Jean-Luc Nancy responds to Giorgio Agamben about the Coronavirus – positions politics

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  • Agamben, le coronavirus et l’état d’exception
    https://mars-infos.org/agamben-le-coronavirus-et-l-etat-d-4856

    Giorgio Agamben a publié son point de vue sur le coronavirus dans un manifeste le 26 février. Le titre de l’article est, bien entendu, « L’état d’exception causé par une urgence non fondée ». Qu’aurait-pu écrire d’autre le philosophe romain se demanderont certains ? Mais c’est bien là le problème. La prévisibilité des déclarations du philosophe et l’absence apparente d’arguments contestés dans sa contribution ont été accueillies avec surprise par beaucoup. Pourtant, tout le monde n’a pas été surpris : la fatigue de certains paradigmes et le manque de vitalité du panorama politico-théorique font de telles déclarations le miroir d’une condition plus générale. Lorsque, face à la réalité multiforme et changeante du monde, les formules interprétatives se répètent à l’identique, on peut avoir le sentiment que la critique a ouvert au moins partiellement la voie au dogmatisme, au sens kantien de dériver des concepts à partir de concepts sans l’irruption d’une externalité pour les animer. Cet « externalité » devrait tester les limites et les relations entre les catégories, afin que ces dernières n’apparaissent pas suspicieusement intactes, inrayables.

    Une réponse à Agamben dont le texte a été traduit par Acta.zone : https://acta.zone/giorgio-agamben-coronavirus-etat-dexception

    #Coronavirus #EtatException #Agamben

    • Le texte de Giorgio Agamben a été largement commenté et interprété par « Lundi Matin » dans cet article :

      https://lundi.am/Le-coronavirus-et-l-etat-d-exception-en-chacun

      Le problème majeur, à partir de là, c’est que le réseau de pouvoir fait la guerre, de manière plus ou moins discrète et larvée (« nos fameuses qualités perceptives ! »), non pas à d’autres États ou Empires (définition classique de la guerre) mais à sa propre population. Or quand il n’y a pas d’ennemi il s’agit d’en créer un, loi première de toute géopolitique. C’est pourquoi lorsque Giorgio Agamben dit que l’état d’exception est devenu le paradigme normal de gouvernement, il nous invite bien entendu à penser l’incessant renouvellement de la figure de l’ennemi, ainsi que les nouvelles lois terroristes et la militarisation de nos villes et polices qui l’accompagnent. Du LBD au data mining en passant par les drones ou la 5G, ne vous inquiétez pas on s’approche de Gattaca « pour notre bien ». Comme le dit justement le philosophe italien : « il semblerait que, le terrorisme étant épuisé comme cause de mesures d’exception, l’invention d’une épidémie puisse offrir le prétexte idéal pour les étendre au-delà de toutes limites. » Et quand on lit la liste des restrictions prévues par décret concernant les municipalités « touchées » par la grippe (voir l’article d’Agamben), on devine qu’il sera demain impossible pour les professeurs de philosophie et les citoyens militants de dessiner quelque chose comme une cité à leurs auditeurs et auditrices.

      article « seené » ici-même :

      https://seenthis.net/messages/828640

    • Giorgio [#Agamben] assure que les gouvernements s’emparent de prétextes pour instaurer tous les états d’exception possibles. Il ne remarque pas que l’exception devient en effet la règle dans un monde où les interconnexions techniques de toutes sortes (déplacements, transferts de toutes sortes, imprégnations ou diffusions de substances, etc.) atteignent une intensité jusqu’ici inconnue et qui croît avec la population. La multiplication de celle-ci comporte aussi dans les pays riches l’allongement de la vie et la croissance du nombre de personnes âgées et en général de personnes à risque.

      Il ne faut pas se tromper de cible : une civilisation entière est en cause, cela ne fait pas de doute. Il y a une sorte d’exception virale – biologique, informatique, culturelle – qui nous pandémise. Les gouvernements n’en sont que de tristes exécutants et s’en prendre à eux ressemble plus à une manœuvre de diversion qu’à une réflexion politique.

      J’ai rappelé que Giorgio est un vieil ami. Je regrette de faire appel à un souvenir personnel, mais je ne quitte pas, au fond, un registre de réflexion générale. Il y a presque trente ans les médecins ont jugé qu’il fallait me transplanter un cœur. Giorgio fut un des très rares à me conseiller de ne pas les écouter. Si j’avais suivi son avis je serais sans doute mort assez vite. On peut se tromper. Giorgio n’en est pas moins un esprit d’une finesse et d’une amabilité que l’on peut dire – et sans la moindre ironie – exceptionnelles.

      Jean-Luc Nancy, « Eccezione virale », Antinomie, 27-2-2020

      #Davide_Grasso pour Agamben, le coronavirus et l’état d’exception