont autoentrepreneurs ou intérimaires. »

    Quelques jours avant d’être arrêté, Farid avait déclenché une procédure de droit d’alerte auprès de son employeur en raison des risques de propagation du Covid-19. « Il a envoyé quatre flacons de gel, des gants et un masque pour toute l’équipe », détaille l’agent de sécurité.

    « Virés »
    Jean-Albert Guidou, de la CGT de Seine-Saint-Denis, rapporte le cas de deux salariés d’un commerce alimentaire, sans papiers et atteints du Covid-19. « Ils ont travaillé alors qu’ils avaient des symptômes et qu’on était dans une situation qui pouvait faire craindre une contamination plus large, estime-t-il. L’employeur, qui ne les avait pas déclarés, les a finalement virés. »
    « Un grand nombre de travailleurs sans papiers sont indispensables à l’économie du pays et sont plus vulnérables, souligne Mme Poulain. Nous revendiquons plus que jamais leur régularisation. Il faut aussi garantir leur accès aux soins. Ils n’ont pas la sécurité sociale alors qu’ils cotisent, et beaucoup n’ont pas droit à l’aide médicale d’Etat car ils dépassent le seuil de ressources. »

    La responsable syndicale s’étonne par ailleurs du maintien de certaines activités comme la livraison de repas via les plates-formes comme Uber Eats ou Deliveroo. Plusieurs syndicats et collectifs ont demandé leur « arrêt immédiat », « avant que les livreurs ne tombent comme des mouches », disent-ils dans un communiqué, publié jeudi 26 mars. « On voudrait que les livreurs puissent se protéger mais les plates-formes ne les indemnisent que si un médecin justifie de leur mise en quarantaine ou de leur contamination, relate Jean-Daniel Zamor, président du Collectif des livreurs autonomes parisiens. Quant aux autres, soit ils ne gagnent plus d’argent, soit ils continuent de travailler. »

    Le gouvernement prône la livraison « sans contact » (avec le client, le repas…) mais la règle est impossible à respecter. Digicodes, portes d’immeuble, boutons d’ascenseur, rampes d’escalier… le risque est omniprésent.

    #travail #travailleurs_étrangers #premiers_de_corvée

    • Les salariés de la propreté aux avant-postes face au coronavirus
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/30/les-salaries-de-la-proprete-aux-avant-postes-face-au-coronavirus_6034904_323

      Dans ce secteur comme ailleurs, le manque de masques ou d’équipements de sécurité se fait cruellement sentir. Pourtant, très peu de salariés font valoir leur #droit_de_retrait.

      Anne-Marie n’est ni infirmière ni caissière, et personne ne l’applaudit le soir à 20 heures. Pourtant, elle aussi dit aller au travail le matin « la peur au ventre ». Comme son mari, elle est employée dans des entreprises de #nettoyage. « Chaque matin, on se demande si on va aller travailler. Nos deux enfants voudraient que nous restions à la maison. Mais on a les charges à payer, le réfrigérateur à remplir, alors, on y retourne. »

      Environ 550 000 personnes sont salariées dans le domaine de la propreté et du nettoyage en France, un secteur aujourd’hui soumis à deux mouvements antagonistes : d’une part, la fermeture des bureaux, commerces non alimentaires, écoles, crèches (ce qui entraîne une réduction d’environ 60 % de l’activité) ; d’autre part, la nécessité, pour les entreprises, de continuer à intervenir afin d’assurer le nettoyage des établissements de soins (hôpitaux, cliniques, Ehpad...), des transports en commun, des supermarchés et des commerces alimentaires ou encore des entrepôts logistiques. Sans oublier les copropriétés, où les prestataires viennent toujours évacuer les ordures ménagères, nettoyer halls d’entrée, ascenseurs et escaliers avec une attention toute particulière aux « points de contacts » : digicodes, poignées de porte, boutons d’ascenseur...

      « Nous avons aussi été appelés pour assurer la continuité sanitaire dans les copropriétés dont les gardiens ont été mis en congés par les syndics », témoigne Aurélie Boileau, présidente de l’entreprise Utile et Agréable, qui emploie 1 000 salariés pour entretenir 5 000 immeubles en Ile-de-France.

      Dans ce secteur comme ailleurs, le manque de masques ou d’équipements de sécurité se fait cruellement sentir. Selon Jean-Pierre Duquesne, président de la FEP (Fédération des entreprises de propreté et services associés) Ile-de-France et dirigeant de Netindus, « quelques entreprises on pu mettre des équipements de protection individuelle à disposition de leurs salariés ». Mais la grande majorité se « débrouille » avec les moyens du bord : des gants de ménage, « mais ni masques ni combinaisons jetables ».

      « Ils sont très courageux et savent se mobiliser »

      « Nos salariés ont tous du gel hydroalcoolique et des gants à usage unique, mais pas de #masques », confirme Aurélie Boileau. Pour de nombreux chefs d’entreprise, la situation est intenable. « Les employés sont pleins de bonne volonté, mais si on les envoie sur le terrain, il faut qu’ils soient en sécurité », insiste Laurent Ruh, directeur général de RH Propreté, une entreprise installée dans l’Est.

      Ainsi, Philippe Jouanny, le président de la FEP, a écrit une lettre ouverte au gouvernement pour « demander que les entreprises de propreté puissent être incluses dans les métiers dits essentiels au maintien de la salubrité civique et pouvoir ainsi bénéficier des équipements et des moyens de transport en priorité (...) Il est impératif que ces professionnels de l’hygiène et de la désinfection puissent poursuivre leurs activités indispensables à court et moyen termes dans les conditions optimales de protection des agents de service de propreté ».

      Malgré ces conditions difficiles sur le terrain, le secteur ne reçoit que très peu de demandes de droit de retrait de la part des salariés, qui continuent à aller travailler vaille que vaille. « Nos salariés ont des vies difficiles. Ils sont très courageux et savent se mobiliser », reconnaît Aurélie Boileau, qui a mis en place des échanges avec les partenaires sociaux au sein de son entreprise pour informer les équipes.

      Anne-Marie, déléguée syndicale CGT, avance une autre explication : « Le secteur compte beaucoup de #travailleurs_précaires, qui parlent mal le français et ne savent pas se défendre. » De fait, selon les statistiques diffusées par la profession, un salarié sur deux n’a aucun diplôme de formation initiale, un sur trois est de nationalité étrangère, et six sur dix sont à temps partiel. En outre, le quart des fonds de professionnalisation de la branche est consacré à la lutte contre l’illettrisme.

      #premiers_de_corvée

    • Coronavirus : avec la crise sanitaire, les travailleurs invisibles sortent de l’ombre, Par Laurence Girard , Alexandre Piquard , Camille Bordenet , Francine Aizicovici , Juliette Garnier , Cécile Prudhomme , Eric Béziat , Béatrice Madeline et Louisa Benchabane
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/01/avec-la-crise-les-travailleurs-invisibles-sortent-de-l-ombre_6035123_3234.ht

      TÉMOIGNAGES Alors que l’économie française connaît un arrêt brutal en raison de l’épidémie de Covid-19, caissières, livreurs, agents de nettoyage, ouvriers de chantier, conducteurs de métro, auxiliaires de vie, apparaissent enfin pour ce qu’ils sont : des rouages essentiels de la vie du pays.

      Le Covid-19 les a fait surgir au grand jour. Alors que l’économie du pays est clouée au sol, caissières, livreurs, agents de nettoyage, ouvriers de chantier, conducteurs de métro, auxiliaires de vie, ces #travailleurs_invisibles apparaissent enfin pour ce qu’ils sont : des rouages essentiels de la vie du pays, sans lesquels point de commerces, de transports ou de services aux personnes.

      Alors qu’une partie des salariés s’installent dans le télétravail, ils et elles n’ont pas d’autre choix que de continuer à aller travailler, parfois de nuit, souvent en horaires décalés, toujours au risque d’attraper la maladie. Quatre d’entre eux ont déjà perdu la vie, comme le rappelle la fédération CGT des commerces et services dans une lettre ouverte adressée à la ministre du travail Muriel Pénicaud, le 31 mars. Et des centaines d’autres sont contaminés. Une situation qui a incité la CGT Commerce a déposé plainte contre la ministre du travail devant la Cour de justice de la République, estimant que les salariés de la distribution manquaient de protection face au coronavirus. « Cette crise fait apparaître une forme de pénibilité que l’on n’imaginait plus : celle d’être exposé à un risque sanitaire létal dans le cadre de son activité professionnelle », souligne le sociologue Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. « Cette exposition à des risques majeurs n’était plus tellement prise en compte dans l’évolution de notre droit du travail, on l’avait un peu oubliée. »

      Selon une note de l’OFCE publiée lundi 30 mars, 8,4 millions de personnes en France peuvent travailler à distance, de leur domicile : la moitié sont des cadres, les autres sont employés qualifiés ou appartiennent aux professions intermédiaires, comme les enseignants. Et, à l’inverse, 18,8 millions de salariés, ouvriers ou employés pour l’essentiel, ne peuvent effectuer leur travail à distance. Pour certaines personnes interrogées, il existe une certaine fierté à continuer à aller au travail, que ce soit pour ne pas laisser tomber les « copains » ou les personnes dont elles s’occupent, pour contribuer à assurer le service public. Mais c’est aussi un non-choix. Droit de retrait difficile à faire appliquer, nécessité de faire rentrer un salaire coûte que coûte. Beaucoup y vont la boule au ventre, avec la peur de tomber malade, de contaminer leur famille.

