« Il y a un hiatus entre la communication et l’action du gouvernement »

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  • Non, nous ne sommes pas en « guerre »
    https://www.lemondemoderne.media/non-nous-ne-sommes-pas-en-guerre

    L’utilisation du vocable martial n’est pas anodine. Elle permet au Président de faire passer une crise sanitaire de grande ampleur pour une guerre qui engage tous les Français contre l’ennemi. De fait, il en appelle à l’union nationale et utilise le statut du chef de l’Etat pour s’installer en chef de guerre et – selon certains commentateurs – en père de la nation.

    La machine de propagande tourne à plein régime, effectivement, comme en temps de guerre.

    Ainsi faisant, toute tentative de critiquer l’exécutif dans son action héroïque est vue comme un travail de sape d’ennemis de l’intérieur, une sédition. La peur que suscite le virus, liée à l’élan national stimulé par le discours martial rejette ainsi tout discours critique et empêche lé débat. Emmanuel Macron est le chef, ne pas être derrière lui serait être contre la nation.

    La guerre permet ainsi de réduire au silence les pacifistes, ceux qui demandent des solidarités réelles, l’arrêt des violences d’Etat. Les soignants ne sont pas des soldats, ils n’ont pas à aller mourir “au front” pour payer les manquement d’une gestion catastrophique d’une crise sanitaire. Pas plus que les populations devraient être sacrifiées pour des raisons d’économie budgétaire.

    Cette pirouette rhétorique fonctionne d’autant mieux que l’imaginaire martial permet de déclencher la machine de propagande : les « une » de la presse de cour se succède présentant les conseils de guerre, le gouvernement en confinement mais sur le pont ou encore le chef de l’Etat en commandant courage au cœur de la tempête. Pour assurer l’adhésion à la propagande de guerre, les sondages doivent aussi assurer l’effort de guerre et montrer le soutien retrouvé en le chef de l’Etat dont la côte de popularité était au plus bas après la catastrophique réforme des retraites. La machine de propagande tourne à plein régime, effectivement, comme en temps de guerre.

    Mais ne nous trompons pas. Nous ne sommes pas en guerre. Nous sommes au milieu d’une grave crise sanitaire dont la gestion par le gouvernement a été jusqu’à présent calamiteuse. Il a fallu quatre longues semaines pour que l’exécutif fassent le choix, pourtant simple, de suivre les recommandations de l’OMS, et les conseils et appels à la vigilance de nos voisins italiens. Toute l’énergie du gouvernement a été de rassurer, de minimiser, avec l’avis d’experts et d’encourager les Français à vivre comme si de rien n’était, évitant simplement les contacts rapprochés. La priorité était à l’économie et aux mesures minimales.

    Pendant ces semaines perdues, aucune commande de masques de protection, de gel ou de mise en fabrication de respirateurs. Un attentisme et une communication rassurante faite d’éléments de langage et de dissimulations a été la seule réponse à la crise. Le 4 mars, Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement disait à l’antenne d’une radio publique qu’au stade 3 « on en va pas arrêter la vie de la France. Si ça circule partout, on laisse les gens vivre et on protège les plus fragiles ». Le choix a l’époque était donc celui de l’immunité de groupe, qui permettrait de gérer les plus fragiles et de laisser 60 à 80 % de la population s’infecter.

    Or la France ne dispose pas des moyens de traiter et sauver les malades du coronavirus dans un tel scénario. Ce gouvernement de néo managers et de DRH qui parlait de « bed managers » pour gérer la pénurie de lits à l’hôpital n’avait pas prévu le scénario de la pandémie.

    Suite au changement de doctrine en 2011 au Ministère de la santé, dans une continuité logique, le stock de masque FFP2 a été soldé par soucis d’économie par Marisol Touraine en 2013. On retrouvait, à l’époque, au cabinet de la ministre, Benjamin Griveaux, Gabriel Attal et Jérome Salomon.

    Toute la logique dominante depuis des années dans la classe politique de l’Etat minimum et de l’hôpital de flux est tombé à l’eau et a montré au grand jour la stupidité des choix politiques de ces dernières années.
    Les soldeurs de l’Etat qui riaient au nez des soignants se rendirent alors compte qu’ils allaient devenir aux yeux de l’opinion publique, des génocidaires.

