à Paris, un nombre de cas largement sous-estimé

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  • Coronavirus : à Paris, un nombre de cas largement sous-estimé
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    A Paris, dans le métro, le 6 mars.
    Michel Euler / AP

    Selon les données des autorités de santé, 80 cas ont été confirmés, et aucun décès, parmi des Parisiens depuis le début de l’épidémie. Mais le dépistage n’est pas systématique.

    Les Parisiens seraient-ils immunisés contre le nouveau coronavirus ? Selon les dernières données communiquées par l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, à la date du mercredi 11 mars, seulement 80 cas avaient été identifiés parmi les habitants de la capitale depuis le début de l’épidémie. Et Paris ne compte aucun décès du Covid-19, si l’on excepte un patient en provenance de Wuhan et un autre venant de l’Oise, pris en charge à l’hôpital Bichat et à la Pitié-Salpêtrière.

    Des chiffres étonnamment bas pour une ville de plus de 2 millions d’habitants et aux transports en commun toujours bondés. A titre de comparaison, les départements du Haut-Rhin (760 000 habitants) et de l’Oise (820 000), les deux principaux foyers de propagation du virus, totalisaient déjà respectivement plus de 350 cas, dont trois décès, et plus de 150 cas, dont 11 morts.

    « Difficulté technique »
    A l’ARS, comme dans les hôpitaux parisiens, on reconnaît que le chiffre est sans doute largement sous-estimé. La première explication est d’ordre technique, selon l’autorité sanitaire : sur les 512 cas confirmés à l’échelle de l’Ile-de-France, le lieu de résidence reste à déterminer pour 155 d’entre eux, « suite à une difficulté technique dans la transmission des données » par les laboratoires en charge de l’analyse des tests de dépistage. Une « difficulté » qui devrait être levée à partir de vendredi, assure l’ARS.

    « En Ile-de-France, l’épidémie est très disséminée », commente Aurélien Rousseau, le directeur de l’ARS. Le 11 mars, on recensait 59 cas dans le Val-d’Oise, le département le plus proche du foyer de l’Oise, 56 dans les Yvelines ou encore 47 dans les Hauts-de-Seine. « A la différence de l’Italie, nous sommes confrontés à une propagation en patchwork, en mosaïque, avec des zones en stade 2 + et d’autres encore en stade 1, avec des niveaux de riposte différents  », précise le professeur Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat.

    « Ce n’est pas à Paris que le virus circule le plus, mais cela va peut-être changer dans les prochains jours », estime l’infectiologue, qui rappelle que globalement le « nombre de cas est multiplié par 2,5 tous les quatre à cinq jours ». Cette accélération semble déjà amorcée : en 24 heures, le nombre de cas est passé de 44 à 80 après avoir stagné entre 26 et 27 personnes entre le 8 et le 9 mars. A la différence de l’Oise, avec la commune de Crépy-en-Valois (15 000 habitants), ou du Haut-Rhin, avec un rassemblement évangélique à Mulhouse, aucun cluster (regroupement de cas) n’a pour l’heure été identifié dans Paris intra-muros. « On a seulement des clusters nosocomiaux dans certains hôpitaux liés à des chaînes de transmissions à partir de patients, plus faciles à endiguer », indique le professeur Lescure.

    Le faible nombre de contaminés à Paris tient aussi à la politique de dépistage, non systématique. « Nos capacités sont ciblées sur les personnes âgées avec comorbidités et sur les personnels soignants », assume Aurélien Rousseau. Le but est de se préparer au passage au stade 3 de l’épidémie et de limiter l’engorgement des hôpitaux. « Notre objectif n’est pas tant de connaître avec précision le nombre de cas de contamination, mais d’arriver à modéliser le nombre de cas graves pour savoir s’il faut s’apprêter à accueillir 100, 200 ou 500 personnes en services de réanimation », précise le patron de l’ARS.

    « Il faut se ménager, car cela va durer des mois »
    Bichat est l’un des établissements qui reçoivent le plus de patients infectés par le SARS-CoV-2. « Nous avons fait le choix de nous focaliser sur les personnes les plus fragiles, confirme Xavier Lescure. Nous nous concentrons aussi sur les soignants, pour savoir si on doit les arrêter afin de ne pas exposer d’autres patients hospitalisés pour d’autres raisons que le coronavirus. » Car, pour le médecin, le plus dur est à venir. « Il faut veiller à ce que, quand on va arriver en phase 3, tous les tests de virologie ne soient pas épuisés. Et c’est valable aussi pour les équipes, du SAMU aux services de réanimation, alerte le professeur Lescure. Il faut se préparer et ménager la monture, car cela va durer des mois. »

    Avec le passage au stade 3 de l’épidémie, la fermeture du métro va-t-elle s’imposer comme une mesure inévitable pour les Parisiens ? « Les restrictions sociales sont plus faciles à appliquer en Lozère que sur la ligne 13 », l’une des plus saturées du métro de la capitale, convient Xavier Lescure. Mercredi soir, ils n’avaient pas à le prendre pour aller au Parc des Princes : par mesure de précaution, le match de Ligue des champions entre le PSG et Dortmund se jouait à huis clos.