      « On est là pour la survie de l’entreprise »
      Samuel Dubelloy, 48 ans, ouvrier chez Arc à Arques (Pas-de-Calais)

      « Je travaille chez Arc depuis plus de quinze ans, pour un salaire de 1 944 euros, à raison de trente-deux à trente-trois heures par semaine. Le mois prochain, j’aurai 49 ans. Je n’ai jamais vu autant de gars ayant peur d’aller travailler, c’est énorme. Depuis lundi 23 mars, toute l’organisation du personnel a été revue [seuls 700 des 2 500 ouvriers y ont conservé leur poste sur les chaînes de production, à la suite de l’adoption d’un plan de crise réduisant de 70 % le tonnage pour se conformer aux mesures de distanciation sociale]. Certains sont en chômage partiel. D’autres sont en congés maladie pour garde d’enfants de moins de 16 ans.

      Je suis assistant à la fusion de l’un des cinq fours qui produit encore au sein du site. On y fabrique du verre pour des hublots de machines à laver et des assiettes de couleur noire, à raison de 440 tonnes par jour. Bien que l’Audomarois soit épargné et qu’il n’y ait pas eu de malades du coronavirus dans le coin, ni à l’usine, pour le moment, j’ai peur. Quand j’arrive, j’ai mal au ventre. Et puis ça passe. Au fond, le boulot, il n’a pas changé. Tout le monde est bien protégé. On est habitués à porter des masques, puisque la fusion du verre fait appel à des produits nocifs, du nickel, de la silice, du chrome ou de la chaux vive. Et puis je me dois d’être là au côté de mon fils, qui est conducteur de machines, et pour la survie de l’entreprise. Arc a traversé des situations très difficiles [en 2013, elle a frôlé le dépôt de bilan]. Cette crise ne va pas améliorer la situation, ça c’est sûr. Mais on ne peut pas arrêter des fours verriers. On ne peut pas tout mettre par terre. Il y a 680 personnes qui d’habitude travaillent sur ce four. Beaucoup ont plus de 50 ans. Ils retrouveraient difficilement un emploi si Arc s’arrêtait. »

      « La prime de 1 000 euros, je m’en fous »
      Olivier*, 49 ans, agent de nettoyage en gare TER (Bouches-du-Rhône) pour le compte de Sud Service, filiale du groupe Nicollin

      « La prime de 1 000 euros ? Je m’en fous pas mal. Ce n’est pas ça qui va me rassurer sur mes conditions de travail. J’ai peur, oui, je ne peux plus faire semblant. Nous sommes deux agents de nettoyage dans une camionnette. Mon collègue a des allergies. Il éternue, renifle, toute la journée. Et ni lui ni moi n’avons de masque. Pourquoi on ne me donne pas un autre véhicule ? L’entreprise en a plein d’autres. Au moins le temps que le pic d’épidémie passe. Je ferais ma tournée seul. Au volant, je ne peux pas être à moins de 1,50 m de mon collègue. De 8 heures à 16 heures, toute la journée, je ramasse des mouchoirs usagés, nettoie les trains, les toilettes. Et nous n’avons pas de gel hydroalcoolique.

      Partout, sur les réseaux sociaux, le Groupe Nicollin dit « prendre des mesures pour votre sécurité et celle de ses agents ! » Mais nos chefs ne savent rien de ce qui se passe sur le terrain. Dans les gares, comme les toilettes sont fermées, je ne peux plus me laver les mains. Et comme il n’y a plus d’agents de la SNCF, les voyageurs s’adressent à nous pour trouver leur train. Ils sont pressés. Ils parlent fort, postillonnent. Ils se tiennent trop près de nous. On ne peut pas continuer comme ça. »

      « Je contribue à la continuité du transport public »
      Cédric Gentil, 41 ans, conducteur RATP sur la ligne A du RER (Ile-de-France)

      « Pour aller travailler, je dispose d’un équipement de protection assez sommaire. Depuis la mi-mars, nous avons un kit personnel que nous emportons en permanence avec nous. Il contient des lingettes désinfectantes, des gants et deux masques chirurgicaux à utiliser uniquement si je dois porter assistance à un voyageur malade. L’un des masques est pour moi et l’autre est destiné à l’usager.

      A chaque prise de poste, l’entreprise me fournit six petites lingettes désinfectantes pour nettoyer mon poste de conduite. Mais cela ne suffit pas. Alors, comme mes collègues, j’arrive avec mes propres lingettes. Cette question du nettoyage, c’est le sujet qui suscite le plus de crainte, de colère même, chez les conducteurs. Avec parfois l’envie d’arrêter. Sachant que, dans mon centre d’attachement de Torcy (est de la ligne A du RER), on compte une dizaine de personnes positives au Covid-19. Les mesures d’assainissement prises avec retard ne sont toujours pas effectives. Par exemple, l’équipe de nettoyage en bout de ligne, à Saint-Germain-en-Laye, est présente une fois sur deux.

      A Boissy-Saint-Léger, un collègue a un jour signalé qu’une voiture avait été souillée par les vomissures d’une personne malade. La consigne a été d’en interdire l’accès parce qu’on n’avait pas les moyens de la nettoyer. Ce n’est déjà pas acceptable en temps normal mais alors, durant cette période… Cela me met d’autant plus en colère qu’au même moment Ile-de-France Mobilités [l’autorité organisatrice des transports dans la région parisienne] communique en disant que les trains sont désinfectés plusieurs fois par jour.

      Il y a quand même des mesures qui fonctionnent, comme la nouvelle organisation mise en place pour réduire le nombre de personnes présentes en même temps dans les centres d’attachement. Contrairement à certains de mes collègues, je n’ai pas d’appréhension majeure dans le fait d’aller travailler, je suis même plutôt satisfait de contribuer à la continuité du transport public. »

      « Nous avons besoin de considération »
      Cécilia*, 29 ans, auxiliaire de vie (Allier)

      « Je suis auxiliaire de vie, nous sommes auxiliaires de vie, celles qui permettent à des personnes âgées de maintenir leur vie à leur domicile, que ce soit par souhait, par manque de moyens, de places en structure… Je vais être encore plus directe, nous sommes celles qui empêchent certaines personnes de crever la bouche ouverte en silence, seules, parce qu’elles n’ont personne. C’est ce qui arriverait si toutes les aides à domicile se mettaient à faire la grève en même temps, et encore plus en ces temps de crise sanitaire. Si nous n’étions pas là, qui ferait les courses pour ces personnes fragiles, qui leur préparerait leurs repas, les laverait, les écouterait, et j’en passe ?

      On nous laisse sur le terrain avec pas ou peu de moyens de protection, notre profession n’étant pas considérée comme prioritaire. Certaines ont aussi de grandes difficultés à exercer leur droit de retrait. Et tout cela pour ne pas avoir la moindre reconnaissance de notre gouvernement : pas un mot gentil à notre égard ou une mesure. Je suis une maman de deux enfants en bas âge qui, en plein confinement à cause d’une épidémie, se lève et va travailler. J’aime mon métier et j’ai de l’affection pour ces personnes en situation de faiblesse, mais nous avons besoin qu’on nous donne les moyens d’exercer sans risque notre métier. Nous avons aussi besoin de considération. »

      « C’est le pot de terre contre le pot de fer »
      Tatiana Campagne, 30 ans, élue SUD-Solidaires et employée logistique chez Amazon à Lauwin-Planque (Nord)

      « Au début du coronavirus, parmi les employés d’Amazon de mon site, on a fait comme tout le monde, on a attendu de voir. Mais comme nous recevons beaucoup de marchandise de Chine, nous avons commencé à nous inquiéter. Nous avons évoqué l’idée d’utiliser des gants ou du gel hydroalcoolique mais ça faisait plutôt sourire. Pourtant, si on nous avait écoutés plus tôt…

      La peur s’est vraiment installée le jeudi 12 mars, quand Emmanuel Macron a annoncé la fermeture des écoles. Ça confirmait que le virus était bien dangereux. Avec les autres syndicats de notre entrepôt, nous avons cherché à répondre aux inquiétudes des salariés. Et avons commencé à dénoncer le manque de mesures de protection sur le site. Nous avons conseillé aux salariés d’arrêter le travail en exerçant leur droit de retrait. Mais Amazon estime la sécurité satisfaisante et refuse de payer les employés qui font jouer ce droit. En réponse à notre mobilisation, la direction a renforcé les mesures pour faire respecter la distanciation sociale, en poussant les meubles des salles de repos, en décalant les horaires de travail…

      Mais, avec 2 500 salariés sur le site, c’est très difficile d’éviter le risque de contagion. Il n’y a toujours pas de gel pour tout le monde, de masques, de gants… Pour nous, Amazon outrepasse ses droits. C’est le pot de terre contre le pot de fer. Donc, avec l’intersyndicale, nous allons porter les cas de droit de retrait devant les prud’hommes. Moi, j’aurais voulu faire jouer mon droit de retrait mais je ne me voyais pas rester à la maison, en sécurité, et laisser tomber les employés. »

      « Les collègues sont à fleur de peau à cause de la promiscuité »
      Laurence Gillet, 56 ans, responsable du rayon des produits frais, libre-service et découpe, au Super U d’Egletons (Corrèze), et élue du syndicat Force ouvrière

      « Ce métier, je l’ai choisi. J’aime ce que je fais. Ici, on est dans une petite ville, dans un magasin où l’on se sert les coudes. Les collègues me disent : “Je viens car je ne suis pas un tire-au-flanc, mais j’ai peur.” Et puis, on s’entend bien. Mais la fatigue commence à s’installer, physique, et surtout psychologique. Les premiers jours ont été très difficiles, avec beaucoup d’incivilités. C’était la razzia dans les rayons. Les protections pour les hôtesses de caisse, les gants, le gel, ont été mis en place un peu tard, et parfois dans la débrouille : une collègue a par exemple utilisé une toile cirée mise comme un rideau de douche.