    Emmanuel Macron, appelait les Français à sortir au théâtre comme lui et Brigitte le 7 mars et les exhortait à aller voter en respectant les gestes barrières, avant de changer totalement de stratégie le lendemain du premier tour des élections. Le mal était fait, la courbe des morts et des infectés suit avec un mimétisme morbide la courbe italienne et les ordres contradictoires n’ont pas pu faire prendre conscience aux Français de l’ampleur du danger. Le conseil scientifique n’a été mis en place que le 10 mars et les avis des médecins conseils ont vite été unanimes : il fallait agir plus vite contre la propagation du virus.

    Alors, la seule stratégie possible pour ne passer pour le responsable du plus grave désastre sanitaire depuis un siècle a été de déclarer la guerre. La guerre a toujours été le dernier ressort de l’aristocratie financière pour se maintenir au pouvoir en temps de crise.

    Mais une fois encore, c’est la communication politique qui a pris le pas sur les actes. Voilà un Président qui envoient au front ses troupes sans armes : pénurie de masques pour les soignants, absence de tests et un système de santé public mis à mal par des années d’économie forcée pour « ne pas créer de la dette ».

    Qu’on ne se trompe pas de guerre. D’union nationale, il n’y a pas. Il y a d’un côté les confinés en résidence secondaire qui télétravaillent ou profitent de leurs rentes et de l’autre les sacrifiés au front : travailleurs précaires du BTP, de la grande distribution, de la santé. Il y a ceux qui applaudissent aux fenêtres et ceux qui doivent choisir dans un chaos grandissant qui a le droit de vivre ou de mourir, contre leur serment initial.

    Restez chez vous, sauf pour aller travailler, le pays ne doit pas s’arrêter. Or la propagation continue et l’Italie a décidé de mettre à l’arrêt tous les secteurs non stratégiques.

    Le moment orwellien est total. Avec un Président, destructeur des solidarités héritées du CNR, qui demande à tous de rester solidaire de chez soi et avec des politiques responsables de la casse des services publics qui applaudissent les travailleurs invisibles de la santé et découvrent un peu tard que la police n’est pas la seule colonne vertébrale de la République.

    La guerre a ceci de pratique qu’elle permet à la classe dirigeante d’asservir encore un peu plus les populations.

    Le gouvernement s’est ainsi empressé avec la loi “urgence coronavirus” de revenir sur les droits aux congés, les 35 heures, et ce, sans date limite. Le gouvernement va pouvoir prendre des ordonnances ayant valeur de loi dans le domaine du droit du travail pour imposer une nouvelle limite au droit aux congés payés. Il s’agit de “modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, des jours de réduction du temps de travail“.

    L’article 7 de la réforme stipule également que le gouvernement pourra, toujours par ordonnance : “permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical“.

    Alors oui, nous sommes en guerre. Mais il s’agit d’une guerre continuelle contre le droit à la vie : guerre contre les retraites, guerre contre les salaires, guerre contre les services publics, guerre contre les acquis sociaux, guerre contre les solidarités, guerre contre les libertés individuelles.

    Les mesures pour la relance de l’économie du pays demanderont encore plus d’efforts et de sacrifices aux travailleurs qu’on envoie au front avec des applaudissements ou des primes au danger de 1000 euros.

    Oui il faut sauver nos entreprises, mais alors les efforts devront être consentis par tous, y compris les actionnaires ! Il serait peut être temps de revenir sur le CICE, les largesses fiscales du président Macron aux plus riches et d’aller chercher l’argent là où il dort le mieux : dans les paradis fiscaux. Et pourquoi ne pas relancer enfin au niveau de la gouvernance internationale la taxe sur les transactions financières ? Nationaliser le secteur bancaire et revoir la politique monétaire ? Ce ne sont pas les chantiers qui manquent pour se réapproprier les moyens d’un monde meilleur où la vie sera prioritaire sur le profit.

    Mais ne rêvez pas d’un jour d’après heureux, où le monde aurait changé. Non, tout continuera comme avant, en pire, si ceux qui sont responsables du massacre restent aux commandes des institutions nationales et internationales en l’état.

    Les discours déjà appellent au sacrifice dans l’unité. Le monde qui se dessine est celui d’un contrôle panoptique des populations et d’une dérégulation accélérée des droits des travailleurs.

    Il appartient maintenant aux peuples de faire mentir Orwell.