      Avec la loi d’urgence sanitaire, on peut faire le remplissage du magasin la nuit et éviter de croiser du public. Le magasin a demandé qui était volontaire pour faire l’équipe de nuit. Depuis mardi 24 mars, au lieu de travailler de 6 heures à midi, je commence à 18 heures jusqu’à minuit, voire 1 heure du matin.

      La nuit, la fatigue est physique, mais, dans l’équipe de jour, les collègues sont à fleur de peau à cause de la promiscuité avec les clients… Jusque-là, personne n’a été touché, mais le jour où on aura un cas, j’ai peur que ça dérape. D’autant qu’il y a encore des clients qui n’ont rien compris, qui font leur sortie journalière pour acheter une bouteille de Coca ou un paquet de sucre. D’autres qui viennent en famille avec leurs enfants qui courent partout. Et au drive, c’est encore pire, car les gens ne supportent pas d’attendre. »

      « J’ai pensé arrêter de travailler. Mais je n’ai pas le choix »
      Thomas De Carvalho, 30 ans, artisan taxi pour sa société, Thomas TRC (Ile-de-France)

      « J’ai perdu 90 % de mon chiffre d’affaires en mars. Il n’y a presque pas de clients. J’ai ma clientèle privée, ça marche encore un peu, avec deux ou trois courses par jour. Pour rassurer les clients, j’ai mis un film alimentaire entre les sièges avant et arrière, des gants et du gel hydroalcoolique à disposition à l’arrière, c’est gratuit. J’ai commandé du Plexiglas pour remplacer ce rafistolage. Je nettoie ma voiture après chaque client. Si l’un d’eux ne met pas les gants, je le refuse. Je suis là pour servir, pas pour subir, ni mourir.

      Je n’ai pas peur du coronavirus pour moi-même. Mais j’ai peur pour ma famille, mes clients. J’ai pensé arrêter de travailler. Mais je n’ai pas le choix. J’ai 5 000 euros de charges par mois, dont 1 500 euros pour la licence et 565 euros pour la voiture. Vendredi 20 mars, j’ai appelé des grandes surfaces pour leur proposer mes services pour livrer. J’attends. »

      « Mon employeur a refusé mon droit de retrait »
      Antoine*, 34 ans, chef d’équipe logistique d’un sous-traitant d’EDF, dans la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly (Loiret)

      « Dans la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly, il aura fallu que les salariés de sous-traitants menacent d’arrêter de travailler pour qu’EDF prenne des précautions. Dans la zone contrôlée, on est tenu de mesurer sa radioactivité fréquemment, notamment en glissant ses mains pendant dix secondes dans un appareil. Mais celui-ci n’était pas désinfecté, malgré le passage de centaines de personnes par jour. De plus, dans le bâtiment du réacteur en cours de rechargement, les distances de sécurité n’étaient pas respectées et les poignées de porte n’étaient désinfectées que deux fois par jour. Mon employeur a refusé que je fasse usage de mon droit de retrait. Il l’a considéré abusif. De mon côté, je n’avais qu’une peur : contaminer ma famille en rentrant chez moi le soir.

      Mais à partir du mardi 17 mars, nous avons commencé à nous mobiliser en refusant d’entrer dans la zone contrôlée tant que des précautions n’étaient pas mises en place par EDF. Autour du 23 mars, EDF a adapté le dispositif : une distance d’un mètre est respectée dans la zone contrôlée, et on est autorisés à porter des gants pour mesurer notre radioactivité. Les chantiers sur les arrêts de tranche (période pendant laquelle un réacteur est arrêté) sont aussi suspendus le week-end. Mais ces mesures arrivent trop tard. Quelques collègues présentent des symptômes de la maladie. »

      « On vit au jour le jour »
      Amélie Huyn, 26 ans, assistante marketing de la société Alpina Savoie à Chambéry (Savoie)

      « Avec la fermeture des restaurants et des cantines, mon entreprise, connue pour ses marques de pâtes, de semoule et de crozets, a vu une partie de ses débouchés se fermer. La direction m’a proposé d’opter pour un chômage partiel ou de prêter main-forte à la production. Je n’ai pas hésité un instant.

      Depuis lundi 23 mars, après une courte période de formation, je travaille de 8 heures à 16 heures sur les lignes de conditionnement des crozets. C’est tout nouveau pour moi, cela me rapproche des coulisses, cela se passe bien, on se serre les coudes. Je ne suis pas du tout inquiète. Toutes les mesures sanitaires sont prises. Je porte masque, charlotte, blouse et chaussures de sécurité. A la pause du midi, chacun a une place numérotée, sans vis-à-vis et espacée. Je ne sais pas encore combien de temps durera l’expérience. On vit au jour le jour. »

      « Il faut assurer la propreté ! »
      Célestin, 64 ans, agent de service (Seine-Saint-Denis)

      « Je suis agent de service, je fais le nettoyage dans des immeubles et des locaux professionnels. Je fais ce travail depuis trente-six ans. On a des gants jetables et du gel hydroalcoolique, mais pas de masque, et cela ne m’empêche pas d’aller travailler. Il faut quand même assurer la propreté des lieux ! On nettoie les portes, les boîtes à lettres, les rampes d’escalier… On est tous inquiets. On évite les contacts directs avec les occupants, quand on croise quelqu’un, on garde nos distances. On ne se laisse pas postillonner dessus ! Mais les gens m’encouragent, ils sont contents de ce que je fais pour eux. Je me sens utile. »

      Coronavirus : dans toute la France, les caissières en première ligne, Par Raphaëlle Rérolle , Marie-Béatrice Baudet , Béatrice Gurrey et Annick Cojean
      Publié le 22 mars 2020
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/22/coronavirus-a-paris-comme-en-province-les-caissieres-de-france-en-premiere-l

      ENQUÊTE La plupart des « hôtesses de caisse » n’ont pas cessé le travail depuis le début de l’épidémie, obligées de rester fidèles au poste, malgré la peur d’être exposées au virus.
      Ces gants-là, ça ne vaut rien. Assise derrière la caisse, elle regarde sa main comme un objet étrange, dans un bref moment d’accalmie. Ces doigts en plastique transparent, beaucoup trop larges, la légère transpiration à l’intérieur… Elle l’agite comme une marionnette et on entend le froissement du plastique. Un peu plus tard, elle accepte de donner son numéro de téléphone pour raconter, à l’abri des oreilles indiscrètes, sa vie de caissière pendant l’épidémie.

      Maintenant on dit « hôtesse de caisse », mais il faudrait, en temps de guerre contre le coronavirus, parler de bons petits soldats, voire de chair à canon, tant elles ont subi – ce sont des femmes à 90 % – l’assaut d’une clientèle devenue folle, juste avant le confinement, décrété mardi 17 mars à midi.

      Elles sont de moins en moins nombreuses depuis dix ans dans les super et les hypermarchés, avec l’apparition des caisses automatiques. Une baisse d’environ 10 %, soit un bataillon de 150 000 équivalents temps plein, selon la Fédération du commerce et de la distribution. Mais il est chaque jour au front depuis que tous les commerces « non indispensables » ont fermé. On ne peut plus dire « l’intendance suivra ». Elle précède tout.

      Bénédicte, le prénom qu’elle a choisi pour ne pas être reconnue, a 30 ans et travaille en Normandie pour une chaîne de supermarchés de hard discount. « Ce sont des gants de boulangerie, on s’en sert pour mettre les viennoiseries en rayon, question d’hygiène. On se protège comme on peut mais ce n’est pas pratique pour rendre la monnaie. » La jeune femme travaille là depuis plusieurs années, payée au smic avec un contrat de 30 heures : « C’était ça ou rien. Quand il y a un rush on fait un avenant au contrat. »

      Du jamais vu

      Pour un rush, c’en était un, du jamais vu. Une heure et demie de queue devant le magasin, dès que les rumeurs de confinement ont commencé à courir, vendredi. Lundi, ce fut bien pire. « J’avais l’impression qu’on n’allait pas s’en sortir. Forcément, la contamination on y pense. On est en communication avec les microbes », dit cette mère de deux jeunes enfants.

      Ses journées durent dix heures. Après le paiement, les clients sont à touche-touche avec elle car les caisses n’ont pas de rebord, à dessein : « Faut que ça soit du tac au tac, que ça dégage vite. On doit passer 3 000 articles à l’heure, c’est l’objectif fixé. » Quand il y a moins de monde, Bénédicte fait le ménage ou de la mise en rayon. Pour la semaine du 23 mars, on leur a promis un bouclier de Plexiglas. Mais toujours pas de masques.

      Des masques, il n’en manque pas dans cet hypermarché d’Ille-et-Vilaine. Au rayon frais, charcuterie et fromage, les deux vendeuses articulent haut et fort pour être comprises des clients. Jeudi, la circulation des chariots est plutôt fluide dans les allées, où des hommes, masqués eux aussi, réapprovisionnent les rayons.

      Aux caisses, en revanche, le visage de Manon se montre à découvert. « J’ai essayé le masque mais ça me gêne, ça m’oppresse. Je n’en ai jamais porté, je n’ai pas l’habitude, c’est pas comme les soignants », explique la jeune femme, en apparence guère affolée.

      Au sol, des lignes bleues marquent l’espacement obligatoire entre chaque chariot, « 1 mètre », répète une voix au micro. Nathalie, qui officie à la caisse prioritaire pour femmes enceintes et handicapées, apprécie cette précaution mais a renoncé au masque : « J’ai essayé, mais très vite je ne vois plus rien, tellement j’ai de buée sur mes lunettes. »

      Petit salaire et horaires de fou

      Ce sont les invisibles, les discrètes, les modestes. Les fragiles, souvent. Celles qui se perdent dans le décor, confondues avec la caisse qui semble faire le seul travail incontestable : compter. Celles à qui l’on ne reconnaît aucune expertise – et pourtant. « Les hôtesses de caisse, on passe pour des nulles, tranche Déborath, 38 ans. Mais s’il fallait que les clients prennent notre place, ils ne tiendraient pas cinq minutes. »

      Elle travaille dans un hypermarché du Var, très saisonnier, la première ville est à 5 km. Elle aime bien rire, Déborath, mais il était temps qu’un peu de reconnaissance arrive, enfin, avec le virus : « Pour une fois, la roue tourne. Ils ont besoin de nous pour manger. C’est con hein, mais un merci et un bravo, c’est la première fois et ça fait du bien. » Elle raconte le petit salaire, les horaires de fou, les gens qui les prennent pour des idiotes « alors qu’il faut gérer les clients, les problèmes de prix, les conflits entre personnes ».

      Déborath, caissière : « On aurait dit qu’on allait tous mourir. Les gens se battaient pour des produits d’entretien et du papier toilette »
      Le jour de la grande ruée l’a mise en colère : « C’était genre fin du monde. On aurait dit qu’on allait tous mourir. Les gens se battaient pour des produits d’entretien et du papier toilette. S’il y en avait un de contaminé, on le sera tous. » Les trois agents de sécurité étaient débordés, les clients se servaient sur les palettes : « J’étais du soir, on est partis à 21 heures au lieu de 20 h 30. Il a fallu ramasser la cinquantaine de chariots abandonnés dans le magasin. » Puis tout remettre en rayon, sauf le frais et le surgelé, partis à la poubelle. Combien de manipulations ? Cela fait quelques jours maintenant, et cela semble une éternité : « On était très en colère contre l’humain ce jour-là. » Déborath se demande encore comment des clients ont pu faire, qui 650 euros de courses, qui 900 euros : « D’où ils les sortent ? »

      « Ce que j’ai ressenti, c’est de la peur, de l’angoisse, du stress, malgré toutes les précautions prises ici », dit-elle. Peur de contaminer sa mère de 70 ans, avec laquelle elle vit. Angoisse de voir resurgir une crise de polyarthrite, dont elle-même est atteinte. Stress de journées qui ne ressembleront plus à celles d’avant. Que faire aujourd’hui de ces deux heures de pause qui lui permettaient d’aller à la plage ou d’aller se balader dans le centre commercial ?

      C’est un sujet de discussion avec le directeur du magasin, qui s’est montré exemplaire, assure la trentenaire : « Ça va être un moment compliqué à vivre ensemble et il n’a pas envie qu’on tombe malade. Sa femme travaille dans la santé. » Une entrée au lieu de trois habituellement, un système de barrières, des intérimaires embauchés, travail nocturne pour les manutentionnaires, « qui ont énormément apprécié, parce qu’ils ne sont plus en présence des gens », gants obligatoires, gel hydroalcoolique à disposition et conseils d’hygiène. Aux caisses, elles ne sont plus qu’une sur deux et les clients ne passent plus devant elles. Ils récupèrent leur marchandise au bout du comptoir, en passant par-derrière.

      « Malade ou pas ? On se croirait dans un film mais ce n’est pas un film »
      « L’ambiance est bizarre. Un client qui porte un masque, on se pose la question à chaque fois. Malade ou pas ? On se croirait dans un film mais ce n’est pas un film. » Cette atmosphère irréelle, presque de science-fiction, tient aussi aux confinements individuels improvisés dans les magasins, telles ces caissières de Chamalières (Puy-de-Dôme) entourées d’un habillage en cellophane, comme une sorte de cloche, ou les vitres de protection en Plexiglas, apparues ici ou là.

      Ce n’est pas le cas partout. Aucun masque, aucune explication, aucune réunion, par exemple, dans ce grand magasin de proximité parisien. Une chaîne pourtant « branchée » qui s’est adaptée à son public de bobos. Une de ces femmes-troncs remarque, sans perdre son sourire, qu’on ne les a pas averties non plus du changement d’horaire, survenu du jour au lendemain pour avancer la fermeture du magasin, habituellement nocturne. Aucune instruction sur l’hygiène et les comportements à observer avec la clientèle. Les gants jetables que l’on a mis à leur disposition se trouent à la première occasion.

      « La trouille au ventre »

      Le directeur, lui, est parti en vacances et la chef du secteur caisses aussi. « Nous sommes livrées à nous-mêmes. Et j’ai la trouille au ventre, conclut une brune dynamique. On sait que la maladie circule parmi nos clients et qu’on finira par l’avoir. Comment faire autrement ? Ils sont proches de nous, on sent souvent leur souffle… »

      Un client de ce quartier cossu lui a confié l’autre jour que sa fille, restée à la maison, avait le Covid-19. Il attendait peut-être du réconfort, mais il lui parlait à moins de 1 mètre, sans penser un instant qu’il la mettait en danger. Elle, elle l’avait bien en tête. « J’étais glacée d’angoisse mais je n’ai rien montré. C’est la règle. Et quand ils sont agressifs on serre les dents. Sinon, nous serions dans notre tort. »

      Un droit de retrait ? Bien sûr que non ! Elles ont trop peur de perdre leur job, ces femmes, ces mères de famille, parfois célibataires ou divorcées. « Avec un loyer qui prend plus de la moitié de mon salaire net, 1 200 euros, je n’ai aucune marge de manœuvre », explique l’une d’elles.

      Seules quelques mamans de très jeunes enfants ont demandé à ne pas venir pendant quelques jours. Une autre hôtesse nuance : « Ce n’est pas qu’une histoire d’argent. Les caissières ont aussi une conscience professionnelle ! On est là en temps de crise. On assure un service public. On ne flanche pas. »

      « Si seulement Macron avait mentionné les caissières ! Vous n’imaginez pas comme on aurait été fières ! »
      Elles ont noté – et approuvé – l’hommage appuyé du président de la République, Emmanuel Macron, aux personnels soignants, l’autre soir, à la télévision. Mais elles auraient aimé un mot, rien qu’un mot, pour les « obscurs », les « petites mains », les « chevilles ouvrières », qui contribuent à l’effort pour que le pays continue à manger, à boire, à vivre. « Si seulement il avait mentionné les caissières ! Vous n’imaginez pas comme on aurait été fières ! »

      Dans ce magasin bio de Haute-Loire, situé dans une ville de 6 800 habitants, Maxime, le gérant, a reçu, lui, une avalanche d’instructions de sa chaîne, réactualisées plusieurs fois par jour, comme le lavage des mains tous les quarts d’heure. « Nous ne portons pas de gants, c’est un faux ami qui donne une impression de sécurité alors qu’on peut avoir les mains sales », détaille-t-il. Deux gros bidons de gel hydroalcoolique, fabriqué par une entreprise locale, attendent les clients à l’entrée. « Je ne suis pas angoissé du tout, assure Thomas, un caissier de 32 ans. Ce n’est pas dans ma nature et nos clients sont respectueux. »

      Mercredi 18 mars, Maxime, dépité de s’être vu refuser des masques à la pharmacie, s’est approvisionné en visières transparentes, celles dont on se sert pour éviter les projections dans les opérations de tronçonnage. Au petit supermarché voisin, les caissières portent toutes ces masques tant convoités et réservés aux soignants. « Ce sont des réserves de la dernière épidémie de grippe. Mais on en a peu, alors on les garde toute la journée », précise l’une d’elles. Il ne faut pourtant pas les conserver plus de quatre heures pour s’assurer de leur efficacité…

      « Quand on voit des gens venir acheter une bouteille de bière toutes les deux heures, une par une, on se dit qu’ils n’ont rien compris »
      Dans une moyenne surface du même département, les caissières s’ennuient un peu derrière leur vitre de Plexiglas, maintenant que l’heure du reflux a sonné. Se sentent-elles rassurées dans ce magasin dépeuplé ? « Bah, quand on voit des gens venir acheter une bouteille de bière toutes les deux heures, une par une, on se dit qu’ils n’ont rien compris », se désole Sylvie.

      Au moins, se sentent-elles un peu mieux protégées que leurs collègues, à 15 km de là. De vagues morceaux de carton, de moins d’un mètre de côté, taillés dans de vieux emballages, ont été placés devant les caisses. « C’est tout ce que le gérant a trouvé pour nous protéger », déplore Monique.