    • L’expert en communication Arnaud Benedetti estime que l’action du gouvernement n’est pas à la hauteur de sa rhétorique guerrière. Il déplore le manque d’audace de celui-ci sur des dossiers sensibles comme l’usage de la Chloroquine.

      https://www.lefigaro.fr/vox/politique/chloroquine-ce-que-revele-la-polemique-sur-la-com-et-l-action-du-gouverneme

      Nous devons entendre le Professeur Raoult. En ces temps de désarroi, sa voix porte et portera. Ce scientifique anticonformiste a le talent des hommes de crise. Et la crise, c’est le propre des moments de rupture, nous révèle les personnalités d’exception.

      De Marseille, il nous envoie un message qui au-delà des controverses scientifiques et des timidités académiques nous enjoint à agir vite, très vite. Si nous sommes en « guerre » comme le martèle notre jeune chef de l’État , qu’attendons-nous pour nous mettre en situation de faire la guerre ? Les mots du président de la République, s’ils ne sont pas suivis d’effets très vite, apparaîtront pour ce qu’ils sont : des éléments de langage qui visent d’abord à masquer des velléités d’État. Sur la ligne de crête où se trouve toute la société à l’arrêt, le pire serait de s’enfermer dans les conformismes routiniers.

      Le chercheur marseillais est reconnu internationalement, sa production scientifique parle pour lui. Tout le problème de l’action des pouvoirs publics depuis quelques jours est de sonner le tocsin mais de penser que confinée, Troie se sauvera. Le confinement est une drôle de guerre, une ligne Maginot à travers laquelle l’indiscipline des uns et la pénurie des moyens sanitaires se faufilent pour déstabiliser toujours plus la ligne de front. Le temps joue contre l’action de l’État : la course de vitesse est double, à la fois contre le virus qui progresse mais aussi contre la dépression collective qui guette.

      Nos dirigeants ont-ils mesuré les conséquences mortifères de la longue claustration, ponctuée d’un discours répressif, qu’ils entendent imposer aux Françaises et aux Français ? Les dégâts économiques seront considérables - c’est un fait avéré ; les implications sur l’esprit public, la cohésion de la société et les institutions le seront tout autant. Imposer des sacrifices à une Nation exige en retour de lui ouvrir des perspectives d’espoirs.

      Déjà les questions se posent : si nous devons faire la guerre, pourquoi ne pas mobiliser des moyens de production exceptionnels pour produire des masques en masse et généraliser les tests de dépistage ? Pas de guerre sans économie de guerre. Pas de mobilisation sémantique sans une mobilisation générale de l’appareil productif afin de combattre. Si nous sommes en guerre, pourquoi maintenir l’ouverture des frontières, quand nos voisins les ferment ? Comment adhérer au confinement de chacun d’entre nous quand le pays demeure ouvert sur ses marchés ? Il existe aujourd’hui un hiatus entre la rhétorique et l’action publique. Cette dernière est en deçà de sa communication. Et la communication est un pantin désarticulé si elle en reste au stade des intentions. À l’épreuve de la durée, l’unité nationale « fragilissime » se fissurera inévitablement , volera en éclat. Il ne suffit pas de dire, il faut faire maintenant. En s’abritant derrière la rationalité scientifique qui est toute nécessairement de débats et confrontations argumentaires, l’exécutif indexe sa capacité d’agir sur le temps de la science. Prendre, mutadis mutandis, la lente maturation de celle-ci, c’est s’empêcher d’agir.

      Clemenceau en son temps avait justement dit que « la guerre est une affaire trop sérieuse pour être confié aux militaires. » Le Tigre avait agi en politique . De Gaulle, en juin 1940 aussi. Qu’Emmanuel Macron agisse ainsi également et vite, car un peuple enfermé est comme « un roi sans divertissement ». C’est « un homme plein de misères »...

    • Le président du groupe « La France insoumise » a appelé à rompre avec le modèle de l’égoïsme social et à préparer un monde qui mettrait au sommet de sa hiérarchie des normes « l’intérêt général, le salut commun, l’entraide, la planification écologique ». Il a également expliqué qu’il fallait réquisitionner les entreprises nécessaires à produire les masques et respirateurs dont le pays a besoin et à laisser les ouvriers et salariés organiser les chaînes de la production.

      Jean-Luc Mélenchon a aussi invité à garantir le revenu, le logement et les fournitures de base nécessaires à la vie pendant le confinement. Mais aussi à faire contribuer les plus riches par le rétablissement de l’impôt sur la fortune et par la mise à contribution des revenus du capital.

      https://www.youtube.com/watch?v=tYL1c4jGrrQ