      La foule s’est évanouie et un aspirateur vrombit. Les caissières montent la garde derrière leur illusoire bouclier de carton. Angoissées mais étonnamment stoïques, quand des clients, âgés pour la plupart, passent leur tête sur les côtés pour mieux les entendre. Comme si le carton n’existait pas. Comme si l’épidémie n’existait pas. Comme si de rien n’était.

  • Le drone, renfort utile mais controversé pour faire respecter le confinement
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/26/le-drone-renfort-utile-mais-controverse-pour-faire-respecter-le-confinement_

    L’utilisation de ces engins volants pour surveiller et sécuriser certaines zones des territoires confinés pose des questions sur la protection de la vie privée. En période de confinement, les drones sont de sortie. En quelques jours, ces caméras volantes pilotées à distance se sont imposées comme des auxiliaires indispensables aux autorités chargées de faire respecter les consignes de sécurité et inviter – fermement – les passants à rester chez eux. Déjà massivement utilisés par les forces de l’ordre en (...)

    #algorithme #température #CCTV #drone #aérien #vidéo-surveillance #santé #surveillance (...)

    ##santé ##LDH-France

  • Coronavirus : 3,283 millions d’Américains se sont inscrits au chômage en une semaine
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/26/coronavirus-3-283-millions-d-americains-se-sont-inscrits-au-chomage-en-une-s

    Ce chiffre dépasse l’envolée des #demandes_d’allocation-chômage qui avait suivi la crise financière de 2008. Une nouvelle assurance fédérale permettra de verser 600 dollars par semaine aux chômeurs.

    L’envolée est inédite. 3,283 millions d’Américains se sont inscrits au chômage en une semaine. Ce chiffre dépasse l’envolée des demandes d’allocation-chômage qui avait suivi la grande crise financière de 2008, alors que l’économie est à l’arrêt, en particulier les services, premiers pourvoyeurs d’emplois : restaurants, commerces, écoles, transports, salons de coiffure, musées, dentistes.
    Ce chiffre a été révélé jeudi à 8 h 30, heure de New York, par le ministère fédéral du travail. Il porte sur la semaine s’étant achevée le 21 mars, lorsque la crise du coronavirus a paralysé économiquement les Etats-Unis. Il marque une hausse de 3 millions d’inscriptions au chômage supplémentaires par rapport à la semaine précédente, qui avait enregistré 282 000 nouvelles demandes, selon les chiffres du bureau du travail. (...)

    [L’assurance chômage] va jouer un rôle inédit dans cette crise. Le Sénat a voté dans la nuit de mercredi à jeudi un paquet de 2 000 milliards d’aides à l’économie, dont 250 milliards dollars à une nouvelle #assurance_chômage_fédérale.

    « Ce que la plupart des Américains veulent, c’est garder leur emploi. » Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor.
    « Si vous avez été licencié, vous allez recevoir 600 dollars par semaine de plus » pendant quatre mois, a précisé le sénateur progressiste du Vermont, Bernie Sanders. Pour la première fois, les travailleurs ayant un statut d’indépendant, comme les chauffeurs Uber, y auront droit. Cette somme viendra en complément des 200 à 550 dollars payés chaque semaine par les Etats fédérés pour une période de trois à sept mois. En moyenne, fin 2019, cette couverture était de 368 dollars par semaine, soit 45 % du dernier salaire.

    Cette mesure a longtemps fait débat, mercredi 25 mars au soir, quatre sénateurs républicains contestant un système qui permettrait à certains de gagner plus au chômage qu’en travaillant, encourageant les Américains à quitter leur travail. « Je ne crois pas que cela va créer des incitations négatives », a déclaré Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor. « Ce que la plupart des Américains veulent, c’est garder leur emploi. »

    S’y ajoute une intervention directe de 500 milliards de dollars du Trésor américain. Les ménages vont recevoir un chèque de 1 200 dollars par personne, à condition de gagner moins de 75 000 dollars par an pour une personne, et 150 000 pour un couple, ainsi que 500 dollars par ­enfant. La mesure, dégressive au-delà, permet de donner du pouvoir d’achat immédiat aux ménages, dont beaucoup sont privés de leur travail du jour au lendemain. Elle doit être versée d’ici à trois semaines, selon M. Mnuchin.

    #sous-réserve_d'inventaire

    #chômage #droitauchômage

  • Non seulement les kiosquies ferment, mais le distributeur de #presse Presstalis est au bord du dépôt de bilan (Le Monde, 11 mars)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/11/presstalis-au-bord-du-depot-de-bilan_6032593_3234.html

    En face, les quotidiens, représentés par Louis Dreyfus (président du directoire du Monde), prônent un maintien de la mutualisation, seule planche de salut, à leurs yeux, pour assurer la distribution de la presse dans les 10 000 points de vente desservis par Presstalis. Difficiles pour ces journaux d’assumer seuls le coût d’acheminement des titres. « Il y a une interdépendance des quotidiens et des magazines. Sans les journaux “chauds”, le public n’irait plus en kiosque. Cette complexité-là, certains ne veulent pas la voir », fait valoir un autre.

    (…) Face à cette équation à plusieurs inconnues, l’attitude de l’Etat, qui a plusieurs fois mis la main à la poche pour renflouer l’entreprise, sera déterminante. Selon nos informations, les pouvoirs publics ont laissé entendre qu’il n’aiderait qu’un plan pérenne. A quelle hauteur ? L’Etat n’assumera pas la créance des éditeurs, mais pourrait aider les kiosquiers, fragile maillon de la filière. Une chose est sûre : à la veille des municipales et à deux ans de la présidentielle, pas question que la distribution des journaux disparaisse.

    #bazar (complet)

  • « Nous, les #ouvriers, on nous dit : “Allez travailler !” alors que les #cadres travaillent depuis chez eux »

    Dans de nombreux secteurs, l’inquiétude des personnels est palpable. Le gouvernement surveille de près le climat social.

    Face à la pandémie liée au coronavirus, la colère gronde chez les salariés maintenus en poste, faute de pouvoir télétravailler. Et la peur tétanise de nombreux employés des secteurs jugés « essentiels . PSA a fermé tous ses sites de production européens. Renault a suspendu la production de ses douze usines en France. Les manufactures Chanel sont à l’arrêt. « Alors, pourquoi pas nous ? », s’agace un manutentionnaire, Jean-Christophe Leroy, élu CGT de La Redoute. A Wattrelos (Nord), une trentaine des 50 salariés de l’entreprise de vente à distance ont alerté la société, mardi 17 mars, lors d’un débrayage au sein de ce site qui expédie ses colis. Malgré la réduction des effectifs, la fermeture des vestiaires pour éviter la promiscuité et la distribution de gants, « il est aberrant de nous fairetravailler pour expédier des tee-shirts », juge M. Leroy.

    Le président délégué du Medef s’alarme déjà d’un « changement d’attitude brutal » des salariés, depuis l’adoption de mesures de confinement mardi. Car « de nombreux salariés ont demandé à ce que leurs employeurs prennent des mesures d’activité partielle sans quoi ils exerceraient un droit de retrait », a déclaré Patrick Martin mercredi, à l’Agence France-Presse (AFP), se disant « très préoccupé » par la situation.

    Fronde chez Amazon

    Chez Amazon, la fronde menace. Alors que le site de vente en ligne connaît un regain d’activité depuis la fermeture des magasins non alimentaires, samedi 14 mars, « les consignes contre le coronavirus ne sont pas respectées », assure Gaël Begot, élu CGT au sein de l’entrepôt du groupe américain, situé à Lauwin-Planque (Nord). Depuis mardi, des salariés Amazon s’y mobilisent contre les conditions de sécurité jugées insuffisantes et mal appliquées. Deux autres sites, à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et Montélimar (Drôme), sont aussi concernés, souligne Julien Vincent, délégué général CFDT Amazon. Plus d’une centaine d’employés ont exercé leur droit de retra it, estimant que le coronavirus les met en danger sur leur lieu de travail, selon la CFDT. SUD-Solidaires à Saran et la CGT à Lauwin-Planque l’envisagent aussi.

    A Strasbourg, dans l’usine Punch Powerglide (ex-General Motors), qui fabrique des boîtes de vitesse, les élus du personnel ont croisé le fer avant d’obtenir le chômage partiel. « Deux de nos collègues, infectés, ont été hospitalisés », rapport Julien Laurent (CFDT). D’après lui, des « mesures de confinement de la fonderie » ont été réclamées par les salariés, car un ouvrier de cette unité est tombé malade. En vain. « Révoltés » par l’attitude de leur employeur et inquiets pour la santé du personnel, les élus du comité social et économique de l’entreprise ont exigé l’arrêt de l’activité, mardi. Toujours en vain. Mercredi matin, aux aurores, « tous les gens sont sortis et ont fait jouer leur droit de retrait &raq uo ;, raconte M. Laurent. Leur initiative a alors porté ses fruits : Punch Powerglide va passer en chômage partiel durant quatre semaines.

    Chez Valeo, la CFDT espère obtenir « la fermeture provisoire des sites de production », confie un élu, Ivan Estlimbaum, selon lequel dans toutes les usines de l’équipementier auto les distances de sécurité sur les chaînesd’assemblage ne sont pas respectées. Et les gants et gels hydroalcooliques manquent.

    Ces équipements font aussi défaut dans les agences bancaires qui, elles, resteront ouvertes au public. Les banques ayant le statut d’opérateur d’importance vitale (OIV), leurs activités sont considérées comme indispensables pour la population qui doit conserver l’accès à son argent. « Compte tenu du statut OIV, les salariés qui se sentent en danger sur leur lieu de travail ne peuvent pas exercer leur droit de retrait », souligne Frédéric Guyonnet, le président national du syndicat SNB-CFE-CGC, pour qui l’angoisse est palpable.

    Sentiment d’injustice

    Or, partout, gants, masques et bidons de gel hydroalcoolique font défaut. Et ce manque d’équipements alimente un fort sentiment d’injustice. Y a-t-il deux poids deux mesures dans une même entreprise ?, s’interrogent les ouvriers. « Nous, les ouvriers, on nous dit : "Alleztravailler !", s’agace M. Leroy, élu CGT à Wattrelos, alors que les cadres travaillent depuis chez eux. »

    « La protection des travailleurs en activité [est] un gros point noir », a résumé Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, sur France Inter, mercredi 18 mars. « Il y a des insuffisances », a-t-il relevé, plaidant pour que ceux qui poursuivent leurs activités soient équipés « de manière rapide. »

    A défaut, l’exercice du droit de retrait il est ouvert à tout salarié si la situation de travail présente un danger grave et imminent pourrait vite prendre de l’ampleur, y compris au sein d’entreprises dites essentielles. Parce que La Poste a pris des mesures « insuffisantes pour protéger leur santé », selon le syndicat SUD-PTT, des préposés y ont eu recours dans des bureaux de poste de Loire-Atlantique, mais aussi à Grenoble. Des agents de la SNCF l’ont aussi exercé, reconnaît la société.

    Face à ce phénomène, le gouvernement table sur l’instauration de l’état d’urgence sanitaire pour maintenir l’activité dans les entreprises « de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale », selon le texte du projet de loi discuté, mercredi 18 mars après-midi, en conseil des ministres. Objectif : éviter un arrêt complet de l’économie tricolore, alors que la France s’impose des mesures de confinement pour lutter contre l’épidémie due au coronavirus.

    Quelques heures avant la discussion du projet, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, avaitinvité « tous les salariés des entreprises encore ouvertes et des activités indispensables au bon fonctionnement du pays (nettoyage, traitement des eaux, industrie agroalimentaire, grande distribution) à se rendre sur leur lieu de travail .

    Jeudi 19 mars, c’est Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, qui a publié une lettre ouverte aux agents et salariés de l’énergie, des transports, de l’eau et des déchets, dans laquelle elle loue leur « rôle fondamental pour la vie de la nation .

    Cette reconnaissance sera-t-elle suffisante, alors que les salariés du secteur de traitement des déchets commencent aussi à se mobiliser ? En Seine-Saint-Denis, chez Otus, filiale de Veolia, certains camions-poubelles sont restés au garage, mercredi 18 mars. Dix-huit éboueurs ont exercé leur droit de retrait, rapporte Abdelkader Dif, représentant du personnel CGT. En cause, entre autres : un nombre insuffisant de flacons de gel hydroalcoolique. « Quatorze pour 130 salariés. Nous travaillons par équipes de trois, ça ne fait même pas un gel par équipe ! »

    Caissières, manutentionnaires...

    Des employés de la Blanchisserie blésoise, près de Blois, envisagent eux aussi d’avoir recours à ce droit, assure Eric Gondy, secrétaire général Force ouvrière du Loir-et-Cher. Dans ce site industriel où, de jour comme de nuit, 180 opérateurs lavent le linge d’hôpitaux franciliens, « nous avons du gel, des gants, mais pas de masques », déplore l’un d’entre eux en évoquant « les chariots de draps souillés, parfois gorgés de sang et d’excréments » qui y sont triés. « On sait tous qu’il faut continuer de traiter le linge pour ne pas paralyser les hôpitaux, mais on ne veut pas y laisser notre peau », explique ce dernier.

    Qu’en sera-t-il dans les secteurs de la grande distribution, de ses fournisseurs et de ses transporteurs ? Le président de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), Richard Girardot, a mis en garde mercredi contre d’éventuelles difficultés logistiques de nature à perturber le fonctionnement des magasins. Le gouvernement y surveille de près le climat social. « Il n’y a pas de problème d’approvisionnement aujourd’hui (...), mais il commence à y avoir une tension dans un certain nombre de supermarchés,de commerces, en matière de salariés », a reconnu le ministre des finances, Bruno Le Maire, à l’issue du conseil des ministres, mercredi soir.

    Le gouvernement multiplie les gestes d’encouragement aux caissières, employés et manutentionnaires qui travaillent dans les grandes surfaces. Mercredi, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, et M. Le Maire ont diffusé dans la matinée un message « d’encouragement et de reconnaissance » aux salariés du secteur, saluant leur « sens des responsabilités » qui permet « d’assurer aux Français qu’ils pourront se nourrir sainement et sans privation . « Nous comptons sur vous », ont fait valoir les deux ministres en promettant qu’ « en retour, l’Etat sera à [leurs] côtés pour traverser cette période difficile .

    En première ligne

    Car, partout en France, en magasin, à l’entrée, derrière la caisse, en réserve ou lors des livraisons, les employés des supermarchés sont en première ligne. La foule se presse en magasins depuis plusieurs jours, accroissant les risques de propagation du virus. « Les employés sont très angoissés, mais ils viennent quand même », rapporteLaurence Gilardo, déléguée syndicale FO du Groupe Casino. Lundi 16 mars, Carrefour avait enregistré moins de 10 % d’absentéisme dans ses effectifs. Ont-ils toujours le choix ? « Certains magasins Leclerc mettent la pression sur les salariés pour qu’ils ne se mettent pas en arrêt pour s’occuper de leurs enfants », a dénoncé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

    Dans le secteur du transport, ce taux d’absentéisme ne cesse de croître. « Nous sommes un peu plus inquiets qu’hier [mardi] », déclare Alexis Degouy, délégué général de l’Union des entreprises transport et logistique de France. Est-ce aussi un effet collatéral de l’indemnisation élargie du chômage partiel ? A l’en croire, « c’est une très bonne mesure pour les salariés, mais elle fonctionne aussi comme une incitation à rester à la maison .

    Alors que l’épidémie de coronavirus prend de l’ampleur, le gouvernement surveille de près le climat social, notamment dans le secteur de la grande distribution alimentaire où de nombreux salariés hésitent à se rendre au travail.
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/19/coronavirus-la-colere-gagne-les-salaries-contraints-de-travailler-par-leurs-
    #inégalités #coronavirus #confinement #confinés #non-confinés #classes_sociales #coronavirus #épidémie

  • « On est de la chair à canon » : les livreurs de repas à domicile inquiets face au coronavirus
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/19/coronavirus-on-est-de-la-chair-a-canon-s-insurge-maxime-livreur-a-velo_60336

    La livraison sans contact est obligatoire, mais pas garantie. Certaines précautions sanitaires ne sont pas respectées regrettent des employés qui disent « avoir peur » d’être contaminé. Depuis dimanche soir 15 mars, Maxime [tous les prénoms sont modifiés] ne travaillait plus. Livreur de repas dans le sud-ouest de la France pour les plates-formes, ce jeune homme aurait pu parfaitement continuer à livrer, son activité étant autorisée, alors que les restaurants ont dû fermer dès samedi 14 mars à minuit (...)

    #Deliveroo #Uber #discrimination #GigEconomy #santé #travail #CLAP

    ##santé

  • Les commerçants en état de choc après les annonces d’Edouard Philippe
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/15/les-commercants-en-etat-de-choc-apres-les-annonces-d-edouard-philippe_603312


    Une chaîne de restauration rapide ferme après l’annonce de nouvelles mesures contre l’épidémie de Covid-19 à Paris, le 14 mars.
    BENJAMIN GIRETTE POUR « LE MONDE »

    Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, doit rencontrer, lundi, les acteurs du commerce, du tourisme et de la restauration. En attendant, beaucoup de questions restent sans réponses.

    Le téléphone n’a pas arrêté de sonner, samedi 14 mars, dans la soirée pour Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France (CDF), à la suite des annonces du premier ministre, Edouard Philippe, de fermer samedi à minuit tous « lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays » : restaurants, bars, discothèques, cinémas et commerces, à l’exception des magasins alimentaires, pharmacies, banques, bureaux de tabac ou encore stations essence.

    Ses adhérents, essentiellement des petits commerces dont 40 % sans aucun salarié s’inquiètent. « Un cafetier qui venait de s’installer avec un prêt sur le dos qu’il ne pourra plus payer ; la responsable d’une chaîne de chaussures qui se demande s’il y a obligation de mettre tout le monde en chômage partiel… », égrène M. Palombi. Et face à ces questions légitimes, il n’a malheureusement aucune réponse définitive. Et même encore plus de questions. « Nous sommes particulièrement effrayés par cette décision, lance-t-il. C’est arrivé plus vite que prévu. Certains restaurants nous demandent s’ils pourront au moins vendre de la restauration en vente à emporter, pour ne pas crever. »

    « Des commerçants vont péter un boulon »
    Si la réunion, prévue lundi 16 mars au matin, entre le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et les acteurs du commerce, du tourisme et de la restauration est maintenue, il va même demander la mise en place d’une cellule psychologique car « il y a des commerçants qui vont péter un boulon. Certains étaient justes en trésorerie, d’autres venaient de commencer leur activité ».

    #paywall

    • Je ne sais pas si mes copines et copains du #spectacle_vivant sont #en_état_de_choc, mais ils savent qu’avec tout ce qui est d’ores et déja annulé, ils n’auront pas leurs heures et donc peuvent s’asseoir non seulement sur les revenus concernés mais sur leurs futures indemnités.

      Mais qui a l’oreille des #intermittents ? Peut-être les organisateurs qui anticipent déja qu’ils auront du mal à monter des spectacles après la purge radicale qui s’annonce dans le secteur.

    • Et tout·es celleux qui sont « indépendant·es » c-a-d sans aucun contrat de travail qui leur assure une protection sociale digne. Pensons aux ubérisé·es, auteur·es, artistes, etc affilié·es ou non qui vont s’asseoir sur l’aide potentielle promise aux salarié·es.

      De mon expérience d’autrice affiliée à l’Agessa, (maintenant URSSAF), après un cancer du sein dont le traitement a duré 6 mois, j’ai reçu de leur part une notification comme quoi n’ayant pas assez travaillé durant cette période (ah oui, ben j’étais pas vraiment en état) je n’avais désormais droit à aucune indemnité journalière !!! mais que royale, la sécu me couvrait pour les frais médicaux.
      Tu peux imaginer qu’ayant tout de même cotisé, j’ai été sous le choc d’apprendre cela.

      Je ne suis pas un cas isolé, donc je me permets d’exposer cette expérience d’#abandon_social, je dénonce ce système qui laisse sciemment sombrer ceux qui sont fragiles, dans mon cas, j’ai été éjectée de mes droits à toute indemnité journalière en cas de nouveau problème de santé.
      Et peux-tu même imaginer la reprise de ton activité au même niveau de production (un terme laid mais c’est pourtant cela) alors que la plupart mes clients malgré leurs promesses de me redonner du travail, n’ont pas honoré leur parole et ont trouvé de nouveaux auteurs pour me remplacer.

      Nous sommes dans un système insidieux qui fait croire que les cotisations de sécurité sociale sont un moyen de solidarité avec le versement de droits aux plus faibles. C’est tellement impensable que tant que tu ne l’as pas vécu tu as du mal à réaliser la violence du truc.

      Je souhaite une très bonne santé et beaucoup de courage à toutes les femmes indépendantes qui ne recevront aucune aide en cas d’infection et ne retrouveront pas de travail après une longue maladie. Je rappelle que les autrices, de fait, indépendantes, travaillent souvent chez elles depuis des années et parfois même la nuit, pendant que le ou les enfants dorment dans la chambre à côté. #be_positive me dit-on, fallait pas naitre femme et vouloir être indépendante surtout.

      Un mot aussi pour les copains et copines au chômage ou à la marge qui risquent de payer le plus lourd tribu.

  • « Le destin de Criteo rassemble les paradoxes qui émergent avec le passage à l’age adulte de l’Internet »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/11/le-destin-de-criteo-rassemble-les-paradoxes-qui-emergent-avec-le-passage-a-l

    La société française a été à l’origine de l’industrialisation de la publicité sur le Net grâce à ses logiciels de ciblage, les cookies. Une pratique efficace, mais de plus en plus visible et de moins en moins acceptée, selon Philippe Escande, éditorialiste économique au « Monde ». Pertes & profits. Jean-Baptiste Rudelle, le président-fondateur de Criteo, est un grand amateur de kitesurf. Il a même fondé une association, The Galion Project, qui réunit des start-upeurs pour réfléchir ensemble à l’avenir (...)

    #profiling #Criteo #cookies #marketing #publicité

    ##publicité

  • La Fed va injecter 1500 milliards de dollars de plus cette semaine sur le marché monétaire
    https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-fed-va-injecter-1500-milliards-de-dollars-de-plus-cette-semaine-sur-le-m

    La Réserve fédérale américaine (Fed) va injecter 1500 milliards de dollars supplémentaires cette semaine sur le marché monétaire, ce qui a permis à Wall Street de nettement réduire les pertes d’une séance noire.

    La Fed va offrir ce jeudi 500 milliards de dollars à échéance de trois mois et offrira vendredi 500 milliards à trois mois et 500 milliards à un mois. Elle injectera chaque semaine 500 milliards à trois mois et 500 milliards à un mois jusqu’au 13 avril.

    – Nombreux commentaires acerbes sur Touitteur, évidemment, notamment du camp Sanders, faisant remarquer qu’à chaque fois qu’on évoque Medicare for All ou une réduction des dettes étudiantes, tous les commentateurs se demandent où on va trouver l’argent, mais que quand il s’agit de filer de l’argent magique aux banques, ça ne suscite aucune question.

    – Cette injection massive par la FED semble confirmer l’article de Lordon :
    https://seenthis.net/messages/830209

  • Aux Etats-Unis, la crise de l’or noir menace les rêves pétroliers de Donald Trump
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/12/aux-etats-unis-la-crise-de-l-or-noir-menace-les-reves-petroliers-de-donald-t


    Le président russe Vladimir Poutine et le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman à Riyad, en octobre 2019.
    ALEXEI NIKOLSKY / SPUTNIK PHOTO AGENCY / REUTERS

    Les producteurs de pétrole de schiste, fers de lance de la « domination énergétique » défendue par le président, vont être frappés de plein fouet par la baisse des cours.

    Harold Hamm a appelé la Maison Blanche à son secours. Le magnat du pétrole de l’Oklahoma, bailleur de fonds de Donald Trump et conseiller officieux du président des Etats-Unis pour les affaires énergétiques, a perdu 2 milliards de dollars (environ 1,8 milliard d’euros), lundi 9 mars, du fait de l’effondrement des cours du brut sur les marchés.

    Continental Resources, l’entreprise qu’il a fondée et dont il détient 75 % du capital, ne vaut plus que 2,6 milliards de dollars, contre 20 milliards il y a moins d’un an. Et il a besoin de l’aide de M. Trump. « Je ne veux pas prescrire au président ce qu’il doit faire », a déclaré l’entrepreneur de 74 ans au Washington Post. Mais il veut aborder la manière dont la guerre pétrolière entre la Russie et l’Arabie saoudite « menace les emplois, les communautés et les économies des Etats producteurs à travers l’Amérique, de la Pennsylvanie à la Californie et du Texas au Dakota du Nord ».

    Le krach pétrolier est une catastrophe pour les producteurs de gaz et de pétrole de schiste de l’Oklahoma et du Bassin permien du Texas, Etat décisif pour la réélection de Donald Trump, en novembre. Celui-ci s’est publiquement réjoui de la baisse, qui est « bonne pour les consommateurs ». En réalité, elle constitue un désastre pour ses fiefs pétroliers du Midwest.

    Officiellement, bien sûr, les républicains ne demandent pas de renflouement public, tout comme Mike Sommers, patron de l’American Petroleum Institute, qui représente la filière. La tactique habituelle consiste à invoquer la sécurité nationale et à dénoncer les manipulations des Russes pour appeler au secours, comme l’a fait Anne Bradbury, directrice générale de l’American Exploration and Production Council, qui représente vingt-cinq producteurs indépendants de pétrole : « Nous avons besoin de réglementations et de politiques saines permettant aux producteurs indépendants américains de rester les leaders mondiaux du développement énergétique pour s’assurer que notre pays conserve l’indépendance énergétique que nous avons recherchée pendant des décennies. »

    Abondance d’offre, crise de la demande
    La mise en cause de la Russie intervient alors que la guerre des prix lancée par Riyad et Moscou vise explicitement les producteurs américains de pétrole de schiste, qui ont permis aux Etats-Unis de se hisser, en 2018, au rang de premier producteur mondial de brut.
    Sans se soucier des cours mondiaux, l’Oncle Sam était devenu le trouble-fête du marché de l’or noir. Depuis 2017, plus la production américaine croissait, plus l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie devaient s’imposer des quotas afin d’éviter un effondrement […]

    #paywall

  • Crash du Boeing 737 MAX d’Ethiopian Airlines : la formation des pilotes mise en cause
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/10/crash-du-boeing-d-ethopian-airlines-la-formation-des-pilotes-du-737-max-mise

    L’enquête éthiopienne conclut à la responsabilité de l’avionneur américain, en proie à la pire crise de son histoire.

    Le 10 mars 2019, six minutes après son décollage d’Addis-Abeba, le vol ET302 d’Ethiopian Airlines à destination de Nairobi s’est écrasé dans un champ au sud-est de la capitale éthiopienne, tuant sur le coup les 157 passagers et membres d’équipage.

    Dans un rapport d’étape publié lundi 9 mars à la veille du premier anniversaire de la catastrophe, les enquêteurs éthiopiens chargés de déterminer les causes du crash ont mis en cause notamment la formation « inadéquate » fournie par le constructeur américain. Cet accident était survenu moins de cinq mois après celui d’un 737 MAX de la compagnie indonésienne Lion Air qui avait tué 189 personnes en s’écrasant quelques minutes après son décollage de Djakarta. La succession des deux tragédies a plongé l’avionneur américain dans la pire crise de son histoire.

    Dysfonctionnement du système antidécrochage MCAS
    C’est principalement le dysfonctionnement du système antidécrochage MCAS, spécialement conçu pour compenser les moteurs plus lourds du 737 MAX, qui a été mis en cause dans les deux catastrophes. Pour les enquêteurs du ministère des transports éthiopien, « la différence de formation entre le B737 NG [qui précède le 737 MAX] et le B737 MAX, fournie par le constructeur, apparaît inadéquate ».

    Dans un rapport préliminaire rendu en avril 2019, les enquêteurs éthiopiens avaient souligné que les pilotes du vol ET302 avaient respecté les procédures recommandées par Boeing, mais n’avaient pas été en mesure de reprendre le contrôle de l’appareil.

    Dans leur rapport publié lundi, ils estiment que la conception du système MCAS « le rend vulnérable à une activation indésirable ». Plus précisément, le document souligne le fait que le système peut être activé par un seul des capteurs de mesure de l’angle d’attaque de l’appareil. Ainsi, dans le cas du vol ET302, les enquêteurs éthiopiens relèvent, « peu après le décollage », une mesure « erronée » de l’angle d’attaque en provenance du capteur côté gauche. Cette mesure a activé automatiquement le système MCAS, ce qui a conduit l’appareil à piquer du nez et ce, à plusieurs reprises.
    Ils soulignent également que les mesures de l’angle d’attaque de l’appareil diffèrent entre le capteur gauche et le capteur droit, et ce jusqu’à la fin de l’enregistrement des données de bord, c’est-à-dire jusqu’au crash.

    « Nous avons hâte d’examiner les informations complètes et les recommandations formelles qui seront contenues dans le rapport final du Bureau éthiopien enquête et accident », a réagi dans un communiqué Boeing, qui a de nouveau adressé ses « sincères condoléances » aux familles et aux proches des victimes de l’ET302, originaires de plus de trente pays, et qui sont attendus sur le site du crash pour une cérémonie dans l’intimité.

    Le rapport donne également des détails sur les derniers échanges entre les deux hommes dans le cockpit. « Tire avec moi ! », enjoint le pilote Yared Getachew à son copilote, Ahmednur Mohammed, alors qu’il tente de reprendre le contrôle du 737 MAX et de redresser le nez de l’appareil. Les dernières mesures du vol indiquent que l’appareil se déplaçait à plus de 900 km/h et descendait à plus de 33 000 pieds par minute (10 km par minute).

    L’avion s’était écrasé dans un champ au sud-est d’Addis-Abeba, creusant un cratère de 10 mètres de profondeur, « 40 mètres de longueur et 28 mètres de largeur ». Des débris de l’appareil avaient été retrouvés à des centaines de mètres du point d’impact.

    Un avion « défectueux et dangereux »
    Vendredi, la commission des transports du Congrès américain a jugé que le 737 MAX de Boeing était un avion « fondamentalement défectueux et dangereux ». Selon le Financial Times, l’enquête parlementaire américaine « met en cause Boeing et la Federal Aviation Administration (FAA) [l’agence publique américaine chargée des contrôles dans le secteur] » et conclut que l’accident était « tragique et évitable ». « Défauts de conception » du 737 MAX, « manque de transparence », « tentative de dissimuler des informations », « manque de contrôles »… Le rapport interne dévoilé par le quotidien est accablant pour la compagnie et le régulateur.

  • Le lien unissant un chauffeur et Uber est bien un « contrat de travail », selon la Cour de cassation
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/04/la-cour-de-cassation-confirme-que-le-lien-unissant-un-chauffeur-et-uber-est-

    La plus haute juridiction pénale française a jugé que le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Pour la Cour, la possibilité de se déconnecter de la plateforme sans pénalité « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».
    Début 2019, Uber s’était pourvu en cassation après un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait déclaré « contrat de travail » le lien entre un ancien chauffeur indépendant et la plateforme américaine. La cour avait détaillé « un faisceau suffisant d’indices » qui caractérisait selon elle « le #lien_de_subordination » liant le chauffeur à la #plateforme, et donc l’existence d’un contrat de travail de fait.
    Si certains chauffeurs sont attachés à leur statut d’indépendant, de nombreux conducteurs pourront s’appuyer sur cette nouvelle décision pour demander la requalification de leur #contrat avec Uber ou d’autres plates-formes en #contrat_de_travail. En clair, le modèle économique d’#Uber pourrait s’effondrer.

    #salariat #droit_du_travail #jurisprudence

    • Les chauffeurs VTC mobilisés contre Uber et sa « machine à précarité »
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/11/les-chauffeurs-vtc-mobilises-contre-uber-et-sa-machine-a-precarite_6032553_3

      Peu séduits par le salariat, malgré la reconnaissance récente d’une relation de subordination par la justice, les conducteurs demandent à la plate-forme des garanties d’indépendance.

      « On est obligé de travailler avec le “monstre”. » Le « monstre », pour ce chauffeur (qui souhaite garder l’anonymat), s’appelle Uber. Comme une centaine d’autres conducteurs de #VTC, il est venu, vendredi 6 mars, exprimer sa colère contre le fonctionnement de l’application mobile, devant les bureaux de la firme californienne à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
      La mobilisation de la profession connaît un regain depuis la décision de la Cour de cassation, le 4 mars, qualifiant de « fictif » le statut d’indépendant d’un conducteur et reconnaissant du même coup son lien avec Uber comme étant un contrat de travail salarié.

      Le même chauffeur le répète : travailler avec Uber est une « obligation ». Le service est incontournable, captant entre 60 % et 80 % de la clientèle en Ile-de-France. Après avoir obtenu sa licence de VTC en 2015, il s’est endetté de 40 000 euros pour acheter son véhicule, à l’époque où les conducteurs étaient moins nombreux et les tarifs, plus élevés.

      Avant d’arriver à la manifestation, il a pris soin de couper la connexion à Internet sur son smartphone et de désactiver la géolocalisation. « Je ne peux pas me permettre qu’ils voient que j’y participe et suspendent mon compte », explique-t-il.

      Peu de volontaires pour le salariat

      « Uber vend du rêve aux jeunes, promet 4 000 euros de revenu et une indépendance immédiate. C’est possible, mais à un prix exorbitant ! », commente Makram, autre conducteur présent devant les locaux d’Uber à l’appel de l’intersyndicale nationale VTC. Une fois la commission de 25 % déduite de chaque course, le crédit du véhicule remboursé et l’essence payée, Makram estime gagner entre 1 200 et 1 400 euros brut par mois, pour soixante-dix heures hebdomadaires passées dans sa voiture.

      Parmi les reproches adressés à la plate-forme, figurent en première position le manque de transparence sur les courses (dont le tarif estimé et la distance parcourue ne sont pas connus par les chauffeurs avant le départ) et des suspensions de compte considérées comme abusives, sans possibilité de recours.

      « Le lien de subordination avec ces entreprises du numérique est patent depuis des années », constate Otto Landreau, chauffeur inscrit sur plusieurs plates-formes (Bolt, Snapcar, Marcel, Chauffeur Privé) pour éviter les tarifs d’Uber, qu’il juge trop bas.
      Tout en qualifiant la décision de la Cour de cassation de « bonne nouvelle », peu de conducteurs disent pourtant vouloir mettre fin à leur statut d’#auto-entrepreneur et signer un contrat de travail avec l’entreprise américaine. « Je ne veux pas être un salarié sans les avantages et un indépendant avec tous les inconvénients », résume Yahya, conducteur de 44 ans originaire de Lille.

      « En banlieue, on a toujours subi une forme d’esclavage »
      L’intersyndicale et l’Association des chauffeurs indépendants lyonnais (ACIL), deux des principales associations de conducteurs, revendiquent cependant avoir lancé, depuis le début de l’année, plus de cent trente procédures devant la justice prud’homale contre Uber, sur la reconnaissance du lien de subordination.

      Car pour les deux organisations, cela pourrait permettre de négocier plus de garanties pour les indépendants, par exemple en laissant à la charge d’Uber le paiement des cotisations salariales. « Depuis la décision de la Cour de cassation, je reçois plusieurs centaines de demandes d’information par jour. Même si la requalification massive n’est pas l’objectif », assure Mehdi Mejeri, fondateur et président de l’ACIL.

      Près de dix ans après son arrivée à Paris, la perspective tracée par Uber d’un emploi indépendant et rémunérateur a laissé place, pour certains conducteurs, à un sentiment d’avoir été piégé par le modèle.

      « Il y a tout un pan de la population à la merci de cette économie, parce qu’elle ne repose sur rien, estime Mehdi Mejeri. C’est une machine à précarité dont l’Etat peine à suivre les évolutions. » L’application du volet VTC de la loi d’orientation des mobilités (LOM) a été bousculée par la décision de la Cour de cassation. La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a annoncé que de nouvelles propositions sur le cadre légal des travailleurs des plates-formes seraient formulées d’ici à l’été.

      Une nouvelle manifestation des conducteurs est prévue à Paris, mercredi 11 mars, devant le ministère des transports, avant une rencontre entre représentants des conducteurs et d’Uber France, le lendemain. « Nous, en banlieue, on a toujours subi une forme d’esclavage. Hier, il était ouvrier, aujourd’hui il est numérique, assène un conducteur d’Ile-de-France, sous couvert d’anonymat. On veut nous résumer à ce statut de salarié, mais ce combat représente bien plus que cela ! »

      #endettement